C'était la nuit et il faisait noir. Il fallait rester discret, alors, pour ne pas me faire repérer, je me dirigeais vers le couloir sans fin avec mes souvenirs et sans lumos.
Et le voilà, devant moi.
J'étais cap.
Je m'encourageais moi-même. Il le fallait bien. Après tout, personne ne pourra savoir que je n'ai pas été dedans... Car il valait mieux ne pas venir en groupe... Oui, mais je n'allais pas donné raison à ceux qui prétendent que les nés-moldus étaient des flippettes.
J'inspirais et expirais lentement.
Je ne pouvais pas non plus rester là trop longtemps. J'ignore où j'ai trouvé le courage, mais j'avançais dans ce couloir sans fin, allumant ma baguette d'un lumos murmuré.
Il fallait que j'aille le plus loin possible. Il fallait que je dépasse la statue à l'ombre de lapin dont on disait que même si son ombre était adorable, la statue était hideuse à vous en faire pâlir. Arrivais-je seulement jusque là ? C'était bien beau de m'avoir dit de la dépasser, mais il fallait encore que je la trouve. Et voir tous ces tableaux et sculptures autour de moi, leurs mouvements, leur chuchotis mécontents... J'avais juste envie de rebrousser chemin !!
Pourtant, agrippé à ma baguette comme si ma vie en dépendant, j'avançais.
Je n'avais pas peur.
Je n'avais pas peur.
J'avais peur.
Mais si je le disais a voix haute, ils le sauraient. Et j'avais l'impression que si la décoration de ce couloir l'apprenait, s'en serait fini de moi...
Rouge. C’était la couleur du sang de tous ici présents, mais certains n’avaient pas bien saisit que la différence subtile ne se faisait que dans leurs têtes de suiveurs. Akihiro, sang-mêlé, du haut de ses 15 ans détestait particulièrement le monde magique pour sa cruauté envers les nés-moldus et pour le prestige accordé à plus stupides que ne l’indiquait leurs rangs. Si la modestie avait une forme physique, il était certain qu’elle en étoufferait certains pour abuser de son nom sans en appliquer le sens. Il avait entendu les railleries et préféré ne pas se mêler directement de ce qui ne l’avait pas regardé sur le moment pour la raison suivante : chacun avait sa fierté, Reiichi aussi. Si le geste était louable, les conséquences, elles n’auraient pas été dans l’intérêt de son ami.
Il n’avait aucun souci à se faire a priori. A priori. Reiichi n’était pas stupide au point d’accepter d’enfreindre les règles pour gagner le couloir sans fin en pleine nuit, impliquant d’être possiblement dénoncé par les commanditaires de ce même défi, c’était un futur médicomage, il était brillant. Non. Mais, pour prouver qu’il en était capable au même titre qu’eux ? Non. Non. Un ange passa, perturbant son sommeil. Dans son lit, Akihiro se tournait et retournait jusqu’à finalement gesticuler pour s’immobiliser quelques secondes après. Le drap retombe comme une plume sur un bras et une jambe. Une de ses mains glisse sur son l’entièreté de son visage. Reiichi n’était pas stupide, mais il avait besoin d’être accepté par plus que leur groupe d’amis. Au lieu d’ignorer ceux qui n’en valaient pas la peine – ou de leur rentrer dedans comme l’avait si souvent fait le futur cuisinier – le kitsune fonçait tête baissée en connaissance de cause.
Soupirant tout son soul en se levant sans la moindre motivation, il ébouriffe un peu plus ses cheveux blancs dont les épis reproduisaient à merveille les pics de montagnes en pleine tempête. Puis, se rendit près du dortoir des renards, attendant, le dos courbé, un pied contre un mur, un bras en travers de son torse, l’autre posé par-dessus sa main grattant sa joue que le blond daigne trahir sa présence d’un lumos.
