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fb // à l'ombre d'un rien (kaguya)
Kayo Awataguchi
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Citation : dans l'attente du printemps éternel
Age : dix-sept ans
Rang : C3
Seimei
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Kayo Awataguchi
https://mahoutokoro.forumactif.com/t1239-d-or-et-d-azur
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Kayo Awataguchi
à l'ombre d'un rien
Son coeur battait—battait—battait ! Plus encore qu’aujourd’hui, plus encore à n’en pas douter que demain, c’est alors que la fièvre de l’enfance déposait sur sa langue l’acide des bonbons que l’on cachait au fond de ses poches et tachait ses paumes d’une encre profonde, c’est là que son coeur pulsait avec le plus de véhémence. Ces années lointaines, enjolivées par la douceur et la naïveté de son âge puérile, lui paraissent à ce jour encore les meilleures de sa maigre existence. Il était question d’encore tout découvrir, et de n’être jamais préoccupée par de soucis plus hauts qu’elle (c’est dire).

Il y eut ses premiers pas entre les murs (immenses !) du château, son regard émerveillé, sa mâchoire pendante et ses joues rosies par l’excitation ; il y eut le bonheur de rencontrer les renards ses camarades, de s’attabler à leurs côtés, et celui d’entrer en classe la première fois. Malgré tout, une idée fixe ne la quittait pas, et partout son regard papillonnait sans cesse, en quête d’une silhouette adorée. Elle la vit une première fois, lointaine, dans le réfectoire, et une seconde au détour d’un couloir sans parvenir à l’atteindre à temps. Il fallut deux autres chassés-croisés, pour que l’insouciante, enfin, brave toute hésitation.

Là, dans l’immense hall, comme elle s'élançait après elle, elle hurla sans sommation son nom, en un Kaguya ! fracassant, et ne lui laissa nullement le temps de se tourner pour déposer sur ses yeux ses deux paumes minuscules, le rire difficilement contenu au bord de ses lèvres pincées. Devine qui c’est. Au creux de ses pupilles, vibraient mille étoiles malicieuses, et autant de perles exaltées. Son corps tout entier tendu par le ravissement d’être finalement réunie avec celle qui partagea un temps sa chambre, celle qui figure en ce jour encore parmi ses plus lointains souvenirs, sa tendre et chère soeur d’infortune, elle retint son souffle, joues gonflées, dans l’interminable attente de sa réaction.


