Pourquoi ne pas y avoir songé avant ? Bien entendu que Kiyoshi se défendrait comme un beau diable pour faire ce qu'il voulait dans un premier lieu, surtout dans une telle situation de crise. À avoir voulu le tirer de là, Mikado n'avait fait que le déranger, ajouter une difficultés de plus dans ce chaos ambiant.
Il ne s'en apercevait que maintenant. Une erreur de jugement, pas franchement réfléchie dans le feu de l'action. Ce n'était pas pour lui que Kiyoshi avait bravé cette émeute. À le voir toujours aussi agité, il devait y chercher un autre visage, mais c'était hélas celui du métisse qui avait surgit en premier. Qui l'avait éloigné de son but en espérant bien faire, à le tirer d'un tumulte, d'une vague qui pourrait l'emporter au loin. Une foule était dangereuse, dénuée de raison et d'empathie. Et pourtant, Mikado restait silencieux après ça, se décidant à le relâcher pour qu'il fasse ce qu'il lui semblait juste, indispensable, primordial. Il n'avait fait que le ralentir, lors de longues secondes. Leur route n'aurait pas dû se croiser, tout comme leurs regards. Immobile, ses épaules se baissaient. Il se contentait de le laisser s'éloigner, d'accepter son rôle de personnage secondaire, n'ayant pas son mot à dire sur sa prise de décision, quand bien même il aurait voulu que Kiyoshi demeure à ses côtés lors d'une telle catastrophe comme celle ci. Comme quoi, il y avait des évidences dont on prenait conscience dans les pires moments.

Mikado se laissait toutefois enlacer, grimaçant à peine alors que cette étreinte se faisait de plus en plus plus forte autour de son cou. Il faisait si pitié que ça au point que Kiyoshi ne revienne sur ses actions ? Il gardait l'équilibre pour eux deux, n'osant pas le toucher comme il pouvait le faire en raison des règles qu'il avait explicitement formulées. La panique lui avait fait oublier ses principes, parce qu'il était aisé de deviner que le Yatagarasu en avait besoin pour faire face à ces évènements.

« Hey Kiyo', je suis persuadé que tout le monde va bien. Il ne doit y avoir aucun blessé grave. Te fais pas de mouron. »

Mikado affiche un sourire désolé, culpabilisant un tantinet, comme si tout ce qui se passait était de sa faute. Sa mine se voulait néanmoins rassurante à l'égard du plus jeune. Comme si la situation était entièrement sous contrôle.

À mesure que les secondes passent, Mikado se sent comme défaillir, fondre doucement alors que la réalité l'étreignait un peu trop fort. Ses orbes bleutées demeurèrent basses en dépit de ses efforts, comme si elles fixaient un mauvais plis de la tenue de Kiyoshi au niveau de son bassin. Pourquoi ne parvenait-il plus à faire semblant soudainement ? Il était habitué à être une pièce rapportée. La seule différence aujourd'hui était que la situation était grave, vu l'état d'alerte. Le danger semblait être passé, et c'est peut-être pour cela que des détails beaucoup plus insignifiants occupèrent l'esprit du métisse. Il demeurait ainsi, ne sachant que faire des doigts de Kiyoshi entre les siens. Tout ceci semblait forcé, comme s'il suscitait une certaine pitié, un sentiment qui ne lui plu pas du tout.

« Écoute. Je suis persuadé que quelqu'un d'autre à besoin de toi actuellement. Je peux m'en sor-... »

Il déglutit difficilement, obligé de stopper sa phrase quand ses yeux se lèvent enfin pour se focaliser sur l'horizon de l'océan. Comment avaient-ils pu oublier la conséquence d'un tel tremblement ? Son cœur s'emballe bien trop soudainement tandis que sa main serre enfin franchement celle de Kiyoshi. Et il entend les paroles de sa préfète qui sont complètement inconscientes selon lui. Aller dans un terrain dégagé pour fuir un tsunami ? Même le plus puissant des sortilège de protection ne serait pas à son avantage dans un tel lieu. Il fallait éviter le moindre débris ramenait par les vagues. L'école ne semblait pas être le meilleur des abris, mais il le serait toujours plus que là où la foule comptait aller.
Le ton de Mikado se fit soudain plus autoritaire, fronçant les sourcils devant l'illogisme de la chose. Il fallait suivre un professeur capable de puissants enchantements pour faire face à des vagues de plusieurs mètres et espérait y survive. Sa poigne contraste avec la douceur du noiraud, comme s'il cherchait à le secouer pour se rassurer d'une chose.

« C'est quoi cette idée ?! Ne me dis pas que tu vas les suivre docilement, c'est de la connerie pure, on est d'accord, hein ?! »

Le temps pressait désormais. Il fallait vite se mettre à l'abri, car le choc qui les attendait allait être violent. Décidé, Mikado était prêt à rebrousser chemin. Qu'importe les ordres du personnel, son instinct de survie lui dictait d'atteindre les sommets de la tour, avec l'espoir de croiser un balai sur le chemin.

