— MAHOUTOKORO
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genkai wo koeru | ft. sawa
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De nuit, le monde lui semblait différent. Pas plus beau. Pas plus moche, ni plus effrayant.
Le monde était ce qu'il était ; le gigantesque assemblage de lieux différents, comme une surface censée être assez vaste pour en oublier l'ennui. Le monde était ce qu'il était - cette surface aux belles allures sans profondeur réelle ; ces objets et vies qui n'étaient pas certaines de vouloir exister.

De jour ou de nuit, le monde n'était pas forcément plus beau.

Avec ou sans soleil, avec ou sans espoir, un voyage à la fin déterminée n'avait pas de saveur - surtout quand celle-ci n'étaient pas forcément annoncée. Mais de nuit, le monde avait un charme, quelque chose de différent. Dans ces ténèbres, ensemble de milliers de couleurs, le monde semblait véritablement s'assumer.
En un sens, tout était plus véridique, lumineux ; comme si, à la lueur nocturne de cette heure tardive, chacun vision, chaque son, chaque sensation, chaque saveur se ternissait dans la magnificence d'un temps invisible.  C'est dans ces moments que Akina resplendissait.

Lorsque, au seuil de ces endroits qu'elle traversait à pas feutrés, lorsque, au-dessus de ces visages endormis qu'elle observait en silence, lorsque, curieuse, elle s'enfonçait dans les lieux les plus ténébreux d'une école avec laquelle elle était maintenant si familière.
Le monde, quand elle y prêtait une telle attention, ne pouvait que lui appartenir. Le monde était le centre de ses caprices de l'instant, un intérêt qu'elle nourrissait l'espace de quelques instants, d'une pensée égarée l'une de ces innombrables nuits où, une fois encore, son esprit ne trouvait pas le sommeil.
La seule chose que trouvait son esprit, c'était plus de réflexions.
Plus de questions, plus de problèmes, plus de doutes et de troubles pour une fille bien trop jeune.
Plus de tout, plus de Mal.

Et le sommeil, lui aussi, comme tant d'autres choses, semblait la fuir.

Dans l'école, Akina n'avait pas une grande popularité. Joyeuse et morbide, tactile et dangereuse. Akina exprimait la dangerosité de toute forme de beauté, la liberté désirée par tant d'esprits enchaînés. Les règles du monde avaient formaté toute pensée pour rendre l'impossible inaccessible. À son sens, la seule chose impossible, c'était d'oublier sa simple nature, cette curiosité si intense qu'elle en oubliait de dormir.

Le monde était ce qu'il était ; grand, superficiel, ennuyeux. Malgré ça, elle trouvait le plaisir de se balader, la force d'en chercher un intérêt. Éventuellement, le destin la récompensait.
Parfois. Et ce soir avait des allures de parfois.
Cette silhouette avait des allures de parfois, avec cette crinière ébène, ce visage étranger qui, pour une quelconque raison qu'elle brûlait de découvrir, demeurait éveillé.

« Tiens, tu ne dors pas ? Tu as fait un cauchemar~ ? »
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GENKAI WO KOERU
Rien ne semblait être réellement agréable. Ni la fraîcheur de la nuit, ni la chaleur de la journée. Tu étais dans cet état que tu n'appréciais pas chez les autres, et encore moins chez toi. L'école avait un goût doux-amer, blanc ou noir, et tu allais et venais d'un côté et de l'autre, te laissant porter par la foule des élèves dont tu exécrais la passivité. Tu exécrais la tienne également.

C'est l'insomnie qui vient t'enserrer, repoussant Morphée pour te garder avec elle et c'est avec vivacité que tu abandonnes les draps, faisant miauler Yukio qui semble loin d'être content d'avoir été réveillé dans ce qu'il semblait être une si bonne nuit pour lui. Pas pour toi.

