L'air vient caresser ton visage, glisser contre ta peau trop blanche malgré l'été qui vient de s'écouler. Tu fermes les yeux un instant. Implacable Sawa qui s'éloigne. Inflexible Sawa qui ne s'inquiète pas. Impitoyable Sawa qui se fiche de tout.

Menteuse.

Tes doigts se resserrent sur ton livre que tu lis encore et toujours. C'est la même page depuis presque une heure, désormais, et tu n'as pas réussi à avancer. Toutes les pensées viennent jouer dans ton cerveau, et tu n'en apprécies pas la plupart. Finalement, la réunion que le préfet avait mis en place le soir de la rentrée t'avait plus chamboulée que tu ne l'aurais cru. Un peu comme ton changement de chambre. Un peu comme l'attaque à Kyoto. Un peu comme les attaques dans l'école. Un peu comme la mort d'un camarade que tu n'as jamais connu.

Un soupir t'échappe alors que tu abandonnes ta lecture, t'allongeant dans l'herbe. Tant pis pour les révisions aujourd'hui, tu n'en avais que faire. T'étais fatiguée. Et tu n'avais pas envie d'être cette grande impératrice, déesse dans son empire. Pas aujourd'hui. Demain, peut-être.

hrp : j'espère que ça ira :grlhglrekhglrkehg

Tes pensées sont brusquement interrompues. Tokoyami. Tes sourcils se froncent alors que tu l'observes. Il te parle, et il te faut un léger instant pour comprendre ce qu'il veut faire. Ce qu'il veut vraiment faire. Et peut-être qu'au fond de toi, il y a la panique qui vient enserrer ton cœur.

Il attrape tes chevilles, et déjà, ta voix s'échappe de tes lèvres, grondante : Tokoyami, lâche-moi tout de suite ! Mais ce ne sont pas tes faibles paroles qui vont l'arrêter, Sawa. Alors tu tentes de récupérer ta baguette dans ta poche, mais celle-ci est déjà bien loin, posée là où tu étais il y a de ça quelques minutes. Et alors, alors, tu commences à gesticuler. Tu tentes des coups de pieds qu'il évite, et tu cries, l'insultes, lui promets des morts les plus terribles les unes que les autres. Et tu cries, cries : Tokoyami je te jure que je vais t'arracher ce bras mécanique et de l'enfoncer dans le-

Oh, que ces mots sont pas beaux, dans cette bouche si douce.
Oh, quelle grâce que tu n'as pas, aujourd'hui, Sawa.

Et alors, une pression, il tire, plus fort, et te laisse rentrer dans l'eau dans un bruit retentissant. Et tout ton corps se fige. L'eau n'est pas chaude. Elle n'est pas glaciale, mais vraiment pas chaude malgré le soleil de septembre. Il te faut quelques secondes pour revenir à la surface, et déjà, tu es sur tes deux pieds. Quelques mèches de cheveux collent à ton visage, tu les tires en arrière, le souffle court, tremblante à cause de la différence de température. Il va mourir. Dans d'atroces souffrances.

Tu cherches ta baguette du regard. Trop loin pour une vengeance rapide. Tant pis. Œil pour œil, dent pour dent. Tu sors de l'eau, le pas lourd, ton uniforme collant contre ton corps. Et tu n'en as que faire que l'on puisse apercevoir tes formes sous la chemise désormais transparente. Tu n'en as même totalement rien à foutre. Une fois sur la terre ferme, tu prends l'élan et sautes sur Tokoyami. Tes jambes entourent ses hanches, tes bras son cou, et l'on pourrait presque croire que c'est un élan d'amour.

Oh mais non.
C'est un élan de haine.

Une dernière volonté avant de mourir noyé ?! Mais finalement, peut-être que ce n'était pas la meilleure des idées, pour te venger.


hrp : j'espère que ça ira

Il rit, s'esclaffe, se moque. Quel enfoiré. Mais tu le sens glisser, perdre l'équilibre, et ses bras se resserrent autour de toi... avant que vous ne plongiez dans l'eau tous les deux. Pourtant, vous ne restez pas immergés bien longtemps, déjà, il vous redresse, te lâche, et c'est ce que tu fais également, toussant légèrement après avoir bu la tasse comme un gamine de douze ans. C'est bien dommage que tu ne te sois pas brisé la nuque en tombant, lâches-tu avec brutalité, arrangeant de nouveau tes cheveux en arrière. Ils faisaient n'importe quoi, une fois mouillés, c'était terrible.

