De retour à la salle commune que je trouvais en ce moment trop bruyante, trop peuplée, trop de tout. Un surplus d’émotions me donnait envie de tout envoyer valser loin depuis un moment. Un certain calme m’habitait parfois pour soudainement s’éteindre et me faire penser à toute la merde des dernier temps, qu’elle me soit personnelle ou globale. Je voulais me faire discret, je voulais juste prendre un truc puis repartir, retrouver un endroit où je n’ennuirai personne, car ce sentiment aussi était présent. Puis une voix, une voix connue et amicale. Je m’arrêtais dans mes mouvements et me retournais pour voir Shouta et son bras s’agiter dans les airs. Je le regardais ainsi l’espace d’une seconde avant de cèder à son appel. Avec Shouta, tout allait bien. Je traversais donc la pièce et pris place sur la chaise près de lui.

-C’est vrai que je t’ai pas croisé.

Le bras prenant appui sur le dossier de la chaise, je réfléchis à quoi lui répondre en regardant les autres dans la pièce.

-Hmm… Bah, pas grand chose.

Rien ne me venait à l’esprit comme ça, puis voyant le cahier devant mon aîné, je me rappelais de la mauvaise note obtenue.

-Ah...si… Je me suis foiré en Calligraphie. Ce que je fais ne ressemble juste à rien. C’est pénible. Je suis pas délicat, moi, j’y peux rien.

Le retour de la moue boudeuse était bien présent. C’était plus agaçant qu’autre chose cet art qui devait se faire avec douceur, délicatesse et doigté. Personnellement, mes doigts souffraient de la manière de tenir ce pinceau. L’art n’en était pas et les enchantements à faire par dessus, même simples pour mon niveau m’ennuyaient plus qu’autre chose. Si on avait un cours de sortilèges, c’était bien assez, non ? Je poussais un soupir, avant de lui retourner la question et éviter de devoir me perdre dans mes états d’âme.

-Et toi alors ? T’as fais quoi ?

Puis un coup d’oeil un rien plus poussé, par la curiosité, sur son carnet, et je vis le dessin sur le coin de la page.

-Tu dessinais ?

Il faudrait qu’il parle à ma soeur, Ayumi, qui dessinait beaucoup aussi. À moins que ce soit déjà fait ? À la réflexion, ils étaient dans la même année, me semblait-il.

Mes yeux s’agrandissaient un peu lorsque Shouta vint poser son doigt sur une de mes joues gonflées. Je fronçais les sourcils avant de cesser pour lui sourire. Faire semblant d’être en colère avec lui… je n’y arrivais pas.

-Les sortilèges, ça passe, oui, heureusement.

Mais j’étais un élève moyen et les résultats n’étaient pas satisfaisants pour une personne qui maintenant ne m’évoquait plus que la colère.
Je regardais alors ce dessin qu’il s’empressa de me montrer de plus près alors qu’il se perdait dans un flot de paroles. Je fixais le cercle, puis Shouta, puis à nouveau son dessin.

-Hum, oui, c’est un très beau cercle. Mais si tu es fait pour dessiner des cercles… tu vas devenir cercliste ? Cercleur ? Mais tu fais quoi avec des cercles ?

Je ne comprenais pas grand chose à l’art, c’était un talent que possédait ma soeur, mais qui m’était totalement étranger. Cependant, je pouvais bel et bien affirmer que son ballon était bien rond. Mon expression changea alors du tout au tout.

-Dit Shouta ! On pourrait pas aller faire du basket ? Du vrai. Pas juste regarder ton dessin du ballon. Je…. J’ai envie de me défouler…. Tu veux bien ?

C’était une bonne occasion pour se vider la tête, n’est-ce pas ?

Ses paroles me rassurèrent un peu et apaisèrent mon esprit pour le moment. Après que je lui ai posé mes questions sur ses cercles, il ébouriffa mes cheveux et je poussai un cri d'indignation, levant mes mains vers ses bras pour l'écarter. Je pris un air boudeur, bien plus marqué qu'auparavant, même si je ne lui en voulais pas. C'était juste pour la forme.
Puis mon enthousiasme à jouer au basket s'en alla aussi soudainement qu'elle était venue.

-Ah. Oui, c'est vrai...

La déception. Le basket n'était pas un jeu magique, alors il y avait peu de chance qu'on puisse un jour y jouer vraiment. À la place, l'ainé me faisait une proposition étrange.

-Un club ? Je sais pas trop... Tu crois que y'en a un qui pourrait me plaire ?

Je ne m'étais jamais intéressé à ces choses-là. J'aimais bien avoir ma liberté après les cours. C'était un peu hésitant que je me levais à mon tour.

-On peut toujours faire un tour, oui. On sait jamais...

Puis je marquais une pause, fronçant les sourcils.

-Tu viens juste pour m'inscrire ? Mais toi ? Tu fais partie d'un club ?

Peut-être celui de dessin, ça expliquerait la perfection de ses cercles.

Comment pouvait-il être sûr que ça me plairait ? Je restais sceptique, mais il valait mieux voir plutôt que de rester fermer. Enfin, j'étais quand-même pas totalement partant pour l'idée. Je détournais le regard, je me frottais le poignet.

-Pourquoi pas ? Ce serait plus marrant que d'y aller seul, non ?

C'était peut-être ça qui me bloquait : entrer seul et être nul parmi des gens qui s'y connaissaient déjà. Et à nouveau les regards déçus pleuvraient sur moi avec des paroles amères. Je secouais doucement la tête pour chasser ces pensées et je suivais le jeune homme.

