— MAHOUTOKORO
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make it rain // takeo
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MAKE IT RAIN
28.09.96
Tu avais besoin de respirer un peu, de trouver quelque chose à faire pour occuper ton esprit qui ne songeait qu'à Tetsuya, qui ne cessait d'espérer que tout s'arrange entre Yume et Ninomiya, entre Tetsuya et toi. Tu avais besoin de raconter tout ça à quelqu'un, à une oreille attentive, adulte, et le manque de ta mère, son absence, se faisait si douloureuse, si terrible, si horrible pour ton cœur qui battait la chamade à chaque réveil dans la nuit...

Tu n'avais pas accepté sa mort, pas encore, pas totalement. Ou du moins, oui, tu l'avais acceptée, tu l'avais comprise ; mais chaque matin était douloureux, quand tu te souvenais que tu ne recevrais plus jamais aucune lettre d'elle, chaque seconde était difficile, quand tu te disais que, de là où elle était, elle devait te juger pour ce que tu avais fait, à Yume, à Tetsuya, à tant d'autres personnes. C'était si difficile, tellement difficile, de vivre sans elle, et même si tu pouvais survivre, ah... la vie te semblait si... si... valait-elle seulement quelque chose, finalement, lorsqu'on détruisait tout sur son passage ?

Et le cœur qui s'accélère.
Qui vrille et qui s'énerve.

Tu avais besoin de t'occuper, de trouver quelque chose à faire, pour elle. Pour elle et seulement pour elle. Tu avais pensé à lui créer quelque chose, à chercher quelques sortilèges pour fleurir sa tombe, mais rien n'avait semblé assez bien pour elle. Alors, alors tu t'étais dirigé vers la serre, observant les nombreuses fleurs et plantes... et tes doigts caressaient les pétales, les tiges avec douceur, dans cette serre où tu étais si seul, mais où sa présence semblait si forte. Peut-être que les fleurs te rappelaient beaucoup trop ta mère.

Belle. Douce.

Et ton cœur se serre alors que tu continues ton manège, cherchant tout ce qui pourrait lui plaire. Et peut-être, avant de partir pour les prochaines vacances, tu lui feras une composition. Tant que ce n'était pas magique, c'était bon, non ?

hrp : voilààà, j'espère que ça iraaaa, de gros bisous ♥
Takeo Shikibu
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Citation : The easiest enemy. Can only deal 1 damage.
Age : 29 ans. 16/04/1968.
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Takeo Shikibu
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Takeo Shikibu
Takeo avait beaucoup de défauts, et de ceux-ci, "radin" en faisait clairement parti. Les adultes, dit-on, sont censés montrer l'exemple, et l'exemple que le professeur de botanique montrait était de ne pas se laisser marcher sur les fleurs. Il aurait tué quiconque aurait joué à "Je t'aime un peu, beaucoup..." avec l'une de ses plantes, et à cela, il faut comprendre qu'une pendaison par les couilles n'aurait pas été suffisante. Pour lui, sa serre était comme une grande garderie avec tous ses enfants, sans doute parce que, faute de bonnes manières, il ne trouvait personne avec qui les procréer.

Pour peu qu'il soit insupportable en tant qu'ami (et professeur... et même en tant que personne, si l'on y réfléchissait bien) il semblait presque utopique de l'imaginer dans une quelconque relation stable. Les plantes étaient peut-être les seuls être vivants à supporter sa présence - et encore, les plus magiques d'entre elles, dotées d'un caractère, découvraient la notion d'agacement en sa compagnie. Pour autant, il ne perdait pas espoir, et il ne se passait pas un jour, pas une nuit sans qu'il ne fasse son inspection.

Les fleurs avaient besoin d'attention. Pas d'amour, ni même de réel attachement, mais l'attention, une expertise unique qui ne laissait place à aucune erreur, aucun apprentissage bancal et aucune crise de colère. Dans sa classe, les fainéants étaient admis : que certains discutent ou s'affalent dans un coin pour dormir, passait encore. Mais si l'un des étudiants avait le malheur de bâcler son travail manuel, Takeo ne laisserait pas couler.

La majorité avait tendance à l'oublier, mais la botanique concernait des êtres vivants - en ce sens, les plantes étaient toutes aussi importantes que les animaux ou les humains.

Cette fois-là, lorsque l'enseignant avait daigné quitté sa grotte d'hibernation pour l'intime vision de sa serre, ce fut davantage par défaut : il n'avait aucun travail à cette période de l'année et préférait agir comme si la préparation des cours relevait d'un lointain rêve. Son arrosoir Babar en main, un livre dans l'autre, il sifflota tout en entrant dans un endroit qu'il connaissait assez pour ne pas avoir besoin d'en éviter les obstacles.

Cependant, lorsqu'il passa la porte, il moula davantage son cul en rangeant son livre dans la poche arrière de son pantalon, et commença l'entretien.

Tiens, Mauricette, comment tu vas ? Toujours en forme, on dirait. Bois un coup. Toi, Jeannette, tu...

Takeo ne parlait pas vraiment aux plantes, du moins, il ne parlait qu'à celles qui n'étaient pas issues du monde magique. À son sens, parler aux êtres capables de réaction lui semblait dénué de sens : il devenait trop fatiguant de leur demander de la fermer.