Et voilà qu'il te menace de nouveau, et tu fronces les sourcils avant de lui sauter dessus. Encore. Mais cette fois-ci, tes mains attrapent ses épaules, le poussent en arrière, et l'enfoncent dans l'eau. Tu mets tout ton poids sur tes bras, de façon à ce qu'il reste un moment sous l'eau avant de le lâcher et de reculer, mettant une distance de sécurité entre lui et toi. Tu n'étais pas assez bête pour rester proche de l'ennemi. Va pas croire que je suis une faible fille, Tokoyami. Parce que tu détestes, tu exècres quand on te croit faible. Tu ne l'es pas. Tu ne le seras jamais.

Et c'est un sourire supérieur, vainqueur, qui vient étirer tes lèvres, alors qu'une de tes mains vient se poser sur tes hanches. Et tu attends, Sawa, qu'il vienne à ta rencontre. Juste pour lui montrer à quel point tu peux lui être supérieure.

Il ne te prend pas pour une faible fille. Peut-être que ça ne lui est jamais venu à l'esprit, finalement. Et ta posture se fait moins tendue, soudain, un peu comme si tu baissais la garde. Mais déjà, c'est à ton tour, de boire la tasse. Quand tu reviens à la surface, encore une fois, puis sa voix atteint tes oreilles. Et finalement, finalement, il y a une partie qui t'arrête, qui te stoppe, qui te fait détendre tous tes muscles, qui te fait détourner le visage malgré les mèches collées contre tes joues.

T’es fantastique.

Et même si ce n'est pas pour ça, même si c'est plus pour se moquer gentiment de toi, pour rire de ta tenue, de ta façon de te comporter, d'être différente des autres... finalement, ça te fait quelque chose, Sawa, et ton cœur bat peut-être un peu plus vite. Tes joues rougissent même un peu, et tu fais volte-face, déjà prête à quitter l'eau. Arrête de dire des conneries plus grosses que toi, Tokoyami, ou j'vais t'enfoncer ce bras là où je pense. Tu retrouves finalement l'herbe.

Oh.
T'es en train de fuir, Sawa.
Tu le fuis lui, et tout ce qu'il pourrait devenir.

Il attrape ta main, te tire, t'attire. Et tu retrouves l'eau de nouveau. Tu t'y glisses alors, remontes à la surface, rejettant tes cheveux en arrière à l'aide de tes mains, et tu le regardes. Oh, il veut jouer ? Très bien, vous allez jouer, mais tu vas gagner, Sawa, parce que tu gagnes toujours, parce que tu ne veux que gagner. Alors tu essaies d'arranger un peu ta chemise désormais transparente, de laisser ta jupe bien collée à tes cuisses, qu'elle ne remonte pas plus qu'elle ne le devrait, et tu t'avances vers lui. Un pas, puis deux, et trois.

Et tu t'approches de lui, entre dans son espace vital, et ta poitrine se colle à son torse, et tu souris, ironiquement, et ta voix, mi-joueuse mi-sarcastique murmure trop proche de lui : Oh, mais tu ne me connais pas, Takashi, je suis dans plein de délire de ce genre. Et ton pied vient glisser à l'arrière de sa cheville, alors que tes bras repoussent son torse. Le voilà de nouveau à l'eau, et alors qu'il tente de remonter à la surface, tu vas t'asseoir sur la rive, essorant tes cheveux en soupirant.

Et peut-être... peut-être que tes joues sont un peu plus rouges qu'elles ne le devraient, Sawa. Mais dans le pire des cas, tu pourras toujours dire que c'est le soleil qui a coloré ta peau.

Mais n'a-t-il aucune pudeur ?! Le rouge a quitté tes joues alors que ton regard se pose sur lui. Lui, qui semble si fier, lui qui semble... Finalement, je te préférais amorphe sur ton bras. Oh, c'est jouer un coup bas, ça, un coup très bas, peut-être même trop. Tu t'en voudrais presque. Mais tant pis, le jeu est le jeu, et tu ne l'as pas dit méchamment non plus. Tu n'es pas si horrible. Ça a même été soufflé, comme si tu lui avais dit qu'il était idiot, et ça ne semble pas le toucher plus que ça.

