Picotements d'éclairs incontrôlés
02.03.98
Dans ses veines glissaient les picotements d’éclairs incontrôlés, magie divine prêtée par le serpent qui les avait conduits à cette obligation de prier avec plus de ferveur. Pour l’Awataguchi ça ne faisait de différence qu’en ces connaissances nouvelles et les habitudes à réapprendre sans l’outil qui leur servait depuis quelques décennies de catalyseur et qu’il avait en horreur.
L’école avait été le théâtre d’autres drames, palmarès commençant à se faire lourd pour une place où la sécurité n’était maintenue qu’en la présence de leurs aînés. Il en faisait partie dorénavant et portait même le titre de préfet en chef au côté d’une Kitsune dont les exploits étaient trahis par des bruits de couloirs. Sur son passage cependant à se taisait et sur celui de l’aigle, on se tenait droit, désireux de ne pas croiser le regard d’où le tonnerre semblait provenir. Il marchait fièrement vers son dortoir, récupérant cette chambre et de nouveaux colocataires, son cousin sans doute serait présent et le plaisir de souiller l’espace avant lui sut lui extirper un sourire pour la présence d’Azuki, sa chauve-souris si irritable pour l’humeur du futur médicomage.
Sans manière, une fois la porte passée, il prend le temps d’observer la sobriété de l’espace une dernière fois. Ishvar lui manquait déjà et celui qui prendrait sa place avait tout intérêt à ne pas user ses nerfs comme le faisait déjà son cousin. L’Awataguchi gagna le coin qu’il se mit à investir tant par son lit que le meuble bas qui lui servait de bureau et les quelques livres qui lui servaient de supports lorsqu’il était trop tard pour sortir. Son couvre-feu avait été repoussé pour son statut actuel, une année à se tenir pour enfin quitter les bancs et vivre loin de l’enseignement.
Sur son épaule, la couleur rouge du ruban à moitié défait de sa queue de cheval le ramène sur terre. Il le défait entièrement et recoiffe ses longs cheveux ébène face à la fenêtre pour profiter des rayons d’un soleil généreux en ce mois de mars et il était plus affecté par ce jour que le lendemain, sans pouvoir pourtant imaginer quelle serait la catastrophe qui gâcherait sa dernière année et celle de beaucoup d’autres, dont égoïstement il se souciait peu à quelques singularités près.
Il traîne avec lui ses affaires, redécouvrant l’école, qu’il trouve changée. Sur le chemin, il salue quelques anciens camarades, quelques amis aussi, mais ne s’attarde guère. Il ne songe qu’à trouver le calme de sa chambre, peu enclin à l’effervescence de ces rentrées où tous et toutes chahutent dans l’excitation de leurs retrouvailles - quoique cette année, ce frisson de renouveau sonne creux, et presque faux. Il a ouï dire toutes les tragédies les plus récentes, et bien qu’il peine à tout à fait considérer l’ampleur de ce à quoi il n’a pas assisté, il ne saurait nier qu’un voile pèse sur la scène.
Son seul souhait immédiat est celui de partager sa chambrée avec quelques bons compagnons. Traversant les quartiers de sa maison, il compte les portes jusqu’à trouver la sienne. Il en pousse le battant, et se croit seul un instant tant l’atmosphère est immobile - imperturbée, imperturbable. Il referme la porte sur son passage, et ce n’est que lorsqu’il pose ses affaires au pied d’un lit qui semble inoccupé qu’il aperçoit, en contre-jour, la silhouette d'un de ses colocataires. Il plisse les yeux, dans une tentative d’en deviner l’identité, mais hésite, bien que la l’interminable tignasse lui soit familière. Salut, il l’interpelle.
Mains enfoncées dans les poches, dans tout l’habituel flegme de son attitude, il reconnaît finalement le garçon quand il en aperçoit le profil. Hanru ? Il se trouve agréablement surpris à l’idée de partager la pièce avec un si bon ami et l’approche aussitôt d’un pas décisif pour le serrer entre ses bras, comme on salue un frère longtemps perdu de vue. Si j’avais su qu’on partagerait la même chambre. Il s’écarte, cale de nouveau ses poings au fond de ses poches, plus détendu cette fois. Tu vas bien ?
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