Pieds nus et chemise de nuit sur le dos, tu abandonnes ta chambre en faisant attention de ne pas réveiller tes colocataires. Non pas par acquis de conscience, mais simplement pour éviter une énième dispute que tu clôturerais en claquant la porte. Yukio se frotte à tes jambes, se glissent contre tes pieds, te faisant presque tomber quatre fois. Quelques insultes plus tard, te voilà enfin dans la salle commune lugubre. Tu ne l'as jamais aimée. T'étais pas forcément une grande fan des araignées partout autour de toi.

Tu te laisses alors tomber dans le canapé, récupérant au passage le journal (ou le torchon, tout dépendait comment on pouvait nommer ce journal qui ne donnait jamais de réponses à rien) de la semaine d'auparavant qui traîne encore par tu ne sais quel miracle. A quand les jeux dans ce journal, hein, pour égayer tes nuits blanches ? C'est sans curiosité que tes yeux défilent sur la page des déclarations et des rumeurs. A quand la rumeur sur Hitomi qui faisait pipi au lit en imaginait les Yokais ? Tu pouffes à l'idée. Torchon, c'est bien ce qu'était ce journal.

Quelques noms attrapent ton regard, et tu ne peux que lever les yeux aux plafonds sous les imbécillités écrites sur les pages blanches. Sérieusement ? Rin le fils du directeur ? Et puis quoi encore ? Fils du créateur de l'école, pendant qu'on y était ! C'est ton prénom qui attire ton regard et tu ne peux que lever les yeux au plafond de nouveau en soupirant. Une voix t'interpelle et tu lèves les yeux vers elle. C'est une de tes aînées. Tu ne sais plus quelle année, mais plus vieille tu en es sûre.

« On doit forcément faire un cauchemar pour ne pas avoir sommeil ? C'est une condition sine qua non ? »

Ton regard se pose de nouveau sur le monticule de conneries qu'est la page des rumeurs avant d'abandonner le journal sur la table basse. Tant pis, c'est pas comme si le journal aurait pu t'apprendre quoi que ce soit que tu ne savais déjà, de toutes façons.
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Cette nuit-là, quelque chose différait.
Entre elles, quelque chose différait, par le biais de leurs regards, d’une voix hachée d’ironie, de cette agressivité silencieuse qui leur était propre.

Sawa Yamada.

Des gens présents dans cette école, Akina en connaissait beaucoup - si elle ne parlait que peu aux autres élèves, elle aimait les observer.
Les manies, l’aisance, la façon de parler ; toute cette intelligence sociale qui lui était étrangère, elle tentait d’évoluer, chercher une once d’adaptation envers une humanité qu’elle n’appréciait que doucement à aimer.

Akina était une prédatrice.
Une bête sauvage et solitaire, une incompréhension.

Une force de la nature.

Akina détestait autant que certains pouvaient aimer ; Akina répugnait à la logique, et s’enfonçait dans l’ingras cycle de ses instincts reptiliens. Ainsi, Akina était une girouette de sentiments, une passion aussi forte, en un sens comme dans l’autre. Elle pouvait aimer avec la curiosité d’une enfant, haïr avec la lucidité d’un adulte aigrie ; vivre de tout son naturel inconscient.

Akina était cette expression d’impulsivité. Souvent, les autres n’entraient pas en cause - elle n’était tournée que vers elle-même, avec son seul esprit pour allié, son seul coeur pour ennemi, sa seule âme comme réponse.

Au fond, les autres n’importaient pas.
Sawa n’importait pas.

Et en dépit de cet égoïsme démesuré, elle trouvait en la présence de la jeune Tsuchigumo un soulagement inexpliqué. “Regarde” se disait-elle alors, “tu n’es pas la seule à te morfondre de solitude.”
C’était cruel, elle le savait. C’était injuste, elle s’en moquait.
Elle se raccrochait à cette condescendance comme un lien puissant envers sa cadette, comme l'unique chose qui la faisait ressentir.

« Non, on doit forcément faire un cauchemar pour avoir sommeil. »

Elle répondit presque aussitôt, berçant ses lèvres d’un maigre rictus.

Le cauchemar du quotidien. La monotonie, voilà ce qu’elle exprimait par le cauchemar. Akina détestait l’idée d’une répétition, d’un ennui subjugé par le confort des jours de cette ignoble paix.

