。I GAVE YOU ALL
9.10.96

Ryuu était entré dans ta tête.

Il avait défoncé la porte de ton esprit, s'était installé dans tes pensées et les avait emmêlées avec une facilité déconcertante. Tu le haïssais autant que tu haïssais la façon dont tu avais de te laisser bouffer par ses paroles sans fondement.

Alors la distance s'était installée. Entre Yori et toi. Tu l'avais installée sans te rendre compte. Tes doigts voyageaient moins dans ses cheveux, sur ses hanches. Tes lèvres ne cherchaient plus à se déposer sur la peau fine de son cou, elles n'osaient plus se déposer d'elles-mêmes sur la pulpe des siennes.

Mais c'est dans mon cou qu'il gémit le mieux.

C'est ce que tu lui avais dit, sûr de toi, persuadé d'avoir raison, si fier de ce que tu étais pour Yori. Mais les doutes... ô les doutes s'installent avec tant de facilités en toi, ils ont toujours été si simples à s'imprégner dans ta tête, dans ton cœur, dans ton âme toute entière. C'est pour ça que ça a été si facile pour te parents de faire ce que tu voulais de toi, que ça l'a toujours été... jusqu'à ce que tu te réveilles, jusqu'à ce que tu puisses enfin réfléchir par toi-même. Mais les doutes étaient venus s'insérer dans ton cœur, le conquérir petit à petit et tu avais créé la distance sans même t'en apercevoir. Tu attendais le moment où Yori viendrait te secouer dans tous les sens.

Tu te demandais pourquoi il ne l'avait pas déjà fait, à vrai dire, mais vous aviez tous les deux trop à penser pour vous préoccuper de votre relation pour le moment.

Un souffle s'échappe de tes lèvres alors que tu descends les escaliers, prêt à t'installer à l'extérieur pour respirer un peu d'air frais : l'intérieur des murs de jade te donnait la sensation d'étouffer un peu plus chaque jour. Mais tu t'arrêtes en haut des escaliers, souris sans même t'en rendre compte. Yori. Salut toi. Sourire aux lèvres, yeux rieurs... mais tout disparaît bien vite en voyant son visage, et le sérieux prend possession de tes traits : Tout va bien ? Et tu sais que non, parce que tu le connais.

Mais vous étiez tous deux de si beaux menteurs, après tout.
Peut-être te trompais-tu.
Tu te trompais sur beaucoup.

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9.10.96

La colère t'accueille, brutale et violente ; et tu as l'impression de recevoir une claque sur l'une de tes joues. Tu l'as mérité, cependant, alors tu te contentes de changer de position, de glisser tes doigts sur ta chemise pour en essuyer leur moiteur.

Disons que ce n'est pas le bon moment. Mais ça, c'est plutôt ton genre d'excuse, non ?

Ça aussi, tu l'as mérité, mais tu ne baisses pas les yeux. Elle est là, la confrontation que tu attendais avec Yori, le moment où tu savais qu'il allait venir faire trembler ses cordes vocales de sa colère froide. Il ne te faut que quelques secondes pour le rejoindre, être plus proche de lui.

Tu es inquiet, Jian. Inquiet parce que tu sais qu'il s'est passé quelque chose, que la colère ne t'est pas totalement adressée, qu'il y a quelque chose dessous. Et tu es frustré, que la conversation prenne des tournures que tu n'aimes pas. Tu n'as pas envie de te disputer à cause de personnes tierces. Tu es peut-être en colère, aussi, qu'il ne t'en parle pas, mais ce serait être bien hypocrite de ta part, toi qui a préféré prendre tes distances tellement les paroles de Ryuu tournaient dans ton esprit. Il ne peut rien faire. Et pourtant il a réussi à te mener en bateau. Et ça t'énerve encore plus.

C'est à toi, de t'excuser en premier pour la distance que tu as mise ces deux dernières semaines. C'est à toi de présenter tes excuses. Un soupir t'échappe alors que ta main vient saisir l'intérieur de ton coude, tes ongles grattant déjà la peau. Tu cherches les mots avant de murmurer lentement, à l'abri des oreilles indiscrètes : Ryuu a réussi à entrer dans ma tête. Je suis désolé. Parce que tu l'es vraiment, et tu sais que tu aurais du lui en parler avant. Tu aurais du lui dire pour les menaces, pour les insultes dont tu ne l'as pas protégé. Tu aurais du, Jian, mais Ryuu est entré dans ta tête, et depuis, tu ne penses qu'aux conséquences de ton amour, et tu as si peur de te rendre compte qu'ils ne vous laisseront pas vous échapper.

Ryuu serait capable de vous poursuivre jusqu'au bout du monde pour le simple plaisir de vous faire chier.

Ta main va pour saisir la sienne, mais tu t'arrêtes dans ton geste. Les couloirs ne sont pas vides, et tu voulais faire attention, même si vous n'aviez jamais été discrets, même lorsque vous le souhaitiez. Un soupir, de nouveau, et ta main retrouve l'intérieur de ton coude, tes ongles trouvent de nouveau leur place dans ta peau, et ton regard ne lâche pas le sien.

