L’espace d’un instant : tu voulais oublier. Tu avais le désir d’effacer tes souvenirs pour prendre un nouveau départ, respirer à nouveau sans avoir l’impression de t’étouffer, car vivre ainsi était devenu si dur, que tu ne savais plus comment le faire. La dépression rongeait ton cœur comme tes démons gangrénaient ton esprit, perdu dans les abimes d’une âme en détresse, tu ne savais plus où était la lumière car ton monde n’était plus qu’une vaste obscurité. Et la chaleur de sa main te rappelait que tu n’étais pas mort, que tu tenais encore, bien qu’un pas en arrière suffirait à te perdre, ses chuchotements pourtant effrayants devenaient libérateurs.

« Je veux tout oublier, ne penser à rien, ne plus avoir ses horreurs dans ma tête. »

Oui, c’est ce que tu voulais, tu lui ouvrais un peu ton cœur car tu ne savais pas quoi faire d’autre, parce qu’il était peut-être déjà trop tard pour vivre à nouveau, et ça te donnait envie de pleurer, parce qu’avant tout allait si bien. Tes yeux se fermaient sous la pression qui écrasait son cœur, souffrant sans cesse, bien que les mots ne sortaient pas, ton visage était tiré dans une expression épuisée. Mais tes yeux ne quittaient pas les siens, parce que tu avais besoin d’un point d’ancrage, tu voulais juste penser à rien, oublier les hurlements de ton cœur.

« Je veux juste oublier. »

Tu le répétais d’une faible voix, car Sawa était forte mais toi, tu étais devenu misérable. Faible, fragile, et tu tentais encore de résister bien que tu n’y parviendrais bientôt plus.  

Jamais tu n’aurais cru qu’elle puisse être si douce, elle qui avait été si mauvaise devenait ton accroche ce soir, te permettant d’oublier quelques instants les maux de ton cœur. La chaleur de sa main avait des vertus apaisantes que tu ne savais décrire, l’âme en miette, perdu dans les sombres virages de ton esprit, seulement désireux de ne plus souffrir, rongé juste à la souche. Jamais tu ne lâchais sa main, l’autre sur sa hanche alors que tu la rapprochais de toi, heureux de ressentir un peu de joie, fatigué des cauchemars qui te hantaient.

Elle était si belle ce soir, c’est ce que tu te disais quand tu ouvrais à nouveau les yeux, les plongeant dans les siens. A ses mots, un rire faible échappait à ta gorge, appréciant qu’elle soit encore elle-même, parce qu’au fond, ça te faisait du bien de la voir ainsi, qu’elle soit ainsi.

« Je ne suis pas friand des claques, non.»

Et le baiser qu’elle avait déposé sur ta joue te semblait si doux, vos regards liés, tu collais vos fronts, noyé dans votre bulle. Elle t’avait donné son feu vert, et pourtant, tu ne savais quoi faire. En avais-tu le droit ? Certainement. Alors tu laissais tes lèvres fondre sur les siennes, dans un baiser aux éclats de désespoir.