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loved you so hard i softened
Les affres de septembre n'atteignaient jamais Sanada. Elle évoluait à l'écart des foules, des populaces, ne laissant les autres tâcher ses aspirations.
La rentrée, étape éminente pour bien des étudiants, ne lui arrachait rien de plus qu'une autre journée. Il s'agissait d'une commodité à laquelle elle se pliait, et la seule chose qui pouvait bien la mouvoir se trouvait dans un mystère annuel : ses colocataires. Kaguya n'en allait pas jusqu'à se ronger les sangs. Elle trouverait bien moyen de faire respecter l'ordre dans le chaos inhérent aux étudiants -que cela soit à travers des sourires ou des crocs.
Au milieu de ses affaires impeccablement rangées, elle glissa son journal de bord sous son lit, aux côtés de ses autres secrets. Qu'importe où elle se trouvait, ces pages étaient son ombre ; leur collection grandissait à la hauteur de ses années, et chaque livre contenait les moindres de ses secrets.
Ainsi, quelques chapitres t'étaient dédiés. Souvent ne transparaissait que ton fantôme, coincé sous les lettres parfaitement liées -une présence permanente.
Ton manque / ta perte / ton oubli n'a décoré aucune page.
Probablement ne savait-elle pas comment en parler, et encore plus certainement avait-elle jugé que ce n'était pas intéressant ; son cœur s'était rappelé qu'il se devait de rester froid lorsque trop de sentiments étaient concernés.
L'absence était apparue d'un jour à l'autre, sans que personne ne sache trop pourquoi elle a réussi à s'installer, ni pourquoi aucune d'entre vous n'a tenté de la faire partir.
Si on questionnait Kaguya à ce sujet, elle dirait : ce sont des choses qui arrivent.
L'agitation des couloirs irritait la Tsuchigumo ; on pouvait le discerner dans la tension qui tendait discrètement les muscles de sa mâchoire. L'observateur lambda n'aurait certainement rien pu en dire, d'autant qu'elle se mouvait promptement au milieu des autres carcasses peuplant l'école telle une habituée des foules et des contacts involontaires. Sa fuite était mesurée / paramétrée / planifiée. Elle se dirigeait sans détour vers les grandes portes du hall, salvatrices.
On la stoppa en plein élan.
Sa réaction ne laissa pas la devinette éclater comme milles artifices ; elle attrapa les étoiles dans l'air, les empêchant de prendre leurs envols. Les comètes étaient prisonnières de la terre, et elles étaient silhouettes étrangères en ce si sombre milieu, guidé par la gravité et les sentiments.
Kaguya garda le silence. Ses yeux mal assortis détaillaient l'autre regard devant elle.
Tu as grandis, se dit-elle, mais moins que moi.
La distance qui les séparait, autant celle du sol que dans le sens de la hauteur, illustrait parfaitement la rivière du temps qui reliait leurs rivages ; et si tu n'avais que des falaises à montrer, Kaguya avait laissé l'eau éroder ses souvenirs en galets aussi ronds et doux que des friandises qu'il ne fallait pas manger.
Son regard était froid, comme il l'était généralement, et cela montrait bien qu'elle ne savait comment réagir. Elle essayait d'analyser la situation, de son esprit mathématique. Elle comprenait d'où venait la dopamine mais le déversement de molécules dans son système la troublait. Sa rivière était comme soudainement prise d'assaut par une usine chimique et tous les épanchements dont elle ne voulait plus.
En un an, Kaguya avait terriblement changé.
Le temps s'allongeait. Il était sur le point de rompre.
La sélénite essaya de s'imaginer dans l'esprit d'autrui / du tien / du reste du monde. Elle imagina maints scénarii, hésita quelques instants de plus, avant d'enfin décider.
C'était une expérience / un essai / un saut dans l'esprit humain.
Kayo, souffla-t-elle. Un sourire fendit la pâleur de ses lèvres. Elle récupéra les mains qu'elle avait si promptement dégagées de ses paupières ; l'oxymore de l'intensité de ses gestes était excessif : d'un agacement glacial, elle passa à une douceur attentive. Même ses traits s'étaient amollis, malgré ses mandibules pointues.
Tu es déjà là.
Ce n'était qu'une simple observation / un fait / une immuabilité.
Kaguya, peinante, avait tenté de feindre l'excitation, mais la platitude relative de ses mots n'avaient pas réussi non plus à transmettre sa confusion générale.
Soudainement, son oreille n'étranglait plus tous les échos de ces contes de fantômes.

Kayo Awataguchi
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Kayo Awataguchi
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à l'ombre d'un rien
Sans doute eut-elle espéré à son encontre un retour un peu plus chaleureux, sans doute eut-elle trop longtemps en son fort intérieur composé l’art de ces retrouvailles tant attendues, ayant depuis des mois déjà nourri l'irrépressible espoir que son aînée l’ait attendue avec la même hâte. Néanmoins, l’enfant ne tarit pas de gaieté et conserva son entière contenance, quand bien même le sourire de Kaguya fut plus faiblard que celui nourri par l’attente ; bien au contraire, elle pressa plus fermement entre ses petits doigts ceux de la demoiselle qui lui tenait face, avant de s’élancer, poussée par un entrain intarissable, contre elle pour la serrer entre ses bras.

Là, le nez enfoncé son torse, ses deux paumes accolées contre ses omoplates, elle prolongea l’embrassade de quelques longues, interminables—bien que trop courtes encore à son propre goût—secondes, avant de finalement rendre sa liberté à la victime de ses passions les plus puériles. Ses lèvres n’étaient plus qu’une abondante cascade de rires incontrôlés ; l’enfant débordait de sa propre joie, et, n’ayant jamais sû maîtriser l’océan de ses sentiments, les voilà qui débordaient en un raz-de-marée euphorique. S’efforçant à tarir doucement son émoi, elle retrouva finalement un peu de contenance, suffisamment tout du moins pour souligner, comme si la chose n’était pas évidente : Je suis si, si heureuse de te revoir !