C’était facile, il n’y avait que sa baguette qui brillait au loin, ayant pris de l’avance. Dans le silence absolu, il le suit jusqu’à atteindre le couloir maudit, espérant voir la mine contrite de son ami qui s’était ravisé pour faire demi-tour. Non. Il était là et dans un juron mimé de ses lèvres, Akihiro entre à son tour à bonne distance. Il voulait veiller sur lui, réfléchissant en même temps à comment le dissuader d’aller plus loin sans se trahir. Ce n’était pas les idées qui manquaient, seulement, celles qui lui venaient n’avaient rien d’assez surprenant pour impacter vraiment le quotidien de l’autre élève. Entre lui faire la peur de sa vie et le marquer définitivement à en faire des cauchemars sans compter les retombées auprès des autres et lui faire la morale, risquer ainsi de perdre son amitié, rien ne le tentait vraiment. Qu’est-ce que ferait un bon ami dans ce cas ?
Avancer tout bêtement ne suffisait plus, chaque statue et chaque tableau près duquel ils passaient à tour de rôle faisait grandir une angoisse que les nerfs du yatagarasu ne pouvaient plus supporter. Il allait devoir agir… et vite.
Cependant, comment pourrais-je dormir en pensant au fait que je m'étais dégonflé ? Que j'avais laissé la peur m'envahir ?
Ce n'était rien du tout...
Une nouvelle tentative pour se convaincre et avancer quand je m'étais stoppé net pour reprendre mon souffle. À nouveau mes pas résonnaient dans le couloir. Je les fis devenir les plus léger que je pouvais pour tenter de ne plus les percevoir. S'ils devenaient inaudibles, c'était comme si je n'étais plus là. Enfin... pour ne plus être là, il aurait fallu que j'éteigne le bout de ma baguette qui éclairait mon chemin. Cependant, sans sa lumière, je ne pouvais pas voir où j'avançais et encore moins l'ombre de la statue qu'il me fallait dépasser !
La sensation d'être observée me pesait toujours, horrible et suffocante. Je m'arrêtais une nouvelle fois et tournais lentement sur moi-même, éclairant l'endroit de ma baguette... Sauf que bien évidement, je ne voyais pas très loin avec et en prime, la garder trop près de soi était aveuglant...
-Il y a quelqu'un ? ... Autre que les ... hm... habitants traditionnels de ce couloir ?
Pas un yokai.... Pas un yokai ! Ce n'était pas le moment ! Un professeur, s'il vous plait, même le pire, ça m'allait, j'étais prêt à tout expliquer et accepter la punition si on me sortait de là...
Le halo lumineux qui se dessinait autour de la silhouette noire de Reiichi n’offrait aucune visibilité au yatagarasu dans l’ombre. Il ne pouvait se repérer qu’en observant tout ce qui entrait dans le champ de vision du blondinet et se préparer à l’éviter lorsqu’il l’attendrait quelques minutes plus tard. Il n’était pas question de seconde étant donné le rythme établi, à savoir extrêmement lent. Jusqu’où comptait-il aller comme ça au juste ? Akihiro inspirait profondément, les yeux tirés par la fatigue et pourtant à l’affut du moindre mouvement suspect. Parfois, il frôlait quelque chose, un rideau ou le bout d’un meuble et se hérissait de tout son long en retenant la moindre interjection. C’était pénible, mais qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour éviter à ses proches de se mettre dans le pétrin ? Oh, s’y mettre aussi sans doute.
Le visage du kitsune apparu alors, la lumière face à lui. Panique, panique, pourquoi est-ce qu’il s’est retourné ? C’était pourtant parfaitement logique s’il voulait faire demi-tour, mais Akihiro restait immobile ses épaules en arrière, prêt à décamper si Reiichi tentait de s’approcher. Ses mains au niveau de son visage, bras repliés et un pied en arrière pour assurer sa position, il avait l’air d’un drôle d’animal empaillé. Avec un peu de chance, l’autre adolescent ne le voyait pas étant donné la portée de son lumos.
Dans sa tête, la machine faisait de la vapeur. D’un côté, il était tenté de simplement dire qu’il était-là. Ce qui impliquait un manque de confiance en Reiichi et des remontrances qu’il n’assumerait pas de lui faire pour se disculper lui-même. De l’autre, il pouvait fuir et le laisser croire qu’il avait affronté le couloir infini seul ou poursuivi par une étrange sensation, mais le défaut de ce scénario serait justement de le laisser à son sort et Akihiro ne pouvait s’y résoudre. Bien, y avait-il une dernière option ? Celle qui insufflerait du courage et assez d’émotions positives pour ne rien gâcher ? Dans l’idée… oui. Mais c’était encore plus stupide que toutes celles qu’il avait eues jusqu’alors et beaucoup moins censées.
