LEAVE OUT ALL THE REST

Il n’était pas particulièrement rare de voir Ayato sortir seul de l’école. Déjà lorsque la liberté des élèves se limitait au périmètre de l’île, il éprouvait le plaisir, autant que le besoin, de se sustenter en air frais (en liberté). Car, en dépit de son caractère social, la quête de solitude lui restait nécessaire, au gré de ses humeurs.

Prendre le temps de se retrouver (souffler)(relâcher)
Se rappeler qu’il s’en était toujours sorti seul dans ce monde de sorcier.
Accepter d’être prisonnier (refuser)
Se calmer.

S’éloigner. Pour mieux revenir, avec le sourire.

Il en profitait d’avantage, depuis la naissance d’Iwomachi. Le risque d’y croiser des connaissances, lors de ses mauvais jours, savait le faire reculer ; mais les autres fois, il se complaisait à en arpenter les rues, profitant des enseignes pour s’abriter d’éventuelles averses et dépensant son argent dans des sucreries.
Ce n’était, certes, pas aussi efficace que des journées passées dans le monde moldu mais, quelques fois, il lui semblait redevenir normal.

La pluie tombait, ce jour-là.
Fine brume humide, recouvrant le ciel de son voile gris. L’adolescent s’était couvert, lui, d’un épais manteau, associé à une écharpe l’enveloppant jusqu’au nez. Il ne faisait pas si froid, en réalité. Contrairement à ce qu’il ressentait.
(glacé)

Ses sombres pensées s'envolèrent, soudain (oh, mais jamais très loin), emportées par une silhouette familière disparaissant à l'angle de la rue. Il se mit alors à courir, sans même réfléchir, ne répondant qu'au sentiment d'urgence né dans sa poitrine.

Meruem ! cri-t-il, faisant fi de sa gorge protestant sous l'exclamation brusque. Mais, parvenu à la jonction de l'allée marchande, seuls les regards étonnés des passants font face à l'espoir de l'enfant, réduisant aussitôt ce dernier. Oh– Désolé ! clame-t-il, alors, honteux de sa méprise.
Frustré, aussi, de s'être trompé.
(l'impression d'avoir poursuivi un fantôme)

L'homme qu'il pensait avoir aperçu, définitivement absent de cette foule, il tourne finalement les talons, fuyant l’attention s'étant posée sur lui.

LEAVE OUT ALL THE REST

Ayato La voix, plus que son prénom, le fit se retourner si vite qu’il en senti une décharge dans ses cervicales. Il la reconnaissait, à la moindre intonation – l’avait entendu, par ailleurs, prononcer maintes fois son nom. Voir son visage, pourtant, lui était nécessaire, afin de s’assurer qu’il n’avait pas rêvé la présence de l’homme. Derrière lui, se trouvait bel et bien Meruem, tel qu’il pensait l’avoir aperçu.

C’était un instinct. Surement ne l’avait pas vu, à proprement parler. C’était sa manière de se mouvoir, ses expressions faciales, son odeur et peut-être d’autres signes qu’il ne saurait identifier sciemment, qui suffisait à l’interpeller, parmi la foule.
C’était un lien qui, spontanément, l’attirait jusqu’à lui.

Ses lèvres s’entrouvrent, mais l’exclamation de joie se meurt, au fond de sa gorge. L’expression de l’homme est sérieuse et Ayato saisit le désir de discrétion, retenant alors d’exprimer son affection – Meruem, par ailleurs, n’avait jamais été tactile. Ils n’avaient, pourtant, à se cacher, dans une ville que seuls d’autres sorciers côtoyaient. Mais si l’adolescent ne pouvait en comprendre la raison, il ne la respecterait pas moins. Il n’avait nul suspicion à avoir, face à sa réserve habituelle.

D’un vif hochement de tête, il suivit, sans un mot. Ses vêtements séchés, il sentait son cœur s’être, lui aussi, réchauffé. Le café dans lequel il l’emmène ne lui est pas inconnu et sa confiance est immuable, alors, sans hésitation, il s’installa face à l’adulte. Tu es ici depuis longtemps ? Tu viens souvent ? Est-ce que tu restes– L’approche de la serveuse le coupa dans ses interrogations intempestives. Son engouement était probablement trop vif, mais Ayato ne faisait dans la demi-mesure et c’était lui, finalement, qui menait la conversation.

Poliment, il passa commande, avant de laisser son regard revenir à celui dont il ignorait encore leur lien de parenté. Ses dents s’attaquèrent à sa lèvre, comme pour l’empêcher de – trop – parler. Que voulais-tu me dire ? Sa curiosité piquée au vif, il pouvait s’assagir, le temps des réponses.

LEAVE OUT ALL THE REST

Il n’avait jamais remarqué la ressemblance dans leurs traits, ni la similitude de leurs personnalités. Il n’avait jamais associé leur relation à un quelconque lien de parenté. Il n’avait jamais cherché à savoir ce qui avait amené Meruem à l’approcher.
Ce n’était pas une preuve de désintérêt. Pas plus qu’il ne manquait de curiosité.