On vivait un cauchemar de jour. Et la nuit, on se reposait. Parfois, du moins.

« Et l’ironie, elle, est souvent une condition sine qua non de l’humour. Peut-être était-ce déplacé ? »

Elle fixa sur elle un regard torve, dénué de la moindre ironie dont elle venait de parler. Akina énonçait les faits - aussi simplement que ça.
Akina voulait comprendre.
Elle ne jura que rarement par l’humour, mais de temps en temps, l’étincelle d’une bonne humeur se mêlait à sa curiosité permanente et la rendait presque fréquentable.

Presque. Et un détail, comme toujours, suffisait à tout gâcher.

« Mais tu as raison. Je ne dors presque jamais, sans raison. Et toi, ma très chère, tu en as une ? »
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GENKAI WO KOERU
La réponse au tac au tac te fait froncer les sourcils, ton nez se fronce même sous son rictus. Malgré tout l'amour que tu lui portes, tu n'aimes pas l'ironie quand elle t'est adressée. Elle continue de parler, cette aînée dont tu n'as plus le nom, mais lorsqu'il reviendra, tu te feras un plaisir de ne pas l'oublier.

Un soupir que tu contrôles à la perfection, lui montrant ton ennui alors que tu t'enfonces un peu plus dans les coussins du canapé. Tu es fatiguée d'avance de cette conversation qui ne t'amènera nul part, et qui n'aura aucun but, à part celui, peut-être, de t'enquiquiner.

« Non. Je n'en ai pas. »

Le sommeil t'a fui, Sawa, comme autrui qui te frôle à peine dans les couloirs. Les bras de Morphée, si tendres, ont préférés enserrer d'autres corps que le tien.

Un soupir, que tu ne contrôles pas, cette fois-ci.

Tu aimerais que le sommeil t'attire, tu aimerais te glisser dans tes draps et t'endormir, car la fatigue est présente. Peut-être que tout ce qu'il se passe en ce moment est plus dérangeant que tu ne le pensais ? Peut-être que tout ce qui se déroule sous tes yeux passifs t'énerve plus que tu ne le devrais, et tu rumines, rumines, rumines, en espérant que tes parents te répondent, parce que eux, ils devaient avoir des réponses à toutes ces questions interminables que tu entendais dans les couloirs et qui entraient dans ta tête.

Un regard que tu glisses vers elle. Et peut-être espères-tu qu'elle arrivera à chasser tous les questionnements dont tu refuses l'existence.


hrp : pardon ;; toute cette attente pour ça, je suis désolée ;; j'espère que ça va quand même, des bisous tout plein
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Elle aperçut, entre les ombres nocturnes et l’invisible, elle aperçut, entre les formes dansantes et le feu d’obsidienne d’une nuit dominante, ce qu’elle n’aurait jamais manqué même au sein de mille visages. Elle aperçut ce qui la définissait, sa plus terrible phobie comme son reflet quotidien.
Un regard d’ennui.
Ce monde, à bien des égards, avait les traits d’une monotone mélodie. Elle appréciait les notes délicates du matin, le refrain dansant du zénith jusqu’aux quelques échos nocturnes. Elle appréciait ces jours qui, à mesure des temps, perdaient en saveur ; elle appréciait cette mesure régulière qui semblait ralentir, cet amusement qui semblait dépérir.
Le monde se mourait, tout doucement, jusqu’à ne plus sembler exister.

Le monde lui échappait, et elle ne voyait plus rien - les sourires, l’envie de rire, la haine du monde, du bonheur ambiant, de tout ce qu’elle cessait maintenant de désirer.
Akina n’était pas un modèle de bonheur, elle non plus.
Elle appréciait l’instant parce qu’elle le vivifiait de sa propre folie ; et observer ce reflet, cette crainte et cette image d’elle-même au travers des yeux de Sawa était comme un test auquel elle n’avait pas le droit d’échouer.

