De l’enseigne aux produits, Akihiro avait toujours apprécié les métiers faisant appel aux artisans et considérait l’herboristerie comme une magie relative à la nature. Douce autant que sournoise par ses venins et poisons, elle savait autant donner que prendre et peut-être qu’à cette image, Reiichi avait construit sa vie. Sur le seuil, il ne voit aucune lumière, parcours les quelques pas le séparant de la vitrine et n’y trouve âme qui vive. Peut-être était-il sorti ? Le froid avait engourdi ses membres enveloppés de gants et l’épaisse écharpe autour de son cou ne suffisait plus à réchauffer ni sa voix ni ses prunelles. Au-delà encore, dans l’onyx aucun éclat ne brillait, désespérant d’être en partie responsable d’un malheur qu’il n’aurait jamais voulu provoquer. Dans sa colère brute, l’y avait-il incité ?
Une sueur froide lui fit enfreindre ses politesses et il entra dans la boutique, de gré ou de force, décidée à trouver n’importe quoi qui puisse le rassurer ou lui affirmer ses erreurs dont il endosserait la responsabilité. L’appartement à présent n’était plus qu’à deux pas, le bois des escaliers ayant craqué sous les siens il avait annoncé sans retenue sa venue, frappant maintenant avec hésitation à la porte de cet ami dont la traitrise lui coûtait sans doute déjà bien assez. Il n’avait pas fini de lui en vouloir, pourtant il voulait y croire, il voulait le voir. « Reiichi… si tu es là, je peux entrer ? S’il te plait… ? » le tissu d’un gant s’effiloche et il joue avec, formant une boule distrayant son esprit torturé. Il aurait sans doute dû l’avertir, mais lui-même n’avait pas eu pour projet de se trouver en ces lieux, acte impulsif comme toujours avec Reiichi dont il espérait autant le pardon que pouvoir lui pardonner un jour.
Qu'est-ce que tu faisais là ? Un frisson désagréable me traversa. Le regard que tu m'avais lancé ce jour-là me revint en mémoire. Je pris une respiration difficile. Je n'arrivais pas à t'ouvrir. Je n'en trouvais pas la force. Toutefois, si tu étais là... C'est qu'il y avait une raison.
La poignée s'abaissa et la porte s'ouvrit. Je reculais avec le mouvement de la porte et esquissais un maigre sourire en te voyant. Je n'arrivais pas à faire revenir le sourire rayonnant d'antan.
-Tu peux entrer, bien sûr.
Les mots avaient du mal à sortir, ma voix était mal assurée. Je m'effaçais pour te laisser entrer en allant moi-même faire la cuisine. Parler de banalités pour faire passer le malaise aider toujours. Et je restais un hôte décent.
-Tu veux du thé ?
Sans attendre de réponse, je préparais déjà l'eau. Je ne prêtais plus attention à la marque qui se trouvait sur ma main gauche, brûlure de la fin du mois de janvier, mais en la voyant, je me disais que j'aurai du porter des manches beaucoup plus longues pour couvrir aussi mes mains. Je ne voulais pas que tu la vois. Je ne voulais pas que tu t'interroges, que tu t'inquiètes ?
-Pourquoi es-tu venu ?
Dans un souffle et te tournant le dos, je te posais cette question, car ta présence me faisait souffrir de mon erreur, de ma faute, de ma traitrise.
Le bruit des pas et le silence. Reiichi hésite et le souffle du cuisinier est retenu pour ne troubler aucunement le calme. Influence involontaire et témoin de l’attention qu’il aurait voulu ne plus avoir pour lui. Douloureuse pensée traversant son esprit comme un éclair et foudroyant ce cœur qui bat encore par le miracle d’une vie pourtant brisée. Tout ce à quoi il aspirait finirait par se faner et s’il en avait conscience, il persistait quand même. Il avait voulu défaire le patchwork, ravager ce qui le maintenait en ce monde, mais les liens – aussi précaires étaient-ils – tenaient bon et le contact seul de ces milliers de fils suffisait à ranimer le souvenir de tous les moments passés qu’ils soient bons ou mauvais.
