Les éclats et les brisures ont chanté à tes oreilles ce jour là, son entrée avait annoncé le tintement des lames alors qu’avaient roulées les larmes sur la joue opale de ton sang cet hiver. Comment le considérer comme un des tiens alors qu’il avait fait couler la sève vermeil des Fujiwara ?
Il te semblait avoir eu la solution à tes pires cauchemars lorsqu’il avait franchi le seuil de cette pièce, Naomi dont la présence avait ébranlé les cœurs et, la main douce d’Eirin si calme et posée dans ta paume s’était mue en un ruisseau moite et nerveux, et il avait fallu de ce dernier jeu pour comprendre les rouages d’une relation abjecte et innommable. Et oh tu ne savais pas tout encore de ce qu’avait provoqué cet être à l’engeance diabolique mais il avait fait assez de tort pour troubler celle dont la vie t’importait plus que la tienne. Et sa vie avait été, quelques semaines plus tôt, sauvée d’un fil.
Un fil de fer
Un fil de soie
Qui tissera la plus grande foi
L’aube avait clamé sa présence et tu avais répondu à l’appel. La nuit avait été difficile; les nouvelles étaient encore âpres et les doutes n’avaient pas cessé de se fendre sur toi comme des ressacs en bord de mer. Tu avais pris soin de revêtir des habits blancs comme tes cheveux. Ton visage avait pourtant l’air reposé, peut-être parce que tu allais toucher la vérité des doigts et c’est avec une sérénité dont tu ne te connaissais pas que tu t’étais résolu à trouver ta nouvelle Némésis, après un tour aux salles d’entraînements car tu craignais d’exploser sous l’émotion et compromettre ta rage terrible, avec des coups partis trop vite.
La sueur perlait de ton front lorsque, revenant de tes exercices libérateurs, tu l’aperçois; et il a cette démarche trop tranquille pour calmer tes entrailles. « Nishimura ! » Peu importe la nouvelle allégeance où il se trouve, il restera traitre jusqu’à prouver son innocence et tes yeux voient rouges quand ils voient ses cheveux blancs comme les tiens, et tu refuses d’être à lui ce qu’il est à toi : un membre de famille.
« Tu nous as fait une belle surprise hier. Tu nous avais caché tes intentions. J’ai comme l’impression qu’être cachotier est quelque chose qui te sied bien. »
un nom dont je suis interdit de me vêtir a braillé de tes poumons.
sur ta langue parade la charogne de liberté que ton nom daigne t'accorder : un égo démesuré. tu t’es longtemps cru petit prince, mais regarde avec quelle facilité le souverain t’a condamné de son royaume d’un revers de main. tu as oublié le prénom de cousin, ryuu ? et un sourire qui se rit déjà de toi me transperce. j’excelle en secret ? quel compliment, voilà une rare réussite de l'union dont je suis issu. dans mes armoires, j’ai planqué mes cadavres, et si tu tentes d’ouvrir mon placard; je crains devoir t’ajouter à ma collection.
tu me déranges, ryuu. ne pouvais-tu laisser ma première matinée après captivité paisible? je hais ton visage semblable à un amour que j’ai connu. je hais croire que de ses petites lèvres elle aurait soufflé à ton oreille notre vilain secret. et je hais savoir que s’il en est le cas, encore, je perds un cousin. j’ai souffert des mois durant et l’univers ne me hante chaque jour.
tu sauras que, moi, j’ai tout
perdu
ma joie
mon nom
mes désirs
mes cousins
ma bien-aimée;
toutes mes maigres possessions arrachées de mes doigts. né pour souffrir. né pour être éternelle victime. regarde au fond de mes rétines les lambeaux de ma vie. dix-neuf années sur terre passées à me terrasser; et dès que je me relève, me revoilà mis à terre.
s'est perdue la patience. s'est évaporée la douceur. s'est évanouit l'indulgence. de ton bon cousin. je n'en peux plus d'accepter. je n'arrive plus à sourire à la vie. j'ai juste envie de destruction et je n'en peux plus de la soumission. abrège tes observations — à moins que tu ne sois venu que pour ça et je n'ai temps à t'accorder pour cela. mais au feu dans tes pupilles je crois savoir ce que tu es venu chercher.
Le soleil d’hiver brûle blanc sur ta nuque et tu regrettes déjà tes pensées assassines et sensées de ce matin, la rage te sied mieux et un coup fin, rapide, léger et élégant dans ses côtes aurait été bien plus efficace que le volcan que tu contiens dans tes entrailles. Si seulement les siennes coulaient déjà; le sang comme engrais fait déjà ses preuves à Mahoutokoro; le sien ravirait vos jardins.