Tout en sifflotant comme il le faisait souvent, le professeur passa d'une plante à l'autre en leur racontant des banalités jusqu'au moment où l'eau de son arrosoir, plutôt que d'hydrater le splendide cuir chevelu de Valérie, l'une de ses plus belles créations, s'écoula sur un crâne qui avait tout d'humain - hélas. Tu n'es pas Valérie. Une constatation surprenante de perspicacité, et lorsqu'il fit quelques pas en arrière pour analyser cette situation, la vive surprise de ses yeux mua en un éclair d'amusement.
Comme toujours, il prenait la situation avec une légèreté un peu trop évidente.

Oops, navré. Tu as déclenché l'alarme.

Un clin d'œil, et il sortit sa baguette pour réparer son erreur d'un geste : Kiyoshi était de nouveau sec. Tandis qu'il envisageait très sérieusement la possibilité d'ignorer cet humain lambda, Takeo eut la conscience d'esprit que guider les étudiants faisait parti de ses irresponsabilités. Retenant un soupir, il posa son arrosoir et observa cet arriviste un peu trop curieux.

C'est rare de voir des étudiants ici. La botanique t'intéresse ?
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MAKE IT RAIN
28.09.96
C'est une voix qui te stoppe dans ton élan, qui arrête tes doigts contre les tiges et il ne faut que quelques secondes à peine pour qu'un cri de surprise s'échappe de tes lèvres lorsqu'un filet d'eau froide vient glisser le long de ta nuque, ton dos et tu t'éloignes, l'insulte aux bords des lèvres.

Tu n'es pas Valérie. Non. Non, tu n'es pas Valérie. Qui est Valérie, bon sang ?! Et tu ouvres la bouche, la refermes en observant le professeur de botanique. Il ne t'était pas étranger, non, mais sa matière n'était pas forcément ta préférée. Tu ouvres la bouche, la refermes encore, et tu donnerais presque l'impression d'être un poisson hors de l'eau. L'eau refroidit tout ton corps, et tu ne peux qu'être soulagé quand il lance un sort de séchage. Tu as toujours la sensation de froid, mais au moins, tu n'es pas trempé. Merci... réponds-tu alors, te rendant alors compte de ce qu'il disait quelques instants plus tôt.

Une alarme ? Il y avait véritablement une alarme ? Si c'était le cas, n'aurait-il pas du être un peu plus sur ses gardes ? Ou simplement... enfin, tu ne sais pas trop. Tu allais t'excuser, t'en aller et quitter la serre, pour revenir plus tard, au calme et sans déranger ton professeur, mais il te coupe dans ton élan, déjà prêt à faire la conversation : Non, pas vraiment. C'est juste... enfin, je cherchais des idées pour... ma mère... ? Et le ton ressemble plus à une question qu'à une réponse, mais tu ne sais pas trop quoi lui dire, parce que c'est vrai, et, en même temps, Kiyoshi, tu as tant de mal à dire les mots, ils te sont encore douloureux.

Tes doigts se lient entre eux, font des nœuds et tu te racles la gorge, soudain mal à l'aise. Tu ne l'avais jamais vraiment été avec les autres, et d'autant plus avec les adultes.
Takeo Shikibu
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Citation : The easiest enemy. Can only deal 1 damage.
Age : 29 ans. 16/04/1968.
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Takeo Shikibu
Takeo, lui, avait connu beaucoup de Valérie - et il avait souvent manqué de chance. La première, il l'avait invité au restaurant, et ça ne s'était pas trop mal passé. Le problème, dans l'histoire, c'est que ça ne s'était pas passé du tout : après un malencontreux oubli, elle avait conclu son heure d'attente par un message clair et net : "ne me rappelle plus."

Naturellement, il l'avait rappelé, et ce geste lui avait rappelé, justement, combien cela pouvait être une mauvaise idée. La seconde du lot, il l'avait croisé pendant ses vacances dans l'est de la France : elle aurait pu être charmante si son chat n'avait pas eu l'ignoble idée de dévorer le mini cactus de Takeo.

Résultat des courses, ce dernier ne l'avait jamais revu - bien qu'il eut annoncé, dans un élan d'émotions parfait compréhensible, qu'il la reverrait au tribunal. Passé cette histoire, il s'était juré de ne plus se moquer des histoires d'amour de ses étudiants, et avait mis plus d'efforts à la tâche.

C'est peut-être pour cette raison précise qu'il ne se souvenait pas vraiment des autres Valérie : y en avait-il eu, il n'aurait même pas su l'affirmer ; mais il avait désormais la certitude que la plante ne lui ferait pas de tels coups bas. S'extirpant de ses pensées érotiques, il cligna des yeux, reprenant contenance et assez de concentration pour garder un minimum de souvenirs de l'instant présent.

Takeo était capable de partir si loin dans ses pensées qu'il en aurait répondu n'importe quoi ; mais quelque chose dans le regard de l'élève capta son attention. Kiyoshi Nakamura n'avait pas un regard de voleur. Ses iris semblaient limpides d'une sensation unique et dominante dont l'enseignant ne cernait la nature ; mais tandis qu'il écoutait sa voix, d'un calme tout aussi surprenant, il imagina toutes sortes de scénario.

