Cupcake au bokken
Tu es généralement assez doué pour te lier aux gens. Tu sais comment être un hypocrite, sourire quand il le faut, paraître triste quand cela le nécessite, et être en colère quand la situation le demande. Bref, tu es un parfait comédien et tu restes persuadé que personne n’est encore parvenu à briser cette carapace que tu as mis si longtemps à construire entre toi et le monde. Tu n’as jamais été vraiment toi-même, te perdant même parfois dans les rôles que tu peux jouer. De temps à autres, tu ne sais pas vraiment comment te comporter quand tu es seul, adoptant des attitudes qui ne te ressemblent pas, au final. Même avec Ange, tu sais que tu n’étais pas vraiment naturel. La peur d’être découvert te rongeait, et le refus d’accepter ta vraie nature martelait ton cœur. Tes propres parents eux-mêmes ne savent même pas qui tu es vraiment, à supposer qu’ils ont un jour souhaité le savoir. Néanmoins, il y en a un qui te semble, a réussi à entrevoir ce qu’il se trouve derrière l’épais mur que tu as érigé.
Tu ne sais pas trop comment cela se fait, comme il parvient à le faire… mais tu es persuadé qu’il y parvient. Cela a commencé par des pâtisseries que tu recevais sans que tu n’aies rien demandé, souvent à des moments où tu ne te sentais pas bien. Et, il faut dire que les sucreries sont ton pêché mignon. Et puis, tu l’as vu se montrer plus souvent durant tes entraînements. Il se trouve qu’Akihiro Mori pratique régulièrement le sabre et à de nombreuses reprises, vous vous êtes affrontés tous les deux, au bokken. Cela arrivait trop souvent quand la colère bouillonnait en toi… Tu te souviens avoir carrément cassé ton sabre d’entraînement sur le sien, durant votre duel, alors que tu pensais à votre « rupture » à toi et Ange. Encore aujourd’hui, tu espères que le cuisinier ne s’en est pas rendu compte, il ne peut pas être à ce point omniscient.
Tu pousses la porte du dojo, ton sabre d’entraînement à la ceinture, une pâtisserie que tu as nouvellement reçu à mi-chemin entre ta main et ta bouche. Tu n’as pas entendu les bruits d’exercice, tu penses que tu as pouvoir t’entraîner seul, comme tu apprécies le faire. Sauf que, tu t’immobilises sur le pas de la porte et te crispe en réalisant qu’Akihiro se trouve au milieu du dojo et qu’il s’entraîne. Ton regard descend jusqu’à la pâtisserie qui, tu le sais, viens de lui et immédiatement, tu t’empresses de la fourrer dans ta bouche. Les joues gonflées par l’énorme met, tu tournes le dos au chef, faisant mine de fermer la porte. Mais en vérité, tu te dépêches de mâcher ce que tu as dans la bouche, refusant que le cuisinier sache que tu apprécies autant ses pâtisseries. Enfin prêt, comme tu le penses, tu fais volte-face.
-Encore vous ? Vous n’avez pas quelques pôtages à préparer, plutôt que de venir me déranger ?
Tu demandes en retirant tes chaussures et te préparant.
Le vent soufflait sur les plaines de Mahoutokoro, mais ne parvenait pas à chasser l’épaisseur des nuages or et incarnat qui voilaient le soleil. Sur le parquet ciré s’étiraient les derniers rayons, les plus savoureux, baignant le dojo de sa quiétude réputée.
Le cuisinier, munie d’un bokken répétait les gestes pour échauffer ses muscles, privilégiant l’effort physique à une réflexion qui le conduirait une fois encore vers une nuit agitée de cauchemars. Non pas qu’il aurait été plus calme en d’autres circonstances, d’une nature à dormir peu il aurait arpenté les couloirs à la recherche d’âme qui vive. Il avait simplement une préférence pour un sommeil réparateur à celui torturé de son subconscient. Tous les moyens étaient bons pour l’occuper, particulièrement ceux nécessitant un exercice plus gourmand en énergie et lui permettant de garder sa maîtrise du sabre intact si ce n’est d’améliorer ses compétences.
