« Nous allons vivre la plus grande aventhonre au monde, ce qui n'est pas rien. »

Il avait dit cela l'air de rien, l'air de tout, l'air d'un masque sur le visage, mais aussi l'air marin dans le nez. Pourtant, il venait bel et bien d'attraper cette jeune fille par le bras et l'entrainer en courant vers la plage, sans lui fournir aucune explication. C'était seulement maintenant qu'ils s'étaient arrêtés qu'il se permettait de lui parler. N'allez pas croire qu'il avait attrapé la première personne venue par le bras et l'emmener avec lui pour son nouveau plan digne d'un génie. Il avait fait cela à Maiko car il la connaissait, tout comme il avait connu son frère. Ainsi, il savait qu'elle était digne de confiance pour cette grande aventhonre qu'il allait lui proposer.

Tout fier de lui et sans quémander de questions ou d'interrogations, il se permet de sortir de son sac une paire étrange de chaussures, chaussures bien moches. Leur physique ressemble à un thon, le poisson oui, et il semblerait que le pied devait passer par ce qui avait l'air d'être la bouche d'une poisson; mais il s'agissait bien là d'une chaussure. Il les présente fièrement, les met en avant sans même expliquer de quoi il s'agit. Il est persuadé que l'étrange design de l'objet parle de lui-même, alors il ne fait qu'exposer peu de faits.

« Deux solutions s'offrent à nous. La première, je mets les chaussures et je te porte. La seconde, on met une chaussure chacun et on essaie d'être au maximum synchroniser pour marcher. »

Grâce aux trous de son masque, il est possible d'apercevoir des yeux brillants d'une joie enfantine. Ces yeux, voyez-vous, sont ceux d'une personne qui a hâte d'essayer quelque chose; marcher sur l'eau. Il ne craint pas le risque, ne craint pas les vagues ni même les diverses créatures aquatiques qui peuvent s'y trouver. Il est prêt. Il ne manque plus qu'une partenaire avec qui partager cette idée incroyable, car il serait bête de la garder uniquement pour lui.

« Alors, t'en dis quoi Maiko ? »

Il savait qu'il pouvait compter sur elle; c'était bien la sœur de son frère, il n'y avait aucun doute. Il en aurait peut-être même une larme à l’œil tellement il était fier. Fier qu'elle l'accompagne, mais fier du choix qu'elle avait fait. La marche synchronisée. C'était une idée incroyable; la meilleure même. Pas de temps à perdre donc; il lui tend une chaussure tout en enlevant celles qu'il a actuellement aux pieds.

« Très bon choix ! Que dis-je, excellent choix ! J'en mets une à mon pied gauche, mets celle-ci à ton pied droit ! Après on fera deux trois pas au bord pour se synchroniser et ensuite hop ! à l'aventhonre ! »

Il enfile la thon-ssure et se retrouve avec un pied chaussé et l'autre nu. On peut dire que cela donne un look d'enfer et inimitable. Il est tellement heureux qu'il en sautille sur place d'ailleurs, en attendant que la demoiselle face de même et qu'ils puissent affronter l'océan ensemble. Si le test de la plage fonctionne, qui sait jusqu'où ils pourraient aller !

« C'est pas faux. »

Désormais, tu grimaces derrière ton masque en te demandant si on ne t'a pas vendu des vrais poissons à la place de ces chaussures, mais tu ne penses pas qu'une blague comme celle-ci serait bonne pour les affaires du yokaï. Il essaie de faire un pas, ce qui semble plutôt étrange bien que réussi, mais rappelons qu'il est encore sur le sable. Alors, il est temps de passer à l'étape supérieur. Il prend le bras de Maiko, par dessus-dessous, et l'entraine avec lui vers le bord de la plage, prêt à mettre les pieds non pas dans l'eau mais sur l'eau. Une grande inspiration et le voici prêt à vivre son grand moment; non, leur grand moment.

« Et un, deux et ... trois ! »

Et le voilà qui met le pied sur l'eau, prêt à donner le rythme afin d'essayer cette technique, en espérant que leurs pieds non-chaussés ne leur posent pas de problème; ce serait bête de se noyer, sauf d'un pied quand même.