« Excuse moi, je n’ai pas encore pris l’habitude de t’appeler autrement que par ton patronyme. Tu y réponds encore d’ailleurs. »
Les habitudes ne changent pas vite. On dit qu’il faut une semaine pour en adopter une nouvelle. Auras-tu assez d’une semaine pour l’adopter parmi toi et tes rêves ? Il n’y a pas sa place, il n’y avait jamais eu de réelle place; maintenant il sert ta colère - l’excite - et tu aimerais l’éradiquer comme on tue la vermine. Ton nom sur sa langue résonne comme relent et tes poings se ferment dans les pans de ton habit blanc. Tu arbores ton tendre sourire qui fend lentement ton visage et c’est pour mieux te laisser le temps de détendre tes phalanges; car en dépit de tout, tu refuses de le laisser gagner la guerre des égos qui hante l’air nouveau du jour glacé.
« Tu vas prendre le temps de m’écouter, cousin. » commences-tu. « Comme tu as volé du temps à Eirin, hum ? »
Tu t’avances de sa carcasse gigantesque, n’est-ce pas les plus petits chiens qui aboient le plus fort ? Tu en feras du bruit lorsqu’il aura confessé ses vices; mais il devrait plutôt craindre tes silences, ceux que tu écoutes pour ne pas exploser, ceux qui t’empêchent (parfois) d’éclater un peu trop vite. Il devrait craindre tes dents blanches qui ont, par plusieurs fois déjà, tranché des chairs, fait couler le sang, il devrait craindre beaucoup de chose mais tu présumes que ses airs de grand garçon lui suffisent pour ne pas avoir peur et se moquer de toi et tes sentiments.
« Tout est de ta faute et tu oses fouler le sol de notre famille, Nishimura. Tu dois être bien désespéré pour te tourner vers nous. » Et tu ne te cacheras jamais de ce que tu veux. « Seul chez les Fujiwara… tu as peut-être rejoint un nom, tu ne feras jamais vraiment parti des nôtres, surtout quand tu as touché à l’un d’entre nous. N’est-ce pas ? »
contrairement à toi, je n’ai pas décidé par mon propre chef de changer de maître et il ne venait point de la même maison, alors pardonne mon temps d’adaptation. je préfère takamori à mon propre père mais nishimura est la bannière qui me rassemble avec sora. j’ai un nom que j’affection autant que je le hais — le nouveau est pareil. et se glace un sourire sur mon visage, pourquoi t’empêtres-tu dans ces histoires ? eirin m’a volé mon temps comme tu sembles décidé à le faire maintenant. qui crois-tu être pour me faire un huis-clos ? cette relation ne te concerne en rien, pourquoi y fourres-tu ton museau, aboie — comme si qui que ce soit aurait peur de toi.
et quand tu dis ma faute un fou rire intérieur résonne. mes commissures se fendent d’hilarité damnée et mes sourcils se s’écrasent de courroux. au final tout ton discours est si comique à te croire cerbère d’une famille qui n’a besoin de toi. chez nous ? les nôtres ? le gosier en flammes, tu es si drôle, cousin. voilà ma gorge qui s’écorche de rire. mon pauvre cousin, qui es-tu pour dire ceci lorsque bientôt tu seras un awataguchi ? un rappel pour te couper les ailes. pour te rappeler ta place. tu ne vaux pas mieux que moi. étrangement, takamori voulait de moi — voilà pourquoi je n’ai eu temps d’être assez désespéré pour en oublier mon précédent nom. se finissent les plaisanteries que le ton prend des graves sévères. de ma faute, ryuu ? quelle faute, éclaire-moi donc. et je te jure que si tu prononces ce tabou il se pourrait que mes mains dérapent sur ton coup. te pulvériser. te châtier de recracher des mensonges sans cause.
touché à ta sœur ? si tu crois que j’ai fait le premier pas, détrompe-toi : c’est ta sœur qui a touché à l’un des siens en premier. et vérité bordait mes lèvres. si tu savais combien de fois j’ai repoussé ses avances. combien de fois j’ai ignoré ses sentiments. en serrant le poing. en mordant mes lèvres. conscient que des ravages d'une potentielle et inévitable fin. puis eirin m’a trompé convaincu forcé tenté séduit obligé sans relâche de ses désirs. et à chaque pas en arrière elle en faisait deux en avant. et piégé par mes propres sentiments et par elle le choix ne m’incombait plus. pourquoi tu t’embêtes de sous-entendus, ryuu ? tu veux la vérité ? savoir ce qu’il s’est passé ? ou tu souhaites simplement assouvir aveuglément ta haine sur moi ? et je te souris et je lisse tes vêtements froissés par toute cette activité par toute cette tempête. et mon sourire se brise et mes yeux s’aiguisent et mes traits se noircissent. tu ne sais rien, cousin. conseil : passe juste ton chemin. ne m’oblige pas à te transpercer de vérités.