L’ancien élève n’avait pas pour but de surpasser les plus adroits de sa génération ou de celles qui précédaient, la compétition très peu pour lui tant il abhorrait la négativité de ses implications quand elle était mal interprétée. Solitaire dans ses balades comme dans la moindre de ses pratiques tant qu’il ne ressentait pas le besoin d’une présence, le bois fend l’air et sa respiration contrôlée l’oblige à se concentrer. Si bien qu’il ne détecte l'essence du dixième année qu’en entendant le glissement du panneau. Il se redresse, l’observe un instant se tourner pour fermer la porte coulissante, écoutant la critique qui lui était faite et s’en insurge d’un sourire trop courtois pour être vexé. « J’étais là le premier et il me semble qu’il est plus appréciable de s’entraîner à deux dans ton cas, car je doute que ton bokken se brise par ta seule volonté » l’odeur du sucre qui se répand en plus de déglutition visible à la pomme d’Adam de l’adolescent faisant comprendre au cuisinier que ses pâtisseries avaient été reçues avec les honneurs. Drôles de manies que de refuser ce qui lui faisait du bien. Tel était le Fujiwara pour des raisons qu’il ne connaissait pas encore. Peut-être pouvait-il faire plus que le laisser abuser de ses entraînements. L’exutoire de leur séance n’était qu’une façade et lorsque cette dernière tombera, les dégâts en seront colossaux si tenté qu’ils soient réparables sur le long terme. Veiller à sa reconstruction était de sa responsabilité. Akihiro avait démontré sa capacité d’écoute, il serait bientôt temps de parler.
Cupcake au bokken
Tu avales rapidement la pâtisserie que Akihiro t’as fait et que tu trouves délicieuse. Il est hors de question qu’il s’en rende compte, tu préfères mourir que d’avoir à lui avouer, en vérité. Tu as trop de fierté pour que tu laisses cette situation arriver. Ces derniers temps, tu trouves le cuisinier bien plus souvent dans le dojo plutôt que dans ses cuisines, chaque fois, vous vous rencontrez, à croire qu’il ne peut pas se passer de toi. Heureusement que tu ne ressens rien pour lui, contrairement à l’autre que tu commences à trouver suspect à toujours le retrouver dans le dojo et surtout, dans tous les couloirs où tu te trouves. L’école n’est tout de même pas si petite, si ? Tu termines de te préparer, et te diriger au milieu du dojo. Tu t’apprêtais à te mettre de ton côté et t’entraîner, ayant finalement appris à oublier la présence d’Akihiro, mais là, il te provoque un peu.
-… J’ai cassé mon bokken parce que votre garde était trop faible.
Tu réponds en regardant ailleurs, espérant qu’il ne le remarquera pas. Tu inspires et fini par tourner la tête vers lui, réduisant la distance entre vous deux. Tu utilises ton bokken pour taper son épaule sans force, ne cherchant pas à lui faire mal ou l’attaquer.
-On peut voir si votre garde s’est améliorée, cette fois.
Tu dis, très légèrement mal à l’aise et tu parviens à ne pas le montrer. Seul quelqu’un de très observateur ou quelqu’un qui commence à bien te connaître pourrait s’en rendre compte. Tu finis par abaisser ton bokken et par te mettre en garde. Aujourd’hui, vous vous entraînerez, tu ne parleras pas, ne dira rien sur toi. Les deux autres fois étaient des erreurs de ta part qui ne se reproduiront plus. Tu refuses de croire que Akihiro est capable de te faire parler quand tout le monde à échoué. Tu refuses à être à ce point si facile à lire, alors que tu t’efforces depuis ta naissance à être un excellent comédien. Il ne parlera pas avec le cuisinier, il est faible, il n’arrivera pas à briser ta carapace. Tu inspires finalement et lève les yeux vers lui.
-C’est vous que je briserai, cette fois.
Et lorsque le professeur à sa garde, tu attaques, ton bokken frappant contre le sien en des bruits réguliers. Evidemment, il est bien plus doué que toi, il est plus vieux, mieux entraîné. Toi, tu n’as que 16 ans mais tu crois dur comme fer que cette fois, aucune de tes émotions ne transparaitra, que tu sauras être aussi impassible qu’un mur.
