Oh non... Non... Cela ne pouvait pas être vrai.
Et pourtant.
La Kitsune tenait en main le papier qui signifiait que si, ces rumeurs qu'elle avait entendu n'étaient en réalité pas des rumeurs.
Himawari était bien fiancée.
Et avec un... Elle ne pouvait même pas penser le mot sans avoir sa main serrée, les traces de ses ongles enfoncées dans le creux de sa paume.
Un Fujiwara.

Toutes ces histoires, ces rumeurs, avaient tournées dans sa tête depuis plusieurs jours. Nadeshiko ne voulait pas y croire. Elle avait repoussé tout cela bien profondément, les avait ignorées, avait continué avec sa vie normalement, comme si tout allait bien. Alors qu'elle commençait à avoir peur, de ce que cela pourrait impliquer.

Elle avait besoin de lui parler, à Himawari. Elle se doutait que cela ne serait pas simple à dire, à parler. Elle-même ne savait pas réellement ce qu'il se passait dans sa tête à ce moment précis. Colère ? Tristesse ? Peur ? Probablement les trois en même temps. Principalement parce qu'elle ne savait pas ce qui allait advenir d'elles. Évidemment elles allaient rester amies. Évidemment. Mais ces sentiments qui traversaient sa tête et torturaient son estomac la détruisait petit à petit.

Elle finit par se laisser tomber  au sol après avoir reçu un autre origami de sa chère amie
(oui pas plus que ça)
et gribouilla une réponse.

Elle l'attendait avec impatience. Attendait de revoir son merveilleux visage. Pas pour la dernière fois. Mais probablement pour la dernière fois avec ces sentiments, dernière qu'elle s'autorisait à les vivre pleinement avant de définitivement.

À la pensée à nouveau que ce Fujiwara allait pouvoir profiter d'elle, son estomac fit un soubresaut et elle se laissa rouler pour finir allongée sur le ventre, tête enfouie dans l'herbe. Pourquoi ressentait-elle cela, pourquoi tout cela ne pouvait-il donc pas être plus simple.

Nadeshiko entend les pas à côté d'elles, les pas qui se rapprochent et puis s'arrêtent. Mais elle n'ose pas lever la tête, pas encore. Parce que lorsque ce sera le cas, cela voudra dire que ce serait la dernière fois qu'elle la regarde avec ces sentiments et elle ne peut simplement pas s'y résoudre. Pas encore. Alors elle écoute Himawari, les yeux fermés, la tête toujours enfoncée dans l'herbe. Elle l'écoute parler, s'excuser à nouveau (bien qu'elle lui ait répété de ne pas s'excuser). Ses lèvres qui se déforment en une grimace à l'entente de ce prénom qui la fait grincer des dents et crée un sentiment de jalousie qu'elle n'avait encore jamais ressenti auparavant.

Elle finit par se retourner, se relever, se mettre debout pour être à la hauteur de l'autre jeune femme. Son hésitation qui lui donnait un peu d'espoir. Pourquoi cela lui donnait-il de l'espoir ? Elle ne comprenait pas réellement, se disait que peut-être tout n'était pas perdu. Plus que tout, les larmes qu'elle voyait dans les yeux brisaient son cœur. Ses mains se tendirent vers celles de l'autre et elle les attrapa avec douceur, sans détourner le regard.

« Parce que...» Les pensées de la renarde retournèrent vers leur discussion, sur leurs sentiments. « Peut-être... as-tu des sentiments pour quelqu'un d'autre ? »

Son cœur se serrait, à l'idée que cette personne pourrait ne pas être elle. Il fallait qu'elle fasse quelque chose, dise quelque chose, mais elle était figée. Les seuls mouvements dont elle était capable étaient des caresses sur les doigts qui étaient mêlés aux siens.

« Je comprends tellement, Himawari. J'ai si peur de ce moment où je serai fiancée, à mon tour, et si j'avais été la première de nous deux à l'être... »

Elle se coupa dans ses paroles, détourna le regard quelques secondes. Elle n'aurait même pas eu le courage de lui dire. De la voir.

La colère repris le dessus sur ses sentiments et elle s'éloigna brusquement, passa les mains dans ses cheveux. Elle n'arrivait pas à savoir comment réagir, quoi dire.

« C'est tellement injuste que tu sois obligée de marier cet homme alors que... Alors que...! »

Elle se tourna à nouveau vers cette jeune femme, qui semblait ne pas réaliser à quel point elle était importante.