Après tout, Takeo lui aussi cherchait souvent des idées pour les mères. Le problème de cette génération, c'était leur fidélité - où était passée l'odieuse ingratitude des femmes qui oubliaient la monotonie de leur conjoint pour se consoler dans la bêtise interminable de ce jeune idiot ? Où était le fun ?

Certainement pas ici, car comme l'avait un jour dit Takeo à l'un de ses élèves les plus dissipés : "La serre, ce n'est pas pour serrer." Une formidable présence d'esprit qui lui avait fallu quelques effusions de rire - souvent, Takeo savait détendre l'ambiance. On souriait, comme un minimum syndical, et eut égard de cette expérience, l'impassibilité de l'élève présent lui semblait inquiétante.

Pour ta mère ? Tu aimerais...

Alors, dans la microscopique bille qui servait d'organe cérébrale à cet irresponsable imbécile, un déclic se fit. Il cligna des yeux - presque imperceptiblement, s'approcha de quelques pas pour mieux entendre la voix hésitante de l'étudian t.

Ce n'est pas un magasin, soupira-t-il. Enfin, c'est aussi pour ça que j'y fais des exceptions. Parle-moi de ta mère. Les fleurs ne se choisissent pas qu'à l'apparence - si tu veux les meilleures, c'est à moi qu'il faut t'adresser.
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MAKE IT RAIN
28.09.96
Ce n'est pas un magasin. Et tu fronces les sourcils. Tu sais très bien que ce n'est pas un magasin, et tu n'aurais pas pris les fleurs sans autorisation ! Dans tous les cas, Vos prochaines vacances n'étaient que dans quelques mois, mais tu avais envie de réfléchir, de songer à autre chose, de penser à ta mère, ta mère qui te manquait terriblement. Mais il continue, et tu es soudain bien moins sur la défensive. C'était si simple de parler de ta mère, et pourtant si douloureux à la fois.

Mais ton regard se fait plus doux, alors qu'il se pose sur une plante aux pétales blancs, et là, le regard posé sur une plante dont tu ne connais pas le nom, tu racontes alors : Elle est... Un raclement de gorge et tu reprends : Elle était très douce. Et très calme. Elle adorait cuisiner. C'est elle, qui m'a appris. Et les larmes montent légèrement aux coins de tes paupières. Tu te souviens, de son rire, de ses sourires, de sa voix tendre qui arrivait à tes oreilles, le matin, quand tu venais de te réveiller, ou le soir, quand tu t'endormais sur le canapé. Et tu te racles la gorge, tes doigts pianotant contre le bois de la table. Elle aimait beaucoup les plantes, aussi. Toutes les plantes. Et pourtant, vous n'en aviez pas beaucoup.

Un soupir qui t'échappe, un soupir rempli de larmes que tu chasses. Pardon. Elle me manque beaucoup. Tous les jours, sans s'arrêter.
Takeo Shikibu
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Takeo Shikibu
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Takeo Shikibu
Ça ne faisait aucun doute - Takeo ne savait pas y faire avec la tristesse. Il avait envie de faire demi-tour, fuir loin d'un sentiment aussi infiniment triste que nostalgique et ne plus parler à cet élève, quitte à le laisser emporter quelques fleurs.

La tristesse était dure, réclamant de l'attention et de la sincérité. Il fallait faire face, trouver les mots justes, s'adapter au besoin. De cela, Takeo ne savait y faire : il était cru, maladroit, sans cesse le sourire aux lèvres. Ses yeux rieurs, son air de lutin kleptomane - et on y percevait, en dépit de la froide profondeur de ces mers d'émeraude, une sincère joie de vivre. Des autres, d'un amour bienveillant, peut-être pas, mais il chérissait l'instant, le pouvoir de la conscience, de cette curiosité insatiable et ce désir de toujours plus savoir, toujours mieux comprendre.

Takeo était un explorateur, insensible et solitaire, gourmand et immoral, incapable de regarder en arrière. Cette pitié humaine, cette responsabilité altruiste, il avait du mal à en exprimer le besoin, ni à en ressentir la patience nécessaire. À bien des égards, il n'était pas fait pour être professeur : il était immature, et la réalité des relations humaines le rendait parfois inaptes.

Devant un garçon en deuil qui avait conjugué au passé, comme un aveu, comme pour partager silencieusement une réalité nécessaire à ses réponses, Takeo était perdu - et il passa une main nerveuse dans ses cheveux. Attends voir...  ton nom ? Pour lui, c'était essentiel : il l'oublierait sans doute assez vite, puisqu'il avait déjà du mal à se souvenir de ceux de ses collègues, mais lorsqu'il s'agissait de relations humaines, il avait une certaine dextérité.

L'empathie n'en faisait pas parti, mais la finesse avec laquelle il savait guider les intentions le rendait étrangement doué pour gérer l'instant présent. Bien sûr qu'elle te manque, sinon tu ne serais pas ici. Il lâche une réponse un peu trop honnête qu'il ne tarde pas à regretter, stupide implication sentimentale qui n'a rien à faire là. Takeo est prof de botanique, pas psychologue. Il n'est pas là pour discuter avec les élèves et endosser le poids de leurs sentiments - c'est bien trop lui demander.

