little talks // mamoru
Yume Ueda
Citation : But It's Better If You Do
Age : 18 (8/11/79)
Ryujin
Yume Ueda
LITTLE TALKS2.03.1998
Il me paraît irréel de revenir, après avoir (encore) vu des personnes mourir.
Après avoir perdu notre magie. Après s'être trouvé sous le règne de la pire déité.
Parfois je peine à croire à quel point notre vie a changé.
J'avais peur de découvrir ma chambre – celle qui va m'accueillir, pour une dernière année. Surtout, ceux avec qui je vais devoir la partager.
Je savais que, cette fois, je ne retrouverai pas Xue. Mais même s'il n'est plus élève, j'aurais le réconfort de le retrouver comme membre du personnel.
Alors c'est un soulagement, finalement, quand j'aperçois ton nom.
C'est encore un peu surprenant – et pourtant si naturel, maintenant – de me réjouir, en te voyant. De penser que ce ne sera pas si désagréable de t’avoir avec moi, dans un endroit où on passera autant de temps.
C'est comme un retour au source ; plus accueillant, cependant, qu'auparavant.
Des bêtises, des chamailleries, des critiques, mais aussi des rires.
Et nous deux, on se connait presque par cœur ; notre routine, nos petites habitudes, notre fonctionnement de tous les jours.
À une époque, j'aurais pas cru pouvoir dire ça, pourtant, ça m'a perturbé, quand on a été séparé, mais je suis content, qu'on soit ensemble.
J'ai le cœur un peu moins lourd, en installant mes affaires près des tiennes.
Et je sais que, bientôt, on sera déjà en train de se quereller. Parce que l'un aura empiété sur l'autre. Puis, parce que l'autre aura réveillé l'un, en pleine nuit, sous le seul prétexte qu'il n'arrive pas à dormir. Et pour des raisons plus idiotes, encore, qui nous sont propres.
On a fini par y prendre goût. Ensemble, c'est comme ça qu'on fonctionne.
J'arrive pas à croire que c'est ma dernière année. Alors qu'il n'y a plus grand chose de bien à tirer de cet endroit – un directeur et un professeur qui ont, tous deux, fait massacrer des élèves.
(dire qu'à une époque, je pensais qu'il n'y avait pas plus soucieux de notre sécurité que le personnel de notre école)
Mais dehors, l'avenir me paraît encore plus incertain et, ici, il me reste le confort d'un quotidien. Comment ça va se passer, d'après toi ?
Mamoru Taka
Citation : Take me on a trip, I'd like to go some day
Age : 17 (8 janvier 1981)
Rang : E5
Orochi
Mamoru Taka
encore une de plus une maudite année
à s’ennuyer en classe et à rempiler le samedi
comme si les semaines moroses
suffisaient pas déjà
encore le même refrain
celui des murs violets et des soirées agitées
agrémenté cette fois
de ce parfum bizarre — l’encens des kami terrestres
celui des rivalités obsolètes qui rappellent aux perdants
qu’hier n’existe plus
les airs bizarres dans les couloirs
des partisans d’un camp que j’ai failli rejoindre
bizarre
comme ça ne tient qu’à un fil
bizarre
comme tout peut recommencer
comme tout se reproduit
mais plus jamais pareil
bizarre
comme ta sale tête ne m’inspire plus aucun dédain
comme tes traits me sont rassurants
comme ta voix sonne bien
et comme la mienne s’envole
teeheehee~
mes mains plongées dans ma valise s’arrêtent
et fier trône mon sourire sur la pièce
je t’ai tant manqué que ça ?
il y a le doute et la fragrance de la défaite
il y a déjà fatigue et inquiétude
comme de gros nuages enfermant l’île
mais entre deux tempêtes, moi
je compte bien trouver le soleil
peut-être en es-tu un rayon
et surprise ceint un instant mon regard
… moi non plus.
dernière année ! déjà !
comme kiyo — ah
mais comment je ferai
après ?
pour cette raison, et c’est une annonce gonflée de fausse solennité
la poitrine bombée et le regard mauvais
il va falloir que je t’emmerde au moins trois fois plus. traitement spécial douzième année.
comme pour compenser les mois de traumatisme
comme pour récupérer l’année à croupir seul
au fond d’une chambre à laquelle tu manquais
— la pause que j’ai pensé apprécier
me rappelle finalement
que je préfère te réveiller verbalement que par origami
t’es tellement pas prêt.
certainement que moi non plus
mais déjà les horreurs les angoisses et les questions nous rattrapent
tout recommence mais plus rien comme avant
suffit de voir la magie qui coule dans nos sangs
suffit de voir la tête de nos nouveaux profs
suffit de voir comment on s’entend, maintenant
… mal. moi ça me semble évident
au vu des dernières années, comment tu veux que ça se passe bien ?
et je regarde la cicatrice sur ma main
les foutues stigmates d’une guerre qui me dépasse
les griffes horrifiques des monstres qui rôdent encore tout près d’ici
et je vois les fantômes qui creusent tes cernes
ton visage — presque celui d’un frère ! — déjà sans énergie
vidé par toutes les autres années
vaudrait mieux que tu te prépares à te battre. au cas où.
fidèle à ma nonchalance éternelle
je hausse les épaules
et si j’ai l’air tranquille c’est peut-être qu’au fond
j’espère
que te retrouver non loin
nous ramène en arrière
aux temps insouciants
des querelles d’enfants
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