— MAHOUTOKORO
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* \ memento mori; saburoo, tsubaki
Poppy Tsugikuni
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Citation : Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit, sed do eiusmod tempor incididunt ut labore et dolore magna aliqua.
Age : 29 ans - 12.10.1968
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Ryujin
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Poppy Tsugikuni
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Poppy Tsugikuni
souviens-toi que tu vas mourir
Cependant que le soleil brillait, l’ambiance était morose.
Le mois de Juillet s’était soldé sur une cuisante défaite, et l’inutilité de Poppy creusait dans ses viscères un fossé coupable ; il coulait au fil veineux de ses artères une bile noire, distillée dans la calice misérable de son impuissance. Elle avait posé un pas apeuré sur ses propres terres, encore ceinturée d’appréhension à l’idée d’en hériter dans le futur - pire encore, savait qu’imminait le trépas de son père, et avec celui-ci la formelle défense d’en exprimer convenablement le deuil. On attendait de la mort de Hidejirou qu’elle élevât sa fille, dans la continuité traditionnelle ; mais Poppy et Hidejirou fleurissaient à mille lieues des coutumes, leurs rôles si mutilés qu’elle peinait encore à voir le héros qui berçait sa petite enfance.

Ce jour-là, elle s’apprêtait à assister à l’avènement du démon, la veine Tsuchigumo évidente dans le pli pressé de son sourire. Poppy avait traversé les jardins, pris soin de saluer le moindre serviteur s’affairant aux quotidiennes tâches, et proprement redouté son entrée dans la réception principale, tant et si bien qu’un détour l’avait retardée. Il n’y avait nulle étoile auprès de laquelle se confier, si ce n’était la plus proche - mais le soleil lui semblait trop agressif, ses mélodies saturées de cuivres assourdissants. Aussi s’assit-elle d’abord dans le couvert nostalgique de sa première chambre, les murs peints d’astres mouvants, et s’autorisa une accalmie avant de faire face au courroux du patriarche.

Eût-elle été plus sotte, elle aurait sous-estimé la démence d’Hidejirou, et se serait attendue à de raisonnables remontrances. Mais elle était familière avec la moindre de ses émotions, et savait ses camaïeux verts dilués de rage noire. Hidejirou ne supportait guère qu’on interférât avec ses desseins et, en se mettant à dos l’ancien directeur, Saburoo avait condamné tout son clan à s’opposer aux Yuutsu. D’avance, Poppy frémit - de regret, elle quitta son sanctuaire.

La marche jusqu’aux gigantesques fusuma était des plus moroses. Même les boules de suie, visibles dans les périphéries de sa vision, ne surent apaiser l’angoisse qui la saisissait ; pourtant, lorsque ses doigts s’arrêtèrent sur la poignée creusée de la porte, elle redressa sèchement sa posture, et banda les muscles de ses mâchoires. Il se tapissait dans l’émeraude de ses yeux un désir viscéral d’atteindre des sommets, suffisamment élevés pour tirer toute sa famille vers le ciel.
La pitié ne l’y mènerait guère.

La pièce était généreusement éclairée, mais nulle lumière ne pouvait étouffer la macule entourant Hidejirou ; sur ses lèvres dansait le plus sinistre des sourires, à demi voilé par une tasse de thé. Il était, comme à son habitude, grossièrement installé sur ses coussins, ses vêtements pressés retrouvant d’indignes rides ; cascadaient sur ses épaules de longues mèches ébène, premier mauvais augure. Les mains de Poppy se crispèrent au carrefour de leurs regards - mais celui de Hidejirou s’adoucit brutalement, jetant dans la colonne vertébrale de sa fille les vestiges glacés d’une peur splanchnique. Ses omoplates craquèrent dans le déliement de ses muscles, et elle lui concéda l’une de ses plus belles révérences.

Pardonnez mon retard, murmura-t-elle gracieusement, l’iris courant sur leurs autres invités - il n’y avait que Saburoo et Tsubaki, et l’absence de leurs autres aïeuls la rassura tant qu’elle l’inquiétait. J’étais incapable de supporter votre couleur.
Car il n’était nulle horreur qui la pousserait à tromper son père ; l’honnêteté taillée à même ses os lui avait valu la confiance des plus réticents, et Poppy s’en galvanisait gaiement. Hidejirou, quant à lui, n’eut nulle hésitation à éclater d’un rire féroce, la sommant d’un vague geste de la main à prendre place à ses côtés. Je t’espère apte à l’endurer, Poppy, car il va sans dire qu’elle fluctuera dans les prochains instants. Il tourna vers le brasseur la muette menace d’un regard acéré, flèche décochée dans une allégresse postiche.

