— MAHOUTOKORO
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<solo> from a place beneath my ribs
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Anonymous

nothing is hopeless;
le marbre lui enlève toute auréole. les longues tours le rendent petit et insignifiant ; les questions grignotent sa sanité à coup de bouches en forme de points d'interrogations qui n'attendent qu'à devenir exclamations. kiyo ne sait plus trop -il y avait un yokai. il était grand, juré, et il suintait la magie par tous les pores ah si vous l'aviez vu ! vous auriez frissonné aussi, et dès qu'il est apparu c'est devenu la fin du monde, et il n'a fait que se défendre il a tant lutté -si vous saviez.
si vous saviez (il n'a fait qu'essayer de se sauver dans un monde qu'on lui a toujours dit rempli de charybde et de scylla, et de sirènes aussi faibles que des morceaux de sucre mais ah ! si belles et si rebelles qu'elles ne comprennent pas pourquoi ce n'est pas sa faute s'il est plus pur plus limpide plus royal, regardez ses cheveux ses yeux sa peau délavée à une potion bien tombée pour enlever toute trace d'impuretés)
si vous saviez (comment ils se sent, là, abandonné sur les marches d'un ministère qu'il n'a jamais visité, qu'il imaginait arpenter dans quelques années, qu'il plaçait en rêve alors qu'il ne s'agissait encore que d'une ombre, que d'une ombre que d'une ombre même pas un cauchemar juste des vers qui vous glissent dans les oreilles et qui vous infectent sans que rien ne transparaisse et)
si vous saviez (les fourmis elles sont encore là parfois il les voit en tâches sur ses pupilles sur sa rétine et il frotte ses yeux jusqu'à sécréter de ce liquide informe qui goûte le sel et la fin, et sa paume est bandée ça ne l'empêche pas d'aller titiller la peau de ses ongles cassés de ses vêtements sales de ses idées noires)
si vous saviez (combien il n'a pas attendu longtemps mais que ça lui a suffit pour se ronger les sangs, s'acharner sur ses doigts déjà décharnés sur cette plaie encore suintante et ses pensées qui disaient c'est fini ils t'ont abandonné et il ne savait même pas qui il visait parce que vraiment est-ce si important ? il y a eu des morts et il y a des vivants et n'importe qui il vous l'aurait dit, ç'aurait été suffisant)
si vous saviez.
si vous saviez l'effet de cette silhouette dans ce grand hall -petite, un peu rabougrie, le cheveux gris et les mains croisées sur cette canne laquée ; pieds parallèles et bien ancrés.
il n'a pas souri, le chef de famille. il a tendu sa main, elle qui tremblait un peu depuis une dizaine d'années, et il a dit :
viens, kiyo, mon enfant. on rentre.
et le gamin attend que l'illusion s'en aille, qu'elle rit en s'effaçant, mais elle reste -alors il se lève, hésitant, pas à pas, doucement, plus vite, plus rapidement, en courant, pour finalement lui attraper les doigts.
son grand-père le serrera dans ses bras.
we must hope
yokohama est une ville qui fourmille. au loin, d'aussi haut, les voitures ne ressemblaient à rien, et kiyo, paumé dans ces pièces toujours trop grandes, ne s'était pas perdu dans les toiles contemporaines qui pendaient sur les murs. l'immeuble était moderne -hiro ninomiya a toujours été plus en phase avec son époque que son fils, et son petit-fils avait hérité de ce dernier son non-intérêt pour une quelconque trace de culture occidentale ou américaine.
par contre ! il avait de la tendresse, et de la patience, et de l'attention à donner à son aïeul. quand il s'assit enfin, c'était comme si le poids de l'âge avait chuté avec lui -mais doucement, comme une plume, juste à ses côtés, d'une vieillesse pas près de l'abandonner mais largement pas indésirée.
de ses yeux couleurs fauves, presque entièrement fermés par les rides, hiro voyait encore très clair. quiconque croisait ses pupilles le savait.
on ne s'est pas vu depuis longtemps. il attendit quelques instants, mais aucune réponse ne fut formulée.