Les fleurs et leur monde, les fleurs et leur complexité, les fleurs, encyclopédie de mystères, faisaient un parfait bouclier. Je pourrais t'énumérer les connaissances botaniques, le langage des fleurs et leur signification, mais ça n'a pas d'importance. Que veux-tu pour elle ? D'un geste, il lui fait signe de le suivre. En pensant à elle, quelles fleurs verrais-tu le mieux ? Cette subjectivité est une part intégrante de la beauté des fleurs. Il se promène dans l'immense serre, vogue entre les allées comme un prince en son royaume. Ses jambes semblent danser, il observe avec l'œil adouci et attentif d'un travailleur dévoué.

Toutes ses plantes, à leur façon, lui paraissent indispensables - et Takeo fulmine à l'idée de s'en séparer. Le deuil, tout triste qu'il soit, ne justifiait aucune amputation. Pourtant, il le savait : cette serre n'était pas la sienne. Pas vraiment, du moins. La serre de l'école était un lieu tranquille pour le désintérêt qu'y portaient les étudiants, mais elle était ouverte à tous, ce que Takeo avait tendance à oublier.

Depuis longtemps déjà, il avait cessé de s'attacher aux humains - peut-être que, faute de mieux, son cerveau s'était tourné vers la flore. Décidément, il avait vraiment besoin d'être en couple avec autre chose que son hibou blanc.

Pas cette allée, ce sont les carnivores. Si tu veux regarder, prends le lance-flamme de sécurité.
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MAKE IT RAIN
28.09.96
Attends voir... ton nom ? Nakamura. Kiyoshi. Et madame Uehara est ma tutrice, désormais. Mais ça, tu le tais, Kiyoshi, parce que, même si tu sais que tout le monde le sait à l'intérieur des murs de Mahoutokoro, ou du moins, tous les adultes, tu n'as pas envie que ça s'ébruite, tu n'as pas envie que ça se sache. Tu imagines déjà les murmures sur ton passage, les regards froids et méprisants, parce que tu si tu avais un lien avec un membre du personnel éducatif, alors tu ne méritais ni tes notes, ni les compliments, et tu étais forcément privilégié.

Et alors, alors cette phrase, si vraie, si honnête. Bien sûr qu'elle te manque, sinon tu ne serais pas ici. Et tes épaules se détendent légèrement, de même que ton visage, que tout ton être. Parce que tu as l'impression de ne pas avoir le droit, Kiyoshi. Ne pas avoir le droit d'être en manque d'elle, de son rire, de son sourire. Ne pas avoir le droit de pleurer sa disparition, ta perte. Ne pas avoir le droit de le ressentir, et encore moins de le dire. Alors cette évidence, ce bien-sûr qui sonne si vrai à tes oreilles te soulage. Parce que oui, oui, c'est normal, qu'elle te manque, Kiyoshi, et tu as le droit de ressentir son manque.

Tu n'arrives pas à comprendre ses premiers mots, trop perdu dans tes pensées, mais tu comprends la question, le suit lorsqu'il t'intime de l'accompagner. Je ne sais pas. Les lys, sûrement ? J'aime beaucoup les lys. Elles sont jolies, elles sont douces, et elles sentent si bon. Et je veux juste... je veux juste quelque chose qui montre ce qu'elle représente pour moi. Tu le suis à travers les allées, avances lentement et tu laisses même échapper un léger rire quand il te parle de prendre un lance-flamme pour les plantes carnivores. Pourtant, tu ne peux t'empêcher de lui demander : Elles sont si dangereuses ? Ou est-ce que vous exagérez un peu ? Et il y a une légère taquinerie, dans ta voix, Kiyoshi.

Le sourire aux lèvres, tu le regardes, heureux qu'il puisse enlever de ton esprit toutes les mauvaises pensées.
Takeo Shikibu
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Takeo Shikibu
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Takeo Shikibu
Exagérer, moi ? Heh, je ne peux pas laisser passer ça. Viens voir.

Avant même de daigner se risquer à la témérité, il avait attrapé le sac accroché contre un pilier qui marquait l'intersection des chemins. Il sortit sa baguette à l'instant où il mit un pied dans l'allée et comme guidées par l'odeur, certaines plantes se dressèrent. D'autres, plus discrètes, dressèrent ce qui ressemblait à une tête, à l'affût, prêtes à dévorer ce qui entrerait dans leur périmètre.

Les plantes n'étaient pas moins dangereuses que les humains. D'un certain point de vue, leur apparence passive les rendait pires que la majorité des espèces présentes sur terre - et certains fous, comme Takeo, les trouvaient mignonnes. De son sac, il sortit une poignée de bouts de viandes coupés en carré qu'il saisit généreusement. À table, les filles ! Soyez sages. Michelle, les pétales droites quand tu es à table. Il distribua les bouts d'une pichenette : certains plantes les saisirent au vol, d'autres laissaient leur portion leur tomber devant, pitoyablement. Elles mangeraient plus tard - ou peut-être attendaient-elles une proie de plus grande envergure. Certaines avaient une apparence terrifiante, d'autres se dissimulaient sous des goûts plus mignons.

