— MAHOUTOKORO
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ma seule étoile est morte,
Kayo Awataguchi
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Citation : dans l'attente du printemps éternel
Age : dix-sept ans
Rang : C3
Seimei
Seimei
Kayo Awataguchi
https://mahoutokoro.forumactif.com/t1239-d-or-et-d-azur
https://mahoutokoro.forumactif.com/t1392-sauvage-kayo
Kayo Awataguchi
dans la nuit du tombeau
Ma seule étoile est morte,
et le soleil
aussi

Cette nuit-là je n’avais pas dormi, l’esprit trop occupé par ces mauvaises chimères qui hantaient mes songes depuis quelques jours déjà ; aussi fus-je troublée lorsque le matin, le soleil ne deigna baigner l’horizon de sa présence réconfortante. L’angoisse grandit lentement, nouant mes viscères, et quelques longs moments plus tard (si longs !), un dragon de papier échoua sa course entre mes doigts. Déplié, il dévoila la nouvelle funeste — m’arracha un cri de stupeur. Plus que la mort d’un empereur, je craignais l’absence de l’astre divin et de sa lumière, et une pensée pernicieuse m’accabla : et si cette chape nocturne plus jamais ne se levait ?

Anxieuse, je me précipitais hors des draps, sans prendre le temps de me vêtir davantage, nus pieds, et m’engouffrais dans les couloirs à toute allure, faisant fi des regards inquiets autour de moi et des apostrophes de mes mères. Je tirais tous les battants sans jamais les refermer derrière mon passage et seule la gifle glacée de la température extérieure me calma un peu. Je repris mon souffle — je repris ma course. Je courus ainsi sans jamais me retourner jusqu’au bord de l’île, le regard figé sur un horizon que je distinguais à peine. J’avais beau y chercher des réponses, et la course du soleil (il devait être quelque part derrière cette funeste courbe !), je n’y trouvais rien d’autre qu’une noirceur immense. Mes jambes fléchirent sous mon poids.

Je caressais l’herbe encore humide de la rosée matinale du bout des doigts, et me penchais un peu en avant au-dessus de la falaise. Je devinais en contrebas le remous des vagues, et l’image cynique de mon corps fracassé contre la roche traversa mes pensées l’espace d’une fraction de seconde qui m’horrifia. Je me demandai, Ryutamarou, as-tu toi aussi connu en ton esprit un soleil si noir que la mort t’a semblée plus douce que la vie ? Le chagrin pesait en mon cœur comme une enclume.

J'avais un frère à la mer,
une soeur au ciel
et moi entre
les deux

J’ignore combien de temps je restais ici prostrée, incapable de me mouvoir ni d’éclairer mes songes. Sans-doute, quelque part sur l’île me cherchait-on, mais je connaissais ces terres mieux que quiconque et cette cache était celle où je venais me recueillir parfois car je savais que personne d’autre que moi ne s’aventurait jamais en terrain si abrupt. Des heures entières eurent pu passer, je n’en comptais pas les minutes. Tout mon petit corps était frigorifié. Je ne souffrais pourtant pas véritablement de la morsure du froid — moins que celle de la nuit en tout cas.

Mes yeux finalement trouvèrent la caresse réconfortante de la voûte céleste. Les cils battant tout à coup, je cherchais parmi les lumières de l’empyrée une lueur à laquelle me raccrocher. Les étoiles que j’observais me paraissaient pourtant bien vaines, ah ! où te caches-tu ? Fébrilement, je parcourais le firmament du regard, sans jamais trouver satisfaction jusqu’à ce que tout à coup une lueur minuscule mais plus radieuse que toutes les autres retînt mon attention. Alors, je décidai très égoïstement : tu es là.

La suite je ne puis la dire, car je te murmurais des mots que je n’eus souhaité murmurer à personne d’autre. Je les chuchotais avec dévotion et amour, je les chargeais d’espoir et d'indulgence car il eût été bien médiocre de ma part de t’accabler de remords qui ne t’eurent causé que du tort. Ces mots je les délivrais au vent comme on délivre une prière, une supplication et une confession à la fois. Et je parlais, parlais sans pouvoir m’arrêter, je contais à l’espace infini qui nous séparait toutes ces choses que je n’avais su formuler les jours précédents et qui m’étaient restées en travers de la gorge sans que je ne puisse rien y faire. Je parlais, sans discontinuer, jusqu’à céder à l’épuisement qui vint sans que je ne le soupçonnât.

Là, les yeux humides et les paupières alourdies, je sentis tout mon corps ramollir jusqu’à sombrer dans l’étreinte consolante de Morphée — ah, enfin.