Grâce à Akira, je pus avoir accès à la cuisine de l’école. La discrétion avait été de mise, si je ne voulais pas être trouvé durant la journée. Et là, je poussais la porte de la cuisine et la refermais derrière moi, me retrouvant seul et en tête à tête avec Akihiro.
Pourquoi mon coeur battait si vite ? Dans ma tête, les images cent fois jouées semblaient bien, très bien même, et maintenant que j’étais là, que je pouvais le voir, tout me semblait si ridicule.
-Bonsoir.
Un sourire étira mes lèvres en le voyant et l’observant. Décidément, je ne le voyais pas assez. Je ne voyais pas assez aucun de mes amis, mais cette fois-ci, cette pensée me fit mal, me blessa. Encore une fois, j’avais du mal à comprendre pourquoi, bien que j’en avais pourtant une idée.
Malade, je ne l’étais pas. Mon esprit était souvent ailleurs, vagabondant, pensant à des choses et d’autres, songeant à lui et une certaine nuit d’une étreinte partagée. J’avais conscience que je pensais pas autant à mes autres amants, même quand ceux-ci étaient nouveaux, ils n’accaparaient pas mes pensées comme lui le faisait.
-J’ai demandé à Akira pour avoir un moment avec toi… J’espère que ça ne te dérange pas…
Je me sentais un peu gêné. J’avais peur qu’il me dise de partir. Je le pouvais encore, le train n’était pas encore parti… Mais, pour ma part, je n’en avais pas du tout envie.
Et comme un idiot, je restais debout près de l’entrée.
Décidément, ces sentiments étaient bien plus difficiles à cerner et vivre que l’amitié.
Le mois de décembre était synonyme de neige pour le cuisinier qui avait dit au revoir à son ami étrangement souriant après leur service. Akihiro préférait rester, souvent dissimulé dans l’ombre de la pièce à lire l’un des romans volés à la bibliothécaire qui lui avait été conseillée par l’assistant calligraphe Tsugikuni. L’inventaire avait été fait, plus tard dans la nuit il s’attèlerait sans doute à confectionner des pâtisseries qui n’auront droit d’être dévorés que par les plus honnêtes. Il fallait du courage pour arpenter les couloirs dans la pénombre, mais plus encore pour oser demander. Certains, les plus timides notamment ne le feraient pas et pour ne pas connaître les habitudes de tous, loin d’épier le moindre fait et geste des étudiants présents, le cuisinier se contente de réserver les desserts pour une heure plus décente.
Savourant la poésie et accoutumé depuis longtemps à recevoir des visites, il lève le nez lorsque la porte s’ouvre, surpris d’y trouver dans l’encadrement l’herboriste qui avait dérobé une part de son cœur. L’ouvrage est fermé au profit d’un accueil aussi hésitant qu’il était surprenant, car la porte se ferme derrière lui tandis qu’il approche. « Bonsoir, je ne m’y attendais pas, vous m’avez bien eu tous les deux » un sourire transparait au travers du masque et le yatagarasu de cœur se rapproche avec lenteur. « Tu ne déranges jamais voyons, j’ai beau être surpris c’est agréable, tu vas bien ? » inquiet malgré la bonne humeur apparente du jeune homme, il ne peut s’empêcher de chercher un signe, désireux de n’en louper aucun. Sa main se hisse au poignet du kitsune, caressant le dos de sa main dans une proximité qu’il ne se permettait avec très peu de personnes.
De mon trouble, j'essayais de ne rien en laisser paraitre, même si mes yeux devaient m'avoir trahi l'espace d'un instant.
-Oui, je vais bien. Et toi ?
Les mots soufflés portaient en eux la tendresse que j'éprouvais à le revoir et à le sentir si proche. La main caressée se mouva de sorte à ce que je puisse lui prendre la main, sans pour autant enlacer nos doigts.
-Je...
Je cherchais le courage d'avouer.
-Tu sais, aujourd'hui, et surtout demain en fait, c'est un jour important dans d'autres contrées. Je ne suis pas resté là-bas suffisament longtemps pour tout comprendre, mais... Lors de cette nuit, les gens partagent leur repas ou un moment avec ceux qui leur sont chers.
Je marquais une pause. Mon regard l'avait évité pendant mon explication. Puis je trouvais ce courage que je cherchais afin de le regarder et de me perdre dans ses prunelles. Je le fixais, mais ma voix faiblissait tandis que je trouvais mes mots ridicules au moment où je les prononçais.
-Je voulais passer ce moment avec toi...
