On observe la devanture d’un air étourdi et absent, on observe et on regarde ailleurs et partout à la fois, à côté et rapidement à l’intérieur où bien peu de produits sont visibles à travers la buée sur les vitres. On regarde, on hésite et voilà que l’on fait finalement demi-tour pour recommencer avec une autre boutique. Le voilà le cercle infernal dans lequel on est plongé, trois heures de temps aux doigts et aux lèvres bouffées par ses propres dents, à demi-éreinté de trop se concentrer sur cette tâche et à demi-blasé de ne rien trouver de convenable à nos yeux. A nouveau rien ne va, alors on recommence plus loin mais n’est-on pas passé devant cette vitrine à peine quelques minutes plus tôt ? Peut-être, on a oublié depuis un moment, on fixe à nouveau les mêmes articles, on recommence ce cycle encore et encore. On se frotte le crâne, on s’agace, rien ne va et rien ne se goupille comme on l’aurait imaginé ou comme on l’aurait voulu, alors on souffle brusquement le nez dans l’écharpe en laine et fatalement la buée finit par recouvrir les verres de nos lunettes. Un marmonnement s’échappe, comme quoi c’était une idée stupide et toute façon cet idiot pourrait ne pas apprécier.
Un cadeau d’anniversaire, cela peut sembler simple à trouver mais c’est une véritable épreuve, quelque chose d’infâme et de voulu car le frère va sur ses vingt ans, qui plus est la majorité pour lui. Alors on veut marquer le coup ou du moins essayer, et puis les parents nous ont bien fait comprendre que l’on avait tout intérêt à y penser. Et voilà comment on s’est retrouvé ici à flâner au gré des boutiques que l’on visite au hasard, en espérant tomber sur le cadeau idéal par miracle. On cherche à moitié il est vrai, pas vraiment d’idée si ce n’est quelque chose qui, on l’espère, pourra plaire.
Parfois les commerçants nous happent et peut-être ont-ils bien raison d’agir ainsi, parce qu’on a la tête du parfait touriste perdu qui passe et repasse sans cesse dans les mêmes rues alors que l’on est censé la connaître, cette satané ville. C’est ainsi que l’on s’est retrouvé avec des paires de chaussettes dans les mains, parce qu’après tout avec l’hiver qui arrive on en aura bien besoin, n’est-ce pas ? Mais finalement, on a eu plus l’air idiot qu’autre chose alors que le vendeurs nous laisse partir de sa boutique avec un large sourire carnassier sur les traits, celui du lion qui a réussi à attraper sa proie. On pense bien un moment à l’offrir à Masao mais ce serait un bien piètre cadeau, n’est-ce pas ? Car qui irait offrir des chaussettes à son frère pour sa majorité ? Finalement, on désespère un peu et, planté comme un arbuste au milieu de la rue commerçante, on jette un dernier regard aux magasins alentours. Faire du lèche-vitrine n’a jamais été une bonne idée, il est vrai.
En désespoir de cause, on ouvre la porte d’une dernière boutique - la tienne - la boutique décisive pour cette journée car on a encore bien un mois pour trouver. Y pensera-t-on seulement si on s’arrête juste après ? Pour le moment, on se promet que oui mais au fond, on sait que demain déjà cette pensé se sera envolée.
- Bonjour...
Nous voilà dans ton herboristerie que l’on voit à demi à travers la buée de nos lunettes, bien emmitouflées entre l’écharpe et le bonnet tous-deux en laine.
Le carillon suspendu au dessus de la porte chanta alors l'arrivée d'un client. Ce son pouvait agacer, mais étonnement, il était agréable à mes oreilles. Sans doute était-ce parce qu'il était enchanté. Je relevais la tête pour sourire au nouvel arrivant et lui souhaiter la bienvenue.
-Bonjour et bienvenue ! Je peux faire quelque chose pour vous aider ?