C'est l'euphorie. Elle arrive très rapidement, mais c'est mieux ainsi, car qui sait ce qui aurait pu arriver un peu plus loin. Cette joie aurait pu les faire couler, ce qui aurait été dramatique. Là, près du sable, ils ne craignaient rien. Mais cette même euphorie les poussait à aller plus loin, à essayer de se surprendre soi-même.

« Allons-y ! Allons-y oui ! A là une, à la thon ! »

Il est heureux comme un enfant. Il vit un moment incroyable qui ne fait que commencer et il doit se faire fureur pour ne pas sautiller et risquer de saboter toute l'opérath(i)on. Ainsi, ils commencent à s'éloigner du rivage, flottant d'une étrange manière, c'est-à-dire d'un pied seulement, et devant se concentrer pour ne pas tomber. Ce qui est drôle, c'est probablement qu'Aritsune, en plus de jouer au funambule sur l'eau, est obligé de se pencher un peu afin d'être à la même taille que Maiko. Il lui faut donc une concentration intégrale, mais il est compliqué de l'avoir au vue de la situation.

Ils flottent, vous comprenez; ils flottent. Ils marchent même sur l'eau et cela se passe plutôt bien. C'est incroyable, impensable, c'est le genre d'expérience rêvée.

« Ça marche vraiment bon sang ! Je le savais ! Et regarde, là, sous nos pieds ! »

De l'eau ! Il y a de l'eau sous leurs pieds; et dans cette eau quelques poissons nagent, ce qui est clairement visible en dessous de leur corps. Ce ne sont que des petits et peut-être quelques crustacés, mais il n'empêche que les faits sont là : ils ne semblent pas déranger la faune et flore aquatique.

Il est heureux, comme un poisson dans l'eau, Aritsune. Il a l'impression d'être en été; d'être en vacances même. Ces vacances dont il rêvait tant et qui lui ont été enlevées. Acheter ces chaussures était la meilleure idée du monde. Cela le faisait même rire, d'un de ces rires joyeux et bon vivant. Il voit bien que Maiko aussi semble grandement apprécier cette escapade sur-marime, cela lui fait plaisir. Au fond de lui, il sait que tout le monde est un peu à cran avec toute cette histoire, lui le premier. Marcher sur l'eau est probablement l'idée la plus calme qu'il ai eu depuis l'annonce de Sora sur le quai.

« Et moi je suis ravi que tu fasses partie de cette aventhonre ! Allez viens on va essayer de continuer de marcher un peu ! »
Il l'attire avec lui en essayant toujours de garder ce rythme qui semble leur convenir. Parfois, il sent son autre pied s'enfoncer dans l'eau, à cause de la mauvaise habitude qu'il a de marcher sur terre avec ses deux pieds. Ici, il n'est qu'un pied et Maiko est l'autre. Ils sont un.

« Vers où veux-tu aller, côté droit ? »

Il lâche un grand rire, un qui vient du cœur. Parce qu'il a le cœur au bord des lèvres.

Là, soudainement, entre deux euphories, c'est la panique. Une panique psychologique. Sur le coup, ça avait fait rire Aritsune que Maiko ne comprenne pas qu'il l'avait surnommé côté droit et qu'il ne lui avait pas donné d'indication de lieu ... mais après, il remarqua quelque chose. Maiko ne pouvait pas comprendre le côté droit puisque le thon-ssure était à son pied gauche. Sauf que c'était lui qui avait la chaussure gauche.

« Oh non ... Tu m'étonnes que ce ne soit pas agréable, c'est la chaussure droite que tu as au pied gauche Maiko. Et on arrive quand même à marcher sur l'eau c'est genre incroyable ... »

Incroyable à quel point ils ne sont guère doués et à quel point Aritsune est aveugle; cela aurait pu leur être fatale, il en a presque attrapé une sueur froide. Il craint que cette découverte ne fasse paniquer la demoiselle et qu'ils se renversent. Il fallait essayer de désamorcer la situation le plus rapidement possible, pour éviter au maximum les dangers; surtout qu'en allant vers la droite, ils s'étaient dirigés vers les vagues.