Les Fujiwara auront votre perte.

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9.10.96

Sa voix sonne comme une claque, et tu baisses les yeux comme un enfant pris en faute. Fujiwara est un nom détesté, exécré. Par lui, par toi, par vous deux dans votre entièreté. Son regard vagabonde à droite et à gauche avant qu'il ne s'appuie sur le mur, bras croisés contre le torse. Et tes yeux cherchent les siens, glissent sur sa pommette, ses lèvres, sa mâchoire ; ses lèvres encore.

Et il reprend la parole. Il semble si sûr de lui. Il a de quoi l'être, mais ce n'est pas toi qu'il a menacé, ce n'est pas toi qui comptes, ce n'est pas toi qui es important. Non, c'est lui. Seulement lui.

Pourquoi tu te laisses monter la tête par lui ? Parce que c'est pas moi qu'il a menacé. La réponse sort plus rapidement que tu ne l'aurais pensé, avant même que tu ne puisses l'arrêter.

Un soupir t'échappe alors que tu passes ta main dans tes cheveux, emmêlant cette mèche rebelle. Puis tu t'approches de lui. Oh, Jian, finalement, votre relation était-elle réellement un secret ? Fallait-il vraiment la cacher ? L'était-elle seulement ? Tes doigts frôlent l'un de ses avant-bras, dans une caresse que tu veux tendre et douce avant de les retirer de nouveau. Tu as tant, tant envie de l'embrasser, de lui faire comprendre que ce n'est pas pour toi que tu as peur, non, vraiment pas. Tu sais très bien... il peut me menacer, me frapper, m'attaquer, j'm'en fous, j'm'en fiche tellement, Yori. Mais toi... Si j'te perds ? Je veux même pas y penser, tu comprends ? Ça me fait trop peur. Ça te terrifie, même.

Tu déglutis et tu fermes les yeux. Tu as envie de poser ton front contre son épaule, de le prendre dans tes bras ; tu te retiens de justesse. Alors il entre dans ma tête, parce qu'il sait très bien comment faire. Parce que n'importe qui, après quelques instants à te regarder, à t'observer, pourrait savoir que Yori était l'une de tes faiblesses, si ce n'est la seule.

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9.10.96

Tu aurais presque envie de rire, alors qu'il décrit Ryuu comme un gamin à l'ego surdimmnsionné. Après tout, il n'a pas tort, il a même raison, mais même si Ryuu n'est qu'un beau parleur, tu n'es pas assez idiot pour ne pas croire en ses menaces. Et même si vous aviez le temps, deux ans passaient si vite. Tu voyais déjà la fin de l'année arriver, vos adieux déchirants... et Ryuu pourrait faire de la vie de Yori un enfer sans même le toucher.

Et surtout, je ne suis pas faible, Jian. Et tu le sais, et tu as envie de lui répondre, de lui dire que tu sais tout ça, que tu le sais, mais tu n'arrives pas à y faire abstraction ; vous aviez trop longtemps portés des masques pour réussir les enlever avec tant de facilité désormais ; vous aviez trop longtemps eu l'habitude de rester silencieux et de baisser la tête, faire comme si ; tu avais trop pris l'habitude, Jian, d'être deux personnes différentes.

Tu restes les yeux fermés, l'écoutant attentivement. On risque gros, tous les deux. Mais je n'ai pas l'intention de faire marche arrière. Et ce sont des paroles que tu désirais entendre comme tu aurais aimé ne jamais ouïr. Tu sais, qu'il ne veut pas faire marche arrière, tu sais qu'il veut aller jusqu'au bout des choses, mais comment fera-t-il, quand tu ne seras plus à l'école ? Est-ce que vous alliez vous séparer ? Est-ce qu'il voudrait simplement te rejoindre, après un an loin de toi ? Alors à quoi bon se montrer, continuer, si ce n'était que pour l'enfoncer d'avantage ?

Ses mains glissent sur tes joues, tu les sens, plus fraîches que tes pommettes et tu ouvres doucement les yeux. Son front se pose contre le tien et tu souris sans même t'en apercevoir ; d'un sourire tendre, doux, d'un sourire trop amoureux.

Mais tu tentes de rester sérieux, de ne pas perdre pied, de ne pas fondre sur ses lèvres pour les embrasser, même si tu ne désires que ça, encore, encore, encore et encore. Je... Mais les mots ne sortent pas, ils restent bloqués dans ta gorge, et tu sais, tu sais ce qu'il désire, ce qu'il veut. Tu sais qu'il veut montrer au monde que c'est avec toi qu'il est, que ce n'est pas des fiançailles qui vont l'arrêter. Tu sais qu'il veut tout ça, mais tu ne sais pas si tu es capable de lui donner, parce que tu veux juste le protéger. Et Ryuu a raison, ta présence dans sa vie ne le protège pas, bien au contraire. Je t'aime, tu sais ? Et tu lui dis si rarement, tu lui chuchotes tellement peu souvent, que tu te dis que c'est un peu comme un secret que tu lui dis de nouveau, par peur qu'il ait oublié.