En voyant la buée sur les lunettes de l'homme, je pris ma baguette et fis un mouvement du poignet avec. Un sort et la buée s'envola. Cela devait déjà être plus facile pour y voir. D'ailleurs, maintenant, je pouvais mieux observer son visage. Je m'approchais de lui, d'abord pour pouvoir mieux l'aider si effectivement il avait besoin de mon aide (ce qui était le cas en général, car juste regarder des herbes ou des plantes n'étaient pas ce qu'il y avait de plus passionnant), mais aussi pour mieux l'observer. Et effectivement, ce jeune homme me disait quelque chose.
-Hmm... Nous nous connaissons, n'est-ce pas ?
Mes études étaient bien loin derrière moi et après ma disparition dans mon tour du monde, je n'avais gardé ou repris contact qu'avec les personnes avec qui j'étais le plus proche. Cependant, cette tête blonde me rappelait fortement une autre qui m'avait agacée alors que je tentais de lui faire comprendre les matières dans lesquelles il était un vrai désastre.
On se laisse un moment distraire par le carillon qui résonne doucement lorsque s’ouvre la porte, alors on lève le regard vers le haut pour l’observer, le scruter d’yeux curieux de tout ce qui peut se trouver ici là. On a toujours dans la main gauche nos quelques paires de chaussettes achetées plus tôt et sur les trait cet air perdu qui semble tant nous caractériser. Encore un peu et on pourrait presque demander la date du jour ainsi que l’année, ce ne serait pas si détonnant il est vrai. Mais c’est pourtant une voix familière qui nous interpelle, une voix que l’on sait familière plutôt car si on semble bien la connaître, on peine là à la remettre en place, où quand et comment la connaît-on ? La buée s’envole des verres - comme par magie pourrait-on plaisanter, mais ce ne serait pas une plaisanterie dans ce monde - puis finalement notre vue se dégage contrairement à notre visage, toujours à demi-caché par l’écharpe et le bonnet.
On laisse alors tomber notre regard sur tes traits et immédiatement une lueur s’allume dans le fond de nos yeux, car on l’aura finalement reconnu, la personne à qui appartient cette voix familière. Comme un automatisme, on crochète de l’index l’écharpe au niveau de nos lèvres, afin de se dégager enfin le bas du visage et de laisser apercevoir ce large sourire qui désormais traverse ses traits.
- Reiichi ?
C’est bien le sourire idiot que l’on porte, celui que tout le monde aborde lorsque l’on recroise une veille connaissance par hasard alors même que peut-être nous n’étions pas si proche. Un sourire peut-être un peu hypocrite en ce sens, mais un sourire tout de même car c’est une situation qui fait toujours plaisir, n’est-ce pas ?
On ignore en revanche si tu nous as reconnu alors le mécanisme se met en route, le mécanisme de la parlotte incessante qui a pourtant don d’agacer quiconque voudrait un peu de paix aux alentours. T’avais-on agacer en ne faisant que de causer lorsque nous étions tous-deux à l’école ? Peut-être, probablement même, mais on ne rappelle pas.
- C’est Aiichiro qui... qui... qui... (on claque des doigts comme si l’on cherchait nos mots, comme si trop d’idées se bousculaient aux portes de nos lèvres) Qui était pas doué en potions ! (nos épaules s’affaissent suite à ces paroles, car ça n’a pas vraiment changé) Hm, pas vraiment la meilleure description que j’ai fait de moi-même... Mais tu m’aidais un peu dans cette matière pour que je garde la tête hors de l’eau, ou du moins t’essayais parce que j’étais vraiment à la ramasse. Je crois que t’as quitté l’école peu de temps avant que je...
Redouble.
Mais brusquement les mots s’arrêtent, se stoppent soudainement et seule la phrase reste en suspend dans l’air. Car voilà bien une information que l’on ne souhaite révéler et finalement seul le silence nous accompagne désormais. Quelques secondes pendant lesquels rien ne se passe et rien ne se dit, quelques secondes de repos pour toi qui nous écoute parler sans reprendre de souffle.
- Enfin, voilà.
Silence brisé et aussitôt revenu.
Voilà.
-Oui, je me rappelle ! Et puis, ce n'était pas que tu étais à la ramasse, mais...
Comment dire ?
-...plutôt fortement dissipé ?
