Bien rares étaient les hommes à même de regarder Shisui Awataguchi dans les yeux sans faillir, essentiellement pour la drastique différence de silhouette : drapé dans le voile nocturne que constituait son plus familier vêtement, une large robe saupoudré de quelques touches rutilantes, son allure se démarquait de ses pairs. Quand bien même, l'écrasante majorité du monde magique connaissait l'homme répondant à une si atypique description et ne cherchait à s'en approcher ; si le prestige faisait les affaires d'une famille dont l'or demeurait au cœur des intérêts, il ne s'accompagnait que rarement d'une sincère amitié.

La politesse régissait les paroles, mesurée par les traditions inhérentes à l'inopinée rencontre d'un homme d'une si grande envergure : et lorsque les yeux manants s'écarquillait face au charisme écrasant de qui ne laissait le moindre doute quant à sa célèbre entité, Shisui ne tarissait d'amusement. Son rire cristallin s'étouffait entre des lèvres allouées à la politesse que l'on attendait de lui, sans qu'il ne se prive de ses étonnantes familiarités : sa jovialité ne manquait jamais d'étonner le peuple, car en paradoxe évident avec ses manières vestimentaires.

Son escapade constituait preuve suffisante de son humilité, au même titre que le temps qu'il accordait à ces discussions mondaines. Loin des préoccupations familiales comme du jugement omniscient qu'il accordait à son entourage, les inconnus avaient pour eux qu'il n'en connaissait les obscures origines—mais tout le monde ne partageait cette chance : lorsque son regard s'attardait sur la frêle mais toutefois unique silhouette d'une femme qu'il n'aurait jamais songé croiser en de telles circonstances, le sorcier fit aussitôt part de son étonnement.

Professeur Manami ! Quelle joie de vous rencontrer ici.

Un généreux sourire tracé sur de fines lèvres, troquant la sobre humilité qu'il allouait au public pour le bénéfice d'une joie jusqu'alors toute contenue : le contact du monde n'était jamais pour déplaire à qui avait passé l'extrême majorité de son siècle sous le toit des Awataguchi, car il ne se lassait jamais d'en découvrir les aspects. Lorsque son fils avait rejoint l'école en tant que professeur, Shisui n'avait pas manqué de se renseigner sur l'identité de chaque membre du personnel de l'école, en gage d'assurance, et quelle surprise que de constater qu'une femme aussi douée qu'Asagao Manami ne portait en elle le prestige d'aucun nom ! D'elle-même, elle se tirait de la malédiction de ses parents ; et obtenir les grâces des kami n'était jamais chose aisée pour qui s'extirpait des griffes d'un monde aussi abject que celui des moldus.

Takumi n'est pas des plus loquaces, il n'est donc rien d'étonnant que vous ne me connaissiez pas. Je suis Shisui Awataguchi. Mille questions se bousculaient un esprit aussi versatile qu'il pouvait, sur certains points, se montrer clairvoyant : la raison de sa présence ici, d'une mine qu'il estimait—du mieux que pouvait le faire un homme tel que lui—anxieuse, au-delà du raisonnable.

Me feriez-vous l'honneur d'une discussion au gré d'une tasse de thé ? Je n'ai que rarement l'occasion de rencontrer de sorciers aussi remarquables que vous, et bien peu choisissent d'emprunter la voie ardue de la pédagogie.