Dans sa cuisine, les senteurs étaient rarement neutres à moins que les deux chefs de profession ne l’aient souhaité par sort ou par volonté de rendre leurs plats moins odorants. Si tenté que leurs sens soient aussi aiguisés, il était évident qu’agréable parfum de sucre qui flottait dans l’air lorsque l’étudiant lui adressait la parole et se mouvait pour récupérer ses affaires ne faisait aucun doute sur ce qu’il venait d’engloutir aussi peu discrètement qu’un chat derrière un rideau. Mais il ne l’embêta pas, préférant parler de sujets plus préoccupants comme cette manie à réfuter les présences rassurantes autour de lui. Akihiro avait été comme ça dans sa jeunesse. Ses toutes premières années s’étaient avérées difficiles par son comportement principalement. Mais quelques têtes brûlées avaient su faire fondre ses barrières et l’aider à s’épanouir.
C’était lui qui tendait la main à présent, dans l’espoir qu’elle ne lui soit pas retournée vide. La provocation avait l’air de fonctionner à merveille sur l’adolescent à problèmes. En lui sommeillait un feu prêt à le consommer à tout moment et si l’ancien yatagarasu ne le voyait pas il le déduisait par la chaleur étouffante qui émanait de lui. Offrir un exutoire était la moindre des choses, encore fallait-il que le Fujiwara le comprenne. Alors, à ses réponses, il se contente d’arquer un sourcil sous la violence de ses mots. En garde, il lui laisse l’avantage de commencer, mais ça ne se terminera pas comme toutes les fois où il adoptait une défense pour le laisser s’exprimer. Cette fois, il répliqua de toute la force de sa position sans y mettre trop d’élan ni de puissance. Son but n’était ni de le ménager ni de l’assommer. Simplement lui faire comprendre qu’il valait mieux qu’il parle au lieu de s’en prendre à lui. Rien de mieux pour cela que de le dire aussi franchement, particulièrement avec Miyuki. « Tant de colère réprimée que tu ne t’aperçois pas de tes erreurs. Il serait peut-être temps d’échanger autre chose que des coups, tu ne crois pas, Miyuki ? »
S’il ne s’agissait pas d’épée de bois, les lames auraient émis un son strident en s’échauffant. Le bokken du cuisinier avait glissé volontairement jusqu’au tsuba, empêchant l’arme d’atterrir sur les doigts de son adversaire. S’il l’avait souhaité, Akihiro aurait pu surenchérir en faisant basculer le katana factice de sorte à déséquilibrer le kitsune, mais il n’en fit rien, insistant de son regard.
Cupcake au bokken
Ton bokken s’entrechoque contre celui du cuisinier, le forçant à se mettre en garde. Tu ne compte pas lui laisser le temps de réfléchir, tu n’as pas vraiment envie de discuter avec lui, et tu ne le feras jamais. Tu sais combien de fois il a essayé de te délier la langue et personne n’a jamais réussi, inutile qu’il insiste encore et encore, ça ne sert à rien. Tu choisis la provocation contre Akihiro tout simplement parce que c’est ce que tu fais toujours avec lui. Tu te permets certaines choses avec lui que tu ne te permettrais pas avec quelqu’un d’autre, tu ne sais pas parler, tu ne sais que t’agacer et te laisser submerger par tes émotions, alors même que tu essayes le plus possible de les contrôler.
Tu serres les dents lorsque son bokken frappe quasiment le manche et tu fais un pas en arrière, fusillant Akihiro du regard. Il cherche à te provoquer et tu n’aimes pas qu’il parle de ta colère, tu n’es pas en colère, du moins, tu n’en montre jamais rien. Les autres ne le voient pas, alors il ne peut pas le voir aussi facilement, si ? Quelles erreurs est-ce que tu aurais pu faire ? Tu fais toujours extrêmement attention à ce que tu fais, toujours. Il n’y a rien qui aurait pu t’échapper, si ? Tu secoue la tête, il cherche juste à te faire douter et tu ne le laisseras pas faire ! Sans attendre, tu lèves ton bokken et frappe le sien tout en t’avançant, cherchant à le faire reculer. Tu frappes plus fort à chaque fois, voulant chasser les paroles d’Akihiro. Tu ne fais aucune erreur, et ta colère ne transparait pas. Tu es un très bon comédien à n’en point douter, alors vaut mieux qu’il se taise !
