Petit Ashe, qu’est-ce que tu es en train de faire ? Vagabonder dans les couloirs de l’école ? Encore ? Ça te va plutôt bien. C’est même devenue une habitude ! Tu sais qu’on va finir par te prendre pour une âme errante à force d’être aussi muet et discret ?

Enfin bon, Tu trouvais qu’il faisait un petit peu froid aujourd’hui, alors tes petits pas ne t’ont pas emmené à l’extérieur. Pourtant tu avais tellement envie de te perdre dans la brume du ciel…
Mais cela serait bête de retourner aussi rapidement à l’hôpital n’est-ce pas ? Alors que tu viens tout juste d’en sortir.


Tiens, il est joli le plafond de ce couloir. Est-ce que tu avais déjà pris le temps de le détaillé ? Pas d’après tes souvenirs.
Un…Deux… Trois… soixante motifs différents… ? Ou alors tu t’étais répété. Aucune idée, pourquoi devrait-on se compliquer la vie ?


Pourquoi est-ce qu’on ne retournerait pas dans notre chambre ? Se reposer ne t’a jamais fait de mal. Surtout que depuis ta sortie de l’hôpital, tu fatigues encore rapidement.
Tu ne connais toujours pas le nom de la maladie que tu avais eu… Juste quelques bandages et cicatrices cachées sous tes manches.
Tu essaies à nouveau de te souvenir, de réfléchir.


… Tu pensais à quoi déjà ? Ah oui ! Retourner dans ta chambre !
On monte les escaliers, encore quelques-uns…
Et te voilà dans ta chambre ! Tu tournes un peu sur la gauche, enlève tes chaussures et te voilà assis sur ton lit.
Ton lit… C’est ton lit Ashe ? Non, ce n’est pas ton lit…
Ce n’est pas le tient, mais tu ne le sais pas. Tu ne le sais plus…


La chambre de ton frère, le lit de Kai. C’était le siens. Mais comment te le faire comprendre ? Tu étais simplement en train d’agiter les jambes, totalement perdu dans tes pensées.

Jusqu’à qu’un grincement te fasse revenir sur terre.

… Où était ta chouette ? Et ce petit chat qui te suivait constamment ?
Pourquoi est-ce que les draps n’étaient pas de la même couleur ?
La femme de chambre était passée pour les changer ?

Pourquoi est-ce que tu ressens si soudainement un aussi énorme vide dans ton cœur… ?

On balance des pieds, on balance des pieds toujours perdus dans nos pensées. Pourquoi tout à si soudainement changé ? C’est bizarre que tu ne reconnaisses rien, non ? Des affaires qui ne sont pas les tiennes, une odeur que ton petit nez n’a jamais explorée. Pourquoi est-ce que ton cœur commence à s’emballer ? Pourquoi tu te mets à paniquer ? Qu’est-ce qui est en train de t’arriver ?

Tu ne comprends rien, absolument rien. Ton regardé couleur menthe s’est envolé si loin dans tes pensées. Comme si tu n’étais plus là, plus sur terre, mais en train de creuser ce noir qui grandit dans ton cœur.

Pourquoi est-ce que tu étais en train de porter tes mains vers ta poitrine ? Pourquoi est-ce que ça faisait mal et que tu les serrais si fortement ? Pourqu-

Ah, une voix. Ashe… ? C’est vrai, c’est ton prénom et non celui d’un autre. Alors pourquoi de temps en temps, tu crois entendre quelque chose d’autre ? Pourquoi sa voix semblait si hésitante ? Pourquoi on lui demandait ce qu’il faisait là ? Laissez-lui quelques secondes, il a de la peine à revenir à la réalité.

« Tu… » Petit moment de silence avant que tes yeux ne s’ouvrent un peu plus.  « Kyōsuke ? Bonjour. » Tu fixas ses yeux de tes iris si clair, mais vide.  « Je suis venir dans ma chambre. Pourquoi ? »

Puis ta petite tête se mit à scruter la pièce quelques instants pour essayer de retrouver ne serait-ce qu’un seul repaire, mais il n’y avait rien. Rien qui te disait quelque chose, juste ton cœur qui se serrait de plus en plus.