Enfin, non. Se fiant à ses connaissances en la matière, lui tuerait pour qu’une personne lui témoigne autant d’attention et si elle s’était mise en tête de faire ce que lui-même s’apprêtait à faire, il l’aurait poursuivi. Encore fallait-il qu’il ait la certitude que ce soit-elle. Et c’était toute la subtilité de son plan dont l’échafaud était des plus bancal : la curiosité.
Il n’arrivait pas à croire ce qu’il était en train de faire. Ce n’était pas son premier essai, certes, mais ça n’avait rien à voir et ça restait toujours très déplaisant pour lui d’être l’instigateur. Malheureusement, il n’avait pas le temps d’y réfléchir, son cou enfoncé dans ses épaules, plus que honteux, il contourne Reiichi avec prudence, courant presque près de lui dans l’espoir de ne pas être trahie et se saisit du bout de la baguette pour étouffer la lumière une fois assez proche. Maladroitement, le yatagarasu se hisse à hauteur du visage de sa proie et lorsque son nez rencontre le sien, il sait ce qu’il lui reste à faire pour étouffer les cris de terreur.
Ses pas suivent le mouvement du kitsune pour qu’il ne s’enfuie pas, si tenté qu’il y parvienne, c’est plutôt la rencontre entre son dos et un mur qu’il risque ou bien une chute. Mais cela n’empêche rien aux lèvres qui trouvent aisément celles de son ami. Le souffle lui manque en raison d’une peur intense et une barre invisible se forme au beau milieu de son visage, l’irradiant d’une chaleur insupportable. Il s’éloigne à peine pour écouter le silence lui répondre et s’assurer que ce n’est ni le dégout ni la tétanie qui régit les mouvements de Reiichi, sa main toujours serrée comme si sa vie en dépendait sur le lumos abaissé au niveau de leurs hanches.
Fini le couloir magique, il n’existe plus de craintes pour une durée courte, néanmoins suffisante et dans le but de le prolonger, cette fois-ci il se rapproche plus lentement, échangeant bien plus que d’innocents baisers. Le temps s’est arrêté pour leur offrir un répit mérité, dépendant du point de vue. Et le futur cuisinier doit résister à l’envie d’être enfermé à jamais dans cet espace et cet instant, trop gourmand d’une vie riche et bien vécue pour la simplicité d’une jeunesse crédule. Quand il réalise, il se ravise en voulant s’éloigner, tirant sur la baguette pour la jeter quelques pas plus loin d’eux et emprunta la direction opposée. Il ne se mit pas à courir immédiatement, voulant s’assurer que son sacrifice avéré bien trop plaisant pour en être réellement un n’ait pas été fait en vain.
Dans un premier temps, j'avais voulu reculer, tirant sur ma baguette pour la libérer. Je heurtais un mur, entendis quelque chose tomber au sol juste à côté, sans doute une sculpture... Puis j'avais voulu repousser l'autre, mais dans mon affolement, je ne fis que battre du bras dans le vent obscur. Enfin, j'avais voulu crier, mais le son s'étouffa par le baiser.
Les yeux écarquillés, je ne comprenais rien à ce qui se passait. Qui pouvait bien faire ça ?
Est-ce que j'allais finir dévorer par un yokai ?
Cependant, la sensation était douce, rendant le baiser agréable, me calmant malgré moi.
Puis plus rien pendant l'espace d'un bref instant, avant que les lèvres ne rencontrent à nouveau les miennes. Ma terreur s'était envolée, ayant fait place à l'envie de continuer. C'était certain, j'allais me faire dévorer, car je sombrais dans les profondeurs délicieuses de ces lèvres. Mon bras libre osa même enlacer la taille de l'inconnu. Toucher ce corps son main... finalement, je n'allais peut-être pas mourir.
Et soudain tout prit fin. L'autre profita de mon relâchement pour se saisir de ma baguette. Je m'exprimais par un cri d'indignation. Le pauvre objet magique fut lancé au loin, illuminant légèrement le lieu. L'autre s'était déjà éloigné et je me sentais perdu, ne comprenant pas ce qui arrivait. Je récupérais le bout de bois à la hâte et tentais de poursuivre l'inconnu.