Au final, lorsqu'il eut vérifié d'un regard attentif que chacune avait eu gain de cause, Takeo fit demi-tour et intima à son élève de le suivre.

Ne viens pas ici seul, précisa-t-il. Certaines sont mortelles.

Il posa le sac à l'endroit où il l'avait pris et continua sa route entre diverses intersections jusqu'à une serre un peu en retrait, au fond. Les plantes non-magiques étaient, pour l'écrasant majorité, séparée des autres - mais la collection était gigantesque. Takeo emmena Kiyoshi jusqu'aux lys et lui tendit un pot vide - la serre en était remplie. Agis avec soin - les fleurs aiment la délicatesse. Il se mit en retrait quelques instants, puis une fois que l'élève avait fini sa sélection, lui intima de le suivre jusqu'à une autre collection de fleurs - les myosotis. Ce sont les fleurs de la séparation. Je t'en préparerai un bouquet si tu te sens prêt à aller de l'avant. Son regard se posa avec franchise sur le visage de son élève, qu'il étudia silencieusement. La séparation n'était pas toujours triste - regarder vers l'avenir, à terme, devenait indispensable.

Rares étaient les élèves qui venaient pour de funeste raison, mais penser aux fleurs était témoin d'une grande délicatesse et de beaucoup d'amour. Kiyoshi avait déjà gagné son respect. Désormais, il devait regagner plus encore, pour continuer à vivre sa propre vie. Lui proposer une alternative, c'était aussi l'aider à voir au-delà de la perte, et pour les gens comme lui, c'était peut-être le plus difficile.

J'aimerais faire quelque chose également. Tu acceptes de me parler de ta mère ? On peut s'asseoir un moment, si tu veux bien.
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MAKE IT RAIN
28.09.96
C'est agréable, de penser à autre chose. C'est agréable, de ne penser qu'aux bons moments, et non pas aux mauvais. C'est agréable, ça soulage le cœur abîmé, les pensées noires, ça sauvera peut-être tes nuits blanches. Et c'est juste agréable, oui. Et tu le suis alors qu'il lance aux plantes des morceaux de viandes rouges. Et pendant un instant, peut-être qu'elles te font un peu peur, ces plantes trop grandes qui dévorent ce qu'il leur envoie, et en même temps, elles te fascinent un peu.

Tu pouffes un peu, aux prénoms qu'il lâche, qu'il appelle, qu'il réprimande ; même si tu n'es pas très à même de parler, car ton chat s'appelle Panpan, après tout. Tu te contentes de hocher la tête à son avertissement, le suis sans trop y penser avant qu'il ne t'emmène dans une autre allée, qui te semble plus calme, bizarrement, plus douce. Et il te dépose un pot vide dans les mains. Sa demande t'étonne, puis il se décale, te laisse une bulle d'intimité et tu restes là, les doigts accrochés sur le pot, à observé les lys si beaux, si grands, de toutes les couleurs. Il y a celle toute blanche, qui te semble douce. Il y a celle toute rose, qui te semble trop enfantine. Il y a celle blanche, dont les pétales sont rosis sur certains endroits, comme de légers traits que l'on aurait fait aux crayons de couleur.

Et il te faut du temps, pour en choisir une que tu dépotes soigneusement. Une blanche, dont l'intérieur est plus foncé, qui tire vers le violet. Et tu la rempotes doucement, lentement, avec des gestes délicats, comme il te l'a demandé, comme il vous l'a appris, en classe. Et tu essuies le peu de terre sur un torchon qui traîne alors qu'il te demande de le suivre, une nouvelle fois, et tu t'exécutes, le pot serré entre tes doigts.

Ce sont les fleurs de la séparation.

Et les fleurs bleues te font détourner le regard. Cela fait des mois, désormais. Des mois. Plus d'une demie année, et pourtant, la douleur est toujours si forte. Et pourtant, tu as du mal à te dire que tu ne la reverras plus jamais. Des fois, tu oublies même. Les fleurs de la séparation. Voulais-tu véritablement être séparé d'elle, Kiyoshi ? Non. Pas vraiment. Et si... et si j'ai jamais envie d'être séparé d'elle ? Le professeur Fujiwara te l'avait dit, comme s'il l'avait vécu : la douleur ne disparaîtra jamais vraiment, et le manque sera toujours présent ; on peut vivre avec, mais on oublie jamais.

Tu acceptes de me parler de ta mère ? Tes doigts se resserrent un peu plus sur le pot alors que tu restes les yeux fixés sur le sol. Tu n'avais pas parlé de ta mère. A personne. Pas à Tetsuya. Pas à Yume. Pas au professeur Uehara. Ni au professeur Fujiwara, alors qu'il était là pour la cérémonie funéraire. Tu n'avais parlé de ta mère à personne, Kiyoshi, sauf une fois, à Kyoto, ou tu avais avoué à demi-mots à Masashige qu'elle te manquait. Tu n'es pas véritablement sûr qu'il ait compris, toutefois, qu'elle n'était plus à tes côtés. Après tout, ce n'était pas quelque chose que tu avais crié sur les toits.