« Je ne comprends pas. Où son mes affaires ? Ma chouette ? Le chat qui me suit… Si quelqu’un m’a fait une blague, elle est ennuyante. »

Eh bien, ta petite voix habituellement douce avait bien changé, n’est-ce pas ? Beaucoup plus froide, cassante comme celle de ton frère. Et pourtant, tu ne le fais pas exprès… Tout comme tu n’as pas voulut t’assoir sur l’ancien lit de ton très cher frère. Adieu ce rire enfantin, adieu ce sourire qui pouvait réchauffer des cœurs. Bonjour Kai… ? Non, bonjour petite coquille vide qui a réceptionné la personnalité de sa moitié décédée.

Mais surtout, pourquoi parlait-il d’une éternité ? Cela faisait combien de temps exactement ? Impossible de te le rappeler, impossible. Comme si ta mémoire ne voulait pas te le dire. Tu es peut-être fatigué.

« Une éternité, oui. Avant les vacances ou même plus ? »

Qu’est-ce que vous aviez fait la dernière fois ? C’est la question que tu avais envie de poser. Mais pour le moment, tu te retenais. Tu te retenais car tu avais peur qu’on se moque de toi ou qu’on te prenne pour un faible. Pour le moment, tu voulais retrouver tes affaires. Le stresse que ça te procurait allait continuer à te faire intérieurement paniquer…

L’espace et le temps sont des choses si compliquées, si mystérieuses et qui ne se contrôlent pas. Ta mémoire était perdue dans cet infini sans qu’elle ne daigne venir te saluer et te situer. Tu devais avancer avec cette noirceur inconnue dans ton cœur et il t’était impossible de savoir ce que tu devais faire, ce que tu avais fait… Ce que tu avais perdu ? Mais la douleur du corps ne s’efface pas… Ta mémoire ne te reconnait plus, mais ton cœur ne t’a pas abandonné.

Heureusement pour toi, une voix était en train de te guider dans ces abysses infinis, une voix que tu semblais connaitre, mais que tu avais de la peine à situer. Des flashs de souvenir, mais qui électrocutait ton cerveau comme pour te voiler quelque chose. Pourtant, tu sais que tu le connais, mais tu ne sais plus…  Rah ! A quel point et ça te frustrait, Ashe ! Tu te mis à le fixer droit dans ses yeux alors que les tiens étaient vides d’émotion.

« Si tu me fais une blague, ce n’est vraiment pas drôle. »

Tu parles trop vite, Ashe… Comme si tu avais peur inconsciemment peur qu’on te dise quelque chose que tu ne veux pas entendre. Regarde, ton camarade venait de te dire que les chambres avaient été échangée, alors… Calme toi ! Fronçant un peu les sourcils, ta petite tête se pencha sur le côté d’un air complètement paumé.

« …Ah bon ? On ne me l’a pas dit. » Une légère pause.  « Ou alors j’ai oublié. »

En revanche, cette information… Oui, celle que tu venais d’entendre, Ashe. Ça ne te plut pas.

« Comment ça, ça n’a jamais été ma chambre ? Je suis sûr que j’ai déjà dormi ici ! Je me rappelle la vue de la fenêtre. »

Oui, c’était dans tes souvenirs, tu en es sûr ! Mais ce que tu ne sais plus, c’était que ce n’était pas pour dormir, mais pour passer du temps avec Kai, avec Kyô… Des souvenirs biaisés par une perte, brisés par la douleur… Des mains sur tes yeux, une âme qui s’était emprisonnée dans ton corps pour ne pas mourir définitivement.

Tes yeux suivirent ses mouvements pour s’assoir sur le sol avant de te dire que cela faisait beaucoup plus longtemps que vous ne vous étiez pas vu. Combien de temps ? Des semaines ? Des mois ? Des années ? Tu n’es pas un calendrier, Ashe. Tu ne sais même plus quel jour vous êtes du mois, de la semaine… Quelle heure était-il au juste ?

« Ah bon ? Ça fait combien de temps ? J’m’en souviens plus. »

Tes yeux perdus sur le plafond, les fronçant en tentant de retrouver des images, des dates, des moments, mais une grimace se forma sur ce visage si calme, si vide, si absent. Une douleur dans ton crâne qui t’obligea à baisser la tête et te le tenir d’une main. Encore un électrochoc ?

