lost in translation (jie lian)
Xue Oikaze
Citation : this hole in my heart's proof of life
Age : 19 (14 décembre 1978)
Rang : A2
Susanoo
Xue Oikaze
des mots noirs sur blanc et des gribouillis sur un cahier
un dessin ou deux
et des cernes solitaires
les informations vont viennent courent et font la ronde
mais s’envolent loin de ma mémoire
et je soupire — c’est inutile
mon attention en cent éclats déjà brisée
s’évapore du cahier flou
serpente lascivement jusqu’à des murmures naissants
Ah,
je reconnais cette voix
timide embarrassée hésitante enfantine
et je reconnais cette langue
maternelle méconnue honnie (étrangère)
— Jie Lian
mes yeux fatigués se posent sur ces cheveux immaculés
et s’étonnent encore de t’avoir mis sur mon chemin
on m’a dit, en mars,
on m’a mis devant toi comme devant une responsabilité de plus
et on m’a dit, en mars,
elle ne parle pas japonais
et j’aurais voulu ne pas comprendre j’aurais voulu qu’on me laisse mon mot à dire j’aurais voulu qu’on ne nous mette pas dans des cases
mais j’ai simplement dit, en mars
— Nĭ hăo
et j’aurais voulu
qu’on ne soit pas si seuls
qu’on nous aide un peu
mais le monde est cruel et tu n’es qu’une enfant
alors je quitte mon infructueuse étude
et j’envoie ma main chercher le livre bleu en haut de l’étagère
(en parfait mandarin) Tiens, c’était bien celui-là que tu voulais ?
(et puis en parfait japonais) Laisse, Taka, je m’occupe d’elle
et l’autre frêle araignée disparaît dans un drôle de sourire
et ma voix se fait plus douce
murmure curieux entre les étagères
Tu essayes de travailler la lecture ?
Jie Lian Fujiwara
Citation : J'ai demandé à la lune et le soleil ne le sait pas
Age : 11 ans
Rang : E5
Seimei
Jie Lian Fujiwara
Débrouillarde, elle n’osait quémander de l’aide auprès de son père et de ses cousins, honteuse de ne pas être à la hauteur du nom qu’elle avait récemment reçu. De temps en temps, elle venait les trouver, quelques sons s’échappant de sa gorge pouvez-v…vous m’aider ? alors qu’elle tenait dans ses mains des caractères qu’elle n’arrivait pas à déchiffrer comme elle le devrait.
Puis, elle avait rencontré quelqu’un qui pouvait l’entendre. Son visage lui avait dans un premier temps paru bien effrayant, fermé et désireux de ne pas être dérangé : mais il lui avait dit bonjour dans sa langue maternelle, la faisant sourire de toute ses dents. Un Nĭ hăo timide s’échappant de sa gorge.
Jie Lian s’était rendu à la bibliothèque, déterminée à apprendre le japonais – à ne plus être un poids pour ceux qui l’entouraient, désireuse de pouvoir communiquer. Sur la pointe des pieds, elle n’arrivait pas à attraper le livre qu’elle avait auparavant repéré, alors – d’une voix douce, semblable à celle d’un ange, elle demanda à un jeune garçon à ses côtés.
Comment pouvait-elle demander ce livre-là ?
Mais seule, elle n’y arrivait pas, perdue dans un pays qu’elle ne connaissait pas, dans une langue qu’elle ne comprenait pas et une famille qu’elle ne connaissait pas. Jie Lian serra le livre contre sa poitrine, confuse.
Xue Oikaze
Citation : this hole in my heart's proof of life
Age : 19 (14 décembre 1978)
Rang : A2
Susanoo
Xue Oikaze
et si aigre résonne ma langue natale à mes oreilles
c’est une douce, fraîche surprise que ce patronyme
respect, admiration, innocence
d’une enfant qui découvre le monde
De rien, c’est normal je crois
de tendre la main si meurtrie soit-elle
de prêter mes plumes étiolées
à l’oisillon qui rêve la liberté — quoi de plus beau que de voler ?