Il s'approche, relève ton menton entre ses doigts, et tes sourcils se froncent, ton regard se fait plus noir. Tu as soudain l'impression de n'être qu'une gamine qu'il regarderait de haut, et tu n'aimes pas ça. Et son ton se fait plus sérieux, joueur, mais plus sérieux. Et tu hésites entre lui cracher ton venin, ou lui cracher à la gueule.

Mais son sourire.
Son sourire te fait sourire.
De la même façon que lui.
Fière. Joueuse.
Hautaine.

Tes doigts fins viennent s'accrocher à son poignet, et tu te redresses légèrement, assez pour te rapprocher de lui encore un peu. Tu joues avec le feu, Sawa. Et même si tu l'as toujours fait, tu n'as jamais joué avec cette flamme-là... et tu as peur de t'y brûler :  Takashi... tu n'assumerais pas la moitié des choses que je pourrais te faire. Tu n'assumerais pas la moitié des choses qu'il pourrait te faire ressentir.

Tu ne sais pas qui est le premier qui va craquer, entre lui et toi. Tu ne sais pas qui est le premier qui va reculer, qui va mettre fin au jeu de peur de se brûler. Tu ne sais pas si tu as envie de reculer, ou si tu as envie de continuer. Tu n'aimes pas perdre, Sawa, il n'aime pas non plus. Vous faites bien la paire.

Il te repousse, t'allonge sur le sol et la surprise vient étirer ton visage un instant. Et peut-être... peut-être que ton cœur palpite, s'excite, bat trop vite. Et peut-être que ta gorge devient sèche, que ton pouls s'accélère, que tes pensées disparaissent. Tes lèvres s'entrouvrent, comme pour lui répondre, mais tu es coupée par sa présence. Il est proche, si proche, tellement proche. Il est partout autour de toi, Sawa. Ses mains t'emprisonnent, ses jambes t'enferment, son regard accroche le tien, ses lèvres pourraient frôler les tiennes. Il est partout autour de toi, et tu ne sais pas si ça te convient ou non, si tu veux le repousser, ou continuer de jouer.

Est-ce seulement encore un jeu ?
Ou avez-vous dépassé ce stade ?

Puis ton nom arrive à tes oreilles. Yamada. Et c'est un sourire fier qui vient étirer tes lèvres. Yamada ? Tu recules déjà, Takashi ? Et puis, des actes, des actes... mais finalement, tu ne fais que parler, et tu recules parce que tu as peur de te brûler. Vous allez vous brûler les ailes, Sawa. Et pourtant, tu continues de voler, toujours plus haut. Dans le pire des cas, vous finirez de nouveau noyés.

Tu penses vraiment que je vais reculer ma belle ?

Ma belle. Et tes sourcils se froncent alors que tu te redresses un peu. Ta langue claque contre ton palais alors que tu lui réponds sans même réfléchir un instant : Je ne suis pas ta belle. Tu n'es la belle de personne, tu n'appartiens à personne si ce n'est qu'à toi-même. Mais pourtant, tu ne recules pas, tu laisses même retomber ton crâne contre l'herbe, et ce n'est pas agréable d'être allongée dans l'herbe, complètement mouillée. Mais tu ne perdras pas, Sawa. Tu ne reculeras pas, Sawa.

Et sa main saisit tes poignets. C'est froid. Le contact est froid. Les doigts mécaniques glissent sur l'une de tes paumes. Puis il t'enferme. Totalement, encore plus que tout à l'heure. C'est bizarrement une prison dont tu ne veux pas te défaire. Parce que le jeu t'amuse. Il t'amuse vraiment. Mais il t'amuse... parce que ce n'est plus un jeu, Sawa, et c'est pour ça qu'il est si excitant. Sa main attrape ton menton de nouveau, et tu le redresses. Et tu attends. J'attends. Et il te répond immédiatement. Oui, tu joues avec le feu, Sawa. Il joue avec aussi.

Et le feu brûle, tout s'embrase.
Et c'est pour ça que c'est si séduisant.
C'est pour ça qu'il est si attrayant.