Puis, glissant un bras sous celui de Kaguya, ses lippes commencèrent à babiller, sans cesse. Dis, tu me fais visiter ? Et puis- il faut que tu me racontes tout, tout de ta vie depuis que tu nous a quittés ! Tu n’as pas répondu à mes origamis.... Ils se sont peut-être perdus. Tu crois que les origamis peuvent se perdre ? Ah ! Peu importe, maintenant je suis là, et c’est mieux encore que des morceaux de papiers. Par où on va ? Toute dégoulinante d’une puérilité aveugle, toute ignare à ce que Kaguya, peut-être, ne partageait pas cet entrain—laissant son enthousiasme mesuré sur le compte de la surprise—elle la tirait, à mesure qu’elle s’exclamait, à sa suite vers des corridors hasardeux. Que lui importait la destination, et même le voyage en vérité, tandis qu’à ses côtés se tenait une âme si longtemps éloignée—et même ses élans parfois jaloux lorsqu’elle avait songé à elle, à l’idée qu’elle n’eut pas la chance d’avoir été, à son tour, choisie par d’aucun, se taisaient en cet instant.


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if you don't have me, at least you'll still have you
La flaccidité de sa réaction était aux antipodes de la rigidité de sa réponse physique. Si Kaguya était habituée aux sourires demi-lunes / demi-mensonge, elle a toujours su doser la justesse en fonction des contextes qui s'imposaient à elle. Il fallait l'avouer -et elle le faisait rapidement, bien que pas volontiers : tu l'as prise par surprise. Tu l'as déphasée, stupéfaite, étonnée, sidérée, consternée. C'était gentillet de dire que sa riposte était faiblarde : elle était presque dénuée de quelconques muscles.
Elle prit ce contact intime comme une bénédiction et une malédiction. Ta peau la grattait et elle ne rêvait que d'enlever tout cet épiderme posé sur elle, indésirable, devenue encore moins désireuse des contacts depuis la dernière fois que tu avais fait traîner tes yeux sur elle. Au-delà du geste, il y avait le lieu, et si Kaguya n'avait que faire des chuchotements, l'idée d'être reliée à ton nom la démangeait presque autant que l'envie d'écarter tes bras de son réceptacle. Elle n'arrivait à en identifier la cause -pourtant, se dit-elle, elle avait bien tout laissé en arrière: tes affaires, tes idées, tes travers. L'enfant en avait oublié les sentiments.
Aucune complainte ne traversa ses lèvres. Elle se permis une lente respiration, alors que ses mains s'agrippaient à la revenante comme pour lui briser les os plutôt que pour s'assurer de sa santé. Sa tête avait gardé son port royal, imperturbable, alors que ses prunelles fixaient le fond de la pièce. Les pensées s'enchaînaient, à essayer de trouver des réactions adaptées et en même temps pleines d'honnêteté, mais plus elles s'accumulaient, plus elles se coulaient.
Elle remercia tes babillements de l'empêcher de devoir réagir. Consciente que sa passivité allait forcément faire l'objet d'un questionnement tôt ou tard, elle opta pour l’évitement. Un acquiescement vînt ébranler l'auréole en chimérique équilibre sur le haut de son crâne. Probablement, oui. Rien en ce monde ne sait s'absoudre au fait de se perdre. Que dirais-tu de dehors ? Cette familiarité lui écorche les lèvres. Ça la dérange physiquement à la seconde où elle libère ce tu indésirable, qu'elle n'utilise plus. Il y aura plus d'espace. Kaguya a besoin d'air.
Kayo Awataguchi
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Kayo Awataguchi
à l'ombre d'un rien
Quelque chose lui échappait, fracassant pourtant de vérité, tonitruant dans l’attitude de son amie si tendre à ses yeux, seulement voilà : Kaguya était figée en l’esprit de Kayo sous cette image qu’elle en avait conservée, et peut-être même idéalisée en son absence. Alors l’enfant, puérile et naïve, ô combien enchantée par les retrouvailles dont elle s’était impatienté depuis ce qui lui semblait une éternité, s’appliquait presque avec virtuosité à ignorer les premiers indices : la distance dans les gestes, la faiblesse dans les sourires. Kayo baignait dans l’insouciance — triomphait dans l’ignorance.