Parler d'elle, c'était parler d'elle au passé, utiliser l'imparfait, comme si tout son être pouvait l'être, alors qu'elle était loin, loin, si loin d'être imparfaite. Parler d'elle, c'était avouer à quelqu'un son décès, lui dire qu'elle ne reviendrait plus, et dire, surtout, surtout comme elle était et non pas comment elle est. Et c'était encore compliqué, pour toi. Malgré toutes ces semaines passées, c'était compliqué, difficile, et des fois, ta gorge venait à se serrer seulement à l'idée de cette tombe que tu avais visité cet été.

Tes ongles grattent le bord du pot, comme pour écailler la peinture ou le vernis, tu ne sais pas trop. Parler d'elle, au passé. Parler d'elle, au passé, pendant longtemps. Et non pas quelques adjectifs lancés comme ça, comme si c'était si simple de la définir, alors que tu ne pouvais tout simplement pas trouver les mots pour dire à quel point elle était... à quel point elle était parfaite dans son intégralité. Et parler d'elle, c'est parler de toi, aussi. Et tu ne sais pas si tu as envie de parler de toi, parce que tu es celui qui n'aurait pas dû être un sorcier, celui qui n'aurait pas dû être différent, celui qui n'aurait pas dû être, tout simplement. Je ne sais pas quoi dire, avoues-tu alors, après réflexion, la voix basse. Ou du moins, tu ne sais pas trop par quoi commencer. Que veut-il savoir ? En quoi ça va l'aider ? En quoi ça va changer quoi que ce soit à sa vie ?

Il est là, debout, à te parler.
Elle... Elle, elle a disparu à tout jamais.
Takeo Shikibu
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Takeo Shikibu
Les mots sont doux, mais le ton abrupt, si soudain. Et Takeo comprend. Non. Takeo ne comprend pas - et cette ignorance voit sa frustration naître au sein de ce qui n'était que de l'indifférence. Sa peau mate se fond un élément qu'il connait si bien, masquant les nuances de son visage aussi troublé qu'il lui semble indifférent - et dans cet océan d'émeraudes, mille émotions semblent s'entrechoquer jusqu'à disparaître.

Je t'aime, Takeo lui disait souvent sa mère.
Pas assez. Pas assez pour cesser d'écrire, pas assez pour accepter de rester.

Pas assez pour sacrifier le monde pour lui, pour son mari, tous ses enfants.
Pas assez pour eux. Définitivement pas assez.

Et les ombres de la colère grondent, laissent craqueler le visage d'un marbre si bien lissé. Takeo fulmine derrière les apparences maintenues, jongle entre une colère froide et l'empathie grandissante - le deuil, le sien semble s'éterniser. Le deuil pourtant, lui non plus ne voulait y croire. Seul du jour au lendemain, emmené loin des espoirs d'une vie paisible. Brisé à tout jamais. Brisé par la solitude, cette solitude qui l'avait reforgé.

Elle ne l'avait pas assez aimé. Pas assez pour qu'il ne la pleure davantage, pas assez pour qu'il n'accepte de se soumettre à sa mémoire. Elle, comme ces idéaux qui l'avaient tué - et Takeo refusait de vivre, esclave des désirs de celle qui s'en était retournée à la poussière.

Sa vie lui appartenait, et cette colère, si injuste qu'elle soit, lui appartenait également. Takeo en voulait à son oncle plus que tout ; et l'un de ses plus grands regrets serait à jamais de n'avoir pu le tuer de sa main. Aujourd'hui, sa vengeance stérile avait des allures d'une frustration qui lui amputait tout futur.

Sa vie appartenait aux morts. À ces morts qui grondaient sous ses pieds, dans sa tête, et dont son cœur était prisonnier. Takeo avançait - marionnette en proie à la vacuité des sentiments, sans jamais pouvoir aimer la vie dont il avait été fait prisonnier.

Si seulement il avait pu mourir lui aussi, ce jour-là.

Et chaque jour, il maudissait ces souvenirs, et désirait tant cette séparation que Kiyoshi refusait. Chaque jour, il voyait grossir ce bouquet de myosotis dont il ne pourrait jamais rien cueillir. Aujourd'hui n'y ferait pas exception - et le silence de l'élève, excepté d'une maigre compensation, témoignait de bien assez de choses.

Je vois. Ce n'est pas grave.

Trop pensif pour penser à sourire, il attrapa un pot de fleurs vides qu'il remplit d'un peu de terre et y planta, sans cacher ses gestes, une petite graine qu'il recouvrit soigneusement.

Tu dois vivre le moment à ta façon. Tu peux poser les fleurs que tu souhaites, mais laisse-moi t'offrir ceci.

Une fois la préparation faite, et quelques secondes écoulées, Takeo murmura une formule accompagnée d'un geste de baguette et tendit le pot à Kiyoshi.

C'est une fleur qui n'éclot que de nuit, elle t'accompagnera dans tes moments les plus difficiles. De jour, elle ne grandira pas, exception faite en la présence d'un puissant patronus.

Il soupira doucement, surpris par ses propres initiatives.
C'est, de sa maigre personne, tout ce dont il était capable de faire.

