PÊCHEUR VEUT CASTAGNER VOTRE DÉPRESSION
08.02.97

Depuis un an, les vacances avaient le goût amer de la malédiction. La joie de centaines d’élèves, gâchée par trois fois ; une première, avec l’annulation des vacances du mois de février précédent ; une deuxième, avec des attaques et un meurtre bien trop récent ; la troisième, par les événements tragiques du trente-et-un janvier et les circonstances dans lesquelles ils avaient quitté l’école.
Difficile de croire que ce qui était, jusque-là, un des endroits les plus sûr du Japon, était devenu le théâtre de toutes ce carnage organisé – organisé ! C’était ça le pire.

J’ai du mal à réaliser. Plus, encore, à profiter de cette soi-disant paix – Seimei est encore en liberté. Alors, désireux de retrouver mes amis, autant que de changer d’air, j’ai demandé hospitalité auprès de Masashige. Malgré ses humeurs, aussi sombres que les miennes, je savais qu’il parviendrait à me changer les idées – avec de vieilles histoires d’amour, par exemple.

« Bah, comprend-la. Elle a dû se rendre compte qu’il lui fallait quelqu’un de plus mature. »

Un léger sourire en coin, j’essaie de garder mon sérieux ; les yeux fixés sur l’écran de ma console.

« Arrête, moi je tombe que sur ça, quand je suis dans les herbes. Ils servent vraiment à rien. »

Et je soupire mais, dans le fond, je suis bien heureux de pouvoir me frustrer sur des raisons aussi futiles qu’un jeu vidéo – j’ai l’impression d’avoir une vie normale, l’espace de quelques heures.

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08.02.97

Trop absent ; c’est sûr qu’avec une présence limitée à deux mois par an, même ta famille semblait te considérer comme trop absent pour elle. Je loupe toutes les private joke, les anecdotes et les nouvelles les plus récentes – j’avais appris, pas plus tard qu’avant-hier, que mon aîné avait demandé sa petite amie en mariage ; alors que je ne savais même pas qu’il en avait une !

Pour moi, les amis de Masa sont les parfaits exemples de bons potes : ils lui restaient fidèles, bien qu’ils se voient peu et ne posaient jamais trop de question trop indiscrète sur ses mystérieuses études.

« Et toi ? Maintenant qu’Emi a abandonné, t’as pas un autre crush à aller conquérir ? »

Voilà un moment que je n’ai plus entendu parler des histoires (échecs ?) sentimentales de Masashige. Depuis sa copine de l’année précédente, j’ai perdu le fil – n’a-t-il eu personne d’autre ou est-ce moi qui ait encore tout loupé ?

« Certains yokai seraient mieux dans un pokéball. »

Je grimace, à la pensée des créatures potentiellement mal intentionnés auxquels certains élèves avaient dû être confronté la semaine précédente. Penser à celui qui m’avait séparé de mon groupe et qui doit surement être la cause de la blessure de Kiyoshi, suffit à me faire frissonner.

« Si on montre le jeu à notre prof d’onmyōdō et qu’on lui demande de nous apprendre à faire ça, tu crois qu’il acceptera ? »

J’ai pas grand espoir, mais avouons que l’idée est suffisamment divertissante pour nous changer les idées.

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08.02.97

J’avais beau parcourir les hautes herbes, je ne tombais que sur des rattata, des roucool et autres dresseurs tout aussi paumés que moi – à quel moment ça semble réaliste que des ado attendent, tapis au milieu de nulle part, que d’autres gamins passent devant eux pour les défier ? On croirait une sorte de racket.

« C’est pas une phrase de frustré, ça ? »

Surement une des (trop) nombreuses excuses que j’ai lancées pour justifier ma soi-disante absence de vie sentimentale – ma préférée étant de laisser croire que je ne pourrais jamais aimer quelqu’un d’autre, comme j’aime Ange (ce qui n’est pas entièrement faux).
Je taquine Masa, mais je serai bien le dernier à l’en juger – et le moins bien placé pour le faire.

« Aaah, m’en parle pas. Tu crois qu’on pourrait tester avec des animaux magiques ? Certains ont des pouvoirs aussi cool que les pokémons. »

Et d’autres, beaucoup moins. Le professeur Ito avait beau savoir comment rendre ses cours intéressants, elle s’avère souvent beaucoup plus effrayantes que les créatures qu’elle nous présente – elle place le level assez haut, il faut dire.

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08.02.97

Je m’esclaffe au sourire forcé, en disant aussi long que son regard meurtrier – touché. M’efforçant maintenant de garder les yeux sur le jeu : pokémon mérite bien plus qu’une discussion parallèle sur nos amours d’adolescent.
Et je ne tiens pas vraiment à m’attarder sur le sujet, de peur des représailles que Masashige pourrait me faire subir.

Je ne peux pas vraiment cautionner l’idée de faire combattre des êtres vivants – c’est vrai, quand on y pense, ce jeu est aussi cruel que les combats de chien ; mais ça n’est que ça, dans tous les cas : un jeu. Mais imaginer une bataille entre yokai et créatures magiques reste suffisamment amusant pour le faire – et, dans tous les cas, ce n’est que ça : imaginer.

« Les cours d’onmyodo nous apprendrait comment bien contrôler notre créature et le cours de soin aux créatures magiques nous apprendrait les points forts et les points faibles de chacune. Les appâts qui fonctionnent sur eux et leurs attaques, aussi, surement. »

Ça doit être les moments que je préfère : quand on recréé le monde, à notre façon.

« On fondera la ligue, comme ça on sera sûr d’être tout en haut. »

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08.02.97

L’idée d’en parler à mon – lointain – oncle m’enjoue autant que nos idées précédentes et je m’imagine déjà, lorsque je rentrerai au domaine Ueda, me précipiter jusqu’à Saburoo pour lui faire promettre de nous aider. Bien sûr, il nous faudra aussi travailler les examens à venir, mais – Allons ! même à dix-sept ans et proche de la fin de notre scolarité, nous avons bien droit de nous amuser.
Plus particulièrement après ce qui nous est arrivé.

« Nos méthodes seront opposées : je jouerai sur l’endurance, en m’aidant de sorts et de potions de soin ; et toi, sur l’offensive. Ainsi, je les fatigue et tu les achèves, efficacement. »

Un sourire aux lèvres, je me laissai, moi aussi, retomber aux côtés de Masashige.

Le monde magique est chouette, c’est vrai.
Sauf lorsque des mages noirs menacent de ruiner la paix et de tuer chaque opposant, pour établir son règle, songeai-je ; gardant néanmoins cette pensée pour moi.

Magie ou non ; le plus important, au fond, c’était de continuer à rêver.