De tous mes amis, c'était avec toi que je voulais passer un moment particuliers. C'était toi que je voulais revoir au plus vite. C'était toi dont la voix me manquait même si nous échangions fréquemment des mots volants. C'était avec toi que je voulais être quand j'étais dans les bras d'un autre et cette fois là me permit de comprendre.
C'était toi qui faisais battre mon coeur.
Loin de la froideur du temps, la cuisine était sujette à une chaleur presque constante si l’on omettait la chambre froide prévue à cet effet. Mais il n’était question que d’une température adéquate aux préparations auxquelles les artisans étaient dévoués et puisqu’il n’y avait plus rien à faire jusqu’à ce que l’envie s’en fasse sentir, Akihiro s’était laissé choir sur une chaise. Aubaine que d’avoir la visite d’un ami qui était en réalité bien plus que cela. L’ambiguïté de cette relation était parfois blessante, mais jamais l’ancien yatagarasu n’en dirait quoi que ce soit, bien trop respectueux des sentiments des autres pour imposer ses propres pensées. Il n’était pas sûr lui non plus d’être foncièrement amoureux, craignant les déceptions et s’y jetant pourtant corps et âme lorsqu’on lui faisait ressentir un semblant d’étincelle. Il y avait des exceptions et Reiichi en était une bien au-dessus des autres.
S’approchant pour le saluer, il était inquiet de savoir ce qui lui valait cette visite et l’anxiété notable de l’herboriste ne pouvait qu’aller en ce sens. La difficulté qu’il avait à s’exprimer rendait le cuisinier nerveux, bien qu’il l’encouragea en ne laissant rien paraître. L’ambre se détourne de l’onyx, un instant pour exprimer un sentiment particulier. Une pause plus tard, le temps de retenir son souffle, Reiichi lui disait tenir à lui assez pour vouloir partager ce genre de moments avec lui. C’est en faisant l’effort de le fixer à nouveau qu’il lui cède une part intime de ce qu’il ressentait. En contre partie, abasourdie, Akihiro se contente d’assimiler, sentant son cœur s’animer et ses membres picoter d’une chaleur nouvelle. « Effectivement, c’est important de le dire et je suis heureux que tu l’aies fait »
Retenant sa main au cas où, il cherche à son tour les mots qui se bousculent dans son esprit et qu’il aurait précipités s’il n’avait pas pris le temps de réfléchir. Son impulsivité avait fait un retour fulgurant, réminiscence d’une jeunesse lui rappelant que changer ne voulait pas dire que l’on devait supprimer l’ancien soi. « Je tiens beaucoup à toi aussi, peut-être plus que je ne le devrais, mais… ce n’est pas comme s’il était facile de contrôler ce que l’on ressent » il n’était sûr de rien si ce n’est d’avoir cette affection particulière qui le poussait à aller toujours plus loin avec Reiichi et à en découvrir davantage sur le sens de ses propres émotions. Lorsqu’il s’agissait de lui, tout était plus intense.
Je serrais doucement sa main qui ne lâchait pas la mienne. J'attendis patiemment. Et en effet, je n'étais pas rejeté. Que du contraire, cela semblait réciproque.
-C'est même assez compliqué, oui.
Après ce murmure, je levais ma main libre vers le visage de l'homme pour lui caresser la joue, avant de rapprocher nos visages et de poser mes lèvres sur les siennes, à travers le tissus de son masque, à peine deux secondes. Ce baiser fugitif suffit à apporter un mince voile de rougeur sur mes joues. Mais peut-être pourrais-je accuser la chaleur de la pièce qui contraste avec l'extérieur.
Je repris une distance entre nous qui sembla plus adéquate pour deux hommes, même si nous restions lier par nos mains se tenant.
-Tu voudrais donc bien passer la soirée avec moi ?
Il était maintenant trop tard pour prendre le train du retour.
Dans le miel subsistait la flamme vacillante engloutie par l’émotion, mais l’ensemble de son visage restait calme, confrontant le regard espiègle du cuisinier qui se voulait rassurant. Ses mains entre les siennes, Reiichi avouait la complexité de son initiative et en avait été récompensé. Effort qui n’avait pas été inaperçu pour Akihiro qui savait ô combien son ami avait du mal à mettre de l’ordre dans la brume de son esprit. Peut-être l’y aidait-il un peu en se montrant honnête. Il l’avait toujours fait, cependant les sentiments bons ou mauvais étaient parfois cachés au profit des siens. S’il ne lui disait pas tout, il voulait bien partager un peu cependant et garder le plus gros pour qu’aucun d’eux ne soit submergé. Ici il n’était cependant pas question de se laisser aller aux sombres idées de cette année terrifiante, mais au bonheur d’un instant qui resterait à tout jamais pour rétablir l’équilibre.
