— MAHOUTOKORO
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lost it to trying (kaguya)
Reimi Tsukino
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Citation : et l'homme saigné noir à ton flanc souverain
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Orochi
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Reimi Tsukino
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Reimi Tsukino
what will we do now 10 février 1998.

L’aliénation reposait, je pense, entre mes côtes. Elle les poussait à chaque inspiration, faisait geindre l’os dans le moindre de mes souffles ; injectée dans mes artères sous la parole vénérée d’un patriarche dégénéré, la religion bafouée au profit de la fantasmagorie vaniteuse. Je n’étais pas victime : j’étais complice.

J’avais vu le mensonge sur la lèvre de mon frère, je l’avais cerné dans l’émail de ses sourires fragiles. Ainsi que la folie s’était lovée tout contre mes poumons, le scepticisme avait pris place dans son aorte et y faisait rage ; son corps avait fini par protéger son âme, le cloisonnant dans un pays trop lointain pour les maximes déliquescentes de notre père.

Et il n’avait fallu qu’un jour — qu’une vérité monstrueuse pour que s’écroulât le monument de ma foi. Ses pierres n’avaient pas délicatement été retirées, une à une ; elle, impétueuse et destructrice, les avait broyées si cruellement qu’il n’en restait que des décombres sanguinolents. Si elle existait, si la déesse flambait avec tant de superbe sous mes yeux, matérialisée par un seigneur qui m’avait déjà tant coûté — qu’étais-je ?

Aussi m’étais-je mise à douter, et de ce doute avait surgi la haine. La rage, rouge, brûlait d’arracher la peau brune de mes bras, rongeait celle cerclant mes doigts comme un animal furieux. Le trou qu’avait creusé l’absence de magie en mon sein n’était qu’une preuve de plus des chimères paternelles, et je m’effondrais dans la condition mortelle que l’on m’infligeait alors. Le seul repos, la seule certitude résidait en ta présence, en ta dévotion, et je les avais cherchées dans la fièvre d’un rêve éveillé. J’avais tu les nouvelles, avais chuchoté à ton oreille qu’ils étaient tous d’impies menteurs, alors même que ma volonté s’effritait entre leurs crocs.

Le soleil revint, et avec lui la bête folle qui grattait le fond de ma gorge. Elle cherchait à sortir, et je ne pouvais l’en empêcher plus longtemps ; qu’il s’agît de désespoir ou d’amour, peu importait. Je te guidais jusqu’aux fonds du Mont Fuji. Là, j’espérais trouver le pardon pour ce que je m’apprêtais à faire.
C’était un lieu sauvage, et la fébrilité de mon cœur faisait écho à celle des feuillages malmenés par le vent. Entre deux arbres, entre deux souffles, je m’animais. La dernière fois que l’hésitation m’a accablé, tu m’en as extirpé. Je te dévorais du regard, et ne voyais dans tes yeux que le reflet d’un monstre.

Aujourd’hui, c’est à moi de te sauver. Ma gorge se serrait, mes griffes plongeaient sans pitié dans la carne tendre de mes paumes. Fais-moi confiance. Tout n’était que tromperie, et fantasmes d’un homme faible. Et n’était-ce pas là la genèse de toute chose ? La fragilité d’un être jaloux, le désir de se distinguer d’une masse infâme et les relents miasmatiques du narcissisme forcé ? J’éclatai d’un rire tremblant, le bras agité de spasmes. Je t’aime, Kaguya. N’en doute jamais. Ce que j’observais, dans les traits de ton si doux visage, c’était la même démence qui luisait dans ceux de mon père. Mais ce qui lui manquait, ce qui te distinguait, c’était la candeur d’une enfant qu’on n’avait voulu voir grandir ; sélénite de cœur, à défaut de corps, j’étais prête à tout pour te protéger de la réalité qu’on m’avait imposée.