« On va rebrousser chemin jusqu'au sable pour régler ça et ensuite on reviendra, ça marche ? Histoire d'être sûrs de pas faire de bêtises. Et après; à nous les vagues ! Faire du surf sur un pied c'est le rêve, non ? »

Il ne sait pas s'il doit paniquer ou rire maintenant, mais la réaction de Maiko est assez drôle. Il comprend la détresse de la demoiselle mais s'ils ont réussi à marcher jusqu'ici, rien ne sert de s'inquiéter. C'est donc presque d'un pas serein, mais pas trop quand même, qu'il se dirige de nouveau vers le banc de sable afin de faire plaisir à la Kitsune. Sauf que l'idée germe de faire une farce; bon blagueur qu'il est. Il réagit tout de suite et pointe un endroit du doigt dans l'eau.

« Oh non ! Maiko ! Regarde là ! »

Et soudainement, après avoir vérifié d'un rapide coup d’œil qu'ils avaient bien pieds et qu'ils étaient bientôt au sable, il lâche totalement le bras et à la une, à la deux, à la thon, les voici dans l'eau tous les deux, avec un pied qui flotte chacun. Par une intelligence incroyable, il pense à nager, mais il a moins pensé à son masque, ce qui fait qu'il se retrouve littéralement entre de boire de l'eau bloqué dedans, de le recracher et de la reboire; alors il tente de se hâter d'arriver là où ses genoux peuvent toucher le sable malgré l'eau, afin de soulever son masque et vider l'eau qui s'y était coincé. Un coup d’œil derrière lui pour récupérer Maiko par le bras en riant un peu, malgré le coup salé de l'eau, afin de l'attirer vers la rive, tout fier de sa blague.

Il est fier de sa bêtise, Aritsune, tout content de la connerie qu'il vient de faire. Cela ne pouvait pas faire de mal à une mouche, mais il se retrouve désormais seul face à l'eau avec ces magnifiques chaussures digne de la fashion week.

« Non ! Maiko, tu ne peux pas me laisser alors que nous étions un duo incroyable ! On aurait pu ... on aurait pu participer à des concours de surf unijambiste dans des chaussures de thon ! »

Cette parole est accompagnée d'un petit mouvement de main digne d'une dramaqueen. Bien sûr qu'il n'est pas sérieux, mais il n'a pas envie de repartir sur l'eau tout seul. Alors, pour agir de la meilleure façon qui soit, il s'allonge à côté de Maiko et décide de faire un ange de sable, avec toujours une seule chaussure à son pied. Un ange de sable, c'est comme faire un ange avec de la neige, mais avec du sable; imaginez donc le sable qui s'envole en plus. Oui, c'est typiquement une mauvaise idée. Tout en faisant cela, il imite le poisson avec des bruits de bouche (et les gestes cachés derrière le bois qui couvre son visage). Cette étrange promenade lui a visiblement cramé quelques neurones.

Il comprenait que la situation touchait à sa fin, ce qu'il n'avait pas prévu aussi tôt. Il avait encore envie d'essayer de nombreuses choses, d'aller toujours plus loin. Pourtant, il ne pouvait que respecter le joie de la plus jeune qui l'avait déjà suivi dans aventhonre. Alors, il acceptait de ne pas pouvoir continuer ses bêtises sur-marimes et il était résolu à désormais agir sur le sable.

« Plus de marche aquatique pour aujourd'hui, c'est bien compris ! »

Il se relève et frotte ses vêtements et sa peau avec ses mains afin d'enlever le sable qui s'est infiltré un peu partout, si ce n'est collé grâce à l'humidité. Cela gratte un peu, mais ce n'est qu'un détail comparé à ce qui venait de se passer.

« On peut quand même profiter du sable, non ? Plus d'eau, mais juste du sable chaud. Faire un château; un château géant où on pourrait rentrer dedans ? »