Sur ses lèvres, au travers du tissu, le baiser furtif laisse une marque indélébile et invisible. L’ancien yatagarasu n’en réclamera pas plus tant les rougeurs sur le nez de l’herboriste le faisait rire. Il se retenait, caressant l’idée de pouvoir passer cette soirée si spéciale à ses yeux en sa compagnie et acquiesce pour toute réponse en se contentant d’en poser une autre. « Tu avais prévu quelque chose ? Je suis curieux maintenant » Sa chaleur lui manquait presque et l’embarras de son amant ne faisait qu’accroitre davantage son envie d’en être responsable.
-Hmm... Non. J'avais peur de ne pas oser ou pire, que ... tu ais d'autres projets. Je préférais ne pas prévoir ...
Je poussais un léger soupir, baissant la tête puis relevant les yeux vers lui.
-Désolé, j'aurais du prévoir quelque chose ! ...Est-ce que tu as déjà mangé ?
Car il était cuisinier, toujours ou presque en cuisine, mais quand mangeait-il ?
-Je peux essayer de te faire quelque chose, ça te changera.
Il cuisinait toujours pour les autres, mais qui cuisinait pour lui. Toutefois, me voir avec un couteau était une mauvaise idée. Très mauvaise idée.
Je me rapprochais une nouvelle fois de lui et le regardais dans les yeux en souriant.
-Tu voudrais m'aider à faire un dessert ?
C'était beaucoup moins dangereux de faire un dessert plutôt qu'un plat, non ? Mais surtout, je n'arrivais pas à effacer ce petit sourire taquin de mes lèvres à l'idée de partager un dessert en sa compagnie.
La panique avait quelque chose de délicieux lorsqu’il s’agissait d’une situation aussi candide que celle d’une fête dont Akihiro n’avait aucune expérience. L’herboriste, lui, s’était penché sur la question, caressant l’idée d’une soirée à deux sans en prévoir les activités pour s’assurer ne pas essuyer un refus. Quand bien même il aurait été impossible pour le cuisinier de se libérer dans l’immédiat, il aurait trouvé du temps pour lui, désireux de satisfaire les envies de ses proches. Voyons que le membre du personnel ne répondait pas, il s’enfonçait lentement dans le doute. Ce n’est que par un rire léger que l’onyx se figea malicieusement dans l’ambre. « Ne t’en fais pas, je comprends et pour te répondre, je n’ai pas encore mangé non »
L’idée de voir Reiichi s’activer seulement pour lui était déjà un cadeau en soi, mais avait-il besoin de le savoir tout de suite ? Non, évidemment, sauf si l’on comptait sur l’honnêteté du cuisinier. « C’est assez rare que l’on me propose de cuisiner pour moi et j’apprécierais grandement, mais je m’en voudrais aussi que tu t’y sentes obligé » il pouvait se contenter du plat qui lui était réservé d’office et ça lui conviendrait d’en préparer simplement deux de plus. Mais il ne put réprimer un sourire « D’accord pour le dessert, je manie le couteau, tu t’occuperas du reste » une caresse près de ses hanches, il récupère le nécessaire n’ayant aucunement besoin de venir le chercher grâce à sa baguette, cependant le contact avait été apprécié et il se contenta de demander « Que souhaites-tu faire ? Tu es chanceux, d’habitude, ceux qui viennent cuisiner avec moi sont punis »
-Je ne m'y sens pas du tout obligé, surtout si tu m'aides...
Je lui souriais, visible ravi à l'idée de passer du temps avec lui.
-...Même si je pense que c'est plutôt moi qui vais essayer de t'aider.
Le sourire s'agrandit par l'amusement et je lui volais un nouveau baiser rapide à travers le masque avant de m'esquiver pour aller plus vers le centre de la cuisine. La caresse sur ma hanche ne m'avait pas laisser complétement indifférent, même si je n'en montrait rien, et c'était peut-être pour cela que je mettais une distance un peu plus large. Une chose était sûre, son masque permettait en effet d'être moins tenté. Si j'avais eu l'accès direct à ses lèvres, j'aurais eu beaucoup plus de mal à m'écarter de lui.
-Hmm... Je ne sais pas trop.
Réfléchissant, je posais ma main droit sur ma taille et l'index de gauche tapota mes lèvres en signe de réflexion.
-Ce qui te fera plaisir pour le repas. Et pour le dessert... On peut faire des crêpes ? Avec de la chantilly et des fruits !
L'idée était venue comme ça. Soudainement. Un dessert à la fois gourmand et frais grâce aux fruits.