-On va voir quoi comme club ? Et comment tu sais que ça me plaira ? Et si ça me plait pas du tout ?

Puis un murmure :

-Et si je suis trop nul ?

Je relevais le nez vers lui et parlais un peu plus fort.

-Accompagne moi, s'il te plait !

Pas seulement pou voir, mais dans la participation du club si j'en rejoignais un...

Je réfléchissais à ses mots. C'était vrai que Shouta était plus âgé que moi, il avait des cours plus difficiles, des autres passions qui n'entraient pas forcément dans celles que l'on pouvait exercer facilement dans l'école et un avenir auquel penser alors que j'en avais encore le temps. Je poussais un léger soupire, vaincu.

-D'accord, j'irai seul, si je m'inscris.

Je lui renvoyais son sourire, tout en continuant de marcher.

-Mais pourquoi tu penses que ce sera bien pour moi de voir d'autres personnes ?

Je disais ça alors que je ne trainais pas vraiment avec les personnes de mon âge, je préférais m'isoler depuis le décès de ma mère, il y a un an. Était-ce à ce point mal ? Ou inquiétant ? Je n'avais pas trop envie d'être avec les autres, encore moins depuis que je savais la vérité sur mon père et qu'une colère sourde naissait en moi de plus en plus à chaque mot blessant qu'il me disait quand nous devions rentrer chez nous. Et puis, Naël n'aidait pas non plus à améliorer la situation, il l'empirait. Je tentais de ne pas penser à eux pour ne pas devenir morose, comme avant que Shouta ne m'interpelle comme plus tôt.

-Et puis, je vois déjà des personnes. Les gens en cours et dans la salle commune du dortoir.

N'était-ce pas assez ?

Je fronçais les sourcils, peu en accord avec ce qu'il venait de dire. Comment ça je m'enfermais ? Il avait peut-être raison, mais je refusait de l'admettre.

-Je ne m'enferme pas. Sinon, je ne resterai pas avec toi ! Puis, tu parles comme un papy.

Je le fixais un instant avec d'esquisser un sourire.

-Papy Shouta, tu m'offriras des bonbons alors, si je m'ouvre comme tu le veux ?

Il écrasa alors mes épis, emmêlant mes cheveux et se moquant presque de moi à son tour.

-Oui, ben.... J'ai pas forcément envie de les chercher, les gens avec les mêmes centre d'intérêts... Mais bon... Et non, j'en ai pas marre de toi. Peut-être que ça aurait été le cas si j'avais eu le même âge que toi et que je devais te supporter même en cours ?

Pensif, je remettais mes cheveux en ordre comme je pouvais. Mes précis épis capillaires envolés, mon style n'était plus. Je réfléchissais à mes centre d'intérêts. Je trouvais l'idée de rejoindre un club tentante, au final. Cela me donnerait la possibilité d'esquiver certaines personnes, comme un Naël trop envahissant avec ses ordres. Mon temps aussi serait occupé. Et puis, ce n'était pas comme si j'utilisais mon temps libre pour étudier. Alors autant faire ça, non ?

-Papy Shouta ? ... J'accepte de m'ouvrir à un club. Et tant pis pour toi si tu ne viens pas. Mais je veux pas un truc tout calme où on boit le thé. C'est trop chiant ça. Tu en connais où on bouge ?

Autant que le club soit utile et me permette de me défouler comme il faut de toute la frustration qui commençait à s'accumuler petit-à-petit.

Comment ça "pas pareil" ? Tout le monde l'aimait peut-être mais en quoi ce n'était pas pareil ? J'avais du mal a comprendre, mais la conversation nous mena ailleurs. Je l'observais devenir acteur avant de me moquer de lui, laissant un rire s'échapper.

-Oui, Papy, j'arrête. Promis, c'était la dernière fois.... jusqu'à la prochaine.

Un grand sourire fendit mon visage.

-D'ailleurs, c'est pas dessinateur que tu devrais devenir, mais acteur. C'était presque convainquant !

Et tant que j'étais convaincu, je le suivis quand il repartit. Il valait mieux battre le fer tant qu'il était encore chaud. Tant que j'avais envie, autant sauter le pas. C'était maintenant ou jamais, comme on dit. Comme si des ailes me poussaient, l'idée de rejoindre un club sembla me ravir pour l'instant. Shouta avait participé à me décider sur la question. Mes doutes au placard, c'était vers les renseignements que nous nous dirigions.

-Ça te dit d'aller récupérer les info puis d'analyser tout cela en mangeant ?

Pas que j'avais réellement faim, mais je commençais à avoir envie de manger, et puis, ce serait plus plaisant un biscuit à la main.

Ma suggestion fut approuvée et je m'en retrouvais ravi. Je retirais son bras de mon épaule, gentiment. Marcher de la sorte n'était pas si facile qu'il y paraissait et me dérangeait, même si j'appréciais beaucoup Shouta. Il me demanda alors ce que je préférais et pris une seconde très brève de réflexions. Autant dire : aucune.

-Pour me défouler. On passe toute la journée à réfléchir. Autant avoir un truc où on peut juste se défouler.

Et puis, c'était pas comme si cela devenait nécessaire que je me défoule. Sinon un jour, j'allais simplement craqué. Il fallait que je me vide la tête, pas que je l'emplisse d'autres problèmes de réflexion qui me donneront mal à la tête ! Et alors que nous disparaissions pour de bon vers les clubs, je m'arrêtais pour juger Shouta du regard.

-Non, mais c'est quoi cette expression de vieux là ? Tu vois que t'es un papy !

Sur un éclat de rire, il l'entraina dans son sillage.