Des années étaient passées et tu avais encore du mal à réaliser que tu étais devenue professeure à l’école où tu avais passé tant de temps. C’était particulièrement étrange, n’ayant jamais eu l’intention d’enseigner ta passion, ton père te voulant seulement femme d’un homme comme l’était ta mère, à ses yeux tu n’avais plus à être toi. Bien que tu avais été mariée, tu n’avais jamais suivi ce principe, celui que ta mère semblait pourtant affectionner. Shion, tu n’avais jamais pu l’oublier, et tu n’avais aucunement été une bonne femme pour Haruka, malgré votre union il était resté ton ami, ton meilleur-ami.

Et jamais tu n’avais été sa femme, bien qu’il dût en être ainsi.

Désireuse d’une vie nouvelle, de se prendre en main, tu avais accepté cette main tendue, prévenant tes amis de ta venue prochaine, sachant que quelques-uns travaillaient à Mahoutokoro. Le seul dont tu n’étais au courant de sa présence était lui, celui qui hantait ton âme, ton cœur. Ce garçon dont tu étais tombée éperdument amoureuse, ce garçon que tu avais perdu, que tu avais pourtant revu le jour précédent. Ça avait été aussi beau que douloureux, le revoir te donnant l’impression de revivre tout en brisant en morceau ton cœur.

Azrael te fait face, lui que tu n’as pas vu depuis maintenant un moment, bien que vous gardiez contact. Il vient d’entrer, te saluant, et toi tu lui offres un sourire heureux : terriblement émue de le revoir enfin.

« Bonjour Azrael, disons que je me souviens de l’école, mais c’est étrange d’y être en tant que professeur maintenant. »

Un sourire, tu t’approches avant de te courber rapidement en avant, tu es vraiment heureuse d’enfin revoir un visage familier, quelqu’un que tu apprécies particulièrement : bien que tu aimes encore Rajan, vos retrouvailles n’étaient pas celles dont tu aurais rêvé.

« Je vais bien, malgré quelques surprises. Et toi, comment vas-tu ? »

Et ton sourire est bien triste maintenant Shion, mélancolique, Rajan.

Le sourire qui peint tes lèvres est baigné de mélancolie, le souvenir de la veille submergeant les autres, Rajan qui se tenait là devant toi, ses mains sur tes joues alors qu’il exprimait le regret d’avoir été la cause de tes nombreuses larmes, toi, trop amoureuse et peinée, venant l’enlacer pour mieux le retrouver : pour profiter ne serait-ce qu’un peu de l’avoir enfin à tes côtés bien qu’il ne soit plus tien. Bien que ce fait te brisât le cœur, le savoir ici était tout de même un bienfait, comme si la vie te souriait un peu, un tout petit peu.

« Je le pense aussi, c’est ici que j’ai vécu les plus belles années de ma vie, y revenir me rend très heureuse. D’autant plus que je vais pouvoir enseigner à des jeunes la passion qu’est l’histoire de la magie pour moi. »

Ce même sourire ne te quitte pas, les réminiscences du passé te sont aussi douces qu’amères. Vos mains liées et vos cœurs en harmonie, ton sourire et celui de tes amis, alors que tu vivais ces jours là de manière si banale, ils te semblaient être aujourd’hui les plus beaux.

« Ce n’est pas de ta faute, peut-être… peut-être que j’aurais fuis si je l’avais su. Je dois y faire face… n’est-ce pas ? »

Une larme te guète, au bord de tes yeux, qui s’humidifient légèrement. Ton cœur te fait mal, mais tu restes souriante face à celui qui te fait face, car tu ne veux pas l’inquiéter, tu ne veux surtout pas l’inquiéter de tes maux et de ta peine.

Ah sacré Takamori.

« Je ne savais pas que c’était une fête pour mon arrivée, mon frère m’a seulement convié pour que je puisse rencontrer brièvement nos collègues. »

Un rire t’échappe, alors que tu acquiesces ses mots.

« C’est une bonne chose, d’autant plus que vous partez une semaine, alors vous connaître me sera bénéfique. »

L’école était tes plus beaux souvenirs, ceux où, amoureuse tu tenais la main de Rajan. Pourtant, jamais tu n’avais songé à rêver d’un autre futur, à vouloir retourner dans le passé pour modifier tes choix : tu avais fait en sorte qu’il puisse réaliser ses rêves, qu’il puisse devenir joueur plutôt qu’employé. Et bien que tu aies dû te sacrifier, arracher à ton cœur ce qui le faisait battre : tu pensais qu’il n’y avait pas meilleur choix.

Tu le pensais, avant.

Maintenant, tu remettais en cause ces décisions, tu te disais que vous auriez pu trouver une solution, mais ton père refusait ton bonheur, refusait que tu puisses l’aimer, lui qui ne serait qu’un joueur de quidditch. Pourtant, le voilà professeur, devenu ton collègue plutôt que ton amant, et ton cœur se serre Shion, à l’idée de n’être plus qu’une parmi d’autres.

D’un signe de tête, tu le remercies de ses propos, le cœur léger un instant, avant qu’une peine immense ne l’enlace, ne l’étouffe.

Non, ce n’était pas une chance de vous retrouver, malheureusement, tu ne savais rien des années qu’avait vécu Rajan, sa famille ne l’avait-il pas fiancé à nouveau après vos séparations ? Peut-être pas, en effet. Et doucement, l’espoir s’immisce dans ton cœur, et tu souris tendrement.

« Qui sait. » Sont les seuls mots qui t’échappent, tu ne veux pas trop y croire mais tu ne peux pas t’en empêcher.

Un rire se perd, et tu poses une main rassurante sur l’épaule d’Azrael, un sourire doux sur tes lippes.

« Il a peut-être simplement oublié de me le dire, mais soit, je ferais comme si tu n’avais rien dit. »

Alors, tu attrapes quelques papiers, continuant de ranger ton bureau, avant de tout déposer, préférant discuter avec ton ami.

« Je l’espère. »

Le temps allait faire son travail, voilà ce à quoi tu pensais, et les paroles d’Azrael, bien qu’éphémère sur votre cas, te donnait un peu d’espoir avec les mots de la veille. Tu avais le sentiment de vivre à nouveau, ici, sur cette île où tu avais passé ton enfance, ton adolescence, et au fond, une très grande partie de ta vie.

A nouveau, tu étais là, à Mahoutokoro, prête à prendre ton existence en main plutôt que de sombrer dans le désespoir qui d’année en année, t’enlace jusqu’à t’étouffer.

Un rire t’échappe à ses mots, tu déposes une main sur son épaule pour le rassurer, que tu saches ou non, ça ne change rien à la surprise dans le fond, tu es tout de même heureuse de l’initiative de ton cadet, ça ne change rien. Au fond, tu te doutes qu’il sera là, et tu appréhendes un peu ces secondes retrouvailles, tout en les attendant avec une terrible impatience.

« J’accepte ton aide avec grand plaisir, mais pas forcément pour mon bureau. Enfin, pas tout de suite, je pense retourner à la résidence afin de prendre un peu de temps pour moi, avant de commencer. »

Un sourire, aussi tendre qu’on le connaît sur ton visage, tu déposes ce que tu avais dans les mains afin de t’avancer dans le bureau.

« J’appréhende un peu, j’essaie de ne pas trop y penser pour éviter de paniquer, n’est-ce pas la meilleure idée ? On y va ? Une bonne douche me ferait bien plaisir. »