Puis un sourire taquin illumina mon visage, alors que mes yeux brillaient d'une certaine malice.
-En revanche, ça me plairait plutôt bien d'être puni en cuisine avec toi...
Il y a des qualités requises à se former aux arts, quels qu’ils soient. Patience, minutie et agilité à vouloir sculpter une matière, et ce en fonction de sa texture qu’il était nécessaire de prendre en compte. Les sciences n’en sont pas indissociables en dépit des préjugés. Il fallait savoir allier les saveurs et connaître les réactions dans son cas pour arriver au résultat escompté. Cette réflexion devient habitude avec le temps comme pour toute discipline lorsqu’elle est suffisamment ancrée dans l’esprit de celui qui pratique. Fermeté et douceur devaient être dosées et en cela, le caractère du cuisinier était adéquat, souriant derrière son masque à l’herboriste dont la témérité surprenante avait su piquer sa curiosité entre autres choses. La cuisine était à partager au sens d’Akihiro et l’ingrédient principal n’était pas le talent ou le savoir-faire, mais toute l’implication et le cœur mis à l’ouvrage. Il ne doutait aucunement des intentions de Reiichi, récoltant les caresses par-dessus le tissu et en prodiguant lui-même avant d’en être privé.
La distance nécessaire à leur projet fut passée sous silence par le cuisinier toujours taquin qui laissa le choix du dessert à son ami bien trop proche. L’idée de crêpes fut émise, adorable, délicieuse et délicate attention, parfaite pour une occasion comme celle fêtée ce soir. « Bien, des crêpes, des fruits et de la chantilly » il avait laissé trainer son regard sur la décision en attente et cette pose adorable si caractéristique. Tous adoptaient des mimiques léguées par les soins d’une humanité rodée et en cela, il y avait une candeur inéluctable en laquelle croire lorsque le doute s’immisçait comme une ombre et susurrait à ses oreilles que ce monde était perdu. La défaite n’avait jamais fait partie du vocabulaire du cuisinier, si tenté qu’il eut baissé les bras lorsque son cœur était blessé. Un temps est toujours nécessaire à la guérison et en dépit de cela, il y parvenait toujours. Jamais comme neuf, car les cicatrices seront bien visibles par ses mots, par son expérience. Il était à des lieux des maux qu’on pourrait ou qu’on lui avait causés, précipitant sa propre agonie en sentant un frisson remonter le long de son épiderme lorsque de punition et de Reiichi il est question. Il se racle la gorge, toussote derrière son masque et passe machinalement ses mains sous l’eau.
« Bien, ne me tente pas, je doute que ce soit l’idéal ici et maintenant, mais empêche-moi de faire la vaisselle chez toi et sois sûr que je te punirais » sous son propre toit, évidemment cela avait peut-être moins d’impact, cependant l’autorité d’Akihiro était loin d’être un mythe, fondé sur l’originalité de ses châtiments…
Tout le nécessaire s’était retrouvé sur le plan de travail en un claquement de doigts ou presque, évitant l’effort aux deux sorciers de se disperser trop. Le repas mijotait tranquillement pendant que l’un s’occupait de la préparation aux crêpes et l’autre domptait la crème à l’aide d’un fouet. Le silence s’était glissé sensiblement tant ils étaient concentrés, mais pas suffisamment pour être embarrassant, tout au contraire, les gestes s’accordaient peu à peu pour ne pas empiéter sur l’espace de l’autre, bien qu’il soit impossible d’occulter Reiichi pour le cuisinier taquin, laissant parfois trainer ses doigts près du coude de ce dernier pour le déstabiliser légèrement dans ses manœuvres.
-Ce serait moins une punition si je t'interdis quelque chose chez moi.... Mais j'en prends note...
Les mains propres, je commençais à faire les crêpes, des gestes moldus appris avec ma mère dans mon enfance. Car la cuisine magique était quelque chose qui m'était totalement étrangère, de par mes origines, de par le fait qu'à l'école, c'était les cuisiniers qui s'en chargeaient, de par mes voyages où je n'avais pas eu non plus à m'en préoccuper réellement. Restant concentrer sur ma tâche pour éviter toute catastrophe éventuelle, je n'avais pas pensé que la distraction éphémère d'un contact plaisant rappellerait à moi cette maladresse si caractéristique. À son contact, je détournais la tête pour l'observer, le dévorer d'un regard dérobé. Mais les gestes non habitués à la cuisine causèrent la douleur. La brûlure vive me fit retirer les doigts de la poêle tandis qu'une légère plainte s'échappait entre mes lèvres qui accueillir rapidement le doigt blessé.