-Taisez-vous donc un peu !
Tu t’exclames en continuant de l’acculer, persuadé que c’est toi qui auras l’avantage. Or, tu te fourvoies complètement et il commence à rendre les coups, te forçant à parer et à reculer, plus vite qu’il ne reculait lui-même. Il accélère le rythme, te faisant paniquer et peiner à parer les coups. Tu grognes, essayant une botte pour le faire tomber mais c’est lui qui s’en charge. Sa jambe passe contre les tiennes et il te fait brusquement perdre l’équilibre, te forçant à t’écrouler lourdement sur le tatami. Tu lâches ton arme qui atterrit plus loin, t’enlevant l’occasion de récupérer ton arme. Menacé par le bokken, haletant, tu lèves les yeux vers Akihiro, piqué dans ta fierté. Tu croyais pouvoir le battre mais il t’as prouvé le contraire. En même temps, qu’est-ce que tu pouvais bien espérer ? Il est bien plus perfectionné que toi.
-Vous ne savez rien de ma colère…
Tu finis par dire, à bout de souffle.
-Qu’est-ce que vous voulez ? Je n’ai rien à vous dire. Pourquoi est-ce que soudainement, vous voulez parler ? Que je parle ? Qu’est-ce que ça peut vous faire ?
Tu passes ton bras sur tes yeux, grinçant des dents. Tu as l’impression d’être revenu au jour où Hanru t’as forcé à parler, te traitant comme si tout était simple alors que dans ta vie, rien n’est simple.
-Vous tous vous pensez que les choses sont simples. Qu’il suffit de parler pour tout régler, vous ne vous rendez même pas compte que chacun de vos actes ont des conséquences. Moi, je le sais plus que quiconque. Je suis un sang-pur, un Fujiwara qui plus est.
Tu roules sur le côté, essayant d’attraper ton arme mais, elle est trop loin.
-Je ne suis pas en colère.
Menteur. Bien sûr que tu mens, c'est la chose que tu sais faire le plus au monde. Mentir, toujours, constamment jouer un rôle. Et ça, ça t'épuise, tu le sais. Fausser des émotions, raser les murs chez les Fujiwara, ne jamais te sentir à ta place... N'appartenir à aucun endroit, et juste savoir que ta naissance est une erreur. Tu es fatigué, tu voudrais juste ne plus penser à rien.
couleur : fatigue
Sur son visage la frustration entraperçue en réaction à ses mots. Le cuisinier avait de nombreux atouts sous ses manches et l’une d’entre elles primait généralement dans ses relations. Sa capacité d’écoute plus perçante que la lame de ses couteaux, ou dans le cas présent, sa compréhension associée à une empathie plus aiguisée que la lame d’un sabre. Fort heureusement, il ne s’agissait là que d’exercice de prime abord. Pour lui, ça n’était rien de plus, pour le kitsune c’était un exutoire dont il ne voulait plus être seulement le réceptacle. Non pas qu’il n’en était pas capable, bien au contraire, seulement ça ne résolvait aucun problème et en parler devenait urgent aux yeux de l’ancien yatagarasu. Un bokken cassé, symbole d’une immense peine cachée sous le masque d’une colère aux contours vibrant de ressentis. On lui somme une première fois de se taire, mais il n’en fait rien, observant les coups et les encaissant par le bois.