et la tête blanche nimbée d’espoirs et de volonté
m’en rappelle une rouge ah onze ans plus tôt
perdue entre cahiers et dictionnaires
celle d’un garçon qui ne savait pas lire
et Jie Lian j’aurai rêvé il y a onze ans
de quelqu’un qui me comprenait
alors Oui, c’est très difficile… Ils ont plusieurs lectures, et même si certaines ressemblent au mandarin, ce n’est pas tout à fait pareil non plus… et je tourne les yeux j’observe les têtes brunes indifférentes j’enferme un soupir entre mes lippes Mais il y a beaucoup de Japonais qui se trompent aussi.
et qui suis-je pour prétendre être meilleur
quand ce sont deux langues que je ne parle que moins justement
qui depuis la naissance se confondent
en calligrammes baveux
en taches grisâtres dans mon esprit métisse
Même si je parle les deux, je trouve le japonais plus compliqué que le mandarin…
dans ma tête lourde
des idées emmêlées :
peut-être qu’avoir été bercé et élevé (et moqué et tourmenté)
là-bas dans les neiges étouffantes
me pèsera à jamais
— oh Jie Lian jeune kitsune j’espère que tes pas
suivront ceux de ton clan
j’espère que ton avenir sera faste et riche
j’espère que malgré nos points communs
il sera différent du mien
et j’y veillerai depuis les profondeurs
Ce n’est pas de ta faute. j’ai dit un peu faiblement
parce que c’est comme ça que sortent les émotions
dans des mots que je comprends pas toujours
et que je maîtrise pas beaucoup
— et je sais, je sais Jie Lian
comment tu te sens
apatride solitaire déboussolée et sûrement un peu
débordée
dans un pays un clan une école
un monde
qui n’est pas le tien ;
il le deviendra et tu verras
ton nom te couronnera
et puis j’ai la tête lourde et vide et fatiguée de mes propres travaux
odieuses et obscures concoctions aux mélanges incertains
manuels barbants et soporifiques
— une perte de temps et d’énergie
que je préfère employer pour qui saura en bénéficier
Tu veux que je t’aide un peu avec le livre ?
Jie Lian Fujiwara
Citation : J'ai demandé à la lune et le soleil ne le sait pas
Age : 11 ans
Rang : E5
Seimei
Jie Lian Fujiwara
Jie Lian n’avait plus rien de tout cela, désormais fille d’une riche famille – d’un clan dont elle apprenait chaque jours les glorieuses origines – ses habitudes se voyaient bouleversées.
Elle arrêtait de tripoter ses cheveux, habitude qu’elle avait depuis l’enfance alors qu’elle était la seule du village à avoir une couleur aussi singulière. Son visage s’illuminait d’un sourire, alors qu’elle relevait les yeux vers le jeune homme.
Le nom de Fujiwara était lourd à porter pour de si frêles épaules, mais Jie Lian gardait la tête haute, déterminée à être une fierté aux yeux de son père.
Xue Oikaze
Citation : this hole in my heart's proof of life
Age : 19 (14 décembre 1978)
Rang : A2
Susanoo
Xue Oikaze
de l’enfant ignorant
étonnantes sont les questions
qu’elle relève d’une simple parole
— je me souviens pourtant me les être posées
Je ne sais pas, et vient trôner sur mes lippes
un sourire surpris, amusé
le sourire de l’enfant qui a grandi
(peut-être trop tôt)
Mais une fois que tu auras l’habitude, tu ne te poseras plus la question. Peut-être même que tu t’en poseras sur le mandarin peut-être que tout se mélangera peut-être que si tu n’as personne à qui le parler
tu l’oublieras
et tu m’oublieras aussi et peut-être
que ce serait mieux comme ça
parce qu’alors toi aussi
tu grandiras
et j’égare mon regard sur tes fines boucles
le plus noble argent et les plus frêles doigts
— ils intiment la prudence
et c’est doux que d’un signe, je t’invite à ma table
Tu ne me déranges pas, j’avais fini mensonge fatigué
excuse à peine voilée
pour reporter mes responsabilités
mes propres déboires, la vacuité
de toutes ces choses qui m’encombrent
je n’y arrive pas,
autant faire quelque chose d’utile
Hm… je sens machinalement
mes mains courir sur les pages de mon livre
et mes yeux jusqu’au fond de la salle
Moi, c’était différent.
c’était compliqué et déjà loin
c’était enfoui aux confins de mon esprit
Je suis né en Chine et j’y ai vécu, quand j’étais plus jeune, mais toujours avec ma mère qui est japonaise.