- Attends ! Reviens !
Deux mots, deux cris à son encontre, sans colère, juste l'envie de savoir qui était cet individu. J'abandonnais ainsi mon objectif de base pour une poursuite qui me faisait revenir sur mes pas.
Il s’était débattu et s’il ne l’avait pas fait, Akihiro aurait été mécontent. Sa contrariété aurait pris le dessus sur la gêne sans doute aurait-il brisé son anonymat. Fort heureusement ce ne fut pas le cas. Était-ce préférable ? Embrasser un inconnu ? le futur cuisinier se le demandait, s’il devait s’imaginer répondre à des avances comme celles qu’il faisait, il aurait été moins docile… ou alors non. Il n’en savait strictement rien et bénissait les dieux, quels qu’ils soient pour ne pas avoir reçu de coups et subir le gourou d’un ami. Surpris par la participation du blondinet, il déglutit, reprenant son souffle et surenchérit pour un moment bien plus tendre qu’il ne l’aurait cru. Plus rien autour n’avait d’importance que leur bulle et ce qui la perça furent les mains de Reiichi sur ses hanches.
Pris de panique, il stoppa le baiser, refusant d’aller trop loin et envoya valser la baguette un peu plus loin pour s’enfuir à toutes jambes. Est-ce qu’il le suivait ? Il ne se retourna pas pour le savoir, se fiant au rythme trop fort de son cœur qui battait dans ses oreilles, il entendit loin derrière qu’on lui sommait de revenir. Parfait ! Maintenant, il avait intérêt à courir pour sa vie s’il ne voulait pas être la victime des plans du kitsune ! Est-ce qu’ils allaient sortir de ce couloir ? Il semblait bien que oui, car le décor changeait et il se prit même un mur. Ouf ! S’il y avait un angle, c’était qu’il pouvait retourner à son dortoir qui par chance n’était pas le même. Une véritable chance, une fois encore. Ce n’était pas calculé, absolument pas en quel cas il se serait abstenu de l’embrasser, mais il devait bien avouer en rentrant sur la pointe des pieds et en s’installant dans son lit qu’il était mort de honte et que ce baiser l’avait tout de même transporté. Était-ce comme ça avec tout le monde ? La culpabilité que ce soit le cas le rendait plus nerveux encore. Une chose était certaine, il passait en revue la moindre possibilité d’affronter les regards comme si de rien n’était et se rassurait comme l’enfant qu’il était.
Son seul avantage : il portait toujours un masque et c’était fort pratique pour que ses émotions soient plus neutres et éviter que des tics montrent signe d’une anomalie.
Pas après pas, foulée après foulée, je quittais le couloir interminable. À sa sortie, je tournais sur moi-même, baguette tendue. Personne. Comment j'allais pouvoir retrouver cette personne ? C'était la nuit, tout le monde ou presque dormait. Il avait du retourner dans son dortoir. Trois dortoirs, trois possibilités. Si je me rendais assez rapidement au mien, peut-être que je saurais s'il en fait partie. Cependant, si c'était un des deux autres, c'était impossible de savoir...
Je ne croisais personne dans les couloirs, aucunes âmes qui vivent. Je regagnais donc ma chambrée. Aucun bruit n'avait trahi l'autre. Je me mordais la lèvre de mécontentement, tout en marchant vers mon lit. Il n'y avait rien à faire. C'était perdu. J'avais une vague idée de sa taille. Je supposais aussi que c'était un garçon qui m'avait embrassé, mais... sans certitude. Ça aurait très bien pu être une fille avec très peu de hanche... J'aurais pu essayer de le retrouver avec son odeur, mais sur le moment, c'était surtout la douceur de ses lèvres qui m'avaient accaparé tout entier. Glissé dans mon lit, je posais un doigt sur mes lèvres, rougissant enfin en songeant à ce moment. Pourquoi ça avait été aussi agréable ? Je me retournais dans mes draps, essayant de cesser d'y penser et de trouver le sommeil... Sommeil qui vint difficilement cette nuit-là.
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