Je lui souriais, un sourire doux qui lui montrait que je ne lui en voulais pas pour toute les crises de nerfs qu'il m'avait presque fait subir. Répéter 50 fois la même chose pour que ce ne soit pas intégré au final, c'était très ... blessant dans l'estime de la personne qui explique.
-Que me vaut ta visite ? Tu as besoin de plantes, d'une préparation, de thé ou d'herbes aromatiques ?
Car si Aiichiro avait poussé cette porte, c'est qu'il avait besoin de quelque chose, n'est-ce pas ? À moins qu'il se soit trompé d'endroit, ou qu'il ait poussé la porte par curiosité. Hm ? C'était quoi qu'il tenait en main là ? Je penchais un peu la tête sur le côté, bras croisés, m'interrogeant sur l'objet dans sa poigne. Des... chaussettes ?
-Pourquoi tu as des chaussettes ?
Un achat ? N'y avait-il rien dans lequel les mettre ? Ce simple vêtement semblait me perturber pour rien.
Enfin voilà. On laisse passer ces quelques secondes de silence, probablement bienvenue pour toi qui a dû nous écouter sans s’arrêter, un bon retour de la mémoire car c’est bien là une chose qui n’a pas changé durant toutes ces années. Des heures passer à nous expliquer, la théorie déjà bien difficile à comprendre et à appréhender mais également la pratique où l’on pêchait encore un peu plus. Jamais assez concentré, jamais assez à ce que l’on faisait pour pouvoir réussir ces concoctions. On détestait cette foutue matière pour tout avouer.
Et voilà que tu finis par te rappeler, on est à demi-soulagé d’avoir laissé une trace dans ta mémoire mais également à demi-inquiété. Quelle sorte de trace a-t-on laissé ? Une bonne ou une mauvaise ou encore de l’indifférence ? On déteste le jugement d’autrui, la crainte d’être mal vu par ses paires.
- Ouais, dissipé, ouais... (on le frotte le crâne en souriant, car c’était bel et bien ça le soucis et ça non plus, ça n’a pas vraiment changé) C’est toujours un problème...
On renifle un moment, on met ça sur le compte du froid de l’extérieur. Et on se rappelle soudainement pourquoi l’on est rentré, ta question aide il faut avouer car sinon on aurait parfaitement pu oublier et juste discuter puis ressortir sans rien acheter.
- L’anniversaire de mon frère, c’est dans un mois. Il va sur ses vingts ans en plus, c’est sa majorité en plus, je voudrais marquer le coup... (on regarde à nouveau autour de nous, dans ta boutique voir ce qui s’y trouve, les herbes, du thé et autres plantes) Mais je sais pas du tout quoi lui offrir.
On hausse les épaules, un air pseudo blasé sur les traits, comme si ça ne nous intéressait pas réellement alors qu’on aimerait pourtant lui trouver quelque chose qui lui ferait plaisir. On aimerait pourtant mais on ne sait pas quoi, voilà l’éternel problème. Maintenant que l’on n’est plus si proche l’un de l’autre. Puis l’attention se reporte sur les chaussettes, celles que l’on porte innocemment dans les mains, et ta curiosité aussi se porte sur elles peut-être à raison il est vrai.
- Ah ça ? (on les lève à hauteur d’yeux, comme si l’on était nous-même étonné de les voir dans nos paumes) Euh... En fait, je... Je les ai acheté en face, tout simplement.
On ne laisse pas dire que le commerçant nous a pigeonné avec notre tête de touriste perdu et de l’argent plein les poches, pas pour nous à la base. Mais bon, on se rassure en se disant que l’hiver arrive, un tel vêtement sera toujours bienvenue. On laisse à nouveau vadrouiller notre regard sur les articles de la boutique, on pense vaguement au thé car après tout, le frère reste un moldu alors ce n’est pas vraiment sûr qu’il trouve une quelconque utilité à un machin magique. Pire, il pourrait ne pas apprécier, n’est-ce pas à cause de ça qu’il a fini par s’éloigner ? On ne cesse de songer qu’il est un idiot mais en vérité, on n’a pas non plus vraiment vu le début de sa jalousie maladive ni même le moment où doucement il a commencé à s’éloigner de nous.