« J'aimerais pouvoir annuler ceci, pouvoir être... »

Elle s'arrêta dans ses paroles, le regard qui essayait de transmettre ces sentiments qu'elle avait tant de mal à mettre en mots.

Nadeshiko n'avait pas grand chose à répondre à Himawari, à cette personne en face d'elle qu'elle aimait tant mais que pourtant elle ne pourrait probablement jamais aimer comme elle le voulait depuis tant d'années. Parce qu'en effet, elle ne connaissait que trop bien les règles qui allaient être les leurs. Elle ne savait que trop bien qu'elle-même serait probablement fiancée dans les mois qui viendraient, parce qu'elle approchait cet âge où elle devrait être mariée. Jamais elle n'irait à l'encontre de cela, parce qu'elle devait accomplir ses devoirs, accomplirait ses devoirs qu'elle connaissait depuis toujours. Et pourtant... Elle ne pouvait empêcher son coeur qui se serrait parce qu'au fond d'elle, elle espérait qu'elles auraient encore un peu de temps, qu'elle aurait pu avouer ce qui la déchirait tant.

« Évidemment qu'on le sait mais c'est tellement... injuste. Que ça arrive aussi tôt. Que tu sois destinée à cet... » Elle ne pouvait même pas prononcer le mot parce que le dire rendrait tout cela encore plus réel que ça ne l'était, parce qu'elle avait l'impression que prononcer son nom de famille brûlerait ses lèvres. Peut-être que si cela avait été n'importe quelle autre famille elle aurait pu accepter ? Mais son estomac serré d'une tristesse intense n'en était pas aussi sûr. « À lui. »

Ses pieds franchirent l'espace qui les séparait et sans même réfléchir elle attrapa ces mains si chaleureuses. Elle sourit d'un sourire triste et son pouce caressa tendrement le dos de ses mains, sa voix soudain si faible, si basse.

« Ne t'excuse pas. S'il te plaît. Tu n'y es pour rien. » Elle lève la tête, les yeux, vers le ciel pendant quelques instants comme pour remettre de l'ordre dans ses pensées. « Tu n'as pas besoin de t'expliquer si tu ne veux pas. Ne sais pas. Je comprends. »

Son coeur lui faisait si mal, comme s'il risquait de se briser en morceaux aussitôt qu'elle quitterait cet endroit. Surtout parce qu'elle sentait les mots qu'elle avait retenu pendant tant de temps au bord de ses lèvres, prêt à se déverser tel le torrent de larmes qu'elle sentait grandir en elle. Peut-être que le moment était opportun ? Parce qu'elle connaissait les Awataguchi. Elle savait que jamais plus elle n'aurait la chance d'être avec elle et que les mots ne changeraient de toute façon plus rien. Ou bien devrait-elle les refouler pour ne leur faire encore plus de mal ? Elle ne savait plus, son esprit était dans un tourbillon sans fin qu'elle n'avait jamais connu. « Himawari. J'ai envie de te dire quelque chose mais je ne sais s'il le faut ou non. Si cela ferait plus de mal qu'autre chose. »

Oui, elle devrait être heureuse que ça n’arrive qu’aussi tard. Tout comme Nadeshiko devrait être heureuse de ne toujours pas l’être, bien que ça ne tardait. Elle le savait. Les mains douces d’Himawari qui enveloppent les siennes provoquent un sursaut dans son coeur, les mots prêts à déborder de ses lèvres à chaque seconde qui passe. Les yeux plongés dans ceux de son amie, elle voit les larmes prête à couler et son coeur se serre à nouveau parce qu’elle ne voit aucun moyen d’arranger ça. Et parce que ce qu’elle s’apprête à dire allait tout changer, leur relation entière ne serait plus pareil. Elle s’était déjà préparée au fait qu’il était plus que probable qu’elles ne se parleraient plus, qu’Himawari ignorerait peut-être son existence. Cela lui briserait le coeur, mais ce serait pour le mieux si cela devait arriver. Elle ne pouvait garder cela secret plus longtemps. « Ma chère Himawari, j’ai pourtant si peur que ce que je m’apprête à dire ne te repousse de moi. » Ses yeux se ferment, sa respiration se fait légèrement plus rapide. Elle ne s’était jamais sentie aussi désemparée, aussi peu en contrôle de ses moyens.

