two emo under cherry blossoms
13.03.1990
Une âme égarée avait trouvé la paix en savourant les effluves d’une fumée claire. Son seul désir, témoignage d’une vie préparée à la mort n’avait été que cela : brouillard échappé de sa pipe pour la toute dernière fois. Il lui avait demandé si c’était douloureux, s’il pourrait sentir et ressentir et si son état lorsqu’il accepterait de s’en aller n’était qu’un prolongement de sa vie. Ce à quoi l’exorciste avait répondu : Je ne sais pas, je ne suis pas encore mort. Fatalité cruelle, aussi vraie qu’offensante. Qiu était toujours de ce monde et regarda l’homme d’une dizaine d’années plus vieux disparaître dans la brume.
Ses pas l’avaient alors guidé, une fois son rapport rendu vers l’allée des cerisiers où l’amour n’était guère celui escompté. Des pétales ensorcelés aux soupirs, il n’y avait que l’espoir, non les rires. Vaste blague. Pensa-t-il, tout en se penchant au-dessus d’un balcon de bois sculpté, profitant de la vue à sa table, dominant le paysage et détonnant de ses couleurs par le bleu azuréen de sa chevelure. Il n’était pas le seul cependant, offrant un sourire tendre et léger à sa compagne du jour, protégée ayant rejoint les rangs d’une justice dont tous deux n’avaient probablement rien à faire. « Alors, raconte-moi » revanche sur leurs années de silence à grimacer, genoux meurtris dans la terre du domaine pour l’insubordination de leurs voix d’enfants.
Il voulait tout savoir à présent, ravi de pouvoir côtoyer sa cadette au quotidien sans être contraint par les punitions répétées et redondantes ni l’autorité d’un code vestimentaire qui de toute évidence ne leur avait guère résisté. Il avait gardé l’outil sculpté d’un bois rare, l’inspectant encore pour y déceler la moindre rainure et estimer le temps qu’il lui restait à elle aussi. Elle ne tarderait pas à se briser, comme promise à un seul maître.
Grand sourire aux lèvres alors qu'ils avaient prévu de se voir pendant la journée, durant leur pause à tous deux. Elle l'avait rapidement repéré, ses cheveux, son style vestimentaire ne pouvaient être confondus avec qui que ce soit d'autre. Ils détonnaient, au sein de cet univers où la majorité des personnes se ressemblaient toutes. Qiu!, l'interpella-t-elle avant de le rejoinde, s'accourder à la rambarde et observer la fourmillière en-dessous d'eux. Ce matin nous avons dû intervenir pour déjouer un semblant de coup d'état. Un soupir amusé s'échappa de ses lèvres, l'ironie de voir un sorcier très peu organisé pensant avoir quelque chose qu'elle soit de renverser l'établissement établit depuis des décennies. Ce fut... improbable. Et toi alors? Quelque chose d'intéressant ce matin ? Les moments où ils parlaient tous deux, de leurs missions, de tout et rien, étaient agréables. Comme s'ils revenaient à des années auparavant lorsqu'il leur était possible de se côtoyer au quotidien, ce qui n'avait pas été possible depuis qu'il avait quitté Mahoutokoro.
two emo under cherry blossoms
13.03.1990
Mars était encore frais malgré les rayons de lumières perçant entre les feuilles, engourdissant les membres de l’exorciste dont la seule patience était au service de leur rendez-vous. Le sourire qui lui était réservé suffisait à effacer d’un revers de manche la moindre imperfection de ce moment et les kami savaient qu’elles étaient nombreuses, êtres faits de chairs et d’os, ils étaient nés ainsi et ne pouvaient engendrer telle entité, d’aucune façon. C’était une réalité qu’il acceptait au contraire de trop encore d’hommes souhaitant graver l’immortalité dans leurs gênes.
« Je n’en reviens pas, comment s’y sont-ils pris cette fois ? » ce n’était pas une première, mais j’étais chaque fois en admiration pour le talent de certains à collectionner les échecs comme s’il s’agissait de trophées. Il ne condamnait pas l’essai, simplement l’exécution tant elle brillait souvent par sa bêtise. « Tu dois sans doute trop bien faire ton travail, laisse-leur au moins l’espoir qu’ils y parviendront » non, en fait, mon sourire en disait long. Ne leur en laisse aucun et grimpe les échelons en piétinant leurs âmes, car la tienne vaut à mes yeux plus que les leurs.
Grande inspiration, puis soupire trahissant cette matinée, certes intéressante, mais peu stimulante. « Une routine que j’affectionne pour l’absence d’action. J’ai réalisé le dernier souhait d’un homme, au moins il avait conscience que la sobriété était son seul salut » il lui tendit la pipe, gracieux de ses gestes dont témoignées son estime pour les morts moins rarement que pour les vivants. « Elle ne tardera pas à le rejoindre » nul besoin d’être doté de parole pour être une fidèle amie, se dit-il.
« Tu as une idée du programme qui t’attend ? » Qu’elles étaient ses prochaines missions, si ce n’était démanteler d’autres réseaux frauduleux et appréhender quelques rebelles, lui n’en avait pas encore été informé pour l’instant. Son quotidien était fait d’imprévus, maintenant toujours un divertissement assez varié pour l’appréciation de son métier, en dépit de son comportement ne le laissant aucunement présager. L’exorcisme avait des charmes insoupçonnés, tant par sa tranquillité que la véracité des propos qu’il pouvait échanger sans jugement, sans crainte d’être à nouveau soumis au silence de la foi ou à celui du poids non mesuré de ses paroles décidés injustes par ses semblables. Qui étaient-ils pourtant, si ce n’étaient eux aussi des entités imparfaites ? Rien ni personne n’aurait dû s’octroyer ce droit sur lui, cependant, ainsi était le monde : divisé en hiérarchie de sang, de rang ou autre, c’était du pareil au même.
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