« Je suis encore un Fujiwara, Nishimura-kun. »
Cette phrase sonne comme un désespoir, une supplique aux ancêtres de te laisser ton sang, ton âge d’or encore intact, tu pries comme un fidèle, croyant que tes mots seront entendus et ses reproches résonnent en toi comme un diable blanc; tu peux voir en lui le reflet de ce que tu ne seras jamais : un atout à ton engeance, l’enfant prodigue. Ton remplaçant; celui pour qui tu es chassé de l’Eden d’or et de blanc. Il a raison, toi le futur Awataguchi, marié comme une femme dont l’avenir n’est que de procréer et lier les liens familiaux, toi petit pion dont le seul but est le sacrifice pour la reine, et quelle reine qu’est Eirin, au centre de toutes les interactions; persiffleuse de votre famille; le point de chute de tant d’hommes dans cette illustre lignée. Vous périrez tous de ses griffes, elle, la furie Fujiwara; sur son crâne repose déjà la couronne des femmes de l’ombre.
« Tu as raison sur ces deux choses qui me colleront à la peau comme la vermine aux ordures : j’ai voulu changer d’allégeance, je vais changer de nom. Mais de ces deux écarts ressort la même motivation : celui de protéger ma famille. »
Tu avais voulu rejoindre le traitre car tu pensais fondamentalement protéger ta soeur, trop faible pour envisager lutter contre pareille force; tu te marieras à une femme pour respecter les ordres directs. « J’attends alors avec impatience le jour où tu prendras ma place de pion, cousin, car à ce moment là…» Tu te rapproches de son oreille. « Tu tomberas aussi bas que moi. »
Tu te recules finalement tandis que tu tritures le manche de ton sabre d’un rythme régulier, calmant ton coeur sur les battements de tes doigts.
« Je veux entendre la vérité de ta bouche, transperce moi de ta langue affutée, dis-moi tout, raconte moi ce qu’il s’est passé, avoue tout et ne considère plus jamais ma soeur; si je te vois lui adresser un soupir, un rictus, une oeillade, un mot; je te transpercerai. Ceci n’est pas une menace, tu sais que je serais capable de déclencher une guerre pour elle. »
Qu’il libère ses émois sur ton dos, qu’il parle, qu’il te fasse mal, qu’il te brise, qu’il t’éclate; qu’il explose; il n’en aura jamais été autant vivant. Et tu épargneras à ta soeur sa tristesse qui la tue tant. Tu t’assureras de tarir en elle les dernières émotions pour calmer la tempête de leurs hormones.
« Je ne passerai aucun chemin, cousin, pas avant d’avoir entendu ton horrible vérité. Et si tu ne veux pas parler, alors nous nous entraînerons au sabre ensemble. »
je t'ai aimé, tu sais.
j'ai des souvenirs d'enfants où tout était différent. où nul ne doutait des fissures des fêlures nous attendant. un temps où il y a affection pour un cousin. une innocence éphémère — et on aurait beau eu batailler,
tout se serait quand bien même passé ainsi.
eirin ou non.
shinobu ou non.
on est que des carnivores. c'est notre sang. tourner le dos aux siens est un trait de famille. on se range aux côtés des puissants. et les perdants courbent l'échine. puis on est ceux qui trépassent. c'est juste comme ça. protéger ta famille ? tu me rends coi. et le pire est que quelque part je te crois. ta tête marche autrement ton père te l'a tellement retournée que tu fais tout à l'envers.
et je ris être un pion ne me dérange pas. sinon je ne serais plus là. pas que cela m'aurait dérangé non plus. et je doute tomber aussi bas — je touche déjà le fond, en soi. parce que j'accepte ce rôle dégradant.
je préfère les caniveaux que me croire icare.
l'âme vacante d'ambitions est mon salut dans ce tohu-bohu. pas besoin de rédemption aux yeux du seigneur.
je préférai me transpercer moi-même que de considérer ta sœur.
tes suppliques capricieuses
m'ôtent un peu plus l'envie de libérer cette réalité. et je crains que, même, si tu mettais ta menace à exécution, il me faudrait l'achever de moi-même au vu de tes bras. tu perds des bouts. tu grattes jusqu'au sang. tu déclencherais une guerre pour elle ? je persifle mais elle, ryuu, déclencherait-elle une guerre pour toi ?
et mon regard agrippe le tien. ne vacille qu'importe les secondes s'écoulant jusqu'à ta réponse. ça ne m'intéresse pas de croiser fer avec toi; ta raison n'est mienne ni me suffit. elle n'en vaut pas la peine.