L’invitation se fait dans un sourire fade, dilué dans la tristesse que tous deux partagent. Il lui tourne le dos. Thé ou non, ça n’a pas d’importance tant qu’il pouvait fuir son regard n’est-ce pas ? Mais Akihiro ne lui en voulait pas cette fois, compréhensif dans l’effet qu’il lui faisait surement pour avoir encré de façon indélébile des horreurs sur le papier. Il avait été sincère cependant. La porte se ferme et lui non plus ne peut plus déroger à ses intentions en se trouvant là. Il est au milieu du salon observer les mains se mouvoir et le dos se crisper. Pourquoi est-il venu ? Un simple souffle perceptible dans le calme trop pesant de l’appartement. Ses doigts hésitent, mais il inspire profondément pour dénouer sa gorge de tous les maux qu’il retenait. « Tu n’es pas un monstre » il le savait, l’avait toujours su et ce qui l’empêchait d’en devenir un, sans prétendre en être la cause directe était ces liens surtout, car sans, il n’aurait aucune culpabilité à succomber.
Il se souvenait de la dualité de ses gestes, de la douceur malgré la violence et de la panique. Il y avait été aveugle de longs moments avant de se demander pourquoi plutôt que de laisser la haine l’envahir. Car le cuisinier n’était pas comme ça, privilégiant son cœur plus que l’amertume d’un sentiment dévastateur. Il ne servait à rien de haïr. Il ne servait à rien de haïr et s’il avait tout de même un certain ressenti, il n’y prêtait guère attention, prônant ce qui était susceptible de faire battre un cœur plutôt que de le réduire à petit feu ou de le briser. Tant de moyens pour parvenir à ce résultat quant au contraire, l’amour et l’amitié n’en avaient qu’un. « Je ne te dirais pas que je consens à tes gestes, mais avec le recul, sans comprendre pourquoi, tu n’es pas un monstre. Tu n’en es même pas l’ombre. C’est pour te le dire que je suis ici. » Et aussi… quelques secondes s’écoulent, le temps de faire preuve de courage, non qu’il n’en manquait, mais avouer ses fautes n’était jamais facile, même s’il le faisait au possible. « Et aussi parce que je tiens toujours à toi et qu’il n’y a rien de pire que le silence d’un ami, si tenté que j’en sois encore un à tes yeux »
Dans le silence qui revient dans la pièce, je me figeais. Cette fois-ci, l'eau ne brûla pas ma main. Ma maladresse me laissait tranquille dans la suspension de mon geste.
Les mots retentissent et me frappent. Ils font échos à d'autres qui m'ont été adressé alors que je cherchais le pardon. Et pourtant l'ombre de tes yeux me pourchassaient encore. La déception et la colère.
Tu n'imagines pas à quel point une part de mon être est heureuse d'entendre ces mots. Cependant une autre partie les repousse et est prête à de dire qu'au contraire, je le suis. Comment peux-tu dire que je n'en suis même pas l'ombre après ce que j'ai commis ? Tu m'as demander toi-même : qu'aurais-je fais si on m'avait demandé de tuer cette enfant. J'ai du sang sur les mains, que je le veuille ou non.
J'aurai pu recommencer.
Et cette pensée seule me fait mal.
Non.
Je n'aurais pas pu. La souffrance que cela m'inflige, mon auto-punition, mes remords, ... Tout cela est bien trop lourd. Cela m'aurait empêcher de causer le pire.
Et pourtant, à mes yeux, je reste un monstre.
Les larmes commençaient à perler, troublant ma vision. D'un revers de la main, je tentais de les effacer. Toujours dos à toi, je repris de finir le thé, comme pour me concentrer sur autre chose. Et une fois la tâche accomplie, il me fallait te faire face.
