Call 911
Tu n’as pas oublié la menace de Hanru à ton égard. Ne plus toucher à sa chauve-souris sous peine de souffrir sur plusieurs générations et ce, même s’il s’agit de ton cousin. Tu es outré qu’il préfère un animal écoeurant à un membre de sa propre famille. Comment peux-tu l’apprécier alors qu’il réagit de la sorte ? Ce n’est pas possible. Tout cela, tu te le dis tandis que tu es allongé dans ton lit, sous ta grande moustiquaire, à observer la créature des enfers qui est perchée, tête en bas. Tu plisses les yeux en sa direction, débarrassé de ton masque étant donné que tu es seul. Tu ne sais pas si elle est en mesure de te voir mais tu es persuadé qu’elle n’a pas besoin d’yeux pour te fixer de ses yeux de monstre.
-Tu me dégoûtes.
Tu lâches à son égard, te redressant et ouvrant ta moustiquaire sans jamais la quitter des yeux. Assis sur ton lit, tu tends lentement le bras, attrapant ton masque pour le ranger dans ta poche. Tu comptes aller te promener dans le parc, mais pas sans te laver les dents. Avec les sucreries que tu as dégustées, si tu ne les nettoies pas, tu risques de finir avec des carries. Tu quittes alors ton lit et te dirige vers la salle de bain, rentrant la tête dans les épaules quand tu passes près du lit de Hanru d peur que son monstre ne se jette dans ses cheveux. Tu te laves les dents, restant près de l’encadrement de la porte en gardant les yeux rivés sur la porte.
Et puis soudainement, le vampire ouvre les ailes pour tu ne sais quelle raison et de peur, tu lui balances ta brosse à dents en poussant un cri de terreur. Non seulement tu fais mouche, mais en plus, tu la déséquilibre et la voilà qui tombe par terre entre le lit et le mur. Toi, tu restes interdit en observant la scène. C’est une victoire de bien courte durée car déjà, les mots de ton cousin tournent dans ton esprit : « Si tu lui fais mal, je te tue ».
Sans attendre, tu craches le dentifrice, te rinces la bouche, ainsi que ta brosse à dents et enfile ton masque avant de te ruer dehors. Tu sais qui trouver pour qu’il te viennes en aide : ton ami Kaien. Affolé, tu demandes à tous ceux que tu croises s’ils l’ont vu. De nombreuses personnes t’indiquent sa position, il est dans le parc. Tu t’y rues aussi vite que le vent.
-KAIEN !
Certaines personnes se retournent en t’entendant, peu habitués à entendre cette voix légèrement cassée que tu arbores et qui s’accentue dès que tu pousses un peu trop sur celle-ci. Ton ami se retourne, surpris et tu le saisis par les épaules. Tu es vraiment affolé.
-Il faut que tu m’aides.
Tu regardes un peu partout pour être sûr que Hanru ne se trouve pas dans les parages.
-J’ai… J’ai blessé la chauve-souris de Hanru.
![Call 911 [ft. Kaien] 40923eaea96611fbd0cf54fe9b9a7a89d65bbf4e](https://64.media.tumblr.com/e3280144e62cb062888e96804fa5b97d/2c322ef50d50c5b6-fe/s500x750/40923eaea96611fbd0cf54fe9b9a7a89d65bbf4e.png)
Le silence, toutefois, n'était jamais qu'éphémère : avant que sa silhouette n'obstrue la contemplation des smaragdines alentours, mon ouïe rendit compte de l'abrupte arrivée de l'un de mes chers amis, car sa chevauchée étésienne ne connaissait nulle pareille.
Je rangeais mon instrument avant que ses serres n'agrippent mes épaules avec véhémence, et que la mine déconfite de son visage ne m'arrache l'ombre d'un sourire amusé—il était de ces personnes dont l'ennui n'aurait songé à bafouer le quotidien, car elles s'en seraient trouvé hautement dénaturées. Oh, Akashi. Je ne m'attendais pas à une telle marque d'affection de ta part. Il balayait les alentours avec circonspection, et le timbre de sa voix vacillait sous une crainte notable : ses pupilles dilatées par un excès d'émotivité semblaient s'enquérir de toute trace d'hostilité, comme logique rétribution de la bêtise dont je l'imaginais coupable—si j'avais su !