Au fond de toi, tu lui as toujours envié sa force tranquille, l’impassibilité de son visage qui ne transpire que le désintérêt qu’il manifeste au monde. Était-il las si jeune ? Ta main desserre sa prise sur le manche du sabre, tes épaules s’affaissent et tes yeux attrapent les siens. Il ne t’était jamais autant apparu aussi doux. Peut-être était-ce dans sa tristesse que tu retrouvais ton désespoir. A quel point étiez-vous semblables ? Depuis le début sans doute, toi à lutter contre les courants, lui en les suivants, vous finissez au même endroit, l’antre des Fujiwara; où rampent les fantômes de ce que vous avez perdu car, dès que vous avez passé les portes, vous n’êtes plus que des masses de chairs seules et pourrissables. Y aura-t-il seulement une fleur qui poussera de la terre ?
« Aussi bon au sabre sois-tu, Naomi, tes mots sont les plus tranchants. » dis-tu finalement alors que tes genoux se plient pour te déposer au sol, rendant les armes, l’invitant à s’asseoir aussi près de toi. Si le tonnerre cesse de ton côté, le jardin n’a toujours pas bougé. Et quoi qu’il advienne, ne bougera jamais. Entretenu, il fleurira comme ton cousin; mu par les vents et les décisions. « Je ne veux pas être un pion, mais nous n’avons pas le choix, n’est-ce pas cousin ? »
Le temps s’écoule dans tes tympans, dans un silence presque calme alors que tu défigures tes mains affreuses, témoins de tes démons. C’était là ta gangrène qui se nourrissait des émotions, la malédiction de ton sang pas si pur et tandis que tu les contemples, ta peau se fane, dépose au sol quelques pétales. « Comment fais-tu pour être si fade ? Acceptez les sorts, tu as des airs de Sisyphe. Et pour répondre à ta question, je déclencherais une guerre pour elle, même si elle me tournait le dos. Elle est mon amour le plus pur, mais tu ne peux comprendre cela, cousin, tu n’as jamais eu ce genre de lien familial. »
est-ce la trêve. ou est-ce le répit précédant une violente reprise du combat. que t'arrive-t-il, cousin. toi qui remue ciel et terre. toi qui s'est élu lui-même souverain. est-ce que l'illusion de ton royaume s'est fendue fêlée fanée. est-ce la désillusion ou la réalité qui a frappé ?
je m'assieds
en guerrier épuisé et déboussolé. quelle bataille mène-t-il. banni à vie par l'emblème sur son sashimono, il erre parmi les terres d'un nouveau souverain. lassé des batailles.
si vaincu que toutes ses fondations se sont rompues.
si vidé et incapable d'encore soutenir ses croyances.
il les a renoncées au pied d'un champ où la bataille est terminée. parmi les cadavres et les blessés. car ses espérances ne se réanimeront.
non, nous ne l'avons pas. ni soupir ni tristesse ni détresse — rien que la blême réalité contre ma langue. aussi blafarde que moi. parfois. les grands changements n'ont pas d'éclat. ils s'animent dans des ombres sans importance. qui s'oublient. pourquoi accepter ? parce que se débattre vainement fait bien plus mal, cousin. j'ai longtemps essayé. obtenir l'attention de mon père. obtenir de le cœur de mon aimée. obtenir la grâce magique de mes pairs. mais rien n'y fait. ça me file, ça m'échappe. ça se refuse. ça ne veut de moi. même toi ne me connais pas aussi bien. un sourire dépité se dessine sur mes lèvres. tu l'as souligné, ryuu : mon nom était nishimura. crois-tu être le seul dans ce monde à chérir sa famille ? l'amour n'est pas un privilège qui n'appartient qu'à toi. et crois-moi, ryuu, si je le pus, j'aurais soulevé milles armées au nom d'eirin. si je le pus, je me serais battu. si je le pus, j'aurais gardé ce qui était mien. mais je ne suis pas seigneur. rien qu'un petit soldat futile. n'avance pas ton opinion sur ce que tu ne sais pas. c'est un ordre. ne m'enlève pas. le peu d'humanité. qui reste en moi. je suis un pion. mais même un pion a ses attaches. aussi désuètes soient-elles aux yeux des grands seigneurs. et garde cet ordre dans ta tête. il épargnera bien des fois ta vie. maintenant que, toi aussi, n'est qu'un petit pion.