Jusqu’à ce que finalement, ce soit l’inverse qui se produise et bien qu’il aurait pu souligner l’erreur de sa garde non vigilante sur les côtés de son buste, Akihiro se contente de renvoyer une partie de la force qu’il recevait, de sorte à ne pas trop déstabiliser Miyuki. Le but n’étant pas de lui faire mal, mais de lui faire comprendre que toute la rage qui l’animait n’était qu’à peine contenue. Le geste désespéré pour le mettre à terre fut retourné aisément pour le pratiquant de taijutsu qu’était Akihiro et pour couronner le tout, il pointait son arme sur sa gorge, signant la mort de son adversaire s’ils avaient été en combat réel. Un échec qui n’en était qu’un seulement dans l’esprit torturé de l’élève. « Oh… je ne sais rien, c’est vrai » et il n’ajouta rien, voyant l’adolescent craquer peu à peu. La brèche était si mince, mais la paroi fragile. Elle s’effritait à mesure qu’il parlait sans plus d’intervention de la part du cuisinier. Pourtant, lorsque l’enfant se stoppa enfin, ne cherchant plus à reprendre le combat, l’adulte s’accroupit et dans le calme de leur séance, il lui laisse entendre raison. « Je ne sais pas ce que cela signifie d’être sang pur. Tu as raison. Et tu n’es peut-être pas en colère. C’est ce que tu offres pourtant pour te protéger. » D’une main, il approche prudemment ses doigts de la tête du garçon et les passe gentiment entre quelques mèches. « Je n’ai jamais prétendu que la vie était facile, elle ne l’est pour personne. Mais tu n’es pas obligé de l’affronter tout seul Miyuki, qu’importe ton nom »
Tu soupires, ricanant nerveusement aux mots du professeur. Il en a de bonnes, lui. Comme si tu pouvais partager ta douleur avec quelqu’un, qui serait en mesure de comprendre, hein ? Qui ? Est-ce que ça court les rues, des personnes qui sont nées garçon au lieu de fille, qui ont déçu leurs parents, qui ont volé le droit à leur mère d’enfanter de nouveau ? Non, il ne doit pas y en avoir beaucoup, tu es sûrement le seul membre de cette drôle d’espèce.
-Affronter seul…
Tu marmonnes en te redressant, passant ta main sur tes yeux humides. Tu lève tes pupilles en direction de ton vis-à-vis, soupirant en laissant retomber tes épaules.
-Il y a des problèmes que vous ne pouvez pas régler, vous savez ? Le mien, vous n’y pouvez rien, je n’y peux rien, personne n’y peux rien. Et qu’importe ce que cet abruti d’Awataguchi peut dire !
Tu ricanes de nouveau, tandis que tu penses à Hanru. Ah, lui aussi c’est un bel abruti. Il en a de bonnes à te dire qu’il te suffit de te trouver une copine pour cacher ton homosexualité, à te dire ça comme si c’était simple, comme si en un claquement de doigt, ça réglait le problème.
-Ah lui aussi il est drôle ! A faire des recherches sur ma famille, à me dire que c’est simple de vivre avec ma maladie… De se marier avec une femme, et de simplement tout cacher, de rester secret et de faire en sorte qu’on ne me trouve pas.
Tu écrases ton poing sur le tatamis, en continuant de rire nerveusement.
-Comme si c’était facile d’utiliser sa femme pour cacher qu’on est gay ! Alors que je ne suis même pas gay ! Juste parce que… parce que…
Tu es perdu dans tes pensées, tu parles à voix haute, utilisant de nouveau Akihiro comme un punching-ball, pour tes mots, cette fois, et non tes coups.
-… Il a découvert que j’étais amoureux de moi, et qu’il m’a embrassé, cet enfoiré…
La main tremblante, tu la passes devant ton visage en secouant la tête.
-Et tout ça juste parce que c’est facile dans sa vie. Peut-être que lui, assume d’aimer les hommes parce que sa famille accepte tout, parce qu’il est la fierté de sa famille, de ses parents… mais ce n’est pas mon cas ! C’est vrai, ça ! Ce n’est pas parce que tout va bien dans sa vie que c’est le cas pour moi et qu’il doit se permettre de se mêler de ma vie !
Tu laisses retomber des mains entre tes jambes en tailleurs. Tu grognes, observant le tatami, te mordant la lèvre inférieure alors que tes pensées s’entrechoquent entre elles.
-Je… Il ne sait rien, et il continue de me mépriser parce qu’il ne sait rien.
Tu renifles, sentant les larmes de nouveau poindre dans tes yeux.
-… Il ne sait pas que si j’étais né fille, j’aurais été la fierté de mes parents, j’aurais été marié à Takamori. J’aurais été à la place de Suiren, j’aurais été puissant-… puissante !
Tu lèves les yeux en direction de Akihiro, osant enfin le regarder dans les yeux.