c’était trouble et pas très drôle
ça n’a jamais été facile même si
J’ai toujours parlé le mandarin et le japonais, en même temps… et je dois creuser un peu pour me rappeler
quelques tracas d’outre-mer
Mais la lecture, et l’écriture, c’était difficile. Je confondais toujours tout, c’est… ça se ressemble trop.
sourire amer au souvenir
de toutes ces leçons
à me faire rouspéter
à n’écrire correctement
ni l’un, ni l’autre
Enfin, c’est faisable. Maintenant, ça va.
maintenant j’encaisse dans les deux langues
et je commence à songer
que c’est peut-être une force
et je commence à me dire
Montre-moi ce que tu voulais faire avec le livre ?
heureusement que tu as quelqu’un
à qui parler
heureusement que pour toi,
ça se passera mieux
Jie Lian Fujiwara
Citation : J'ai demandé à la lune et le soleil ne le sait pas
Age : 11 ans
Rang : E5
Seimei
Jie Lian Fujiwara
Elle se demandait parfois s’ils ne parlaient pas d’elle en mal, peut-être que les autres enfants ne l’aimaient pas. Peut-être l’enfant était-elle un fardeau pour son père, pour ce clan qui l’avait accueilli. Cette pensée serrait le cœur de Jie Lian, mais, elle préférait ne pas trop y penser.
Car si elle le faisait, peut-être qu’elle n’aurait plus la force de tenir debout. Qu’elle n’arriverait plus à trouver le courage de s’améliorer.
L’enfant tenait encore son livre tout près de son cœur, son regard dans celui du plus vieux. Elle se sentait reconnaissante envers Xue, il prenait de son temps pour lui venir en aide, et elle lui portait une affection particulière.
Comme un frère qu’elle n’avait pas eu – bien qu’elle en avait désormais un.
D’un mouvement timide, elle tendait l’ouvrage, la mine intéressée.
A nouveau son regard se tentait d’une tristesse immense.
Elle voulait réussir, un peu trop vite.
Elle avait envie d’être une fierté pour les siens.
De ne pas être qu’une pièce rapportée.
Qu’une étrangère dont il fallait s’occuper.
Maman est-elle fière de moi, maman est-elle heureuse que je sois avec papa ? Elle n’en savait rien. Alors, elle faisait tout ce qu’elle pouvait.
Xue Oikaze
Citation : this hole in my heart's proof of life
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Susanoo
Xue Oikaze
d’un geste aussi doux que le tien
je me penche sur le bouquin
déchiffre ses mots un à un
dans la tête de ce gamin
que moi aussi j’étais (ce n’est pas si loin)
C’est vrai que ce n’est pas simple…
encore un paragraphe ou deux
comme des écrins trop compliqués
pour des histoires vues et revues
— c’est fastidieux
Je pense qu’on pourrait trouver des livres qui parlent du même sujet plus simplement.
souvenirs d’enfance
d’ouvrages colorés illustrés aérés
débarrassés de tout kanji toute confusion
et je comprends
Celui-ci a l’air un peu daté…
humble étonnement face à l’admiration
vraiment ce n’est pas si
Oh,
enfin c’est
tu sais, je… voulais dire quelque chose mais j’ai
un drôle de goût dans la bouche
des papillons sur le bout de la langue
ils ont coupé mon élan
rempli mes artères creuses avec
une surprise chaude
Hm, euh- et moi aussi je me prends
c’est pas grave…
à sourire, timidement
et je crois que ça ne me dérange pas.
regard à gauche à droite
tendre murmure complice
Ça restera entre nous, Mei mei
curieux sentiment que celui qui m’anime
joueur nouveau intime
ah je ne savais pas le bien que ça faisait
de se sentir famille
Viens, on va chercher un autre livre.
un livre simple avec des dessins
et des furigana
des symboles bien distincts
des choses que je pourrai traduire
Celui-ci devrait être mieux.
et j’ai choisi un livre qui me fait penser à toi
sincère doux intelligent
encore fermé mais qui n’attend
que quelqu’un qui veuille bien apprécier
tous ses plus beaux aspects
que quelqu’un qui veuille bien
l’aider à s’ouvrir
et je serai là
là quand je tourne les pages
quand je compare deux langues
quand je prononce clairement
et quand j’attends
la tête pleine de souvenirs
que tu puisses t’ouvrir :
j’aurais aimé qu’on m’aide ainsi
et soudainement sensible je ne peux que retrouver
des sentiments passés — guides instinctifs
d’une traduction emmêlée, mais vraie
et je pense, peut-être
que nous éclorons ensemble
que moi aussi je m’ouvre au monde
quand ma différence enfin
m’insuffle toute cette vertu
— je crois qu’elle nous va bien
Jie Lian Fujiwara
Citation : J'ai demandé à la lune et le soleil ne le sait pas
Age : 11 ans
Rang : E5
Seimei
Jie Lian Fujiwara
Elle aimerait simplement réussir l’impossible. Une impatience enfantine qu’elle tentait difficilement de maitriser.