Pourtant, au royaume du silence, Kayo faiblit. L’enfant avait toujours entretenu avec le vide une relation ambigüe ; elle avait toujours porté dans son coeur les espaces immenses, les paysages infinis et les éléments grandioses que forme la nature, mais toujours craint les espaces blancs laissés entre les être humains (les silences l’inquiètent alors elle s’agite pour combler le vide). Ainsi elle s’exaspèrait en babillements incessant, et au plus Kaguya s'effaçait et creusait la distance, au plus Kayo s’engouffrait dans la brèche pour tenter maladroitement de la colmater. Dehors ? Ah, dehors, bien sûr ! J’aimerais aller jusqu’au bord de l’île et même en faire le tour- tiens, tu sais si c’est grand ? Tu l’as déjà fait, toi, le tour ? Est-ce qu’on peut voir notre île depuis celle-ci ? Elle se tut un instant, trébuchant sur ses propres mot, la mine soudain gênée (ce n’était déjà plus l'île de son aînée). Pardonne-moi, je veux dire, enfin… tu sais ! Peut-être serait-ce toujours la sienne, peut-être que tous les autres étaient déjà voués à s'en aller eux-aussi, après tout. Un sentiment presque amer qu'elle aurait été alors bien incapable de définir à cette époque la saisissait lorsque de telles pensées traversaient son esprit. Et si la vie était mieux, pour elle, depuis qu'elle était partie ?

Son embarras pourtant s’envola dès lors qu’elles franchirent les portes du château et rencontrèrent la fraîcheur de l’extérieur. Kayo inspira largement, un sourire large comme un croissant de lune au milieu de la figure, et ses lèvres s’entrouvirent comme pour reprendre le cours de ses joyeuses futilités, seulement un regard vers sa comparse acheva de la troubler. Penaude, elle se tortillait sur elle-même. Dis… Kaguya, je t’ai manqué ? En son fort intérieur, elle portait encore l’espoir, et plus que cela même, presque la certitude que la réponse ne pouvait être que positive ; et pourtant le doute, insidieux, s’installait, creusait un nid douillet entre les oreilles roses de l’enfant.


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messages, je n'réponds plus
car je n'veux plus
te voir
L'oxygène ne fait rien. Ses poumons sont pleins ; ils peinent encore à agripper quelques bouffées de plus, toujours plus, dans l'espoir que les longues inspirations parviennent à diluer cette sensation sèche au fond de sa trachée. Elle voulait continuer à creuser ses tranchées, mais chaque coups de pelle paraissait suspect en cette période de paix. Kayo en avait certainement discerné le métal ; s'était-elle imaginée un vase, un poignard ? une colombe incapable de voler ? Sélène était étrangement attachée à la réponse. Depuis quand faisait-elle attention aux pensées la concernant ? Ne t'excuses pas. Ca veut dire arrête de t'excuser et ses cheveux paraissent encore plus rigides, plus droits, maintenant qu'elle a lâché ces mots-là. Tu verra tout bientôt. Et elle sait, mais a-t-elle envie de le dire ? A-t-elle envie de te l'avouer ? Après tout, c'est une île magique. Elle est différente pour chacun d'entre nous. Son île n'est pas la même que celle de Kayo, et l'autre dont tu parles n'existe plus vraiment. Elle est devenue trop rigide, la fille de la lune, laissée de côté avec ses idées déplacées.
Elle savait que viendrait cette question. Kayo avait la qualité ingénue de ne jamais savoir trop longtemps se forcer ; là où Kaguya voyait auparavant l'atout de l'honnêteté, elle constatait aujourd'hui la faiblesse de l'égoïsme. N'avait-elle aucun respect, à demander chose pareille ? N'avait-elle aucune empathie, à distinguer les signes sans vouloir les comprendre ? Kaguya enterra ses fautes, et décida que ce n'était pas de son comportement toxique que provenaient les volutes de fumée ; plus tard, lorsque la tombe aura empoisonné tout leur jardin, elle niera en demandant les preuves. Non. J'étais bien occupée. Elle aurait voulu dire qu'elle s'est fait d'autres amis, mais ç'aurait sous-entendu que Kayo en était une. Kayo n'était pas de ces genres-là, non, ce n'était pas une copine, pas une connaissance, pas une amie. Kaguya hésitait encore entre famille et inconnue. Et, en souvenir de ces nuits remplies de contes et de magie, elle rajouta miséricordieusement : Toi aussi, tu ne pensera plus à moi. Kaguya savait toujours comment déposer la culpabilité sur les épaules des autres. Ce n'était pas elle, jamais, pas sa faute ni ses problèmes. Et puis, ne serait-ce pas mieux ainsi ? Elle ne voulait pas s'embarrasser d'une jalousie dont elle n'oserait jamais parler, qu'elle n'avouera jamais ; elle ne voulait pas se rappeler de tous ceux qui l'ont moquée quand elle ne savait pas encore se taire, elle ne voulait plus savoir qu'elle est à la merci d'une fillette aussi gentille qu'elle était stupide.
Kayo Awataguchi
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Kayo Awataguchi
à l'ombre d'un rien
Le souhait inconscient d’être aimée de Kaguya, et du monde entier s’il s’en fallait, battait aussi furieusement en son cœur trop petit d’enfant que sa volonté de lui apporter toute son affection, sans borne et sans relâche, sans jamais réaliser que, peut-être, il s’agissait de trop. Innocente et crédule, naïve sans doute encore et cela pour longtemps ensuite, Kayo portait une foi infinie en chaque être peuplant la terre, persuadée que tout un chacun renfermait, fondamentalement, du bon. Et si son assurance s'amenuisait doucement au regard de l’attitude de Kaguya et de ses réactions que la cadette n’avait pas anticipées, elle ne se défait pas de cette croyance intrinsèque : Kaguya est bonne.