-Et au final, je suis né homme et en plus de ça, je suis un monstre parce que… parce que… j’ai beau être hétéro, je continue de tomber amoureux de tous mes camarades et par ma faute, ma mère n’est même plus capable d’avoir d’enfant. Elle me déteste, mon père me déteste.
Les larmes parsèment tes joues et tu les essuient d’un geste rageur avant de te redresser, impérieux.
-Alors franchement, cet Hanru me fait bien rire à se la jouer de la sorte, avec moi.
Tu lèves le menton, offrant un regard supérieur à Akihiro, alors que tu ne devrais pas être fier comme ça.
-Vous pensez vraiment que c’est quelque chose qu’on affronte pas seul ?
Tout dans sa gestuelle indiquait le moment de rupture entre l’agitation et les mots qui en découlerait. Il était question de plusieurs problèmes avoués à demi-mot pour tous et aucun ne manquait d’importance. Toutes les questions existentielles que les adolescents se posaient, il les avait lui-même connus, avec moins de difficulté ou plutôt ses souvenirs avec le recul ne les présentait pas aussi drastiquement incorrect que le fît Miyuki. Les larmes avaient coulé et sa peur que d’autres ne les voient le forçaient à ravaler ses doutes au profit d’une colère qui se faisait masque de toute honte. Rien cependant ne pouvait effacer la peine. Alors, Akihiro prit soin de fermer les portes du dojo pour se permettre un moment de répit en la compagnie du jeune homme.
« Je ne peux pas régler tes problèmes à ta place, ce qui ne veut pas dire que je suis incapable de t’y aider. Tes choix t’appartiennent et à personne d’autre, bien que j’en sais suffisamment pour savoir qu’il y en a des plus difficiles en raison de ton appartenance au clan Fujiwara » et c’était peu dire, ces familles il les connaissait bien, non pas pour les avoir côtoyé, puisqu’il s’y était refusé catégoriquement plus jeune à suivre une éducation qu’il considérait comme n’étant pas la sienne.
Revenant près de lui, il s’assoit en face et le regarde à son tour droit dans les yeux. Ce soutien que le kitsune avait cherché en lui, il l’obtenait par défaut, encore fallait-il qu’il le comprenne et pour se faire, Akihiro offrit un sourire tendre, bien que las par tout ce qu’il allait devoir dire. « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé avec l’Awataguchi dont tu parles, mais je suppose que s’il t’avait voulu du mal, il aurait clandé ton homosexualité et n’aurait pas fait l’effort de faire des recherches sur ta famille » il masse sa nuque, espérant ne pas susciter une surprise trop grande pour s’être rangé du côté de l’autre garçon. Évidemment, ça n’avait rien de plaisant, mais il fallait l’envisager d’un point de vue plus neutre. « Ne t’avances pas sur ce qu’il peut se passer chez les autres, c’est à double tranchant, parce que si lui ne sait rien de ce que tu traverses, l’inverse est aussi valable » et c’était bien là ce qu’il voulait démontrer : l’autre se renseignait volontairement pour ne pas commettre d’erreur, quelles que soient ses intentions, bonnes ou mauvaises.
« Je comprends que tu puisses t’en méfier et te sentes blessé, parce que ça n’a rien de facile… je ne suis pas en mesure de réaliser ce qu’il en est de ne pas être comme on le souhaite, mais je sais par expérience qu’aucun n’enfant n’est responsable de ce malheur que ta mère a subi » avant qu’il ne puisse s’indigner, le cuisinier penche sa tête et ajoute « Je suis stérile depuis toujours, je n’ai pas eu cette chance et garçon ou fille m’aurait peu importé si j’avais eu quelqu’un à chérir » comprenait-il que la responsable dans l’histoire c’était sa mère pour avoir incombé à son fils unique toute la peine que son état lui causait ? Transférer sa douleur sur un objet de haine ne faisait pas de cet objet quelque chose de mauvais nécessairement. Particulièrement s’il s’agissait d’une personne dotée d’une conscience propre en l’occurrence.