Je suppose qu’aucun d’entre vous n’est surpris de sa présence ici. Vous représentez à vous trois l’active génération actuelle, tandis qu’inéluctablement je me meurs. L’une de ses mains se hissa au visage de son enfant, un éclair triste faisant tonner dans son timbre la mélancolie d’un père esseulé. Je n’ai aucun désir de briser vos épaules d’un tel poids ; malheureusement, le choix ne m’appartient pas. Je dois penser à notre clan avant tout le reste, et vois en vous l’avenir - Tsubaki, car ton éducation est celle d’un futur chef. Poppy, car c’est la position qu’aujourd’hui tu revêts. Et, Saburoo, car j’espérais ta sagacité suffisante pour guider ma progéniture vers la victoire. Je me fourvoyais.

La pause était insupportable, comme une brume noire s’élevant des moindres exhalaisons du chef. Le fait était qu’Hidejirou, en tant que tel, n’était pas craint. A l’annonce de sa montée en grade, pléthore de soupirs soulagés s’étaient élevés dans les rangs uediens, et on avait pour seule déception qu’il tirait sur ses dernières années - comparé à son frère despote, il paraissait particulièrement compréhensif. Grave erreur puisque, des deux aînés, Hidejirou était le plus implacable ; il n’y avait, dans son sang, pas une once de pitié, ni même de considération pour les membres individuels. Galvanisé de son seul objectif de conquête, le petit prince s’était emparé de sa couronne pour suriner les plus récalcitrants sans une once d’hésitation.
Car il avait alimenté les gages sur sa personnalité, laissé le soleil frivole de ses sourires rendre sourd à la musique de sa lune - et maintenant qu’il avait atteint l’épitomé de son existence, ses alentours étaient plongés dans une pérenne éclipse.

En cet après-midi étouffant, il n’était rien de plus éblouissant que ses crocs, consciencieusement dévoilés. Hidenori Kurosawa était une prise des plus intéressantes pour nous, Saburoo. Je t’aurais cru, à défaut de stupide, capable d’en faire ton prisonnier - mais je crains qu’il nous fasse croire les rumeurs sur sa puissance, et se désoler d’une telle perte. D’un autre côté, ne pas le provoquer jusqu’ici nous avait permis de conserver les vestiges d’un joker, que tu as égoïstement déchiqueté. Poppy servit le thé, et sa main trembla.

Bien entendu, le spasme n’avait échappé aux yeux vifs de son père - aussi se redressa-t-il paresseusement, chaque geste empreint d’une langueur qui trahissait, dans une ironie des plus paradoxales, son courroux. Son index se leva sans célérité, coupant court à quelque intervention extérieure que ce fût. Poppy, susurra-t-il, écartant ses frêles doigts de la théière. Qu’en penses-tu, en tant que future cheffe ?
Nerveusement, elle pourlécha ses lèvres. Dans l’aura de Hidejirou suintait de l’ébène damné, charbon nécrosant la verte forêt des jours heureux. Il n’y avait pas le moindre été autour de lui, que la fraîche menace d’un hiver assassin.

Saburoo a certes mis en péril vos desseins, mais son audace a permis de sauvegarder notre futur. Avec lui se trouvaient des membres de nos plus jeunes générations, celles supposées reprendre le flambeau après nous. Quoi qu’excessive, l’exécution était justifiée, et je suppose qu’en son absence, les pertes engendrées auraient sans doute ouvert la porte à des conflits plus graves encore. Elle était incertaine et, d’un même ensemble, plus sûre que jamais - mais peut-être était-ce parce qu’en la position de son aîné, elle aurait pris les mêmes décisions. Je ne vois nul tort en son attitude, si ce n’est que mon cousin a été fidèle à lui-même, et qu’il nous a, à terme, sauvé.

Hidejirou ne réagit guère, pas plus qu’il ne prit le temps de réfléchir - nul doute que son esprit avait déjà assimilé le discours de sa fille. Cependant qu’elle sirotait nerveusement une tasse de thé, il décocha au cadet un sourire glaçant. Qu’en est-il de l’ancien héritier ? Partages-tu l’opinion de ma fille, Tsubaki ? Au-dehors, les fleurs avaient cessé de chanter.