« Tu es plutôt du genre passive, n’est-ce pas ? »

Elle s’avança pour l’observer de plus près, malgré la lumière déclinante. Ses pupilles d’or captèrent celles de sa cadette, déchiffrant les sentiments presque stériles qu’elle s’efforçait de masquer. Comme une poupée morbide, elle s’affalait ici, attendant que le monde agisse, change, surprenne ; attendant la mort, faute de mieux.
Elle se pencha sur elle, ses mains appuyées sur les dossiers du fauteuil pour capter la proximité de son visage. Elle ressentit l’électricité entre leurs âmes si proches, le frôlement de leurs volontés.

« Tu attends que les choses arrivent par elles-mêmes. Tu déplores l’ennui, mais tu t’y enfermes. Depuis quand le monde est-il si tolérant ? »

Un rictus flottait sur ses lèvres, annonçant une douce pitié qu’elle éprouvait pour sa camarade. Yeux fendus verticalement en une pupille animale et prédatrice, elle l’observait longuement, ne se cachant pas de la profonde analyse qu’elle cherchait à faire d’elle.
Akina n’employait pas de ton particulier ; se contentant de la simple neutralité qu’elle éprouvait.
Elle-même, depuis toujours, prenait les initiatives d’une demoiselle à la frontière de l’hyperactivité. Elle cherchait ses réponses presque désespérément, non sans un certain plaisir. Akina déplorait l’ennui, elle aussi - mais tout en elle se refusait à s’y laisser couler.

Comment ne pas être rebutée par une telle vue ?
Elle ne connaissait pas Sawa, d’ailleurs, elle avait tendance à oublier la plupart de ce qu’elle savait d’autrui ; mais quelque part, cette impression désagréable, cette âme silencieuse semblait la rebuter sévèrement.

« Même le sommeil ne veut pas de toi, tu l’ennuies. »

Elle glousse, se penche un peu plus près pour laisser son nez toucher le sien. Ses lèvres effleurent les siennes, elles aussi, et elle joue avec ces limites rebondissantes et abstraites. L’inconfort la rassure, le danger l’immunise ; et elle attend, comme une fidèle, la vengeance de ceux qu’elle a offensé.

« Je suis Akina et je veux détruire tes espoirs candides. Tu es bien trop à l’abri dans ton indifférence. »
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GENKAI WO KOERU
Tu es plutôt du genre passive, n'est-ce pas ? L'insulte te ferait presque rugir. Non pas rougir, oh non, Sawa, tu ne rougis pas, mais bien rugir, tel un animal que l'on vient d'insulter et qui n'accepte pas l'affront. Tu te redresses brusquement, les sourcils froncés, la fatigue ayant disparue pour laisser place à une douce colère tendre.

Toi ? Passive ! Et puis quoi encore. Quand on ne pouvait rien faire, ça ne voulait pas dire que l'on était passif. Les questionnements de toute l'école ne sont pas tes affaires, t'en à rien à faire, c'est pas comme si tu allais craindre quelque chose. Tes parents se battraient corps et âmes pour ne pas laisser la seule héritière de leur nom disparaître, tu en es persuadée. Tu n'es pas passive, bien au contraire. Tu te bats chaque jour contre les regards et contre les murmures, chaque jour pour rester tête droite et pour ne pas flancher, là où la société japonaise sorcière se complaît à déshonorer les femmes, sous prétexte qu'elles ne sont que des femmes. Tu te bats tous les jours, Sawa, pour être celle que tu désires, et non pas le simple reflet de ce que les autres veulent voir.

Tu déplores l’ennui, mais tu t’y enfermes.

Elle ne te connaît pas. Elle ne t'a jamais vue, ne t'a jamais regardée. Voyons, tous savent que tu es loin de t'enfermer dans l'ennui. Et sa simple phrase fait détendre tes muscles, te fait sourire cyniquement. Oh. C'est elle, qui cherche à braver l'ennui en cherchant les ennuis.