Ah, qu'est-ce que tu aimerais l'embrasser.

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9.10.96

Je sais. Tu ne t'attendais pas à une autre réponse. Yori n'a jamais été doué avec les mots qui le dénudent. Tu es celui qui parle des sentiments, Yori est celui qui parle de la réalité. Tu rêvais, tête en l'air, Yori, lui, avait les pieds sur terre. Il l'a toujours été. Rebelle et insoumis, mais toujours terre à terre.

Pourtant, là où tu t'éloignes pour réfléchir à cette relation qui est amenée à se terminer en même temps que ta scolarité, c'est Yori qui t'emprisonne dans ses bras. Tu ne veux pas partir non plus, bien au contraire, mais c'est le plus logique à faire. Et pour une fois, c'est toi qui mets tes sentiments au second plan, qui tente de trouver une logique dans votre relation qui n'en a pas ; sur laquelle tu as douté sans même t'en apercevoir.

Puis le baiser.
Tendre.
Amoureux.

Un baiser qui te fait fermer les yeux, qui te coupe la respiration avant que tu ne puisses la reprendre avec difficulté quand ses lèvres quittent les tiennes. Il t'a embrassé, là, dans les couloirs, sans honte ni gêne. Alors, ne t'éloigne plus. D'accord. Et ton sourire s'agrandit alors que tu fonds sur ses lèvres pour l'embrasser une nouvelle fois, un baiser un peu plus long, un peu plus appuyé, tes mains glissant sur ses hanches.

Tu te recules toutefois, déposant un dernier baiser sur son front. Tes mains retrouvent sagement le long de ton corps alors que tu reprends un ton plus sérieux : Qu'est-ce qui s'est passé, tout à l'heure ? Parce qu'il n'avait pas l'air de très bonne humeur avant votre rencontre.

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9.10.96

J'ai vu Eirin, justement. Et c'est fou comme ce prénom peut te faire grincer des dents sans même que tu t'en aperçoives. Tu en quittes son regard alors qu'il se recule, s'appuyant de nouveau contre le mur. C'est fou, finalement, ce que la jalousie peut te faire penser, Jian. Tu ne l'as jamais aimée, encore moins appréciée, et tu as toujours été jaloux d'elle, de ce qu'elle était, de ce qu'elle avait signifié, pendant un temps, pour Yori.

Il parle d'elle, t'explique leur conversation et tu ne peux t'empêcher de soupirer. Fou, comme les jumeaux Fujiwara peuvent être dans votre vie, alors que vous faisiez tout pour les repousser le plus possible. Il est las, surtout irrité. Un peu comme toi, il le cache seulement bien mieux.

Puis alors, ses excuses, et tes sourcils se haussent sous la surprise. Yori n'était pas friand des excuses, même si tu étais sûrement l'un de ceux qui y avait le plus droit. Tes doigts glissent sur sa joue, relèvent son menton avec douceur et tu lui souris. Parce que tu as le droit, Jian. Tu as le droit de le toucher, de l'aimer, même aux yeux de tous. Tout ça, tu as le droit de le faire, il t'a donné le droit de le faire quand il t'a embrassé.

Ta main vient se déposer sur sa nuque alors que tu le rapproches de toi une nouvelle fois, que tes lèvres épousent les siennes avec tendresse. Et tu te recules à peine, la taquinerie dans la voix : Rendons-les fous, alors. Quitte à être emmerdé, Jian, autant que ce soit pour quelque chose.

Et tu chasses ses excuses d'un nouveau baiser. Tu n'en as que faire, parce que tu acceptes tout, de Yori, tout ce qu'il est, dans son entièreté. Alors qu'il se laisse aller à la colère ou à la tendresse. Tu acceptais tout.

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9.10.96

Il répond à chacun de tes baisers. Tendrement. Doucement. Et vos projets se rejoignent, se retrouvent, sont les mêmes. Ses lèvres glissent jusqu'à ton oreille, viennent te murmurer ces mots qui te font frissonner d'avance, cette question qui te fait lâcher un rire gêné sans même que tu ne t'en rendes compte. Yori savait comment faire, pour te rendre fou.

Un dernier baiser que tu déposes sur une de ses tempes avant que tes doigts cherchent les siens, s'entrelacent, et tu lui souris avec tendresse. Tu préfères pas qu'on aille se poser dehors, plutôt ? Parce que quoi qu'il dise, tu sais qu'après une rencontre avec Eirin, la seule chose qu'il a envie de faire, c'est soit hurler, soit se détendre, essayer d'oublier. Alors autant vous protéger, vous glisser contre un arbre et ne plus vous lâcher, mais tu sais qu'il n'a pas réellement envie de te rendre fou.

Il veut juste oublier.
Profiter.
Espérer.
Être aimé.