Saburoo Ueda
oui
Citation : How call someone with no body and no nose? Nobody knows.
Age : 46 (05/06)
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Orochi
Orochi
Saburoo Ueda
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Saburoo Ueda

Memento mori Trois corps suspendus dans l'attente : l'un trône, souverain ; le deuxième se fond dans les maigres ombres ; le dernier, enfin, contemple le tatami en maintenant le zarei de son salut.
Dehors, frappant l'engawa de son pas, l'ultime protagoniste et ses préceptes approchent.



Voyez.
Voyez le purgatoire qui se tient, la sentence qui s’en vient.
Voyez cette comédie venue tambouriner à nos portes au démesuré tempo de saltimbanques endiablés, cette estampie, cette sarabande, le pugilat qui s’annonce sous couvert de la martialité comique d’un jugement éhonté.

La vogue de la pièce rougissait sous la lourdeur du moratoire qui s’en trouvait suspendu au-dessus de nos têtes—de la mienne, abaissée en soumission, et des leur, qui échappaient à mon regard—, une tragédie à huit-clos dont les prémices avaient affolé mon sang, ce même sang qui partagé dans le galbe d’une veine plus jeune que les miennes avait soulevé dans mon poumon la rafale d’une colère filiale.
Accalminés dans un insupportable silence, j’attends la sagesse du sacerdoce qui se déversera bientôt dans mon oreille, également acheminée à l’article de son jugement, tandis que son ombre planante obscurci mes pensées dans une tonalité étrangement familière—mais la patience me connaît, elle me connaît comme un frère, comme une sœur, comme un père pour lequel j’ai longtemps désespéré le regard.
Hidejirou trône, et enclavé dans les recoins des fusuma, Tsubaki hante les rayons obliques d’une lumière fracturée telle une statue à la manufacture acratopège : l’héritier destitué, la parole cérémonieusement oubliable et aux traits effacés. Si la succession de mon oncle à Père avait soulevé dans mes entrailles des relents d’un euphorique aaronisme, bondissait entre mes côtes, au creux de ces arches bâties inégalement d’os et de cartilage, dans tout cet agglutinement de viscères, d’anfractuosités et de circonvolutions profondes, un inextinguible et incompréhensible chagrin.
Un mot seul avait suffi à intimer mes genoux d’échoir : un réflexe pavlovien découlant des torrentielles colères de Masamune Ueda, qui avaient érigé aux enclavations mêmes de ma moelle la soumission du pardon.

Son Arrivée, je la ressens plus que je ne l’entends, rapatrié en zarei sur les enchevêtrements tissés de fibres et de paille, l’intransigeante posture du seiza exerçant douloureusement mes membres déjà vieillis. Son pas est doux, fluide et léger : Poppy parait, et l’éclat du rire de notre bienaimé ancien sonne le glas.

Voyez ! entendez ! les chœurs s’embrasent et le mien dans ma poitrine d’opprobre s’exclame d’un inarrêtable boléro.

LES CHŒURSJe dois penser à notre clan avant tout le reste, et vois en vous l’avenir - Tsubaki, car ton éducation est celle d’un futur chef. Poppy, car c’est la position qu’aujourd’hui tu revêts. Et, Saburoo, car j’espérais ta sagacité suffisante pour guider ma progéniture vers la victoire. Je me fourvoyais.
Maudis sois-je, l’apex si enserré de mes doigts qu’ils pourraient s’ensevelir par-delà tous les petits interstices du tatami—à moins que ce soit mon corps entier qui s’y fonde pour expier mes péchés. Peinturlurez-moi de blanc ; apposez sur mon visage le linceul mortuaire, les dernières voiles immaculées du condamné à venir, et inhumez-moi en hitobashira sous les pierres bénies, car les tréfonds semblent être la dernière et éternelle de mes demeures. Apaiser le tumulte mortel des kamis des rivières, consolider la fondation à la force de mes os ; sous les pierres de mon tombeau je veillerai à la prospérité du clan en accordant la pitié au jeune sang, car les âges se sont d’ores et déjà écoulés pour sauver les restes de ma génération : putréfiés, mes frères, ma sœur, des aînés cristallisés au sein nauséabond de leurs propres convictions.
Mon oncle, mon oncle salvateur de l’indifférence qui inlassablement m’accablait, la main bénie qui m’a extirpé de l’inconditionnel mépris d’un père qui ne voulait plus de fils, pour venir m’enfouir dans les étouffantes volutes d’un illicite qui n’a su qu’étoffer mon talent.
Mon oncle, à cette heure réduit en bourreau sur mes propres épaules ; où sont vos sourires mon oncle, où est la miséricorde d’antan dont vous m’avez accordé la grâce ? Ah, mon oncle, je vous dois tant.
Abandonnez la sagesse érudite du porphyre ; sur l’autel taurobolique et sous l’œil du bétyle je gis.