La tendresse n'est pas présente. Vous n'étiez pas tendres, ni lui, ni toi. La tendresse n'a pas sa place ici. Pourtant, tes doigts se ferment sur ceux mécaniques. Tu ne sais pas trop pourquoi, tu ne sais même pas si tu l'as vraiment contrôlé. Et quand ses dent viennent mordiller ta lèvre, c'est sa lèvre supérieure que tu ravages aussi. Peut-être même que ta langue cherche la sienne, approfondissant un baiser que tu as attendu, un baiser que tu as voulu... parce que tu l'as voulu, ce baiser, Sawa, parce que tu l'as titillé, tiraillé, tenté jusqu'à ce qu'il avance encore, persuadée que si tu avançais, tu perdais, mais si tu reculais... tu perdais encore plus. Il se recule. Enfin. Déjà. Ton cœur bat la chamade alors que tu continues de le regarder, tes doigts toujours refermés sur ceux mécaniques.

Tu risquerais de te brûler les ailes, qu'il te lâche, comme s'il pouvait te terrifier. Et tu lui réponds, sourire ravageur, ravagé, sourire moqueur, toujours plus hautain que le précédent : Qui te dit que j'en ai ? Tu n'as pas d'ailes, tu n'as jamais été faite pour voler. T'as été faite pour te noyer.

Tu n'es pas faite pour brûler, qu'il te murmure, et tu as envie de lui dire qu'il se trompe, que tu brûles déjà, et qu'il va se brûler les ailes à continuer de jouer avec toi. Tu aimerais lui répondre que vous alliez vous brûlez tous les deux, mais finalement, vous aviez déjà coulé, Sawa, au moment même où vous aviez commencé à jouer, c'est dans les abîmes que vous aviez sombré.

La pression toujours sur tes poignets, les doigts sur ta gorge, tu sais qu'il pourrait sentir le pouls battre, s'il appuyait un peu plus, à peine. Son front sur le tien. Il est trop proche. Physiquement. Mentalement. Il est trop proche de toi. Tu n'aimes pas ça. Menteuse, tu le veux plus proche encore. Tout ton être te murmure, te dit, te hurle tout ce que tu refuses, tout ce que tu as toujours refusé. Et il a raison, Takashi ((et depuis quand, depuis quand, est-il devenu si facilement Takashi)) tu t'es déjà cramé les ailes, et t'es en train de te noyer. Mais tu ne te noieras pas toute seule, jamais. C'est pas moi qui vais me noyer la première. Vos regards ne se lâchent pas. Vous êtes si fiers, l'un comme l'autre, si fiers qu'aucun ne craquera vraiment le premier. Si tu l'embrasses, tu seras celle qui sera faible, celle qui perdra. S'il ne t'embrasse pas, il sera celui qui sera lâche, celui qui perdra. Si tu te recules, tu seras celle qui refuse, qui ne veut plus jouer, celle qui perdra. S'il t'embrasse, il sera celui qui ne recule pas, celui qui gagnera.

Et il décide de gagner, d'arracher cette victoire que tu n'aurais jamais pu avoir à l'instant même où tes doigts se sont liés aux siens. Ils se resserrent sur les siens quand ses lèvres capturent de nouveau les tiennes. Il te capture, Sawa. La main sur ta gorge, les doigts dans les tiens, ses genoux contre tes cuisses. Il te capture toute entière. Tu détestes ça. Menteuse.

Tu te détends petit à petit, toi qui étais encore tendue, sur la défensive, prête à attaquer, tu lâches les armes, Sawa, et ça ne te ressemble pas, d'abandonner si vite. Mais tu sais quand est-ce que tu as perdu une bataille, ce n'est qu'à charge de revanche.

Et un soupir de plaisir s'échappe de tes lèvres entrouvertes, s'écrasent contre les siennes avant d'approfondir ce baiser. Et sa prise sur tes poignets se fait moins forte, tu t'en dégages lentement. L'une de tes mains remontent le long de son bras mécanique, se pose là, sur ce qui devrait être son biceps, et l'autre vient saisir le tissu mouillé de sa chemise.

Tu as lâché les armes, Sawa.
Et tu n'es pas sûre de vouloir les reprendre.