« C’est en effet injuste pour plusieurs raisons. Mais je maintiens mes mots : tu n’as pas à affronter ce que tu ressens et ce que tu traverses seul »
D’une main, il récupère un mouchoir dans sa poche, ne l’utilisant jamais, il le lui propose et profite pour ébouriffer un peu plus les cheveux de l’adolescent. « Homme ou femme, la seule différence : s’il avait été possible pour les personnes du même sexe de donner la vie, ça aurait été accepté. Est-ce que tu comprends la différence ? » en somme, ça n’était pas une histoire d’amour, mais de lignée, comme pour tout. Mais si ça pouvait marcher, en ce cas rien n’aurait été interdit et il aurait été considéré comme normal d’avoir ces relations. « Il ne devrait tout simplement pas y en avoir, nous sommes tous faits pareil, hormis quelques détails inscrits sur nos corps et dans nos gènes auxquels on accorde beaucoup trop d’importance » quant au reste, il attendait déjà que Miyuki accepte la conversation, si tenté qu’il ait été capable de le rassurer suffisamment.
Cupcake au bokken
Tu grinces des dents en écoutant les paroles du cuisinier et plus il parle d’Hanru, et plus ça t’agace. Tu aimerais bien l’avoir en face de toi pour le tabasser un bon coup et lui faire fermer son clapet. Mais pour ça, il te faut devenir plus fort car jusqu’à preuve du contraire, il ne faut pas beaucoup d’effort à l’Awataguchi pour te mépriser. Et cette vérité ne fait que de t’énerver plus. Tu as envie de te lever à nouveau et passer tes nerfs sur Akihiro.
-Et Hanru non plus ne peut pas, cet abruti fini ! Je pense qu’il fait ça pour cacher son complexe d’idiot.
Tu lâches en te redressant lentement. L’insulter de tous les noms est facile, plus facile que d’avouer que tu l’aimes. Ce qui est faux d’ailleurs, c’est juste une passade. Oui, comme avec Ange. C’est simplement parce que tu n’as pas encore trouvé la bonne femme pour faire chavirer ton cœur.
-Justement, je ne comprends pas pourquoi il ne le fait pas. Il m’a même embrassé, je ne sais pas ce qu’il a bu, mais cela devait être assez fort. Peut-être qu’il sert un dessein plus sombre, d’où les recherches sur ma famille. Peut-être qu’il attend de découvrir quelque chose de grave sur mon clan, pour nous briser en annonçant ça. Mais Je me ferai Seppuku, pour lui couper l’herbe sous le pied.
Tu ne sais plus vraiment ce que tu racontes, tu es juste persuadé qu’il te veut du mal. Mais tu sais que cet argument est friable parce qu’il t’as ouvertement dit qu’il te plaçait au-dessus de ses proches et de sa famille, tu ne comprends plus ce qu’il veut dire. Tu ne sais pas ce qu’il veut de toi et ça t’énerve davantage.
-Il est bizarre, de toute manière. Il attend quelque chose de moi et je ne sais pas ce que c’est. Il me place carrément au-dessus de ses amis, et de sa famille. Qui fait ça ? C’est bizarre.
Tu rougis rien que d’y repenser et t’approcher de ton sabre d’entraînement que tu saisis à nouveau.
-Et je ne suis pas homosexuel ! Je n’ai juste pas trouvé la bonne femme, c’est tout.
Tu lui lances, tandis que tu te tournes vers lui, pointant ton sabre en sa direction, un regard courroucé sur le visage. Tu finis par abaisser ton arme et soupirer.
-Il a l’air bien sous tout rapport. Il est fils d’un chef de clan, il finira forcément chef de clan, et semble aimé par son père. Je ne vois pas ce qui pourrait aller mal. Il est bon en tout, il est beau, il sait comment parler aux filles, il n’aura donc aucun mal à trouver une femme non plus. Il a tout pour plaire. Donc c’est vous qui vous avancez sur quelque chose que vous ne savez pas.
Tu réponds tandis que tu t’avances vers lui avant de t’arrêter lorsqu’il parle de la stérilité. Tu te mords l’intérieur des joues, serrant le manche de ton bokken entre tes doigts à mesure que Akihiro parle.
-A ses yeux, je le suis. J’ai même été abandonné par la déesse… Regardez mes cheveux. Même vous, vous êtes plus Fujiwara que je ne le serais jamais…On ne peut pas lutter contre cette vérité, je ne peux rien faire d’autre.
