Les pas se pressent sous le clapotis des gouttelettes incessantes inondant les rues de ses bruissements. Le printemps s’est lassé, pleurant ses premiers jours à l’orée de l’automne, dérangeant les marchands et gorgeant d’eau la verdure insistante entre les pavés et le bois. Immobile dans le tumulte de l’orage, il observe le ciel et se demande pourquoi son courroux est si beau. Il est bien le seul à recueillir les larmes, les faisant prisonnières de sa chevelure azurée devenue encre à s’en être imbibée. Sur ses lèvres peintes se noie le sourire éphémère d’un homme comblé par l’égoïste nature dont les états d’âme leur sont intimés à tous.

Seul, ses doigts fins caressent les surfaces à leur portée, prenant le temps de savourer le rare présent des allées désertées pour quelques minutes à peine. Une fois satisfait, il s’engouffre à l’abri, délaissant à l’entrée son épais manteau et ses bottines. Ses phalanges brûlent, encore mouillés par caprices, il les réchauffera autour de sa tasse après avoir débarrassé la table d’un revers de manche pour y déposer une théière fumante. Une lettre persiste, de ses couleurs menaçantes sur le bois verni. Il la dévisage, contrarié, ses dents pointues plantées dans la chair de sa lèvre inférieure. Qu’est-ce qu’elle me veut encore ?

Il l’ignore, laissant dévaler sur sa langue le goût parfumé du liquide, une main récupérant les origamis dispersés dans la pièce après avoir tracé avec minutie quelques kanji. Son courrier le distrait, oubliant les problèmes dans ce cocon temporaire. Ses amis, connaissent le cinglant de sa plume, mais celui-ci n’avait droit qu’aux formes, réservant le fond au détour de conversations. Qiu n’était bavard qu’en la présence de peu, n’entrouvrant la porte de ses plus viles pensées qu’à certaines âmes bien accrochées.

Mon amertume est tenace, mais que tu la rendes aigre ou douce, ta compagnie reste la bienvenue.
De toute façon c’est toujours moi qui parle et tes sourires énigmatiques qui me scrutent et me jugent sans exprimer de sentence me rassurent. Peut-être que cette fois c’est à ton tour.

L’eau ruissèle encore sur le plancher, ses longs cheveux rendent sa tête lourde et il la penche en arrière pour observer au-delà du papier tamisé les ombres de ces perles suspendues aux fenêtres. En quelques mouvements habiles comme un chef, il ordonne aux meubles de se ranger, aux objets de regagner leurs places, ne laissant qu’un livre, son thé et sa missive écarlate dans son champ de vision. Si je te déchire, tu vas revenir m’emmerder par dix fois… tu me pourris l’existence pour une année seulement, sangsue sans avenir…