- Hm... Il fait des études de médecine, peut-être que des plantes médicinales... Ou alors du thé pour tenir durant ses nuits blanches.
Rire froid.
On déteste l’idée qu’il puisse mieux réussir que nous.
-Alors…. Je partirais plutôt sur du thé, surtout s’il en bois ? Car des plantes médicinales, il n’en aura peut-être pas l’utilité tout de suite et il lui en faudrait des non-magique aussi, si je me souviens bien ?
Je tournais la tête vers lui pour qu’il me confirme ou non la chose. Ca faisait un long moment, alors je pouvais confondre.
-Je peux te faire un assortiment de thés. Comme ça il en aura pour tenir le coup quand il devra passer des nuits blanches. Un autre pour se détendre, car ça doit être stressant.
Je me souvenais de mes propres études en médicomagie… Certes, ce n’était pas pareil, mais des études comme ça restaient stressantes.
-Et d’autres plus exotiques, pour la découverte ? Qu’en penses-tu ?
J’avais noté son rire, mais ne savais pas comment l’interpréter. Alors je demandais, quitte à être peut-être un peu trop indiscret.
-Quel est ta relation avec ton frère ?
On hoche la tête à ta question. Si le frère boit du thé, évidemment voudrait-on répondre et il s’est même mis récemment au café, poussé par ses études de médecine, la fatigue tant mentale que physique et ses longues heures de travail et de révision. Les parents lui foutent la paix car ils comprennent bien qu’il a besoin de calme et de temps pour travailler, un traitement que l’on appréciait guère d’autant lorsque l’on vivant encore avec eux quelques semaines plus tôt.
- Ouais, il lui faudrait des trucs non-magiques. Il pourrait mal le prendre dans le cas contraire.
On confirme d’une voix neutre, car la famille proche fait bien partie des quelques moldus a être au courant de l’existence de la magie, et si encore ses parents s’en réjouissent et s’en étonnent sans pour autant la comprendre, son frère préfère la rejeter. Après tout, nous-aussi avions eu un traitement de faveur lorsque l’on est entré à Mahoutokoro durant notre enfance. Comme quoi, leur jalousie respective ne vient pas de nulle part, mais les deux frères sont encore bien trop têtus et idiots pour s’en rendre compte.
Mais on hausse les épaules.
Dans notre esprit, des plantes magiques, ça aurait au moins eu le mérite d’être un cadeau marrant.
Alors lorsque tu proposes un assortiment de thé, on hoche la tête de haut en bas, doucement en continuant de regarder autour de nous, à droite et à gauche, les thé présentés et autres accessoires dans les étales. Ça nous semble être une bonne idée, simple et efficace.
Et on lève un sourcil.
Ta question nous prend de court.
- Bancale. (on répond au tac-au-tac, brusquement et peut-être que cela pourrait t’étonner : auparavant, on décrivait cette relation comme fusionnelle) Ce n’est qu’un idiot jaloux qui ne pense qu’à bosser.
Oh, bien triste portrait que l’on fait de notre frère qui pourtant pourrait faire le même de son côté. Excepté pour la dernière partie, il est vrai. Et pourtant malgré ces mots, on cherche toujours à lui faire plaisir, lui offrir quelque chose qui pourrait le réjouir et qui pourrait lui être utile. La relation bancale, certes, mais il reste encore quelque chose d’infime entre les deux frères. Leurs liens fusionnels n’ont pas encore totalement disparu, ils restent quelque part dans le fond de leurs mémoires.
Soudainement, on se saisit d’une cuillère à thé qui traînait là non loin de nous, on l’observe à moitié intrigué - on ne boit pas de thé, pour rappel - on l’ouvre et on la referme en penchant notre tête sur le côté. L’engin est étrange, songe-t-on. L’histoire avec le frère, on l’a déjà oublié, envolé nos pensées maintenant concentrées sur ce drôle d’ustensile.