de sa poigne tremblante, hiro accrocha l'épaule de son héritier -de son petit fils, de son sang, d'une de ses fiertés. je crois que j'ai manqué à mes devoirs auprès de toi et d'hideyoshi. il soupira. hiro prenait toujours son temps pour parler, découpant chacun de ses mots dans un rythme forçant l'écoute. surtout de toi. ses iris brillaient toujours d'une étincelle de malice, mais cette fois-ci, peut-être était-ce autre chose. il faut que je te le dise avant que tu ne l'apprennes autrement : ton père s'est enfuit. il est introuvable pour le moment. et, à nouveau, le silence cueillit sa révélation. kiyo avait le regard fixe des gens qui hésitaient entre essayer de comprendre, et remettre tout à demain. j'imagine que tu le savais, mais il tenait un haut rôle au sein de partisans de yuutsu. la révélation publique de ses membres a dû précipiter sa décision. sa poigne se fit plus ferme, comme pour tenter de ramener l'autre âme de la pièce avec lui, dans ce canapé. tu dois t'en douter, cela n'est pas acceptable pour nous. et sa voix, aussi douce fût-elle, fit courir un frisson le long du dos de kiyo.
il tourna enfin la tête.
et on voyait, dans son regard, tous ces derniers mois.
toute la peine,
et toute la rage,
et toute la lassitude.
hideyoshi ne fait plus partie de la famille.
il n'attendait qu'une chose : qu'on lui dise que c'en était fini.
mais toi, kiyo, tu en es l'avenir.
il n'attendait qu'une chose : qu'on lui dise que tout allait bien se terminer.
et désormais tu sera sous ma protection. d'accord ?
le muet garda le silence en allié, ne pouvant empêcher ses sourcils de se froncer pour accompagner les perles qui roulaient sur ses joues. il acquiesça. les diamants coulaient en rivière jusqu'à son cou -gros, réguliers, perçants.
il faudra que tu t'en montres digne. il savait ce que ça voulait dire -face à jun, et face à maya, et face à rui (et face au monde). si sa gorge n'était pas si sèche, et si ses mots n'étaient pas si lointains, et si ses pensées n'étaient pas juste des couleurs, il aurait dit donne-leur les responsabilités et laisse-moi m'endormir sur tes genoux mais kiyo, il a encore des fourmis dans la trachée des nids dans les poumons des œufs dans les alvéoles.
mais d'abord il faudra te remettre d'aplomb. ça te dit, un film et du popcorn ? et ses doigts devenaient papillons, à s'envoler pour remettre en place des cheveux jamais vraiment domptés. va prendre un bon bain chaud d'abord. je vais préparer ça. il embrassa son front, comme un fantôme de paternel.
for everything.
le manoir l’accueille en craquant. c'est un jour venteux à kyoto, de ceux qui obligent les enfants à rester chez eux. kiyo, lui, s'en ira dans l'heure : il ne fait que prendre des affaires, et laisser des souvenirs, et essayer de s'en sortir.
sa chambre est toujours pareille : terriblement vide. du sol de tatami aux murs vierges, du futon plié dans l'armoire à l'aircon qui ronronne, les baies vitrées restent placides face aux kami qui se déchaînent dehors.
ses pieds nus sont glacés, mais il n'arrive pas à bouger, juste un instant, parce que cette chambre lui paraît soudainement comme un symbole d'éternité (celle qui vous enferme dans du verre et qui retourne le sablier juste pour que vous continuiez à tomber). une boule dans la gorge, il s'avance ; va chercher quelques vêtements qu'il était sensé récupérer. qu'y aurait-il d'autre ? le reste a brûlé à l'école -sa peluche, ses plantes, hagi.
hagi.
la nuque se brise d'un coup, emportée par ces peines qui l'entraînent vers le sol.
il a besoin de partir d'ici.
et alors qu'il traverse cette salle où trône la fameuse table -cette énormité de bois massif, inutile, impressionnante, jamais plus remplie qu'à un quart-, c'est un autre fantôme qu'il croise. une silhouette fragile, dans sa robe bleu marine, fine comme il ne devrait pas être permis -le visage émacié, des cernes jusqu'au sol, ses cheveux brillants en contraste constant.
il a tant de couleurs qui viennent, mais toujours aucun mot. aucune explication pour ces années où il a préféré lui faire subir un double courroux plutôt que simplement celui de son mari, aucune mention de ces piques qu'il envoyait pour mieux se sentir.
elle sait que ça n'a pas fonctionné, et elle aurait espéré, pourtant, qu'il en ressorte victorieux plutôt que comme ça -décharné, blessé, coupé de tous côtés.