Elle est si proche de toi, vos nez se frôlent, et toi qui pourrais reculer, t'enfoncer dans le dossier, tu ne le fais pas. Reculer signifierait la laisser gagner, et tu n'étais pas une perdante. Bien au contraire, tu serais celle qui gagnerait tout, tout au long de sa vie, tu te l'étais promis il y a si longtemps déjà, ce n'est pas comme si une simple aînée bien trop sûre d'elle allait changer ça.

Une phrase, encore, si proche et peut-être rougirais-tu, Sawa, si tu n'étais pas si concentrée sur cette idée de gagner. Gagner quoi ? Tu ne sais pas, mais gagner, te semble le plus important à cet instant même.

« Indifférence n'est pas synonyme de passivité. Je suis indifférente, et tu es passive. Ne nous confonds pas. »

Un léger silence avant que tu ne reprennes :

« Et si tu n'as que ça à faire pour t'occuper, je trouve ça bien triste, Akina. »

Une main se pose sur son épaule et tu la repousses avant de te laisser aller sur le dossier. Sa proximité te gêne, te dérange. La proximité de quiconque te gêne et te dérange, seul Rin semblait pouvoir rester dans ton espace vital sans mettre tes nerfs à vif. Ah, quelle idée tu avais eu de quitter ton lit, toi qui te complaisais dans la solitude et l'indifférence.
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Brutalité, violence, franchise, mensonge, échec.

Ses idéaux nocifs et omnivores se confrontaient à la cavité d’une réalité vorace, elle aussi, et désillusoire. Ses désirs existaient, là, au plus profond d’un être si malveillant qu’elle en déréglait le temps ; ses sourires enfantins, son regard de mille ans. Elle était l’hybride du mal et de l’innocence, l’expression de l’envie et de la puissance. Elle ne vivait pas vraiment, dans les ténèbres engloutissant jusque ses quelques gestes énigmatiques, à l’heure tardive où la peur devenait légale. Elle se contentait de survivre, comme un démon transpercé d’émotions, comme une succube que la malveillance ne pouvait plus rassasier. Repoussée d’une main ferme, elle se laissa glisser en arrière, voûtée à la manière de ces entités menaçantes à l’humanité désarticulée, trouvant un soulagement en la sensation glaciale d’un sol qui n’était pas abstrait. Ses doigts pianotaient sur sa cuisse, marquaient le rythme d’une colère dansante qu’elle s’exhortait à étouffer.

Inlassablement, ce sentiment disparaîtrait.
Indubitablement, elle se lasserait.
Indéniablement, cet espoir l’écorcherait, elle et les vestiges illusoires d’un coeur en ruines, elle et ses attentes stériles, et son désir de vie ; elle qui espérait croire en une simple normalité.
Elle qui espérait oublier, rien qu’un instant, la malédiction de sa lucidité.

Avec le temps, elle en était venue à détester ça, cette intelligence factice, qui interrogeait plus qu’elle ne trouvait de réponse ; ces désirs impossibles, en réponse à l'avidité ingrate qu’elle ne pouvait se retenir d’éprouver.

« Ah. Je vois. » Un simple soufflement résolu, dénué de colère. Un soupir se mêla aux effluves de sa voix marmonante, elle qui rêvait de grandeur et d’impossible. Se trouvait-elle donc ainsi freinée une passivité dont elle ignorait l’existence ? Elle laissa sa langue glisser sur ses lèvres, ses réflexions piétinantes, dépassée par cette absurde logique qui résonnait étrangement bien en elle. « Je n'ai rien d'autre à faire, mais je ne trouve pas ça triste. Je crois que tu me plais. » Pendant un instant, rien qu’un instant, pendant ce doute qu’elle s’était forcée à considérer, la réponse lui sembla ignoblement proche, à portée de main, d’une pensée additionnelle. Pendant un instant, elle se dit qu’elle était prête à tout pour la comprendre, elle et cette soit-disante indifférente, elle qui lui parut si savante - et elle serra les poing jusqu’à s’en écorcher les doigts pour se retenir d’attraper sa baguette.

Elle savait trouver les mots justes.