Et sa bouille se fit peinée, un peu honteuse de vouloir tant se hâter.
La fillette regarde l’ouvrage, imprime dans sa mémoire son titre afin de l’emprunter plus tard, lorsqu’elle saurait lire correctement le japonais.
Elle y arriverait.
Doucement, elle se mettait à rougir, jouant avec ses doigts, avant de sourire joyeusement lorsque Xue la nomma meimei.
Dans ses yeux brillaient une demande bienheureuse, suppliant qu’il accepte son petit caprice.
Elle voulait tant qu’il accepte.
Parce que Xue était pour elle comme un frère. Quelqu’un sur qui elle pouvait compter, qu’importe ce que le monde deviendrait.
D’un regard curieux, elle observait le nouveau livre.
Et elle l’attrape du bout des doigts pour mieux le voir encore.
Il fallait dire, elle s’agaçait tant face aux kanjis qu’elle oubliait presque d’apprendre les kana.
Jie Lian portait son regard pur vers son gege de cœur, un large sourire dévoilant ses dents.
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Xue Oikaze
Citation : this hole in my heart's proof of life
Age : 19 (14 décembre 1978)
Rang : A2
Susanoo
Xue Oikaze
attriste un instant les miens
et me rappelle mon rôle :
soulager ta peine, éclairer ton sourire
et c’est mon visage qui s’doucit
Ce n’est pas grave, c’est aussi pour ça que je suis là.
je t’en prie ne sois pas trop dure envers toi-même
sinon tu finiras comme moi
stressée étouffée et toute cassée
je n’aimerais pas te voir grandir comme ça
je préfère voir tes sourires chauds et tes yeux brillants
j’aime lire la fierté qui t’anime et ta douce sincérité
alors je continue de les cultiver, patient :
Il vaut mieux y aller progressivement : après quelques étapes plus simples, les livres les plus difficiles te paraîtront aussi faciles que les premiers.
je préfère te voir heureuse, candide, malicieuse
je préfère qu’on soit complice plutôt que tristes et fatigués
Oui, tu peux.
et ta fierté comme une grande vague
m’emplit, déborde en un sourire
Ça me fait plaisir. vraiment
ça rend légers mes sentiments
ça me fait oublier toutes mes angoisses
— délicatement, j’étends la main
ébouriffe tes cheveux immaculés
dans un geste qui dit toute la tendresse que j’ai pour toi,
Mei mei
doux je reste à tes côtés
feuillette le livre à ton rythme
réfléchis aux symboles aux sons aux sens
— il n’y a rien d’évident dans ce langage
et si un mot bloque nous l’apprivoiserons ensemble
c’est pour ça que je suis là
C’est "shi". je lis simplement, au beau milieu d’un mot
C’est un katakana, ils servent surtout à retranscrire les mots étrangers. Tu sais lire le reste du mot ?
quelques menues syllabes retranscrites en quelques traits
complexifient pourtant les sons d’une langue à l’origine orale
Ah- j’y pense "shi" ressemble beaucoup à "tsu" en katakana, mais les traits ne sont font pas dans le même sens, donc ça change leur forme, et c’est comme ça qu’on les différencie. et j’attrape alors ma plume et mon papier
Tu apprends aussi à écrire ? Je trouve que ça aide, pour lire.
un trait, puis deux, puis trois : Ça, c’est "shi"
exagérés, lentement, dans le sens inverse : et c’est ça c’est "tsu".
s’il le faut je recommencerai
je reprendrai les caractères dans l’ordre
un à un et pas à pas
nous gravirons la montagne
— je préfère ça à mes propres devoirs
insensées réflexions dont l’utilité future est discutable
ne valent rien face au chemin parcouru avec toi