— MAHOUTOKORO
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paranoid (kaori)
Reo Ueda
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Citation : the very flower you chose that day, its only task was to decay
Age : dix-huit
Rang : A2
Susanoo
Susanoo
Reo Ueda
https://mahoutokoro.forumactif.com/t1432-la-fievre-des-rois
Reo Ueda
Ce monde est bien dépeuplé. Le battement de ses talons contre le marbre lisse se répand en lents échos dans l’immensité vide des pièces qui se succèdent. L’aile semble désertée, grand bien lui en fasse. La quiétude des lieux lui est particulièrement plaisante, et il se meut comme une ombre entre les estampes épurées et les plus délicates des calligraphies. Là, loin du fracas du monde, il contemple les toiles sans un mot déplacé, sans un geste de trop, avec justesse dans l'œil et révérence dans l’attitude. Il ne pense en cet instant plus à rien, tout du moins pas à ces choses féroces qui se sont déroulées dernièrement et surtout pas à cette lignée qui au-dessus de lui s’est éteinte - et pour quoi ? Une erreur de jugement, soufflerait-il. Les noiraudes de son esprit s’éclipsent, pas tout à fait complètement, mais suffisamment pour l’apaiser un peu.

Dans cette attitude presque empreinte de dévotion - car si cruellement narcissique soit-il, il s’est toujours trouvé humble face à l’Art - un temps passe avant qu’il ne devine l’unique ombre susceptible de troubler la formidable sérénité du tableau. Les contours de l’ombre en question lui sont familiers. Il l'aperçoit quelques pas plus loin, et il ne lui faut qu’une seconde pour faire une constatation qui ne l’enchante que peu ; bien que de dos, Tsukiyomi est reconnaissable. Il lui serait bien aisé de l’ignorer, passer son chemin sans davantage de manières, néanmoins il songe qu’il serait bien malpoli de ne pas saluer une si tendre, et si vieille, amie.

Presque sans bruit il approche, la démarche mesurée et le corps leste. Penché par-dessus son épaule, il esquisse l’aube d’un sourire mauvais, l’esprit habité par une bien cruelle idée. Cette œuvre n’est pas de très bon goût, si je puis me permettre. Sensiblement proche, il ne cherche en rien à rompre la distance, au lieu de quoi il crochette entre ses doigts les frêles poignets de la jeune femme, si minces qu’une main lui suffit à les maintenir dans son dos. Habilement placé de sorte à ce qu’aucun regard indiscret - si par malheur d’aucun s’aventurait jusqu’à cette salle reculée - ne le surprenne dans tout le stupre de ses vils desseins. Quelle curieuse coïncidence. Je ne pensais pas te croiser ici, Kaori.

Il détache les syllabes de son prénom dans un sifflement presque provocateur. Lui, nanti de d’orgueil et de fourberie, se sait changé ; plus grand, les traits plus fins et les cheveux en cascade sur ses épaules, mais aussi le regard plus austère encore - et ce n’est, quant à cet aspect, pas seulement le fait de sa troublante métamorphose. De ces orbes noires il scrute la victime de cette maigre revanche qu’il s’accorde, en souvenir d’un conflit qui l’a laissé sur sa faim. Au delà de tout, l’acte est purement arbitraire, dénué de motivations plus profondes si ce n’est qu’il est le fruit de vilenies enfouies et cruautés dont il ne sait plus, ne saura peut-être jamais tout à fait, se défaire.
paranoid