Hayashi se réinstalle dans le lit, comme un bon patient, obéissant. C'est une qualité chez lui, il sait se faire petit et discret quand les ordres viennent de plus haut. Il s'agit là de tes ordres, ceux que tu sais qu'il ne remettra pas en question. C'est un bon patient, facile, qui te facilite vraiment la tâche. Très dévoué. Il a cependant du mal, avec le changement. Le signal n'était pas clair. Du professionnalisme, Kuro. C'est douloureux. Dès que les mots sortent, tu as un pincement au coeur. Hayashi, ce sera Monsieur Okumura. Ou Docteur, si tu préfères. J'espère être clair.
Tu le regardes en disant ces quelques mots, très froidement. Ton regard n'est pas plus jovial, malgré tes pensées heureuses. Tu te fais violence. Un peu comme le jeune Taichi. Lui qui se pince d'inquiétude, qui se fait du mal. Dans ton infirmerie. Lieu paisible et de soins.Taichi, si tu continues je t'attaches les doigts dans le dos. On pourrait presque croire que tu es sévère, strict et énervé. Seulement ces deux-là savent très bien que tu n'es pas cet ice-berg que tu t'efforces de devenir. Toute ta vie tu t'es pourris la vie avec tes sentiments, qu'en serait-il si tu n'en avais plus ? Sait-on jamais. Tu écris sur tes notes ce que te racontes Hayashi, comme si cet incident n'était qu'un simple fait, qu'un simple malaise. Dois-tu prévenir quelqu'un, ou insister un peu ? Si seulement tu avais le Legilimens. Tu pourrais pénétrer son esprit, peut-être une bribe de souvenir, de sensation, de vision...
Tu es vraiment certain de n'avoir rien aperçu ? Senti ? Tu n'as pas eu une sensation étrange, juste avant de t'évanouir ? Ce n'est pas que tu ne le crois pas, mais généralement on se sent défaillir, et les sens alors accrus, retiennent les informations que le cerveau préserve silencieuses.

Tu écoutes le discours d'Hayashi, sa voix certainement déçue par ta réaction, et tu constates qu'il ne t'avances à rien. Tu n'as rien appris. Le sentiment d'oppression est légitime suite à un événement inexpliqué, car on craint qu'il ne se reproduise. Et cela te confirme l'hypothèse, ou rumeur, qu'il s'agit d'une agression. Le jeune Taichi, quant à lui, te fait comprendre que tu n'es plus désiré et que ton interrogatoire est usant, aussi bien pour le patient, que pour son accompagnateur. Tu hésites presque à lui dire de partir. S'il y en a un qui dérange, ce n'est sûrement pas toi, tu es sur ton lieu de travail. Monsieur Taichi, si vous ne voulez pas faire perdre des points à votre maison, qui en a cruellement besoin, je vous conseille de changer de ton. Immédiatement.
Tu tournes ta tête dans sa direction, lui laissant voir le noir profond de tes pupilles, les sourcils froncés. C'est déjà le deuxième avertissement. Qu'il soit inquiet et se mutile, c'est une chose, mais impatient et irrespectueux, en est une autre. Tu lui laisses tout de même une chance, preuve que tu n'as pas encore complètement changé. N'importe qui d'autre aurait déjà sévi. Tu espères que Hayashi le remarquera. Bien que tu aies changé tes habitudes au profit du vouvoiement, tu estimes qu'il n'est de ton plus sérieux et plus professionnel que celui que tu viens d'employer. Tu es presque fier de toi, et revenant à ton dossier, un sourire vient se dresser au coin de ta bouche. Un dernier regard à Hayashi, comme un adieu. Tu te lèves, prenant le dossier avec toi, et quitte l'infirmerie. Tu ne te retournes pas, ça porte malheur parait-il. On ne te voit plus, dissimulé derrière ta blouse blanche, agitée par la rapidité de ton déplacement. La porte claque et le silence du couloir. Tout revient à la normale. Tes mains tremblent un peu, et tu sens que ton souffle se coupe.
Une fois dehors tu t’allumes une cigarette, habitude qui ne te quittera jamais. Pardonne-moi, Yori...