S’améliorer, encore et toujours. De cette perfection inaccessible, de cette volonté intransigeante, l’amélioration rugissait en elle. Terrible, volcanique, brûlante. Était-ce les attentes inconscientes des Tsukinos sur sa personne ? Elle entrevoyait les griffes acérées des siens autour de son coeur, emprisonnant dans un cadenas toutes notions de bien et de mal. Elle leur appartenait et elle ne s’appartiendrait sûrement jamais. Telle était l’origine même de sa naissance, de son présent et de son avenir. Le choix. Quel choix ?

Demander à cet élève de l’entraîner ou de s’entraîner résultait de l’envie intangible d’entretenir ce talent. Un talent durement acquis au cours de ses années. Rien ne vint tout chaud. Il fallait travailler, pousser au-delà des règles émises par son corps et sa vie.

Pour le meilleur résultat.
Pour la meilleure réussite.
Pour cette reconnaissance inespérée.

Un commentaire, une appréciation de ses capacités, que demandait-elle ? Une simple attention à son égard, un simple regard, une inspiration fraîche dans ses poumons pour la libérer de ce fardeau. Elle enviait les autres. Elle désirait leur place, incapable de conquérir la sienne. Elle espérait cette innocence, cette insouciance, que personne ne lui avait permis d’avoir.

Meurtrière.
Mourir ou renaître.
Elle tuera pour un autre, et ce durant l’entièreté de son existence.

Arrivée dans cette salle à l’odeur nauséabonde de sueur, elle remarqua sa présence avant même d’y mettre les pieds. Elle noua ses cheveux dans un chignon désabusé, attrapa son bokke entre ses doigts. Son échauffement déjà terminée, elle n’attendait plus que lui, sur ce tatami.

- Bonjour, Ashe Hanagumori.

Pour une fois, elle laissa son ton cynique et impertinent de côté, pour le moment. Froide, indifférente, concentrée, elle l’analysa pourtant du coin de l’oeil, curieuse de ce nouvel humain. Les couloirs chuchotent. Elle avait ouïe dire de ses compétences à l’épée. Elle souhaitait en apprendre davantage, encore et toujours. S’il était possible de lui enseigner des arts inconnus, elle le ferait. Pour elle, pour eux, pour lui.

Parce qu’elle ne s’appartenait pas.
Parce qu’elle était sa propriété d’ors et déjà.
Rajan Tsukino.

Le goût de la défaite persistait sur sa langue. Elle se souvint encore du choc de son dos contre le tatami, de son regard sur elle avec tant de dédain, de ce brasier incommensurable qui consumait ses veines. Elle ne laisserait plus le déshonneur l’atteindre de cette manière. Mais à la fois, une part d'elle-même en redemandait. Elle désirait Akina. Elle la désirait dans une volonté d’auto-punition. Parce que la douleur lui rappelait à quel point elle existait.

À quel point, elle était vivante dans ce monde.

Qu’elle pouvait mourir, qu’elle pouvait vivre mais surtout qu’elle ne décidait pas. Alors dans ce simple objectif, elle avait enfin un choix, maigre soit-il. Elle devait s’améliorer et pousser encore plus loin ses limites. Mentales et physiques. Qu’importe, elle allait saigner pour cette ambition.

Si ce n’était pas pour la battre, ça serait pour lui. Ça serait pour le rendre fier et vivre pour sa satisfaction. Un mot de sa part équivaut à tant de bonheur pour toi. Tant de satisfaction en découlerait.

Elle mit sa fierté de Tsukino de côté, consciente qu’elle n’avait plus à la ramener. La concentration dissimulée prirent appuie. Elle chercha l’espace entre le conscient et l’inconscient, déterminée à vaincre sur son passage. Ashe la fixe, plus jeune, son talent à l’épée lui sera tout bonnement bénéfique.

Elle laissa de côté toute notion d’impertinence, toute notion d’égoïsme. Elle comprit qu’elle ne devait pas chercher à dominer pour réussir aujourd’hui. Elle allait se servir de lui pour se projeter vers le devant, pour grandir, pour la vaincre.  Cette vengeance coulait, tel le sang limpide fuyant la plaie. Et cette blessure persistait sur son égo de Tsukino.

- Mes positions, ma concentration et mes techniques.

Elle planta ses iris dans les siens, avide, éprise d’une rage de vaincre, d’un sentiment impuissant dépassé. Pourtant, l’émotion persistait dans sa gorge. Cela l’agaçait au plus haut point. Elle en tremblerait presque de colère.

Je dois m’améliorer, à tout prix.

Pour sa propre survie.

Elle ancra ses pieds dans le sol, imita la position qu’elle connaissait depuis toute petite. Elle en mourrait, elle en saignerait, elle se donnerait de tout son être. Il était une solution, elle l’utiliserait pour ce qu’il avait à offrir. Elle détaillerait chacun de ses gestes, chacun de ses mouvements pour en assimiler toutes les subtilités. Il était une aide, un collègue, un moyen. Un compagnon d’armes.