Ayato n’éprouvait simplement pas le besoin de trouver un nom, ni de raison, à sa profonde affection.

Il avait souvent désiré en savoir davantage sur l’adulte. Tout connaître de cet être qu’il considérait comme un exemple – et presque en héros, de son enfance troublée. Il avait, néanmoins, associé son mystère à l’entièreté de sa personne. Son énigme le rendait aussi intangible qu’intrigant ; elle avait nourri son enfance de la naïve fascination vouée aux êtres rendus enchanteurs par leur irréalité.
Si ses secrets auraient pu susciter sa méfiance, l’homme ne lui avait jamais donner la moindre raison de douter de sa bienveillance – et quand bien même, cela aurait été le cas, l’adolescent s’avérerait assez égoïste pour accepter d’en être le seul réceptacle.

Un léger malaise s’installe, calmant instantanément sa frénésie. Pour autant, le supposé né-moldu ne s’en offusque pas et patiente, pendu aux lèvres lui ayant promis des vérités qu’il ignore encore.

L’introduction le laisse confus. Leur rencontre avait, certes, eut ces allures si providentielles qu’elles en devenaient suspectes, mais il ne comprenait comment aurait-elle pu être autrement qu’hasardeuse – et surtout, pourquoi lui en aurait-il caché la raison ?
La sentence vient, alors et Ayato, désarçonné, en reste bouche bée. La première information lui effleure l’esprit avec sa part de tragédie : Meruem, sang-pur. Une appartenance à une espèce qu’il a si souvent – et encore maintenant – maudit. Lui qui l’a justement aidé à surmonter des tourments liés à son propre sang.

La seconde, cependant, le rend perplexe. Qu’est-ce que tu veux dire ? Il n’avait jamais été le genre de Meruem de lui mentir, mais peut-être lui faisait-il une farce ? Mon père est un moldu et– eh bien, ce n’est pas comme si je ne le connaissais pas. Sa voix s’était faite hésitante, soudainement épris du doute soufflé à son esprit – ce ne pouvait être vrai, pourtant, si ? Nerveux, un rire s’étrangla en travers de sa gorge. Ce n’est pas l’idée ne me plaise pas ; enfin, je sais pas si je te considère comme un père, mais– Il s’interrompt, dans l’espoir d’une intervention.

LEAVE OUT ALL THE REST

Ta mère. L’appellation n’inclus pas la moindre intimité et pourtant, qu’il l’évoque si aisément rend brusquement réelle l’idée qu’ils se soient connus – et intimement, s’il pouvait croire en être la preuve tangible.

Ayato avait accepté, à l’adolescence, que Meruem soit réel. Il n’était plus cet enfant rêveur en quête d’un ami imaginaire correspondant à tout ce dont il avait besoin et dont l’absence d’existence concrète pouvait s’avérer aussi frustrante que rassurante, car n’appartenant qu’à lui. L’homme était fait de chair et de sang, comme toute autre personne, à la différence – certes, pas des moindres – qu’il était un sorcier. C’était cette particularité qui avait maintenue leur lien secret et qui l’avait maintenu exceptionnel, à défaut d’extraordinaire.
Savoir qu’il avait déjà rencontré sa mère brisait le mythe de sa jeunesse.

Attend. Si c’est vrai, alors pourquoi maintenant ? Il avait dans la bouche le goût amer de celui a qui on aurait menti durant toute une vie. Et ce qui le blessait le plus n’était pas tant le mensonge de ses parents que de savoir que sa rencontre avec l’homme qu’il admirait n’avait rien eu de désintéressé. Tu le savais ? Mais alors, pourquoi n’avoir rien dit ? Enfant, il s’en serait peut-être réjoui ; aurait compris pourquoi [i]lui[i] en particulier disposé de ces pouvoirs, qu’il n’avait pas souhaité. Aujourd’hui, c’était comme découvrir que la source de toutes ses difficultés portait un nom et qu’il s’agissait de Meruem.

Au milieu de son déboire survient une blessure supplémentaire lorsqu’il se réalise lié à un sang qu’il a toujours abhorré – et qui l’a opprimé.
Meruem Tsukino passait encore. Meruem Tsukino, père d’Ayato, devenait un cauchemar.

Non, c’est… Il craignait d’en accepter la vérité. Tu dis que tu ne veux rien changer… alors pourquoi ? Au seuil de son bouleversement, il essayait au moins de se rassurer sur ce point ; il ne voulait rien lui devoir, sous prétexte de leur parenté. Pire encore, il ne pourrait accepter d’être associé au clan auquel il semblait appartenir. Tu sais déjà ce que je pense des sang-purs– Ses phrases, hachées par l’émotion, menacent de faire couler les larmes qu’il laisse perler au coin de ses yeux, parce qu’au-delà de la rancœur qu’il peut éprouver face au mensonge, il éprouve davantage la détresse de voir ses repères s’effriter.