L'HERITIERESaburoo a certes mis en péril vos desseins, mais son audace a permis de sauvegarder notre futur. Avec lui se trouvaient des membres de nos plus jeunes générations, celles supposées reprendre le flambeau après nous. Quoi qu’excessive, l’exécution était justifiée, et je suppose qu’en son absence, les pertes engendrées auraient sans doute ouvert la porte à des conflits plus graves encore.
Je ne vois nul tort en son attitude, si ce n’est que mon cousin a été fidèle à lui-même, et qu’il nous a, à terme, sauvé.

A l’extrême de mon regard, Poppy semblait s’afférer à l’art des feuilles de thé dont les effluves herbeux gagnaient déjà ma narine : mes pensées se tarissaient quelque peu de leur méphitique angoisse, et je pus exalter un air sain alors que se profilait la tempête.
Pourtant ma tête demeure inlassablement dardée vers le sol, tandis que la toison qui cascade mon épaule se voit dépouillée de son blond caractéristique au profit de l’intense noir qui concorde à celui de mon oncle—ou du moins, de la fugace entraperçue que mes yeux ont pu quérir avant de s’enclaver profondément sur le rachitisme usé de mes propres mains.
Les moindres détails d’une tragédie aussi comique se doivent être revêtus d’importance, et qui suis-je, sinon la consécration même d’une farce ?

LES CHŒURSQu’en est-il de l’ancien héritier ? Partages-tu l’opinion de ma fille, Tsubaki ?
L’ANCIEN HERITIER

Ah, voyez ! Ainsi se parachève ma sentence : dans un assourdissant silence.
L'ancien héritier n'a pas d'avis, il lui a été arraché car la seule vérité réside sur la langue de notre aîné.
Suis-je l’ennemi ? Suis-je l’étranger qu’il est vital de terrasser pour quérir le douteux privilège de faire prévaloir la culture qui nous est propre ? L’intérêt de telles croisades est bien désuet : que ferions-nous alors, une fois cet ennemi anéanti ? Une fois sa culture oblitérée, dépouillée de tout reste, de toute subsistance ne serait-ce qu’amorphe d’une société riche d’un savoir mêmement intrinsèque à la nôtre ? Asseoir son pouvoir, asseoir sa suprématie, asseoir l’existence du Clan, et au profit de quoi je vous le demande. Ah, pardonnez-moi, je ne crois guère à l’unité des peuples —des Hommes— que quidam inlassablement fantasme, et déplore toutes ces richesses perdues et qui le seront à jamais. Les peuples se porteraient mieux s’ils apprenaient à se parler.
Et par peuples, je veux dire clans ; et par clans, j’entends, mon oncle, cette famille maudite.
Bien sûr, ce sont des maux que jamais je ne prononcerai, car de toute évidence pharmakôn je suis et pharmakôn demeurerai-je.

Oh Tsubaki—oh Poppy, pardonnez mon hérésie : elle se meut en me lorgnant d’une œillade qui ne peut être que torve. Sempiternels ab iratio, voilà venue la gangue de mon trépas : j’en relève la tête sans affronter nul regard—quand bien même les stries du tatami entre les replis de mes mains s’avèrent absurdement plus intimidantes encore.