Devenait-il fou à penser les choses différemment ou était-il le seul type un peu sensé ici ? Un raz-de-marée, visiblement magique de par son immensité, se dirigeait droit vers eux, et la seule chose que les gens trouvaient à faire, c'était d'aller dans une clairière ? Mikado aurait voulu se mettre en travers, tentait de résonner ce troupeau agité, en reconduire le maximum à l'intérieur dans les hauteurs. Mais avait-il seulement la bonne solution ? Il n'était pas persuadé d'être un exemple à suivre, il n'avait jamais été préfet ou chef d'équipe après tout. Il aurait dû tenter, se prendre par la main et espérer sauver au moins une ou deux personnes ?
Une nouvelle pression autour de ses doigts le retient, le fige, l'empêche de se faire entendre et lui fait à nouveau réaliser le danger imminent qui leur arrive dessus. Le bleu de ses yeux prend le dessus sur ses pupilles alors qu'il réalise ce qu'affirme Kiyoshi. Il ne peut pas être sérieux, quand même ? Quels professeurs ? Il faut se réfugier dans un endroit qui apportera une protection physique avant qu'elle ne soit magique. Son avis était tranché.

« Foutaise ! Il n'y a aucune organisation, la vague aura eu raison d'eux avant que la moindre proposition soit faite... ! »

C'était... Hard de penser ainsi, à sceller le destin d'autrui. Mais il cherchait visiblement les mots qui choquerait son ami à prendre une décision rapidement. La sienne.
Du bon sens, mais qui divisait déjà les deux compères. Pour Mikado qui avait toujours accepter les choix du noiraud, il doutait de pouvoir en faire autant aujourd'hui. Il ne pouvait pas le laisser prendre la poudre d'escampette maintenant car sinon, il n'était même plus certain de le revoir un jour.Cette pensée le percutait aussi violemment qu'aurait pu le faire la première vague de ce qu'ils s'apprêtaient à vivre. Si Kiyoshi venait à mourir ici, maintenant, parce qu'il ne se serait pas montrer assez ferme pour défendre une idée qu'il savait juste, il s'en voudrait tout le reste de sa courte existence. L'idée de ne jamais retrouver son corps flottant, offert à l'océan. Est-ce que son manque de confiance en lui devait se payer par la disparition pure et simple du Yatagarasu ? Si Kiyoshi rencontrait par hasard le ou les personnes qu'il cherchait depuis le début, alors seulement à ce moment là, le métisse céderait à le laisser partir.

« Tu viens. »

Un ordre, simple et clair. Il ne se défait pas de son emprise et compte sur cette dernière pour qu'il le suive bien docilement sans le lâcher, tandis que Mikado commençait à braver une foule stagnante, qui était à la recherche d'une directive sûre à suivre.

Mikado ne parvenait plus à avancer. Il n'avait fait qu'un pas et pas un de plus. Kiyoshi agissait comme une ancre avec lui, un âne qu'il ne parviendrait pas à faire avancer. Le métisse essayait tout de même, employant sa force pour tenter de le faire bouger dans la direction qu'il avait choisi. Son bras le tirait, tentant de vite se remettre des coups d'épaule de ceux en contre-sens. Ils étaient en train de perdre du temps, c'était évident. Pourquoi ne lui faisait-on jamais confiance au juste ? Pourquoi vouloir faire comme ce troupeau de mouton qui fonçait droit dans un précipice ? Les arguments de Kiyoshi n'étaient pas convaincants pour lui. Compter sur les autres, sur le personnel qui n'en était pas à sa première bavure. Il suffisait que les places soient restreintes et les sang-purs seraient les premiers à être sauvés, tout comme cela avait toujours été le cas pour le moindre naufrage. Ni Kiyoshi, ni lui, ne faisait parti de la liste des privilégiés.

« Je peux très bien te protéger aussi ! »

Il cessait de tirer en réalisant qu'il avait parlé bien trop fort, se surprenant lui-même. Qu'importe si tout le monde l'avait toujours vu comme un idiot. Il était bon en magie et maîtrisait les sortilèges de défense et de protection comme personne. Tout ceci était peut-être vain. Il s'était promis de respecter le choix de Kiyoshi, sans avoir réellement prévu qu'il serait contraire au sien. Au final, s'il mourrait seul comme un grand en choisissant de revenir dans l'école, ça ne serait que la conséquence de sa bêtise, son cadet n'avait pas à en faire les frais.

« Au fond, tu as toujours été à peine plus malin que moi, de toute façon. »

Mikado prenait alors une grande inspiration avant de faire face, plus calmement, à son interlocuteur. Il affichait un sourire désolé en se redressant, sa poitrine se soulevant et s'abaissant sous la crainte qu'il ressentait, vis à vis de cette vague qui donnerait raison à l'un des deux seulement.

« On se reverra. » Il l'attire sans peine à lui cette fois, le prenant au dépourvu dans une ultime étreinte. « Parce que j'aurai un truc vraiment important à te dire. »

Son torse fut secoué un tremblement qu'il ne parvint à maîtriser, agissant comme un coup de jus pour s'éloigner de Kiyoshi. Il lui caressait brièvement le dos de la main du pouce, s'excusant silencieusement, avant de se séparer de lui pour prendre la direction que son instinct de couard lui dictait. Qu'importait l'avenir maintenant, Mikado savait d'ores et déjà qu'il faisait une erreur qui lui pesait déjà sur la conscience. Il se trouvait détestable en tout point, prêt à se faire vomir de l'image qu'il avait de lui-même, se demandant bien ce qu'il ferait, une fois seul sur le plus haut des toits.