Aurore des premiers jours accueillaient le grain tatoué de ta peau. Tu plissas des yeux et inspiras l’éclosion printanière des fleurs. Cette partie reculée du domaine s’offrait aux plaisantes compagnies des femmes du clan. Pour la plupart, épouses de yakuzas influents au sein de la famille, elles éduquaient les enfants aux bonnes conduites et aux règles sectaires des Yamaguchi. Le parquet craquait sous les pas lourds du rôle que tu incarnais. Les dames et les serviteurs s’inclinaient sous le passage tremblant de la veste sur tes épaules. Les fils délicats du voile dessinaient des scènes conquérantes, pourpre du sang de la guerre. Position imprenable du trône.

De ces jades obscurcis par les horreurs commises, tu déposas ton attention sur sa chevelure ébène. Sa mince silhouette agenouillée, recluse dans un tableau qui lui collait un peu plus à la peau. Le monde sombre du clan. Tu t’arrêtas un instant et fis signe de vous laisser seuls, d’un simple geste furtif de la main, telle une autorité patriarcale. Ta vision divagua, sur une époque révolue, où la frêle petite ne mesurait qu’un tibia écrasé. Tu revis dans l’éclair succinct du passé l’être que tu avais récupéré, adopté pareil à un chiot abandonné mais pour qui une douceur contradictoire t’avait poussé à la prendre dans tes bras.

Ton père ne représentait rien qu’une figure paternelle absurde et lâche. Alors, toi à quoi pouvais-tu prétendre en adoptant une enfant ? À rien. Et pourtant, ce jour-là, coloré d’un écarlate couché de soleil, tu avais décidé d’en faire ta famille, lui conférant le rôle particulier d’une enfant illégitime, au cœur d’un monde dicté par les anciens et les plus forts.

- Hanami.

Ta voix vibra dans l’air, annonçant ton arrivée. Un sifflement dans l’air, un souffle, l’appel du serpent envers un autre. Sa progéniture. Son œuvre. Quand le monstre avait recueilli, c’était pour en créer un autre. Parce qu’il n’y avait d’autres issus. Un sourire étira les traits de la bête.

Princesse de mes serpents, que peux-tu me siffler aujourd’hui ?

Elle ne devait allégeance qu’à toi. Dans ce monde brut, cruel et obscur, elle se noyait dans la noirceur pour mieux servir les ténèbres. Parce que son but était de t’obéir, tu lui réservais toute ton affection paternelle. Avec le temps, sans un mot, sans comprendre pourquoi elle et pas une autre, tu te liais à cette petite pour en faire ta fille.