Elle acquiesça vigoureusement lorsque Kaguya l’invita à cesser de s’excuser, ravalant un nouveau pardon à la hâte, et acquiesça encore avec la même force lorsqu’elle lui intima que l’île se voulait différente pour chacun. D’ordinaire si prompte à laisser les mots s’écouler en un flot discontinu, elle se trouvait, pour la première fois peut-être depuis son arrivée sur l’île, trébuchante au bord de ses propres lèvres, au derrière desquelles se bousculaient mille et unes questions, mille et uns espoirs et tout autant de baisers tendres qu’elle aurait aimé accoler avec ardeur sur le haut des pommettes de son aînée. Pourtant, et c’est là une sensation qu’elle ignorait, quelque chose qu’elle n’aurait su définir la retenait.

Et soudain, du sel dans ses yeux. Elle ne comprit pas immédiatement la portée des paroles de Kaguya, cette simple syllabe à laquelle rien ne l’avait préparé — ou bien tout l’y avait préparée, mais à chaque évidence elle s’était dérobée. Ses lèvres s’entrouvrirent pour se refermer aussitôt, tremblantes et agitées, et ses grands yeux s'élargirent comme deux billes pleines de sottise. Occupée ? parvint-elle tout juste à rétorquer, accusant maladroitement le coup avant de délibérément coller un nouveau sourire sur son visage ahuri. Ah ! j’imagine bien ! Tu as dû en faire, des choses ! J’aimerais que tu me racon- Là encore elle se tut tout à coup, car Kaguya proféra l’inexprimable, suggéra l’impensable. Les sourcils de Kayo se froncèrent, soudain emprise à une colère, ou plutôt à un caprice.

Ne dis pas des choses pareilles ! Je ne peux pas ne pas penser à toi. Elle s’étranglait sur chaque syllabe, retenant, au coin de ses yeux, des perles humides qu’elle chassa d’un revers de la manche. Tu racontes des idioties… Je n’aime pas quand tu dis des choses pareilles. Ça ne te ressemble pas. Un barrage s’effondrait ; le flot de palabres se déversait sans qu’elle puisse rien y faire si ce n’est se débattre vainement, avec force tremblements dans la voix, face à son tout premier chagrin d’amour. Je ne t’ai jamais oubliée, et tu m’as beaucoup manqué. Les joues gonflées, la mine attristée et furieuse à la fois, elle pestait mais ne s’avouait pourtant pas vaincue, et tâchant de retrouver un peu de calme, elle soupira longuement.

Pardon, je… Elle entortillait ses mains entre elles, jouant avec ses doigts, pliant chaque phalange, creusant ses paumes avec ses ongles, les yeux rivés sur ce petit jeu inquiet. Je m’emporte alors que… que ce n’était qu’une blague. Pas vrai ? Elle redressa soudain le menton, pleine d’espoir et priant tous les kamis de ce monde qu’elle ait raison alors même que le doute encore l’assaillait et pesait sur ses épaules comme une chape de plomb. J’oubliais presque combien on rigolait, ensemble ! Tu te rappelles ? Ah ! faites qu’elle se souvienne, nos souvenirs d’antan, nos sourires d’avant.