Me retournant, je te tendis la tasse. Puis je frottais mes mains l'une contre l'autre, caressant avec douceur la brûlure de ma main, comme pour en apaisé la peau tirée.
-Merci.
Merci pour tes mots.
Merci pour ta présence.
Merci de me considérer toujours comme un ami.
Merci de vouloir me pardonner, même si je ne me pardonne pas moi-même.
Et l'eau recommençait à naitre aux coins de mes yeux.
-Je ne pensais pas que tu me voyais encore comme un ami. Je... Tu l'es toujours... Tu le seras toujours...
Intérieurement, je souffrais toujours, mais je voyais une lueur nouvelle poindre dans mon horizon. Tout n'était pas si sombre.
Et je me sentais ridicule à presque fondre en larmes devant toi, à évacuer une part du mal qui me rongeait.
Le temps s’arrête et dans le sifflement de la bouilloire il n’y a plus un geste. Le vent se lasse d’entretenir les sons ou peut-être n’était-il pas coopératif parce qu’il était de trop, la différence ne fut aucunement relevée par le cuisinier. Il l’observait, attentif de ses réactions, de ses humeurs dont il portait une certaine responsabilité. Il ne le nierait pas. Inspirant profondément, lorsque Reiichi se tourne, ses yeux humides ne laissent entrevoir que les vestiges des larmes versées et la fatigue à laquelle il devait faire face. Son cœur se serra si fort qu’il en eu du mal à ravaler sa salive, malgré l’amertume, l’âpre qui râpait son palais à chaque déglutition n’était dû qu’à lui-même. C’était à sa propre personne qu’il en voulait le plus, non aux autres et peut-être que Reiichi avait hérité de toute la colère qu’il se réservait d’ordinaire, faute d’avoir un coupable désigné à la mort de quelques enfants dont l’importance était pour le cuisinier capitale. Jeunesse détruite, fanée et emportée comme les cendres d’un monde qui s’éteignait lentement.
Elles roulent lentement, dans les mots les plus tendres, expriment la compassion et la reconnaissance qu’il ne méritait pas. Akihiro posa par réflexe sa main sur celle de l’herboriste, y sentant les cicatrices de quelques maladresses auxquelles son ami était habitué. Il se tut, dans un premier temps, incapable de déployer sa voix. Que devait-il dire ? En avait-il seulement le droit ? Tourment qu’il s’infligeait lui-même et qu’il ne pouvait réprimer, délaissant son hôte pour mieux le réconforter dans un mouvement plus signifiant. Ses doigts caressèrent le dos du kitsune. « Je n’aurais pas dû répondre dans l’immédiat, j’ai été impulsif et tu as enduré plus que tu n’aurais dû par ma faute » il ne pouvait effacer ses mots et il y avait une part de vérité dans les doutes qu’il avait pour connaître ces dilemmes avec précisions. Un choix n’est jamais facile et parfois il n’y a pas pour satisfaire tout le monde.
Quant à la motivation derrière tout ça, il ne prit pas la peine de l’aborder, se doutant que la blessure encore fraîche piquait encore de douleurs l’épiderme du blond. Il se contenta d’être là, refusant de perdre ceux qui lui étaient chers, refusant de les laisser se transformer en ce qu’ils condamnaient tous par ce désespoir qui les guettait, chacun d’eux. L’homme était fait d’une matière où bon comme mauvais n’existait pas. Il absorbait cependant tant avec empathie comme avidité qu’il s’enhardissait à perdre toute sa beauté. Akihiro ne voulait pas voir Reiichi se précipiter vers un trou noir.
Tout n'était pas si noir, dans la semi obscurité de l'endroit.
