THE MAP THAT LEADS TO YOU

Natsuo n’avait rien d’un guide touristique. Ni les compétences, ni les connaissances du lieu choisi. Il n’avait réellement visité d’Iwomachi que l’ébénisterie et le salon de thé, sans s’attarder davantage dans les rues – certes, il passait parfois à l’épicerie et était déjà passé par la gare, mais il ne s’agissait finalement que de détails superflus.
On faisait vite le tour de la ville, en soi.

Natsuo n’avait pas l’intention de servir de guide touristique, mais il avait accepté la requête de Reiichi, uniquement pour l’occasion de le retrouver. Leur dernière rencontre ne datait pas tant, pourtant – contrairement à l’année précédente où Mahoutokoro l’avait coupé du monde extérieur pendant six mois. Seulement, par principe, il ne refusait pas de passer un moment avec ses connaissances, s’il n’avait rien de mieux à faire.

Expirant une bouffée de fumée, l’infirmier attendait l’arrivé de l’herboriste, savourant le plaisir éphémère des effets de la nicotine parcourant ses veines. Le train entra en gare et, épris par la sensation soudaine d’agir d’une manière répréhensible, il jeta le mégot et l’écrasa sous sa semelle.
Il n’avait repris la cigarette que depuis peu – quelques jours, tout au plus – et limitait encore grandement sa consommation. Néanmoins, pour ceux s’étant battu afin de lui faire arrêter alcool, tabac et drogue, il s’agissait d’une trahison supplémentaire.

« Y’a un salon de thé, dans le coin. C’est au moins une chose que je peux te faire visiter. » accueille-t-il sans plus de préambule, à l’approche de son ami.

Il savait que Reiichi était susceptible d’apprécier l’endroit, bien que lui-même ne prêtait qu’un intérêt moyenné pour les infusions.

« Quoi de neuf à Kimachi ? »

Il se mit en route, comptant discuter en marchant. Le salon n’était pas loin et, bien vite, ils parvinrent à son entrée, les obligeant à s’abaisser afin de passer la porte.

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Comment était ton voyage ? Dans sa voix s’exprimait la monotonie de l’automatisme, révélant sa meilleure compétence en terme de socialisation : la docilité. On lui apprenait : il emmagasinait les informations et les traitait par mimétisme. La politesse était une valeur sociale dont il n’appréciait s’encombrer, mais pour laquelle il pouvait fournir des efforts – en particulier si on le lui faisait remarquer.

Reiichi, affichant sa bonne humeur habituelle, ne s’en offusquait pas réellement – sans quoi, il ne s’acharnerait probablement pas à s’accrocher (dans tous les sens possible) à lui, après tant d’années.
Natsuo s’était accommodé de toutes ces démonstrations affectives, depuis leur adolescences. Il se laissait malléer par les comportements d’autrui, n’affichant sa passivité qu’en l’absence de réponse physique de sa part – néanmoins, il savait montrer son opposition, lorsqu’il n’était d’humeur à se laisser brinquebaler.

Avec un hochement de tête, il prouvait l’attention portée aux paroles de son ami, tandis que l’arrivée à destination les distrayait momentanément de leur conversation, le temps de passer commande. C’est assez calme aussi, en dépit des prétendues conflits des affiliations. N’importe qui se réjouirait de cette paix, dans cette société menaçant de déclarer la guerre, mais lui ne pouvait s’empêcher de désirer l’agitation. Je m’ennuie, répond-t-il, à la dernière question. Ça n’a rien de nouveau. La constance, pourtant, ne rendait pas l’affliction moins gênante – ni moins dangereuse, dans son cas.

J’imagine que tu veux parler de la réunion propagande. Natsuo n’avait pas manqué de remarquer que l’issue avait déplu à Reiichi – ne pas le voir aurait été difficile – et en cas de torts, il valait parfois mieux mettre soi-même les pieds dans le plat.
Il ne se considérait pas en faute, là n’était pas la question – le problème étant que s’il entrevoyait le mal, il n’en comprenait pas l’essence pour autant. L’important se trouvait d’avantage dans la considération qu’en avait l’herboriste.

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Long. L’adjectif, utilisé pour qualifier le voyage, l’avait fait tiquer. Le temps de trajet ne s’était-il pas considérablement réduit, depuis l’utilisation du Shinkansen ? Il s’était cependant abstenu de tout commentaire, laissant la conversation divaguer.

Reiichi évoquait d’autres expéditions, d’une durée toute volontaire, cette fois. Partir à travers le monde. Je ne me suis jamais penché sur la question. Natsuo n’avait jamais accordé d’intérêt au tourisme et, en l’absence d’une quelconque volonté de voyager, ne s’était jamais éloigné de ce qu’il considérait comme son territoire – qu’il ne devait, finalement, qu’au confort de l’habitude. Si je viens à quitter mon poste, nous partirons. L’affirmation, aux allures de promesse, pouvait paraître soudaine. Il n’avait pas l’intention de démissionner, pas encore du moins, mais si l’envie – ou l’obligation – le prenait et si son ami souhaitait voyager, qu’est-ce qui les en empêcherait ?

Le sourire du botaniste s’efface, au profit d’un sujet qui lui est désagréable. La réunion avait été un fiasco, à n’en pas douter ; Shuusei avait souhaité se faire entendre et, dans leur groupe, Yuutsu en a tiré tout bénéfices.
A l’évocation de sa surprise à propos de certains sujets, l’infirmier devine : Ma famille ? Malgré le détachement avec lequel il considérait cette nouvelle, Natsuo n’ignorait pas qu’être le fils d’un ancien chef de clan – et reconnu par l’actuel – impliquait plus de responsabilités qu’il n’en aurait voulu. La pression glissait sur son échine avec autant de flegme que toute autre chose, mais l’accord qu’ils avaient passé ce jour-là impliquait qu’il agisse désormais dans les intérêts de Rajan – ne serait-ce que pour servir les siens. J’en ignorais la moitié, moi aussi. Il n’avait appris que sa filiation aux Tsukino, avant cette rencontre digne des retournements de situation issus de shonen. Sa surprise, cependant, s’en était trouvé amoindrie.

Son sang, l’appartenance à un clan, son affiliation ; à ses yeux, rien de cela n’avait de sens, pas plus que d’importance. Ça ne changeait rien, si ce n’était qu’il œuvrerait dans un camp précis. Mon comportement ne sera pas différent. Si, pour toi, cela ne change rien à notre relation, pour moi non plus. Il s’en était fait la promesse ; quel que soit ses choix, il ne se détournerait pas de ceux qui comptent dans sa vie.