Tu te mets en garde, prêt à terrasser de nouveau le cuisinier.
La colère immense se décharne de toute politesse et les mots ne cessent que pour lui réclamer un avis qui n’aura aucun impact. Le cuisinier souhaite graver dans l’esprit de son disciple que les questions qui lui seraient nécessaires pour avancer, non celles destinées à soulager sa conscience, car il ne lui donnerait pas les réponses attendues. Cependant, déverser les mots et s’épuiser à leur propagation avait pour conséquence de laisser son hôte vidé de toute haine une fois le contenu asséché. De sa quiétude naturelle, l’adulte écoute et soupire. « Vous n’avez pas à en arriver à de telles extrémités. Miyuki, s’il avait souhaité te faire du mal il l’aurait fait avant et ce qu’il a fait sans être foncièrement bon n’est pas exclusivement mauvais. Quand on se renseigne sur quelqu’un, c’est parce qu’on l’estime où qu’on lui accorde assez d’intérêt » contrairement à ce dont l’enfant voulait se persuader et le cuisinier ne lui laissa pas le temps de surenchérir pour le lui faire savoir.
« Tu te confortes dans des idées pour éviter la réalité. Je ne sais pas ce qu’il en est pour lui, mais toi je sais pertinemment que tu refuses qu’il s’approche davantage pour une raison que je commence à comprendre. » Confidences audacieuses sur une éducation étriquées, endiguées par des propos, des comportements que jamais un enfant ne devrait subir. Sombre époque que celle où les relations se basaient sur le visuel plus que le fond et dans cette contrariété, Akihiro ne se redresse toujours pas, le bokken se dressant et se rabaissant dans la confusion du renardeau. « Je ne serais jamais un Fujiwara par mon sang et mon incapacité à avoir une descendance. Est-ce que c’est rassurant ? » de savoir qu’il n’avait pas plus sa place et qu’il ne l’aurait jamais ailleurs dans tous les cas possibles et imaginables ? Si sa mère était effectivement un sang pur, il n’en demeurait pas moins un Mori plus qu’un Tsugukini et si un jour il devait en porter le nom, ça ne serait que pour ployer sous les désirs intempestifs de son jumeau, nulle autre raison ne saurait le convaincre. « Je suppose que non, n’est-ce pas ? Et pourtant, je le vis bien. Nous n’avons pas toujours ce que nous souhaitons et le caprice de tes parents n’aurait jamais dû peser sur tes épaules, tu n’es en rien responsable et en rien la calamité que tu décris et je vais t’expliquer pourquoi »
Il inspire profondément et attend que le calme revienne, l’exigent d’un regard et d’une posture de la part de Miyuki. « Ton sang ne fait aucune différence avec le mien. Nous sommes tous deux sujets aux maladies et à la mort. De ton nom en revanche, si tu souhaites l’honorer, acceptes-toi tel que tu es en dépit de ce que penseront les autres, car ce qui importe et tu te détaches déjà de la volonté qu’on peut exercer sur toi en étant là avec moi » simple sang-mêlé, il était pourtant écouté et respecté du plus jeune. Autre raison qui lui fit donner un coup de menton en direction du bokken restait indéniable. « Ton maniement du sabre est excellent quand tu ne laisses pas tes émotions traverser la lame. Tu as de très bons réflexes qui te permettront d’en apprendre plus encore et tu es loin d’être un imbécile. Si ce n’est pas pour toi que tu as fait tous ces efforts, ils t’appartiennent quand même et qu’ils ne le remarquent pas est navrant pour eux, car moi, je m’en satisfais et je suis fier. J’aurais été fier à leur place d’avoir un fils comme toi » S’il en avait eu la chance, si son nom n’était pas si influant, lui faire porter le sien et lui transmettre tout l’amour qu’il avait à revendre pour cette jeunesse tourmentée, il le lui aurait proposé. Dans le calme de sa confession, un battement manqua, soubresaut douloureux à la fois douceur de n’être le père de personne et pourtant de pouvoir les épauler tous s’ils le souhaitaient. « Tu es loin d’être indigne des Fujiwara »
|
|
|