« Putain… »

Quel vilain mot que tu n’employais jamais. Des termes que seuls ton frère employait, toi tu avais toujours été doux, Ashe.

Pourquoi tu étais content de le voir ?
A quel point vous étiez proche ?
Pourquoi est-ce qu’il ne peut pas s’en souvenir si tu étais un de ses amis les plus proche ?

« Pourquoi tu es content de me voir ? »

Tu as besoin de savoir, tu en as tellement besoin. Une partie de toi ne veut pas le repousser, c’est un ami. Tu ne dois pas ! Mais une autre à peur car elle ne se souvient de rien, elle te brise de l’intérieur… A un point que tu ne répondis pas à sa question. Tu veux savoir, tu le veux…

Ton corps était présent dans cette chambre, mais ton esprit s’était complètement envolé dans ce ciel dont ne voyait que l’éternité.

A cet instant, tu étais complètement brisé, Ashe… C’était à peine si tu te souvenais correctement de ton prénom et heureusement : on ne s’était pas trompé sur ton identité lors de ton réveil…

Si on t’avait appelé Kai, tu aurais sûrement cru l’être.

Peut-être que dans une autre réalité, cela a été le cas ?

Ne nous égarons pas, revenons dans cette chambre qui te semble si similaire, mais pour de mauvaises raisons : tu n’y as jamais dormi ou alors que très rarement si un cauchemar t’avait pris.

Pourquoi autant de questions ? Pourquoi ne pas simplement te laisser te reposer : ton corps était encore faible et parsemé de blessure.
Tu te souvenais de l’attaque et pourtant : pas vraiment.

Ton esprit était encore trop fragile pour que des images claires te soient présentées.

« Quand on s’est vu pour la dernière fois ? » Pourquoi te posait-il cette question ?

Tes yeux se levèrent au plafond, fronçant tes sourcils d’incompréhension.
Tu as l’impression d’y voir des images, des souvenirs et le visage de Kyousuke, mais rien ne te revient de manière limpide : il y avait un élément perturbateur, mais lequel… ?

« Je crois… Que c’était à l’extérieur ? Dans les jardins. C’était amusant et- » Tu parlais de manière si absente, comme si tes paroles t’éloignaient de plus en plus de la réalité avant de rebaisser la tête et d’avoir complètement oublié le fil de la conversation…

Par contre…

« Pourquoi tu t’obstines à dire que je n’étais pas dans cette chambre ? Je sais que je l’ai été. » Et tu n’aimes pas vraiment qu’on continue à te dire le contraire.

Normalement, tu n’es pas aussi têtu et prise de tête : encore un côté que tu as volé à ton frère.

Cependant, les mots de Kyousuke finirent par te marquer.

Alors que l’on a toujours été ensemble.

… ? Pourquoi est-ce que ton cœur se met à battre plus rapidement ?
Que tes yeux s’ouvrent un peu plus grand et qu’une main vint se poser sur le côté de ta tête ? Sûrement la fatigue.

« Je… » Un petit silence.
« …Moi aussi je suis content de te voir… » Finis-tu par dire, comme si ton cœur s’était réveillé un instant.

Comme s’il t’alertait que tu ne devais pas encore perdre un proche, un ami…
Quelqu’un avec qui tu avais des souvenirs partagés, mais qui deviennent pourtant si douloureux.

Tu sens que quelque chose cloche, mais tu remets tout sous la faute de la fatigue… Mais tu es devenu trop têtu pour l’avouer, le faire remarquer ou même en parler.
Le petit Ashe fragile, naïf et bon vivant avait disparu pour ne devenir qu’une coquille vide et à la recherche d’une reconnaissance dont il ignore la provenance.

« Atterrir ? Je ne suis pas un oiseau. » Malheureusement.
« Je sais que nous sommes à l’école, que les cours reprennent, que je vais devoir faire de mon mieux cette année aussi et-… »

Pourtant, ton corps commençait déjà à te rappeler les douleurs vécues.
Des bandages encore légèrement visibles, tu ne pus retenir une grimace de douleur et entourer ton ventre qui recommençait à te rappeler la réalité : mais tu ne dis rien pour ne pas prouver ton actuel état de faiblesse.