ils se sourient, d'un bout à l'autre de la pièce, de ces rictus aux lèvres fermées qui contiennent des peines qui ne sont pas encore prêtes à couler. de ces empathies qui les ont toujours rendus un peu prisonniers, de leurs silences de leurs honnêtetés de leurs manières à toujours prendre les pires décisions et de s'y tenir.
oh, elle savait. elle comprenait. elle attendrait. elle s'en irait, quelques jours, quelques mois -elle verra.
ce n'était pas encore le moment. bientôt. plus tard.
je crois que tu dois y aller. elle lui ouvrait toujours toutes les issues de secours qu'elle pouvait forcer, de son peu de mots, de sa figure effacée, éraflée, oubliable. mais je voulais que tu saches que kyoko est en sécurité. elle est bien, là où elle est. elle va y rester un moment encore. il ne faut pas que tu t'inquiètes pour elle.
et elle est partie, sa mère, en un instant ; mais elle est restée assez pour lui décaper le cœur pour enlever quelques bouts qui l'empoisonnait oh et il se sent si vide, sans toutes ces vipères -qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire ?
c'est si grand et si désert (ça souffle, ça souffre).
everything.
il ne dort toujours pas beaucoup. il regarde les autres fourmis, celle qui clignotent et qui vont vite ah si vite, et sa main ne gigote presque plus sans qu'il ne s'en rende compte, et ses poumons se sont calmés ah ils ne veulent plus osciller entre respirer et arrêter ils se contentent de suivre la cadence et parfois c'est trop demander mais souvent -ça va.
ça va.
il n'y a pas les bruits de la ville derrière les vitres de l'immeuble, il n'y a que le soleil qui passe et on dirait qu'elles gardent même les mauvaises idées en-dehors de sa sphère ah qu'elles filtrent tout ce qui pourrait encore le blesser, l'empêcher de cicatriser, continuer à le tourmenter.
sauf aujourd'hui, visiblement -il est tôt, encore, mais hiro est un travailleur de toujours et il s'est habitué aux pas de kiyo de si bonne heure.
il l'attend, c'est évident.
à côté de son matcha matinal, des dizaines de journaux s'alignent sur la table de fer. ils sont tous adroitement rangés, du plus petit au plus grand, fermés, comme si leurs secrets avaient beaucoup de dégâts à faire. bonjour, kiyo. tu as bien dormi ? et de son mutisme effarent, l'enfant ne répondait que d'un oui qui se voulait non, de ces réponses en demies-teintes qui au fond n'importaient pas vraiment. très bien. ses ongles accrochent un angle de papier blanc. il veut parler, il cherche juste quelques mots. en quelques jours, kiyo l'a compris.
mieux vaut que tu sois au courant, alors regarde, veux-tu ?
il ne voulait pas, le gamin, il voulait juste continuer à vivre dans cette bulle dans le ciel et tant pis pour le reste -il voulait faire comme si le temps ne s'écoulait pas, et qu'importe s'il restait prisonnier cette fois-ci.
mais sur la table, ce n'était pas ses choix.
les articles étaient soigneusement découpés, pas un centimètre de côté, et les titres étaient unanimes. des héritiers chez les partisans. hideyoshi introuvable. les ninomiya coréens. des enquêtes au ministère. des élèves qui s'attaquent entre eux.
oh, il n'y avait que des questions, pas d'affirmation. mais depuis quand le monde se souciait de s'assurer de la vérité ?
d'autant plus quand de toutes manières elle était avérée. il savait qu'on les traitait de menteurs, ces élèves qui sont restés trop longtemps sous l'eau et ah, pour une fois, on dirait que ça suffit. alors mieux vaut se rabattre sur d'autres choses. des petites choses fragiles. comme un adolescent qui n'est plus sûr d'avoir une conscience.
je pense que tu ferais bien de passer un peu de temps avec tes amis. tu ne crois pas ?
il acquiesça. il savait ce que son grand-père voulait dire. (ne sois pas tout seul)(reste avec des bonnes personnes)(assure toi qu'ils sont les bonnes personnes)(prends le temps de retrouver le monde)(soit prêt à t'y faire écraser)(mais pas trop non plus)(arme toi de bonne compagnie)(ne reste pas seule)(ne laisse pas le temps te mâcher te dégommer t'engloutir tout entier)
oui, je crois que ça serait bien.
sa main se fait recouvrir par des doigts d'os et de rides. elle est si tendre. si honnête.