La fatigue n’avait pas épargné le cuisinier après une longue journée de travail. Bien qu’il appréciait toujours ce métier, autant pour la tranquillité que ça lui apportait que pour l’atmosphère qui régnait dans les couloirs, il ne pouvait prétendre que sa motivation en fin de journée était toujours présente. En réalité, elle fluctuait en fonction de ses envies et également de l’humeur des autres. Alors, c’est tout naturellement qu’en voyant Reiichi, il ait eu envie de lui faire plaisir et se soit remis à l’ouvrage non sans user d’un peu de magie pour leur faciliter la tâche.
Entre deux taquineries, ne manquant pas de l’émouvoir assez pour le décontenancer, il poursuivit la recette, coupant les fruits et préparant en amont quelques coulis après avoir laissé les fouets s’épuiser pour lui à former la chantilly dans un saladier. Les quantités étaient amplement suffisantes, ne lui prenant donc pas énormément de temps et lui permettant de s’amuser un peu. Seulement sa blague tourna au vinaigre quand le liquide encore chaud avait coulé sur les doigts de l’herboriste. Il récupéra immédiatement la poêle pour la réserver et projeta de soigner son petit ami par magie. « Ah je suis désolé, je ne pensais pas que tu te laisserais distraire » même s’il l’aurait sans doute fait la même chose. Finalement, c’était peut-être lui qui méritait une punition. « Je termine les crêpes si tu veux, il n’en reste plus beaucoup à faire et nous pourrons aller les déguster où tu veux » chez l’un ou l’autre, tout était permis.
-Ce n'est rien, vraiment. ça ne laissera même pas de traces, je suis sûr.
Je déposais un baiser sur ta jouer, pour te rassurer et par envie.
-Je veux bien qu'on aille chez toi. C'est plus proche, non ?
Et aussi parce que j'avais envie de découvrir l'endroit où tu vivais maintenant. En savoir plus sur toi, même des détails, était ce que je chérissais le plus en ce moment. Et te voir reprendre la relève des crêpes avec autant de facilité m'arracha un nouveau sourire. Sagement, contrairement à toi, j'attendis que tu finisses notre petit dessert. Cela semblait si appétissant, mais moins que toi.
Un fois toutes ces armes culinaires éloignées de toute malhabileté de ma part, je revins près de toi, t'enlaçant avec tendresse.
-J'ai hâte de pouvoir les déguster avec toi.
Mes yeux ambrés à la teinte mielleuse se faisaient taquin sur le double sens que pouvais prendre cette phrase. Je me laisserai guider jusque chez toi, avec la légèreté du bonheur de pouvoir simplement être à tes côtés.
Blessure superficielle et culpabilité se mêlent et se noient dans le sourire doucereux de son cher et tendre. Akihiro ne se laisse pas apprivoiser suffisamment pour qu’il lui échappe, oubliant leur met pour un sort de soin, il troquerait volontiers pour échanger leurs places. Ses mains se saisissent de celles plus délicates de l’herboriste pour s’assurer qu’aucune trace ne saura assombrir sa peau, même d’une minuscule marque. Puis il s’enquiert de la louche et de la poêle pour terminer leurs affaires.
« Chez moi alors » répliqua le cuisinier simplement sans presser le mouvement. Lorsqu’enfin la dernière sucrerie gagna le plat de ses consoeurs, il ensorcela les ustensiles comme on mettrait en marche son lave-vaisselle et se saisit de l’assiette pleine dans un sourire aussi espiègle que tendre, à l’image de celui offert par Reiichi. Le baiser sur sa joue n’avait pas suffi à calmer l’envie d’une étreinte dont il se préservait un minimum sur son lieu de travail et fort heureusement pour eux, ils n’eurent pas à se restreindre plus de quelques minutes, traversant les ponts et les paysages pour gagner la bâtisse réservée au personnel. Ses appartements, modestes par leur contenu, mais riches à son cœur furent rapidement investis par la senteur vanillée des crêpes et de la mousse montée pour les accompagner. Ses mains enfin libres, l’ancien Yatagarasu soupire et dans la lenteur de ses gestes laissait tout le loisir à son amant de lui échapper. Mais s’il n’y avait aucune opposition, il ne se priva pas de le serrer dans ses bras, nichant son visage contre son cou, ses doigts se faisant lierres à grimper le long du dos de l’ancien Kitsune. « Pour ne rien te cacher, je n’ai aucunement l’intention de me nourrir de crêpes, l’expression vivre d’amour et d’eau fraiche est parfaitement adéquat » nul besoin de plus pour son bonheur, la chaleur qu’il lui apportait faisait tout son bonheur.