Tout ce que je te souhaite, c'est que ta fleur puisse rencontrer le soleil. Je pense que tu es assez fort pour t'en sortir, n'est-ce pas ? Mais tu peux revenir ici n'importe quand, Kiyoshi.
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MAKE IT RAIN
28.09.96
Si. Si. Évidemment que c'est grave. Bien-sûr que c'est grave, de ne pas savoir quoi dire sur ta mère. Ta mère, Kiyoshi. Ta maman. Celle qui t'a élevé, seule. Celle qui travaillait tant pour subvenir à tes besoins. Ta maman, à toi, qui t'a consolé quand tu rentrais le soir de Mahoutokoro, lorsque tu étais encore enfant. Ta maman qui t'a accepté, qui t'a mille fois répété qu'elle était si fière d'avoir un fils sorcier. Ta maman, Kiyoshi, qui t'a aimé comme elle n'a jamais aimé personne, qui n'avait d'yeux que pour toi et qui n'a jamais recherché l'amour ; qui n'a jamais parlé de ton père car elle savait, ô elle savait à quel point ça te rendait malade. Ta mère qui t'a appris à faire à manger, celle avec qui tu regardais la télévision. Celle qui te lisait des milliers d'histoires avant d'aller dormir, qui tentait d'apprendre avec toi l'histoire du monde magique, car c'est important, Kiyoshi, de savoir l'histoire de notre monde.

Si. C'est grave.

Et tes doigts se resserrent sur le pot des lys. Mais pourtant, pourtant ces mots sonnent à tes oreilles comme une délivrance. Car tu as le droit de vivre ton deuil à ta façon, tu as le droit de le vivre pendant longtemps. Tu as le droit, Kiyoshi.

Tu n'observes pas ses faits et gestes, trop concentré sur le sol, mais tu entends la formule alors qu'il te tend un autre pot. Et tu déposes les lys sur une table non loin pour récupérer les graines qu'il te tend. Et tu observes la terre qui te semble si vide, sans rien.

Un peu comme toi, lorsque l'on t'a annoncé le décès de ta mère, lorsque Tetsuya est parti. Est-ce que... est-ce que comme cette fleur, tu ne grandiras que la nuit, toi aussi ? Et alors, tu secoues la tête de gauche à droite, laissant même échapper un rire jaune. Non, je ne suis pas assez fort. Tu n'es pas assez fort. Tu n'es assez fort pour rien du tout, même. Mais tu te racles la gorge, essuies une larme, ou deux, ou trois, tu ne sais pas, celles qui roulent sur tes joues sans que tu ne leur en donnes l'autorisation. Merci. Merci, répètes-tu encore.

Et tu calmes ta respiration qui s'est accélérée, chasses la boule au fond de ta gorge qui t'empêcher de parler. Inspiration. Expiration. Et tu observes ce pot, vide, plein seulement de terre. Elle m'a élevée toute seule. Et... Et elle travaillait beaucoup, mais elle avait toujours du temps pour moi. Elle... Elle s'appelait Mitsuko. Et elle était douce, et elle était tendre. Et tu l'aimais, l'aimes, l'aimeras tant, tout au long de ta vie.

Elle s'appelait Mitsuko, mais tu l'as toujours appelé Maman, le sourire aux lèvres, ou le visage boudeur, ou les larmes aux yeux, ou le cœur serré avant un départ. Elle s'appelait Mitsuko, mais personne ne lui chuchotait son prénom, car elle a tout sacrifié pour toi, n'a jamais cherché à le contacter de nouveau. Elle s'appelait Mitsuko, mais elle n'a jamais été cette femme pour toi, elle a toujours été cette mère, si tendre, si douce. Maman.

Maman.
Takeo Shikibu
make it rain // takeo XlARcpL
Citation : The easiest enemy. Can only deal 1 damage.
Age : 29 ans. 16/04/1968.
Rang : -
Seimei
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Takeo Shikibu
https://mahoutokoro.forumactif.com/t1340-le-roi-en-jaune
https://mahoutokoro.forumactif.com/t1350-takeo-origami
Takeo Shikibu
Mitsuko, hein…

Mitsuko, un nom, un aveu qu’il accepte de laisser aller. Il ne prend pas ça comme une victoire. La comparaison serait grossière et, plutôt qu’une quelconque satisfaction, son visage reste fermé - le silence, à mi-chemin entre respect et malaise, semble faire mourir les bribes de sa voix d’ordinaire si confiantes. Takeo n’a pas l’habitude du sérieux, pas plus que d’accepter les confidences ou d’aider à leur déploiement.

Les larmes coulent et il n’a pas le réflexe de sortir le mouchoir qu’on lui impose, de cette parfaite éducation, à soigneusement plier dans la poche avant de sa chemise. Garde-le pour sécher les larmes d’une femme disait son père, à l’époque - et sans comprendre pourquoi elles avant d’autres, il avait acquiescé. Les mots, à son sens, étaient parfois bien plus aptes à raviver le sourire, mais avec le temps, il les avait dressés comme un bouclier contre la sincérité du monde.