Tu as blessé une chauve-souris, répétais-je dans un soupir.
Bien éphémère fut l'instant où la rage enserra mes organes, ne lui laissant pas même le loisir de l'expressivité : lissé sous une impassibilité propre à ma parfaite éducation, mon visage ne témoignait de la moindre rancœur quant à une telle barbarie, car les vices et l'imperfection, sous toutes leurs formes, se voulaient justes parts de notre humanité. Suis-moi. Profite-en pour m'expliquer quelle bêtise tu as encore fait, de sorte que le diagnostique me soit plus aisé. Le bien-être des animaux m'était plus cher encore que toute forme de quiétude, et je n'aurais supporté—au nom de quelques minutes accordées au silence—de faire fi de ce que j'estimais comme mon devoir : Hanru, par ailleurs, était l'un de mes plus tendres amis, et toute mystérieuse que m'apparaissait sa relation avec Akashi, je n'accepterai que son familier en fasse les frais.
Ne me mens pas, ajoutais-je avec un regard en coin.
Call 911
Tu as l’impression d’agacer Kaien, notamment parce que tu as blessé une chauve-souris, comme il le répète dans un soupir. Oui, tu as blessé cet animal de l’enfer, par accident. Et même si cette chose te dégoûte au plus haut point, tu ne serais jamais allé au point de lui faire du mal. Tu n’en est pas à ce point-là ! La dernière fois déjà, tu désirais juste lui faire quitter les lieux. Lui rendre sa liberté, en somme. C’était un service !
-O-Oui, mais c’était un accident, je le jure.
Tu lui assures, tandis qu’il se dégage de ton emprise. Toi, tu te dépêche de sortir ton gel hydroalcoolique de ta poche et en verser sur tes mains, te les nettoyant vigoureusement tout en suivant ton ami, à sa demande. Tu grimaces sous ton masque tandis que tu dois lui expliquer ce que tu as fait. L’idée de lui mentir te viens soudainement, après tout, comment pourrait-il prouver que ce que tu dis est faux ?
Tu pourrais très bien dire que c’est elle qui, dans un accès soudain de rage, t’a attaqué ! Une preuve qu’un tel animal dangereux ne peux rester en présence d’adolescents ! Une manière de montrer à ton cousin détestable que tu as raison, et éprouver le plaisir de lui fermer son clapet. Mais Kaien te coupe l’herbe sous le pied en t’intimant à ne pas mentir. Tu manques d’avaler ta salive de travers, et détourne le regard, coupable.
-Evidemment.
Tu promets en regardant le sol, terminant de nettoyer tes mains. Tu les engouffre ensuite dans tes poches et inspire, commençant ton récit.
-Elle est toujours pendue près du lit de Hanru, elle est terrifiante et dégoûtante. Et là, je crois qu’elle se réveillait ou je ne sais pas quoi mais en tout cas, elle a ouvert les ailes brusquement et j’ai vraiment cru qu’elle allait m’attaquer ! J’ai eu peur et par réflexe, je lui ai lancé ma brosse à dent dessus.
Tu avoues, non sans être pris de vifs sursauts lorsque tu repenses à la scène. Vous pénétrez dans l’enceinte de l’école, prenant la direction de la salle commune des Yatagarasu. Et déjà, tu regardes partout, craignant de croiser ton cousin.
-Tu dois me promettre de ne rien dire à Hanru et surtout, de me protéger s’il est arrivé avant nous et a découvert ce que j’ai fait !
Le péché est légion, et l'humain y succombe. De peur, une voix tremblotante ; d'avarice, un excès de violence ; ses mains secouées d'une culpabilité subjacente répondent de la véracité de mes conjectures, et ses lèvres s'animent. Le venin s'injecte, désiré salvateur, et trouble la blanche douceur de son âme. Le regret se dilue dans les effluves d'un courroux qu'il n'adresse qu'à lui-même, tant il se veut absurde. En toute douceur, je m'insurge ; impose l'accalmie d'une main sur son épaule et d'un regard limpide de tout vestige d'empathie.