- C’est quoi ? (on demande ça avec un air bien trop innocent sur la face) En fait, t’aurais pas des théières ou je sais pas quoi en plus ? (on n’a pas attendu la réponse à la première question, les autres sont venues bien trop soudainement) Histoire de lui faire un bel assortiment ? Voire une théière magique qui garde toujours le thé à la bonne température ?
Sourire sincère cette fois-ci.
L’idée plaît bien.
Et ce qu’on a annoncé quelques secondes plus tôt - pas d’objets ou plantes magiques pour mon frère moldu - on l’a déjà oublié.
L'idée que je lui avais proposé, pour le thé, sembla lui plaire, surtout lorsqu'il m'interrogea sur une cuillère à thé.
-Ah, ça ? C'est une cuillère à thé. Tu l'ouvres, tu mets le thé dedans et tu referme pour ensuite le plonger dans l'eau chaude. Très pratique pour éviter de boire la poudre de thé. Même si certains thé font infuser les feuilles directement dans ta tasse dans laquelle tu bois. Mais c'est autre chose, ça.
Je marquais une pause pour les théières, réfléchissant et me retournant vers l'endroit où j'en avais.
-Mmh… Oui, j’en ai deux ou trois, mais rien qui ne sera utile à ton frère.
Je me retournais vers mon client.
-Tu m’as dit “non magique”, donc mieux vaut lui en trouver une dans un endroit du commun. Si tu ne sais pas où chercher, je peux demander à ma mère où elle a été acheté la sienne. Elle les adore et c’est presque une collection qu’elle a dans son salon.
Un sourire amusé se dessina sur mon visage en parlant de ma mère et de sa passion pour les théières. J’exagérais à peine, mais il y en avait de toutes sortes, me disait-elle, qu’elle ne pouvait choisir qu’un seul service à thé.
On cligne un moment des paupières, peut-être légèrement intrigué.
- Une cuillère à thé ? (on répète comme un perroquet pour être sûr d’avoir bien compris, car on est loin d’être amateur de thé, mais tu l’auras probablement compris) C’est marrant.
Et on continue un instant de l’ouvrir et de la refermer entre nos mains curieuses, avant de la reposer tout aussi soudainement que l’on s’en sera saisit. Durant un moment, on oublie l’histoire du frère et de son anniversaire, on est plus intrigué par cette ustensile étrange que l’on continue tout de même à regarder dans son présentoir, tête penchée sur le côté. Mais ce sont finalement tes mots qui nous remettent en place nos idées.
Non-magique.
On grimace.
C’est vrai, on a dit ça quelques secondes plus tôt.
- Ah oui, c’est vrai... C’est vrai que j’ai dit ça... (on soupire, durant un moment on a un air déçu qui se peint sur le visage, on se frotte les cheveux en regardant à nouveau de nous, complètement perdu quant à la suite des évènements) Hm, ouais j’veux bien quelques conseils parce que j’y connais foutrement rien, en thé, moi.
Est-ce si étonnant ?
Tu l’avais probablement déjà remarqué.
N’est-ce pas ?
Et pourtant, on continue, de regarder ce qui se trouve sur tes présentoirs, dans ta boutique, chez-toi, sans vraiment de gêne. Juste on regarde, se dit que l’on connaît pas, et on recommence quelques mètres plus loin. On voit plein de sorte de thé - tu dois t’y connaître, toi, forcément - mais aussi d’autres plantes dont certains noms nous parlent sans pour autant que l’on parvienne à totalement les remettre dans le fond de notre mémoire. On a jamais vraiment suivi les cours de botanique en vérité. Comme de nombreux autres cours.
- Tu me conseillerais quoi, du coup ? (on demande ça en ayant le nez tout droit planter devant un pot de thé en vrac qui sent l’amande et l’orange) J’sais pas trop combien lui en prendre en vrai, la quantité tout ça, ce genre de trucs... Pis ça dépend aussi de mon budget que j’ai déjà... (on a toujours les chaussettes dans la main, budget déjà faible mais en plus élimé par des achats stupides) Bref.
Et on se tourne vers toi.
Question dans le regard.