Du reste, si elle en maniait le sens avec la finesse qu’Akina leur interprétait, elle ne pouvait le savoir - mais tandis qu’elle fulminait, frustrée de ne pas parvenir à saisir l’entièreté de l’instant, son corps sembla répondre de la raison et elle s’assit doucement en face du fauteuil de sa cadette.

« Cette indifférence, elle ne t’ôte pas le goût de la vie ? »

Ses pensées lui échappaient comme les morceaux de braise virevoltants d’une éruption éludée. Quelque part, le pire était derrière elle, et ce calme invraisemblable avec lequel elle s’adressait à Sawa semblait presque annoncer une suite bien pire encore. Si tout semblait dangereusement logique, c’était loin de la réalité qu’elle en était venue à modeler.

Apaisée par une réalisation nouvelle, ses émotions retombaient comme des lucioles à l’appel de l’aube.
Elle partageait, dès à présent, l’indifférence préventive qui faisait la fierté de sa cadette. En l’instant, sa voix semblait presque s’éteindre par sa neutralité accablante ; et elle se balançait doucement, assise en tailleur, appréciant l’immobilité des tensions, l’extinction d’une colère dénuée de sens. Ses iris se plissaient sous la force de ses songes assaillants, laissant dépérir les dernières bribes de sa tranquillité d’esprit.

« Si tu es aussi étanche au monde, tu n’as jamais pensé à mourir ? »
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GENKAI WO KOERU
Elle se laisse tomber sur le sol, et te voilà à la regarder de haut, avec cette arrogance qui te définit tant, cette vanité qui n'est pas qu'un paraître. Ah, l'orgueil est ton pêché. Et tu aimes cette idée d'avoir renversé les choses, d'avoir pris la place de celle qui regarde de haut ton aîné. Elle avoue. Elle n'a rien d'autre à faire, et ton sourire suffisant se transforme en trait tiré par la surprise à la suite de sa phrase.

« Pardon ? »

Comment ça, tu lui plais ? Les frôlements te reviennent en tête et tes joues se colorent à peine, un peu, mais tu te reprends bien vite, Sawa, car tu n'es que l'indifférence, tu l'as toujours été, elle ne changera pas ça. Tu ne lui en laisseras pas le pouvoir.

Elle ne semble pas vouloir répondre, te pose une question, puis une autre, et tu prends le temps d'y réfléchir, sans la lâcher du regard, parce que c'est toi qui contrôles, Sawa, et non plus l'inverse. Parce que c'est toi qui décides, c'est toi qui peut mettre fin à cette conversation, c'est toi qui as le pouvoir. Et ce simple constat étire tes lèvres.

« Je ne suis pas étanche au monde, je suis indifférente aux autres, à ce qu'il se passe. Des choses m'intéressent, mais je ne hurle pas ma joie à qui veut l'entendre. A quoi ça sert ? C'est ma joie, mes sentiments, ils m'appartiennent, y a que moi qui dois les voir et les ressentir. »

A quoi ça servait, de le montrer aux autres ? De leur donner la possibilité de te blesser, de te détruire ? A quoi ça servait, Sawa, toi qui n'avais aimé qu'une seule personne dans ton existence, qui avait aimé de tout ton cœur d'enfant cet adulte qui te gardait, tu l'adorais, l'admirais... et il ne t'avait rien laissé, à part son absence. Alors, à quoi ça servait de le montrer aux autres ? A rien. Il valait mieux tout garder pour soit, et noyer tout ce que l'on ressentait sous l'indifférence, un peu comme pour te prouver à toi-même que tu ne ressentais rien pour personne.
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« Tout ça ressemble à une excuse. »

Elle avait répondu aussitôt, sans une quelconque réflexion. Instinctivement, comme une enfant un peu maladroite, les yeux grands ouverts par la surprise de sa propre réponse. Elle avait beau parler avec une certaine cruauté, ce n’était pas volontaire - pas toujours. Ses iris jaugeaient avec cette perception presque inhumaine et omnisciente, et cette désagréable impression de lire dans les pensées. Akina était spéciale, non pas par sa naissance et son nom de famille, ou du fait de sa beauté étonnante. C’était une idée personnelle, un statu quo au sujet duquel nul n’était parvenu à la faire vaciller ; elle était spéciale, différente, supérieure en bien des choses.