Appelons ça la dernière étape. J’embrassai ton front, tes joues, la pointe discrète de ton nez — je soufflai contre tes lèvres la consécration de mon amour, insufflai dans leur creux si familier tout ce qu’il me restait de cruel. De ma manche glissa celui d’un kaiken, la lame semblant presque tinter sous les rais du soleil ; je continuai, quiète, de presser mille baisers sur ton visage et, d’une main piteusement libre, te serrai contre mon corps rachitique.
Il n’y avait rien de beau dans mon geste. Je le savais nécessaire, le considérais inévitable lorsque le fer s’enfonça sèchement dans la chair, qu’il creva la peau et l’intérieur ainsi qu’il s’agissait d’un bout de tissu négligeable. Ta chaleur — jadis dorée, et ce jour-là d’un vermeil accusateur — salissait mes doigts comme mes parures, et leur faisait écho la liquide transparence de mes larmes.

Si la divinité m’était refusée, je la forcerais entre tes os. Je jetai l’arme et enroulai des bras tremblants autour de toi, dans une inspiration grelottante. C’était la seule solution, je murmurai dans tes cheveux, va sur la lune, retrouve-les, et attends-moi. Je te rejoindrai, je te le promets. Cet univers qu’ils avaient brisé, ta seule existence le maintenait — cette foi qu’on mettait à l’épreuve, la tienne la surpassait — cet amour que tu me vouais, de toute mon âme, je le réciproquais.
À terme, une fois sûre que tout ce qui subsistait entre mes bras était ma culpabilité, je sanglotais.
luminescence;