- Évite juste de toucher les plantes, si tu veux bien. Certaines ont mauvais caractères...
C'était un avertissement pour le prévenir, mais aussi pour éviter qu'il ne me les abîme.
Puis il demanda conseil et je m'approchais de lui.
-Ne t'en fais pas, c'est mon rôle d'aider. Donne moi le budget que tu veux mettre et je m'occuperai des quantités.
Je lui souris, un sourire qui se voulait rassurant.
-Dit-moi simplement s'il aime les goût plutôt doux ou fort ? Sucré ou amer ? Un goût en particulier qu'il n'aime pas ?
J'attendis patiemment, près à réagir dès qu'il me répondrait, songeant déjà à ce que je pouvais concocter.
Certaines ont mauvais caractère, dis-tu ? C’est pourtant pile à l’instant où ces mots sortent de tes lèvres qu’une plante de toute évidence carnivore décide de nous mordre les bouts des doigts. On s’en éloigne en vitesse et en secouant la main devant le nez, un “certes...” agacé sort de nos lèvres alors que l’on jette à cette foutue plante agressive.
- Le budget...? Mon budget...? (on questionne tout en y réfléchissant, on regarde encore un moment les chaussettes que l’on a acheté plus tôt dans la journée - elles sont jolies en fait, songe-t-on avant de revenir à l’argent qui nous reste) Euh... Il doit me rester quelque chose comme... Cinq milles yens ? Je crois ?
Oui, quelque chose comme ça, maintenant que l’on en a utilisé une petite partie pour une paire de chaussettes. Est-ce que ce sera suffisant pour offrir quelque chose de décent au frère, c’est une bonne question mais on espère que oui. Au pire, il prendra encore un peu plus du salaire de l’ébénisterie. Tant pis, on se contentera de louper quelques repas ou de manger des nouilles trois jours de suite.
Et voilà que tu nous questionnes sur ses goûts, mais il y a bien longtemps que l’on ne les connaît plus aussi bien, les goûts du frangin. Après tout, on a arrêté de faire semblant voilà des années maintenant et peut-être que depuis, ce sont des choses qui se sont modifiés ? Peut-être ? En vérité on ne sait plus ce qu’il aime ou ce qu’il déteste mais on essaye comme on peut de faire des suppositions, on se tait un instant alors que l’on essaye de se souvenir.
Mais on ne veut pas que tu vois.
Qu’on hésite, qu’on ne sait pas.
Qu’on ne sait plus.
- Euh... Quand il était môme, il aimait beaucoup le thé blanc... Et le noir, je crois... (on hésite encore un moment, avant de se rappeler) Il aime beaucoup les agrumes aussi. Mais pas la menthe, il disait avoir l’impression de boire du dentifrice ! Parce qu’un jour, je l’avais mis au défi de manger un tube de dentifrice entier, et il l’a fait cet idiot ! (on rigole, en vérité ça a quelque chose de plaisant de replonger dans ces souvenirs) Bon, il avait cinq ans et on a dû aller à l’hôpital lui faire un lavage d’estomac, au final...
C’était une histoire qui ne s’était pas si bien finie, car on avait bien évidemment été puni et jamais on avait entendu notre frère hurler aussi fort que lors de ce lavage d’estomac. Mais le début de l’histoire semblait toujours aussi drôle à nos yeux. Mais rapidement on se reprend, on toussote d’un air maladroit.
- Mais il préfère le sucré, c’est encore un enfant.
En vérité, on a les mêmes goûts.
Les goûts d’un enfant.
Je me tournais ensuite vers la partie thé de ma boutique. Tirant quelques tiroirs et prenant des sachets en suffisance, je lui préparais sa commande : du thé blanc en boule directement venu de Chine, du thé noir au mélange d'agrumes et un petit peu de thé vert aux notes fleuries et fruitées.
Son histoire m'avait arraché un sourire. Malgré ce que Aiichiro disait quant à sa relation avec son frère, je sentais qu'il le chérissait toujours. Sans doute, je l'espérais, le malaise entre les deux frères passeraient avec le temps...
