Le temps s’était déroulé, interminable et douloureux, grosse balafre sur ta chronologie. Tu en avais essuyé des nouvelles aussi cruelles que funestes et s’était abattu devant tes pupilles, le voile du deuil. Adieu la passion, adieu la folie, adieu le paternel et tout autre espoir de ta suprématie.
Tu ne seras pas le roi, il est trop tard pour toi de recommencer l’échiquier. Ta reine est partie sur un autre plateau, maintenant c’est l’échec. Tu te refuses encore ta place de pion; et quitte à prendre la place du fou, tu tenteras le cheval de Troie.

Tes mains n’ont jamais été aussi hideuses. C’était la raison pour laquelle tu arpentais les couloirs les mains nichées dans les plis de tissus qui ornent ton uniforme. Tes mâchoires sont serrées, signe de ta détermination et ambition, de ton nouveau mutisme - certain diront que c’était le miracle de l’année 97. Le goût amer du sang résonne encore sur ton palais, tu sens encore Shion sur ta peau; la putréfaction du géniteur que tu n’as pas su prévenir se distille dans tes veines; tout à la sapidité de la mort et règne à Mahoutokorou l’odeur de la décomposition. Ne reste plus qu’à renaître comme le phénix; mais le Japon est davantage connu pour ses grues.

Les pensées fourmillent de questionnements, de doutes, de peurs, de déceptions et de tristesses; un capharnaüm tortueux. Depuis le jugement au Ministère, il ne semble plus avoir de cohérence et, si tous ces évènements avaient eu un impact positif sur toi, il était temps de montrer que tu n’étais pas le pion allant à l’abattoir. Tu es le pion qui, arrivé au bout, est promu cavalier.

Tu ne serviras pas les mensonges.

Arrivé devant la porte en bois, ta main squameuse frappe puis l'ouvre. Lorsqu'elle se referme, tes doigts glissent sous le tissus, dans ton dos.

« Takamori-san, merci de me recevoir aussi rapidement. Vous devez vous douter de ma présence. Beaucoup de doutes planent dans cette école macabre, il en ressort malgré tout des certitudes que je vous demande d’écouter. J’ai pris des décisions. »

Et mat.

Battait ton coeur comme les tambours sur les champs de bataille, si familier soit-il, ton cousin avait l’air d’un ennemi et ses dires tantôt ne couvriront jamais les doutes, la rage et l’inquiétude qui vivaient en toi. Dans le bureau du professeur régnait une odeur de mort. Peut-être était-ce dû aux armures vides, cadavres vidés ou l’odeur de ferraille qui s’en dégageait, si ce n’était les babines découvertes sur un sourire animal qu’il arborait.

Tu balaies de la main son ironie avant de t’appuyer contre de son bureau. Les paumes de nouveau nichées sous les pans de ton uniforme. S’il était doué pour le sarcasme, tu aurais au moins espéré un peu plus d’esprit et de sous-entendus. Tes yeux soutiennent les siens, tu t’y verrais presque. « Je ne souhaite pas m’investir davantage parmi les protecteurs de Gyokuji, malgré ta demande de cet été. Je resterai néanmoins impliqué dans leurs affaires car leur position est avantageuse pour l’instant, mais je m’impliquerai ailleurs…  »

Avant de lâcher la nouvelle, tu marques le silence, le temps d’apprécier et découvrir le visage de ton interlocuteur. Allait-il trahir une surprise ? Une moquerie ? Une désapprobation ? Tu te détournes alors, scrutant les lieux, à la rencontre de chaque samouraï jusqu’à desceller le vide qui les remplit. À la recherche d’un intrus, tu te ballades dans la pièce à pas lents pour enfin revenir, les bras croisés, face à ton Seigneur, quand, finalement, tes doutes se taisent. « Je rejoins les partisans de Yuutsu. Renie-moi si tu le souhaites, tu le feras via le mariage quoiqu’il arrive. Je tenais simplement à te prévenir car je reste sous ta tutelle. » Et que tu n’avais personne à qui te confier. Ton paternel étant décédé, et puis, il n’aurait pas été ton confident à ce sujet.