Dans sa bulle, dans cette serre aux milliers de plantes bouillonnant de vie, il fuyait la curiosité, l’attachement et un quelconque désir. Ses conquêtes s’enchaînaient, parce qu’il avait appris à ne pas considérer les femmes avec davantage d’égards que ses fleurs en pot. C’était une relation qu’il laissait grandir et émerger, et dont il se délectait de la vue ; la cruauté d’une conscience dominante qui ne se laisserait jamais submerger de sentiments.

Entretenir, sans jamais s’attacher.
Et quelque part, Kiyoshi l’avait ramené quelques années en arrière : vers ce deuil, ce manque, vers cet amour maternel qui lui manquait cruellement.

Je vais te raccompagner, Kiyoshi.

Il s’avança dans l’allée, faisant mine de surveiller l’état des fleurs alentours. De quelques coups de baguette, alimenta en eau les plus dépressives ; et ses gestes, aussi lents que précis, gagnaient de précieuses secondes nécessaires. Le visage décompensé un instant durant, il prit une grande inspiration, se laissant regagner par ses habituelles certitudes.
Cette distance, cette impassibilité.
Cette froideur grandissante, ce bouclier qui le protégeait.
Au diable cette nostalgie, ces souvenirs qui le hantaient. Au diable ce massacre vide de sens et la cause stupide qui n’en valait pas la peine. Au diable cette oncle lâche qu’il s’efforçait, presque religieusement, de ne plus détester.

Éteindre sa haine, il le savait, revenait à éteindre ses moindres sentiments - car rien en lui n’aurait été plus intense. Rien, de l’amusement d’un quotidien agité à l’idée saugrenue de quelques amitiés naissantes.

Attends-moi à l’entrée. J’arrive.

Peut-être qu’en d’autres circonstances, il aurait été différent. Peut-être qu’il aurait tenu des sourires sincères et des paroles rassurantes. Peut-être qu’il n’aurait pas besoin de s’isoler autant, comme la peur absurde d’une regrettée humanité. Tant lui manquait, en autrui : les bons moments, appréciés avec le cœur ouvert de celui qui ne laisse pas les morts l’accrocher. La chaleur des bras, la délicatesse des mots déposés avec le soin d’un entourage concerné. Les rires éclatants, bien vite étouffés sous la honte d’une telle exposition.

Toute la chaleur du monde, que cette gigantesque serre ne suffisait à rappeler. Le pas léger pourtant, il s’en éloigna : en silence, comme bien souvent, avec le visage détendu de celui qui ne laisse pas filtrer la moindre émotion.

T’as du feu ? Il fouilla dans les poches de sa veste avant de se rappeler qu’il n’avait jamais de briquet sur lui. Des mouchoirs, sa baguette et des clefs ; tout le bric-à-brac ennuyeux d’un professeur qui semblait presque responsable. Je fume pas, mais j’ai toujours voulu dire ça.

Blague ridicule faite, il lui intima de le suivre d’un aimable geste de main et entama sa marche jusqu’aux chambres. Très franchement, Takeo détestait cette galanterie adulte dont il faisait preuve, comme s’il était capable d’assumer les responsabilités de son propre poste. Comment un homme incapable d’affronter son passé pouvait-il guider les autres vers le futur ?

…Je pense ce que j’ai dit. Ta sentimentalité n’est pas une faiblesse. Tu es fort, pour avoir fait face à la réalité. Tout le monde n’en est pas capable et certains se laissent détruire par le passé. Si tu penses que ce sera ton cas, parle-en à des adultes compétentes. Ou à moi, vu que tu insistes.
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MAKE IT RAIN
28.09.96
Je vais te raccompagner, Kiyoshi. Et tu te sens soudain mal à l'aise, parce que tu l'as sûrement mis mal à l'aise, parce qu'il ne voulait sûrement pas que tu te laisses aller, même s'il te disait que c'était normal, peut-être ne voulait-il pas le voir, et tu le comprends.

Tu récupères l'autre pot, celui du lys, et tu les prends tous les deux avec toi, et tu suis ton professeur avant de rejoindre l'entrée de la serre lorsqu'il te le demande. Et tu restes là, les rayons du soleil venant chatouiller ta peau. Puis il te rejoint, et tu reprends ta marche, les yeux fixés sur les deux pots, manquant presque de trébucher quand il te demande si tu as du feu. Et tu t'excuses à demi-mot alors que tu secoues la tête de gauche à droite. Non. Non tu n'as pas de feu. Tu ne fumes pas. Et puis, c'est interdit, non ?

Vous avancez vers le palais, silencieusement, et peut-être as-tu souris à sa semi-blague. Et alors, il reprend la parole, répète ce qu'il t'a déjà dit. Ce n'est pas une faiblesse. Et pourtant, tu te sens terriblement faible. Tu as l'impression de te laisser détruire par le passé, de ne pas réussir à avancer... le souhaitais-tu seulement ?

Puis il continue. Ou à moi, vu que tu insistes. Et tu pâlis davantage. Non. Non tu ne voulais pas insister. Alors tu t'empresses de répondre : Pardon, je ne vous embêterai plus avec ça. Je suis désolé. Tu te racles la gorge et presses le pas. Merci pour les fleurs, monsieur. Bonne journée. Et tu t'enfuis, Kiyoshi, la tête basse, le pas rapide, et la honte pâlissant ton visage.  
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