J'allais maintenant à mon comptoir pour finaliser la commande.
-Ne lui dis jamais en face que tu le considère encore comme tel, il pourrait mal le prendre.
Je ne me voulais pas moralisateur, que du contraire. J'étais certain que si je lui disais que lui aussi paraissait être enfant, il le prendrait mal. Et puis, ça pouvait servir de conseil pour leur relation, non ?
Sur un papier, je notais l'adresse d'une boutique moldue qui vendait des services à thé et théières qui correspondait à une gamme de prix tout à fait abordable. Je mis le tout dans un sachet, excepté ce bout de papier, et le lui demandais mon du, en dessous de son budget, lui faisant un prix d'ami pour l'occasion. Je lui tendais l'adresse notée pour qu'il la prenne en main, pour qu'il puisse la lire et se souvenir d'où il la mettait par la suite.
-Je t'ai noté une adresse pour services à thé et théières moldues. Si tu la perds, envoie moi un origami, je te la donnerai à nouveau sans problème. Et sinon, soit simplement toi avec ton frère. Que tu sois sorcier et lui non.... ça ne devrait pas changer votre relation. Vous êtes différents, certes, mais c'est le cas de tout individu envers un autre, qu'il y ait magie ou non.
Je lui souriais, espérant que mes mots pouvaient lui offrir un quelconque réconfort. Je n'avais pas ce souci, j'étais fils unique, alors j'espérais que mon conseil ne serait pas trop mal vu.
Oh non, jamais l’on oserait dire en fait ces mots à Masao parce qu’il serait bien aisé pour lui de répliquer, on le sait et on le sent, qu’en un sens il pourrait avoir raison. Des deux frères, chacun ont leurs tords, mais il est vrai qu’aucun pour le moment ne souhaite voir plus loin que le bout de son propre nez. Peut-être qu’un jour, leur relation deviendra à nouveau aussi fusionnelle qu’auparavant.
Peut-être.
Un jour.
On t’a regardé faire les mélanges avec un fond du curiosité, on s’est levé sur la pointe des pieds pour guetter par-dessus ton épaule et pour t’espionner sans pour autant te faire savoir notre voyeurisme du moment. Après tout, on ne souhaite pas vraiment te déranger, déjà que te questionner nous a paru être bien trop. On ne parvient pas à penser que l’on ne dérange pas les commerçants lorsque l’on demande conseil. Selon nous, on dérange sans cesse tout le monde.
- Merci pour les conseils. (on réfléchit un instant alors que tu annonces ton prix, et on fouille dans le porte-monnaie avant de te sortir et de te tendre quelques pièces et billets que l’on a compté trois fois) Voilà, ça devrait être ça. Je crois. Mais recompte, on sait jamais, si ça se trouve j’ai fait une conn- une erreur.
Il est si aisé pour nous de nous trouver d’un billet ou d’une pièce. La tête bien trop ailleurs pour réussir à compter l’argent que l’on a, c’est aussi pour ça qu’il s’envole aussi facilement.
On écoute tes derniers mots avec une moue un peu pincée, lèvre tendues et sourcils froncés. On ne dit pas ce que l’on pense, que l’on pense que c’est de sa faute uniquement, après tout il n’avait qu’à pas être jaloux lorsque jamais il n’a reçu d’origami pour Mahoutokoro. Et l’on n’avouera pas non plus que c’est nous qui lui avions mis cette idée dans le fond de l’esprit, celle qu’un jour il pourrait nous rejoindre alors que ce ne fut jamais le cas.
- Ouais j’y penserai... (on marmonne simplement, de toute évidence on ne souhaite pas s’étendre sur le sujet) Merci pour l’adresse, je... Je te redirai s’il a aimé le cadeau.
On fourre le papier dans le fond de la poche de notre veste, peut-être l’oubliera-t-on dans quelques secondes ou quelques jours, ou peut-être finira-t-on par retomber dessus sous peu, au hasard d’une balade de la main dans la poche. En tout cas, on sort de ta boutique avec la boule au ventre.
On espère sincèrement que Masao appréciera ses cadeaux.
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