Invité
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Anonymous
is this what i get for loving a god?
Reimi, dites-moi, ai-je réussi ? A faire de vous plus que tous les Hommes ?
Il ne s’agit plus de divinité. En a-t-il jamais vraiment été question ? N’était-ce pas qu’un prétexte digne d’emmêler nos vies ?
Le soleil ne m’a pas manqué. Je n’en ai pas besoin lorsque mon souffle s’expire à vos côtés, dans ce pays, sur cette planète. J’ai survécu les mois de votre sécheresse, et les mois sous cloche d’eau -dieux ! même la Lune n’a su être désirée, et mes inquiétudes n'étaient pas en faveur de cette patrie lointaine. Je ne connais la peur que par procuration, et aujourd’hui c’était vos os qui tremblaient ; de ces tonnerres ne coulaient aucune pluie.
Le Soleil est descendu sur cette terre, et, par cette présence ridicule, négationne une existence de pureté, d’idées, de dévotion. Si vous me l’aviez demandé, je vous aurais signifié que je n’en croyais rien, mais vos mots ne semblaient plus arriver jusqu’à mon oreille. Le silence n’est plus inhabituel entre nous, et rien que cette fois, peut-être aurais-je dû élever ma voix sans attendre votre venue.
L’aube est fraîche. Les rayons retrouvés ne sont plus enflammés de cette certitude rassurante, fondamentale, désirée. Il n’y avait à vos côtés que le plein de l’air, et j’aurais espéré que le vide, que les mots forment, vienne jusqu’à moi. L'ascension ne fut pas complexe. Il semblait évident que la difficulté résiderait dans la descente.
Mes yeux n’avaient que faire du paysage. Le Japon à mes pieds était d’un désintérêt flagrant. L’aphasie entre nous écrasait tout le reste, et si j’avais été à votre hauteur, si j’avais eu de quoi être votre plus fidèle, alors probablement que les nœuds dans ma gorge  seraient devenus garde-fou. Cela aurait-il changé le cours de l’histoire ? Auriez-vous retenu votre main, au son de mes prières ? Votre esprit se serait-il apaisé, à l’écoute de mes plus profondes assurances ? Je l’ai imaginé si fort, et n’en ait dit mot, espérant votre invitation. Je voulais y croire encore.
Ma pensée si ingénue n’attendait que votre pinceau pour devenir chef-d'œuvre. Je soupçonnais un appel à la guerre, un début d’invasion, une révolte totale. Après tout, s’Ils sont venus ici, alors le takama-ga-hara est libre. N’est-il pas temps de prendre votre place ?
J’aurais dû le dire ; l’hurler ! Et moi qui ne rugit jamais, je laissais mes voix se perdre dans vos déclarations.
Je n’ai jamais hésité. Soyez-en sûre, et restez-le longtemps. Pour toujours ! aurais-je pu affirmer, si le trouble de vos yeux si sûrs d’eux n'étouffait pas tout début de flamme en mon sein. Je n’ai pas besoin d’être sauvée, aurais-je pu signifier, si la réalisation qu’induisit cette déclaration n’avait pas percé mes poumons avant toute autre lame.
C’est votre rire qui me poignarde vraiment. La sidération m’enlève tout libre arbitre, elle m’inflige des larmes que je ne veux porter. Si j’avais pu ! si j’avais le courage, j’aurais crié : qu’importe si nous ne sommes pas sur la bonne montagne ! Et qu’importe s’Ils sont déjà là ! Et qu’importe si mes traits changent ! Si nos magies s’en vont !
Nous sommes ce que nous avons toujours été.
A-t-il jamais vraiment été question de divin ?
Ah, l’aube est fraîche. L’eau stagne sur mes cils. Je n’en ai jamais douté. Est-ce que tu arrives à entendre les mots qui ne sortent pas ?
J’attends, et je suis terrifiée.
Fais,
et fais bien.
Tu as raison. Je n’ai pas ta vaillance. L'égarement m’a fait sienne il y a bien trop longtemps déjà. Je ne supporterais une nouvelle page blanche, une cellule capitonnée aussi minuscule que ma tête.
Je crois que j’ai compris depuis longtemps.  Je crois que c’est toi qui m’a sauvé de l’aberration par l’insanité.
L’aube est fraîche. Sa froideur s’invite à l’intérieur.
Le geste n’est qu’un fait. Il ne raconte rien ; ne saurait être affublé d’une quelconque autre désignation.
Je suis si désolée. Ne t’ai-je pas obligée ? Regarde : c’est ton bon cœur qui vient au bout du mien. J’aurais voulu parcourir ton visage une fois encore, et encore une autre. J’aurais voulu arrêter mes larmes pour pouvoir détailler tes traits encore, et encore une fois. J’aurais voulu que les astres s’en aillent, et nous laissent seules dans l’univers. J’aurais voulu que tu sois la seule à me pleurer.
Tu seras soleil. Si pas celui du monde, le mien toujours. Quel est ce genre de monde qui donne des rêves qu’il sait insensés ?
Tu m’avais promis la Lune. Je te pardonne d’avoir failli à tes mots. J’aurais aimé avoir le souffle de te le dire. J’aurais aimé te demander, en échange, d’écrire ton rouge nom sur ma tombe sans famille, de mettre mes cendres dans ton futur haka, ou bien d’éparpiller au gré des vents les restes de ce moi qui s’échappe.
Je n’arrive à entendre ton cœur. Les sons s’amenuisent. J’ai peur que tu décides de faire la bêtise de m’accompagner, mais nous savons que tu as encore de grandes choses à faire.
J’aurais aimé être bercée par tes mots, que tu parles sans t’arrêter.
Mais qu’aurais-tu pu dire ? Tout est tragique.
Ne te sens pas coupable : tu me sauves. Je suis si désolée que tu aies eu à le faire.
Ma peine la plus grande est de voir ton chagrin. J’ai envie de rassurer ton âme, de lui dire de ne jamais être triste. Promets-moi de ne pas fuir si je te hante, car seule mon affection m’aura menée là.
Je t’attendrai, mon amour. Prends ton temps pour me rejoindre. Préserve tes mots pour nos retrouvailles. Là-haut, je te montrerai les grands immeubles blancs, et les poussières d’étoiles, et les éclats de ciel.
Qu’importe le céleste. Nous aurons l’infini.
L’aube est fraîche.
Garde-moi au chaud.
Berce-moi encore.