Elle se sentait lucide, pertinente, comme si elle voyait quelque chose que les autres étaient incapables de voir. En soi, ce n’était pas tout à fait faux : elle avait poussé les réflexions existentielles si loin qu’elle en était arrivée à un dead end assez déprimant pour la pousser au suicide, et malgré tout, elle s’accrochait à la possibilité de surmonter l’irréalisable.
Akina était ainsi faite : téméraire, un peu idiote, et terriblement démesurée. La logique ne comptait pas. La fierté, surtout dans une telle quête, n’avait pas non plus sa place. Si la sienne était au sol, laissant sa cadette profiter de cette condescendance si doucereuse à son regard, ainsi soit-il.

« Tu ne hurles pas tes sentiments, mais tu les laisses apparaître de temps en temps sur ton visage. »

Un maigre rictus flottant sur ses fines lèvres, légèrement baignées d’une ironie un peu trop évidente, elle appréciait l’instant. Elle avait toujours pris les initiatives - et pour une fois qu’elle se retrouvait dans cette position, elle ferma les yeux pour laisser écouler le battement régulier de son coeur en forme parfaite. Tout allait bien.
Ici et maintenant, sous ce regard presque inquisiteur, devant ce ton tranchant, mi-provocateur, elle ne ressentait aucune honte, aucun regret, rien que n'éveille cette haine constante qui la menait à sa propre perte.

« Tu m’as entendu, tu me plais. Je pense que je te veux pour moi. Mon faucon est toujours à la volière, tu pourras combler l’affection qui me manque. »

Elle étira un sourire enfantin sur ses lèvres, ses yeux pétillant d’une impatience presque malsaine à la pensée de cette merveilleuse idée. Pas un instant elle n’avait pu imaginer que Sawa voudrait refuser, ça lui semblait bien trop absurde. Pas un instant elle ne songea qu’elle n’était pas à son aise. Après tout, elle seule comptait. Elle seule avait de l’importance dans ces instants où elle ne voyait plus rien, si ce n’est l’objet de son désir absolu.

« Et moi, je ferai tout pour t’arracher ces expressions du visage. »

Ses iris, félins, monstrueux, ne la lâchant pas un seul instant.
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GENKAI WO KOERU
Tu hausses les épaules. Peut-être que ça ressemble à une excuse pour elle, mais ça ne l'était pas pour toi, c'était simplement la réalité de la chose. Si elle ne voulait pas l'accepter, c'était différent. Ton regard se perd un instant sur une tapisserie et tu hésites à retourner dans ton lit. Ce n'est pas comme si cette conversation menait quelque part... ce n'est pas comme si tu avais envie que cette conversation arrive quelque part.

Alors que la pensée de quitter le confort du canapé semblait réellement atteindre ton cerveau, la voilà qui reprend la parole et tu hausses les épaules de nouveau.

« Et alors ? Je ne suis pas un tableau. »

Son regard t'exaspère, t'énerve même un peu, si tu étais totalement honnête. Tu m’as entendu, tu me plais. Et tu rougis soudainement, quittant d'un coup le confort du canapé. Sur tes pieds en moins de quelques secondes, tu veux chasser la chaleur de tes joues que tu ne contrôles pas.

« Ne dis pas n'importe quoi. Je vais me coucher. »

Tu te détournes alors, avançant directement vers les dortoirs, avant de t'arrêter un instant pour chercher Yukio du regard. Tu le trouves proche de la cheminée, et tu l'appelles peut-être un peu trop fort. Il sursaute, quitte le tapis avant de venir se lover dans tes jambes. Sans vraiment comprendre pourquoi elle te disait toutes ces choses, tu quittes alors la salle commune, les joues trop rouges et l'esprit embrouillé.
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