Tu comptais les flacons, les bocaux ou tous les instruments posés sur les étagères de cette infirmerie. Le contenu des placards jusqu'au moindre crayon. Tu lui avais demandé s'il s'en sortait en cours, et tu connaissais déjà la réponse, mais qu'en penserait Hidenori s'il savait que tu excuses des absences sans raisons valables. Sans doute que tu ne serais plus à ton poste depuis un bon moment. Tu allais devoir rectifier le tir, au plus vite. Tu aspires sur ta cigarette, repensant une dernière fois à cet échange. A cette journée, ce moment. Celui qui a bouleversé ta vision de toi, et de lui, et des autres. Celui qui n'aurait pas du se produire. Tu ne veux pas changer, et tu ne veux pas te livrer, à un enfant. Exceptionnel, certes. Mais ce n'est pas correct.

«  J’excelle dans… la plupart des matières. Et mon comportement est irréprochable. Ne te fais pas de soucis pour ça et laisse donc ce dossier rangé »- Tu es sûr hein ? Il te faudra tout de même un mot d'excuse, je ne sais pas...

Tu ne cherches pas plus loin, tu n'es pas un forceur. Tu n'es pas du genre à quémander de la compagnie, quitte à causer du trouble à un élève. Surtout pas. Bien au contraire, tu préférerais que chacun mène sa vie sans que personne ne pense à toi. C'est plus facile. Tout le monde part, toujours, et tu n'as plus la force d'espérer que ça n'arrive pas, qu'on reste avec toi. Alors il va partir, et tu vas pouvoir finir ta journée. Tu espères juste que tu n'auras pas d'autres entretiens de ce genre avec les élèves. Tu n'en as ni l'envie, ni la force. L'énergie t'a quitté et il va ta falloir du temps avant de tout récupérer. Beaucoup de sommeil et une bonne soirée. A cette pensée, tu esquisses un nouveau sourire. Celui de quelqu'un qui a hâte, qui est pressé. L'envie.

« C’est booon, je m’en vais. N’abuse pas des cigarettes ! »
- Oui papa. Aller dégage maintenant !

Papa et Papa. Quel beau duo. C'est un peu incohérent toutefois. Depuis quand les enfants prennent-ils soin des adultes ? Est-ce là leur projet secret ? N'est-ce pas la mission que les parents entreprennent, pourquoi les enfants la récupèrent-ils ? Tu commençais à te perdre dans tes pensées au mesure que les pas de Yori s'éloignaient. Tu l'entendais se rapprocher de la porte, et tu n'y prêtas que peu d'attention. Tu lui avais dit au revoir, à ta manière, et c'était amplement suffisant.

« « Au fait, Kuro…  »
- Oui ?
« Merci. »

Tu n'as pas tourné la tête, quand il a dit ça. Tu n'as rien fait. Tu étais occupé, et tu ne l'as même pas regardé. Tu es juste resté bête. Et c'est une fois que la porte a claqué, qu'il a tourné les talons et qu'il n'y a plus eu un seul bruit dans l'infirmerie que tu as bêtement réagit. Le regarde perdu dans le vide, les yeux de nouveau humides. Quelle pleurnicheuse tu fais. Tu parles d'un bonhomme. Tu n'es que fumée. Retour au calme, à la solitude. Aux souvenirs, au passé.

- Non. Merci à toi... Yori.