SABUROOOncle, je me soumettrai à votre jugement et celui de votre héritière.
Ah, ma langue traite, indomptée, labile aussi bien que flatteuse, menteuse !
Voyez, jadis troisième et dernier fils d’une tête de clan glorifiée, jadis deuxième et dernier frère d’un indigne héritier, professeur et chef de file arachnoïde de la plus savante des maisons érigées.
Voyez la honte à laquelle je suis réduit.
Poppy Tsugikuni
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Poppy Tsugikuni
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Poppy Tsugikuni
souviens-toi que tu vas mourir
Maudites soient-elles, ces responsabilités échouées sur leurs épaules. Hidejirou haïssait les Ueda autant qu’il aimait ses enfants, et parmi eux comptait le benjamin intrus de son propre frère. Nul doute que Saburoo trônait, de par leurs ressemblances, sur le piédestal de son engeance - tout comme il se tenait en roi dans l’estime de Poppy. La rage n’avait rien à faire entre eux, et c’était bien l’amour qui les avait conduits dans ce couloir funeste.

Si l’ambition coulait en magma dans ses artères, un stalactite dantesque lui gelait le coeur. Les forces s’opposaient benoîtement entre ses côtes et, ce jour-là, il devait en faire pâtir la consécration de ses efforts ; la froide colère qui rompait ses traits n’était pas dirigée contre Saburoo mais bien contre l’univers dans son triste ensemble, contre la machine infernale qui guidait ses enfants vers une perte assurée.

Entre ses doigts luisait le bout noirci d’un pinceau et, sous la pression du silence qu’il cultivait consciencieusement, le choc du bois contre la table parut assourdissant.
La sauvegarde du clan est une priorité. Mais que sauvegardons-nous, si c’est à la mort des traîtres que sont envoyés nos enfants ?

Par-delà la déception, on percevait la peur humide d’un père. Poppy le ressentait, dans les tremblements gris de ses doigts et dans l’éclat, subtil, d’une larme orpheline au coin de son œil. Hidejirou condamnait d’ores et déjà le bien à la défaite, et pensait en abriter sa progéniture dans le sacrifice de son humanité fragile.

Défais-toi de la tension qui t’habille, fils. Nous ne te bannirons pas du clan pour tes actes. D’un simple murmure, il espérait chasser les démons qui leur dévoraient le myocarde ; l’ombre tendre, quoique forcée, d’un sourire ourla sa lèvre l’espace d’un instant, et le chef cessa d’abhorrer sa position l’espace d’un instant. M’est avis que le blâme que tu t’accordes est une punition suffisante. Cependant, et sa voix se durcit subrepticement, c’est ici que tu devras faire tes preuves, Saburoo.

Il ne s’agissait pas d’honneur, pas plus que de pouvoir — il plongea des yeux rubéfiés dans ceux, embrasés, de son neveu. Ne trahis plus ton clan, particulièrement lorsque ma fille sera à sa tête. Poppy frémit, la tête basse et les épaules raidies. Il n’y aura nul pacte de sang aujourd’hui, car je prends le pari de te faire confiance. Tâche de ne pas me décevoir, la mort ne saurait me détourner de la vengeance.

L’héritière quêtait, dans le silence de son jeune cousin, quelque réponse que ce fût ; heurtée à un mur, elle laissa s’échapper d’entre ses lèvres la lassitude des formalités. J’ai confiance en Saburoo, Père. Mais s’il brise cette foi, c’est à moi qu’il incombera de sévir. Votre souci est suffisant pour vous changer en yurei, et dieu sait qu’il me peinerait de vous voir mourir deux fois. Un doux sourire, chargé de résignation, fleurissait sur son visage poupin. Lorsqu’elle décocha au professeur un regard perçant, on n’y voyait plus que l’affection aveugle, l’assurance d’une femme qui n’avait encore goûté aux affres de la guerre. Pour avoir sauvé nos enfants, Cousin, je te remercie. Pour avoir déjoué les plans machiavéliques de notre terrifiant chef, je te condamne à la sentence suivante : ne m’adresse pas la parole pendant deux jours complets, une fois cet entretien terminé.

Elle était candide, non pas par désir d’annihiler la tension de la scène, mais parce qu’elle distinguait dans l’aura de son père les effluves estivales d’une forêt resplendissante — et qu’elle aspirait à revoir, au creux de celle de Saburoo, la chaleur rougeoyante d’un brasier pérenne.
Hidejirou, à ces mots, éclata d’un rire qui rappelaient ceux de Poppy — frais, exempts de la froide colère qui macérait entre ses dents quelques minutes plus tôt. Essaye donc de survivre à pareille punition. Poppy, pour la première fois depuis le début de cette triste journée, perçut le chant des fleurs ; elle respirait.




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