Pareilles à des perles d'or, mes prunelles détaillent, s'imposent sans juger ; épaulent sans s'imposer. Akashi, respire un bon coup. Tout de suite. Placide, j'arbore l'exutoire de ses vices grandiloquents : mes yeux s'agrègent de cette autorité dorée, paisible et infinie. Cet instant, éphémère et intense, témoigne de l'assaut de quelques angoisses, sans que l'écoulement de mes pensées ne s'en voit troublé. La marche reprend sous cette vive cadence qui occulte mes doutes, comme le poison d'un scepticisme meurtrier. J'accélère, le courage en fil d'Ariane de mon avancée.
Troublant de familiarité, le décor s'agence : ne se décèlent en tout défaut que quelques grains de poussière sur le lit duquel gît le familier, et le tragique tableau scelle mon émoi. Pauvre bête, et la complainte s'accompagne de quelques gestes précautionneux, me disculpant de tout reflet menaçant. Ma respiration s'achemine en ses fines oreilles lorsque je m'accroupis, effleurant sa peau d'une observation minutieuse : une blessure superficielle, mais dont je n'imagine, pour un si minuscule gabarit, l'ampleur de la douleur.
Je ne laisserai nul te faire acte de violence sans réagir, mais si nous en venons aux promesses, fais-moi celle de ne plus maltraiter cette petite demoiselle. De mes entrailles tissulaires s'extirpe une flûte de bambou dont je m'attelle à délivrer quelques notes, tant pour l'animal que nos esprits en proie à la colère. En cette tendre mélopée, la mélancolie se répand, flirtant avec une apathie aux allures reposantes.
Aide-moi à ne pas me faire trucider par mon propre cousin, s'il-te-plaît.
Tu mènes Kaien jusqu’au dortoir que tu partages avec Ishvar et Hanru. Tu t’approches du lit de Hanru, derrière lequel la créature des enfers a chuté. Doucement, tu tires un peu la literie pour créer un peu plus d’espace afin que ton ami puisse examiner la bête. Ensuite, tu t’approches et grimace au commentaire de Kaien. Tu inspires profondément comme il te l’as conseillé un peu plus tôt.
-Merci beaucoup, de me défendre.
Tu lui réponds en levant les yeux vers lui. Avant de te crisper et de grommeler dans ton masque. Tu ne l’as pas fait volontairement, tu pensais vraiment qu’elle allait t’attaquer. A tes yeux, il ne s’agit de rien d’autre que de la légitime défense.
-Oui, je le promets. Mais tu sais, je ne l’ai pas attaqué sciemment. D’habitude, je la laisse tranquille tant qu’elle me laisse tranquille. Mais là, elle a fait un mouvement brusque et j’ai cru qu’elle allait m’attaquer. C’était juste de la légitime défense.
Tu réponds pour te défendre, ne voulant pas que Kaien croit que tu maltraites les animaux parce que tu en as peur. Tu finis par soupirer, te massant la nuque, mal à l’aise.
-Est-ce qu’elle est très blessée ? Son aile est cassée ? Je trouve ça bizarre qu’elle reste derrière le lit comme ça. Tu penses que je l’ai tuée ?
Tu demandes avec inquiétude, bien qu’au fond de toi, tu te dis que ce ne serait pas une grande perte. Au moins, tu serais débarrassé de cette horreur.
-Au pire des cas, on peut toujours aller au magasin et en acheter une autre. Je ne pense pas que Hanru verrait la différence. Honnêtement, je ne suis même pas capable de différencier une chauve-souris d’une autre.
Tu hausses les épaules, regardant l’animal avec dégoût. Tu finis par te redresser, t’asseyant sur le lit de ton cousin et regarde Kaien. Il sort une flûte et commence à jouer une douce mélodie qui te détend progressivement. Tu ne penses plus aux choses négatives qui affluent de ton esprit, te disant qu’il n’y a pas de raison que Hanru t’en veuille. Après tout, ce n’était qu’un accident, n’est-ce pas ? Il te pardonnerait facilement, au final.
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