Il est un fait, que les planètes alignées ne sont qu’éphémères. Rien n’est naturellement horizontal, vertical, rectiligne. Aucune structure, fédération, gouvernement ni croyance n’est droite. Il y a toujours des courbes qui détournent le chemin direct. Et depuis ta naissance, tu n’as cessé de prendre les sentiers arrondis. Non par désir d’aller plus vite, mais pour avoir le loisir de voir les autres se fourvoyer dans les chemins les plus piégés.

Il était évident que la branche des Gyokuji allait subir le revers du Ministère, il était aussi certain qu’une insurrection des plus fidèles à l’Empereur viendrait. Plus tôt que tu ne le pensais d’ailleurs. Sugawara-san avait le mérite du haut de sa centaine d’année, d’être encore réactif. Mais cela ne te convenait plus, Ryuu, la soumission à un groupe qui s’essayait à la politique réactionnaire; tâtonnante, maladroite et trop lente. Il était temps, tu le sentais depuis un moment, que tu t’investisses dans l’affaire publique. Tu te sentais prêt à agir sur et dans le gouvernement. Après tout, tu avais dans ton sang les gênes du stratagème, les Fujiwara maîtrisaient l’art des jeux.

Tu n’étais pas sûr, évidemment, de la pertinence de Seimei, ni de sa sincère motivation à sauver l’Humanité magique; après les horreurs survenues, tu lui faisais peu confiance mais il avait su rallier de puissants sorciers, loins d’être stupides. Il avait aussi, et surtout, le mérite de vouloir agir. Enfin, il pouvait te permettre d’accéder aux clés qui te manquaient pour t’installer dans le monde magique sans avoir à t’asseoir sur ton patronyme. Seimei représentait l’opportunité. Et tu la saisiras à pleines dents.

Arrivé devant le restaurant, tu arbores le sourire d’un loup qui avait faim. Tu es arrivé en retard, le retard du ponctuel, juste assez pour laisser le temps au fugitif de s’installer et de t’attendre.

La salle comme les clients baignent dans un buffet d’odeurs et de fumées, délicats. Tu apparais alors si fin et raffiné dans tes habits blancs et dorés. Peut-être avais-tu sorti le grand jeu mais à vrai dire, tu n’avais que de belles pièces dans tes affaires. Il allait de soi que tu n’allais pas revêtir des vêtements trop simples pour une occasion si important et, tu ne voulais pas non plus offrir à ton bénéfacteur la jouissance de se savoir supérieur.

Tu avances lentement, guidé par l’hôte jusqu’à ta place, et c’est dans une révérence si bien apprise au cours des années que tu t’installes, les dents rangées derrière tes lèvres courbées. « Bonsoir, Tsukino-san, navré de mon retard. Je savourais la tranquillité des rues moldues. »

Tu n’étais pas désolé, tu ne contemplais pas la ville. Tu étais arrivé avec la boule au ventre. Et même si tu étais déterminé, tu allais revoir le meurtrier de sa ta chair. Tu ne l’avais contacté que parce qu’il était le plus proche représentant des partisans de Seimei que tu connaissais, et lien familial par ta soeur.