Ta paume caresse le manche de ton fidèle compagnon d’un geste répétitif. Les heures d’entraînement ont laissé leur empreintes et seul le bruit rêche de ta peau sèche glisse sur le tissu serré. Murmure sourd d’une haine déchaînée mais pas entièrement déversée, l’épiderme des cloques éclatée trottinne sur le sabre avant qu’il ne se retrouve rangé dans son fourreau, beau foyer abîmé. Et tu regardes ton cousin prendre place à tes côtés.
Vous ressemblez à deux enfants punis ou bien à deux vieux face au passé. Dans les deux cas, la vie ne vous a pas encore pleinement sourit; par manque de dents. Tu ne parles pas, tu apprécies le silence et l’accalmie qui s’est offerte à vous. Tu te délectes de la symbiose courte que vous avez, de l’égalité que vous partagez, tu estimes le temps que tu passes à ses côtés sans la rage au ventre et le grondement de tes nerfs; qui hurle dans tes tympans, tes yeux s’accrochent à son profil dont les contours se fondent avec la bâtisse en fond et tu ne peux t’empêcher de savourer ses traits aussi droits que fins, délicats et tendres malgré la dureté de son air et tu crois y voir ce que tu voudrais être et pourtant la passivité et la submissivité dont il fait preuve renvoient tout ce que tu hais dans la hiérarchie qui vous régit et après le mutisme de votre repos, tu fermes les yeux un instant. « Je me dégagerai le choix de mon avenir sur le chemin qui m’est destiné. Être d’un autre nom peut devenir la porte de sortie, je suis réaliste. Que serait-il advenu de moi si j’étais resté Fujiwara ? Au mieux un laquais exilé, je sais à quel point Takamori-san exècre ma présence, mais vois-tu Naomi, je crois que je préfère avoir mal que me laisser guider par les flots, je n’ai jamais été assez doué pour me laisser vivre. » Tu poses une main sur son épaule; ton corps tout alors penché sur lui. « Je compte avoir si mal que je n’aurai plus de larmes à verser, n’est-ce pas un bel avenir ? Du moins, il sera intéressant. »
Tu lui tapotes à présent l’omoplate. Tes gestes ne sont pas dénués d’intérêt. Jamais avec toi rien n’est inutile; même tes airs vaniteux et ton sens de l’esthétisme.
« Je n’ai pas réservé les sentiments à ma seule et unique personne, cousin, tu extrapoles légèrement mes idées. J’appuie seulement l’idée qu’Eirin est uniquement à moi par les liens de sang, plus pur fluide que n’importe quel autre. » Tes sourcils se froncent et tes yeux le fusillent à présent, te voilà bien reposé. « Que comptes-tu faire sous la couronne Fujiwara, maintenant baptisé comme des nôtres ? Tu vas laisser notre cousin décider encore pour toi ? Tu serais le Ryuu bien docile qu’il aurait aimé avoir, c’est bien je suppose. Un chien loyal, tout dirigeant en a besoin. »
Ridicule.
« Ah, et, ne me donne pas d’ordre, Naomi. Tu sais comme cela m’irrite. » Cela aussi était un ordre.
c’est drôle.
mes canaux sont évacués. j’ai l’aridité dans le cœur. à quoi ressemblent les larmes, déjà ? il n’en reste que le goût salé dans mon être — leur chaleur m’a quitté. c’est fou. comme tu refuses si fermement ce que sera réellement ton destin. comme tu te terres dans tes fantasmes. immuable. et je me souviens à quel point. chaque secousse. chaque souffle. sur ce château de cartes. suffit à te mettre hors de toi.
diantre. que j’aimerais être le fou qui s’extirpe dans ses délires.
mais tu sais quoi ? il y a un point sur lequel tu te trompes. tant que sa réalisation fera mal. voilà longtemps qu’eirin n’est plus sagement dans tes donjons. ta prisonnière ne remet ses chaînes que pour en maintenir l’illusion.
ah quel mauvais geste.
tu es bas, cousin. à accompagner tes menaces ainsi. que cherchent à faire des yeux ? trouer une cible en lambeaux ? tes balles traversent le néant qui me contient. ce qu'il me sera demandé. je te fixe. tu sais, même si tu fus loyal, ton sort serait le même. écarté du grand trône fujiwara. potentielle menace. et je te conseille de réaliser que ton destin n'est si différent du mien. tu seras toujours voué à servir takamori. même chez les awataguchi.
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