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i'm leaving
Kaguya n'aimait perdre son temps à pleurer ce qu'elle aurait pu oublier. C'était suite à cette logique même qu'elle s'accrochait face à Kayo : elle voulait être statue de pierre, insensible aux blessures qu'elle infligeait, si peu impactée par les mouvements humains, alors qu'elle était komainu, à vouloir écarter les malheurs quand elle les voyait venir.
Kayo était une énigme pour Kaguya. Elle était la seule qui avait planté en son être une présence familière, constante, présente depuis des années. Elle ne l'avait jamais quittée, et c'était Kaguya qui avait laissé tomber. C'était son premier abandon. C'était la première fois qu'elle, princesse, avait cédé à ce que les autres lui faisaient (à cette délirante qu'on ne gardait jamais trop longtemps à ses côtés).
Elle savait que Kayo ne le méritait pas, et malgré cela, faisait le choix de rester en haut de la chaîne alimentaire -celle qui décide, et qui ne subit que ses propres décisions. Ah ! Jamais ne laissera-t-elle d'autres déterminer ses sentiments de par leurs actions, s'était-elle juré.
Et pourtant -et pourtant ! L'arrêt brutal de ce babillage habituellement incessant eu l'effet d'une œillade de Méduse ; c'est en son cœur que Kaguya sentit l'horrible vérité qu'elle n'avait cherché qu'à éviter : elle était triste. Était-ce à l'idée d'encore être questionnée ? Ou bien à cause de l'effet dénaturant qu'elle exerçait sur Kayo ? Ou, plutôt, dû à l'exécrable sensation d'être injuste, malhonnête, cruelle ? Oh, ce soulèvement de myocarde ne l'ennuyait pas autant, d'habitude ...
Quand les mots reprirent leur vitesse, Kaguya les laissa glisser comme une caresse à son oreille. Elle n'aimait pas les compliments, n'y croyant jamais, mais ton ode à son existence avait un vrai qu'elle avait envie d'accepter. Mais de qui parlait-elle ? D'un souvenir ou d'une réalité ?
Kaguya se demanda si, en un an à peine, elle était devenu le monstre qu'on invoquait auparavant pour l'insulter.
Ses yeux dépareillés regardaient les expressions de Kayo comme un robot mal réglé, peu habitué aux réactions si fortes qu'elles le faisait trembler. Finalement, n'étaient-ils pas que trop similaires ? Ces deux coffres de chairs, enveloppés dans ce papier de soie de déni, renforcés par des arguments sans fondements, renfermant des trésors d'un autre temps.
Le silence s'allongea. L'automate ne savait plus quoi dire, comment réagir. Les erreurs s'amoncelaient dans le pauvre cœur unique qu'elle portait en son sein; elle n'avait les capacités pour traiter toutes ces informations à la fois. Devait-elle la recopier ? Prendre un grand souffle, aérer pour éviter la surchauffe ? Eteindre et redémarrer ?
Non, c'était bien plus simple que cela.
Kaguya ne voulait pas la voir triste.
Elle lui préférait cette tentative d'assurance, le menton levé et des rancissures de larmes, plutôt que la confusion qu'elle avait craché, après l'avoir fabriqué entre ses vingt-huit dents. La pause était longue, peut-être même les spectateurs pensaient la conversation terminée. Pourtant, Kaguya reprit la parole. Sa voix était égale à elle-même : dénuée d'émotion, si plate qu'elle pouvait en devenir somnifère, pour tant soi peu qu'elle ne nous tienne pas entre les tenailles de ses propos. Cette fois-ci, elle laissa le temps aux mots de respirer. Ils avaient l'air plus vivants ainsi. Les gens changent, Kayo. Ces dires auraient pu être sages, mais ils sortaient de la bouche d'une gamine de treize ans et paraissaient seulement cyniques. Elle réfléchissait bien trop mal pour son âge. Peut-être ferais-tu mieux d'occuper tes pensées à des sujets plus récents.
Qui était-elle, Kayo ? Oh, sûrement pas une chose simple, encore moins une gamine, aucunement quelqu'un de peu intéressant. Elle était d'une résilience rare, armée d'un courage qui n'aurait jamais dû être nécessaire, et l'univers se devait d'être généreux avec elle : ne méritait-elle pas les plus belles fins, et les plus déchirants adieux ? est-il possible de donner tant de passions sans décider qu'elles feront de leur porteuse la plus heureuse ?
Alors Kaguya écouta l'univers. Tiens, par exemple. Le hall que l'on vient de quitter, il est perpétuellement rempli de cerisiers en fleurs.
Et alors, le temps existe-t-il encore ? A-t-il vraiment besoin d'être considéré, accepté ? Croit-elle que les histoires d'avant existe encore maintenant ?
Alors que les cerisiers, jamais ne se fanent.
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