Elle ne peut se résoudre à lui lâcher les mains, à s’éloigner d’elle, parce que chaque moment auprès d’elle semblait être le dernier. Ses yeux se ferment lorsqu’elle prend son courage et ensuite se plongent dans ceux d’Himawari. « Je peine à trouver les mots, ne sait comment exprimer ce que je ressens. Je ne pensais pas le dire un jour, pensais garder cela secret pour encore un long moment. » Elle se coupe dans ses paroles, prend une grande inspiration. « Au début je ne pensais rien de ce que je ressentais pour toi, ne considérait pas cela comment quelque chose d’important. Mais Himawari, je t’aime tellement. » Maintenant que les mots sortaient, elle ne semblait plus être capable de les retenir. Ils se déversaient, déversaient après les années où ils avaient été refoulés, sans pouvoir jamais voir la lumière du jour.

Elle lâche les mains si chaudes pour faire un pas en arrière, ayant peur de la réaction, voulant lui donner la possibilité de réagir de quelque façon qu’elle voulait. « Je peux te le dire, désormais. Parce qu’il sera de toute façon impossible que quoi que ce soit arrive, n’est-ce pas ? Tu es fiancée avec… lui. » Le dégoût s’entend dans sa voix mais elle se retient de grimacer. Se contente de rire, triste. Amère. « J’aurais aimé que ce soit moi à sa place, oh tu n’as pas idée comme j’ai souvent imaginé être à tes côtés. Comme ta simple présence semblait effacer tous les malheurs du monde. »

Elle prend sa tête dans ses mains, alors qu’elle rit à nouveau, parce que tout cela semble si ridicule et pathétique. Et même si la situation ne ferait que s’envenimer, ses épaules semblent plus légères. Comme si ces simples mots avaient retirés un poids qui semblait ne jamais pouvoir partir.

Nadeshiko sentit son coeur se serrer lorsqu’elle voit Himawari s’éloigner, pas vraiment surprise de la réaction. Est-ce qu’elle était dégoûtée d’elle ? Est-ce qu’elle ne souhaitait plus lui parler désormais ? Elle évitait constamment son regard, est-ce que c'était parce qu’elle ne voulait plus la voir ? Cela ferait mal mais…

Elle s’interrompit dans ses pensées lorsqu’elle sentit des mains prendre les siennes, la chaleur retrouvée. Mais… Être libre de lui répondre ? Est-ce qu’elle… ? Elle sentait son coeur battre rapidement, à nouveau. Une lueur d’espoir qui apparaissait au bout du tunnel, espoir qu'elle devrait sûrement étouffer très vite parce qu’elle connaissait leur destin, elle qui n'était pas fiancée mais qui ne saurait tarder. Elle repoussa très vite ces pensées, ce n’était pas le moment. Pas le moment de ruiner ce bonheur fugace. Le simple fait d’entendre son prénom prononcé, dans cette situation, la fait frissonner. Elle ne peut imaginer les sentiments qu’elle doit ressentir mais elle a envie d’être égoïste et profiter.

Les doigts brûlants sur ses lèvres, sa respiration brusquement coupée. Elle s’attendait à tout, sauf à cela. Tendue, elle reste sous le choc l’espace de quelques instants. Les lèvres contre les siennes… Est-ce réel ? Elle tend ses mains, en pose une sur la nuque de la Yatagarasu, l’autre dans le creux de son dos. Oui. C’était réel.

Ses lèvres se mouvement contre les autres, doucement, tendrement. Un feu brûlait en elle, effaçait chacune de ses peurs des dernières minutes, tout son être semblait n’avoir attendu que cet instant, qu’elle n’avait jamais osé espérer. Elle avait son monde entier dans ses bras, la dure et triste réalité avait disparu l’espace de quelques minutes. Leurs visages se séparèrent, sa respiration était courte, son coeur essayait à tout prix de sortir de son corps. Et puis la réalité revient, bien trop vite à son goût. Le désespoir qui l’avait submergée lorsqu’elle avait appris ses fiançailles… Il était toujours là, rien n’avait changé. Elles auraient peut-être un peu de temps mais pas beaucoup. Pas assez. « Himawari… » La main qui était sur sa nuque passe sur sa joue alors que les yeux de Nadeshiko observent chaque détail de son visage, redécouvrait tout d’un nouvel oeil. Un nouveau soupir, ses yeux se baissent, les paupières se ferment pendant qu’elle prend une grande inspiration. « Je suis désolée. Je n’aurais pas dû. Je ne voulais pas compliquer les choses. » Qu’est-ce qu’elles étaient censées faire ? Les Awataguchi n’étaient pas aussi cléments que les Sugawara. Elle le savait pertinemment. Pourquoi avait-elle parlé ? Mais elle ne pouvait s’éloigner, ressentait le besoin de rester au près d’elle comme si chaque seconde pouvait être la dernière. « Mais je voulais que tu le saches. »