Mes bras t'étreignirent également. Te serrant contre moi, je pleurais comme un enfant. Je remerciais le ciel et toi-même pour ne pas t'avoir perdu avec mes choix ridicules. Mes amitiés, il ne me restaient que ça, après tout. Te perdre, toi, alors que tu étais l'un de mes meilleurs amis, me rendait si malheureux. Et savoir maintenant que notre amitié, que je croyais perdue, subsistait, me rendait heureux, même au milieu de tout cet océan de douleur que je ressentais actuellement.
Comment pouvais-tu me prendre dans tes bras ? Comment pouvais-tu m'accorder une sorte de pardon ? Comment pouvais-tu simplement me revoir ?
Des questions que jamais je ne posais, car je n'étais pas en état de prononcer un mot. Et lentement, je me calmais. Lentement, je retrouvais un calme relatif. Je me retrouvais dans tes bras, presque gêné. Je te repoussais alors avec douceur, pour m’écarter de toi. Prenant un mouchoir, je tentais de rendre à mon visage un aspect moins désastreux en y séchant les larmes. Enfin, je me retournais et esquissais un maigre sourire.
-Merci d'être venu.
La voix, bien que toujours un peu nouée, exprimait la gratitude. Je posais ma main sur ton poignet.
-Cela à du être dur pour toi aussi. Je suis désolé. Vraiment.
Car si je souffrais de mes propres actions, tu en avais été la cible. Mais tu avais perdu de ces enfants auxquels tu tenais dans cette école. Même renfermé, cloitré dans ma douleur, j'en avais lu les informations. Et je savais combien ils étaient précieux pour toi, même si je n'y pouvais rien.
Sous ses doigts les irrégularités d’une blessure encore douloureuse soulèvent une inspiration brève, retenue. Aussitôt, le cuisinier se retire, glissant ses paumes là où aucune couleur ne venait détonner sur la peau opaline de l’herboriste. Son cœur, serré endurait en silence quand ses mots franchissaient le seuil de ses lèvres, inquiet de la portée qu’avaient eu les précédents. Sur son épaule s’étaient posées les quelques mèches dorées et par instinct il avait entouré de ses bras la silhouette fine de son ami, coupable du crime de l’avoir abandonné à un sort qu’il savait plus que cruel. Il s’en voulait. Mais il était là maintenant. Était-ce suffisant pour diluer le mal qu’il lui avait fait jusqu’à l’en délivrer ?
Les pleurs s’intensifiaient et avec eux, dans les soubresauts des sanglots étouffés, Akihiro était le monstre. Il acceptait son sort pour en avoir été l’instigateur, caressant le dos sous ses paumes en cherchant à insuffler cette chaleur qui autrefois les habitait pour rétablir ce climat tempéré devenu fièvre par l’intensité de leurs émotions. Quelles soient gardées ou transmises, elles demeuraient présentes, bel et bien fléau dans leurs choix. Lui aussi laissa le fil cristallin perler le long de ses yeux, déferler sur le masque ornant toujours son visage. Il resserra sa prise, jusqu’à ce que les tremblements cessent et qu’une pression ne le repousse avec douceur.
La voix était rauque, enrouée par cet étau similaire à celui du cuisinier qui ne put qu’acquiescer. L’évocation de ces enfants qu’il chérissait tant le rendit plus émotif encore à en durcir les traits entre ses sourcils blancs. Il en racla sa gorge, vivement piqué dans cette douleur l’ayant par plusieurs fois transpercé. « Tu n’y es pour rien » cette fois-ci. Quand bien même il voulait croire en lui, au fond de son esprit se roulait une petite voix perfide le sommant à la méfiance. Cependant par intuition il savait que Reiichi était tout aussi secoué par la nouvelle et quand bien même son désir de protéger les plus jeunes n’était pas aussi prononcé que celui qui les côtoyait, il n’en était pas moins touché. « J’ai besoin de te l’entendre dire, Reiichi » la main sur son poignet fut recouverte de la sienne avec douceur. « Même si je le sais, promets-moi que tu ne prendras jamais sciemment une vie »
Sciemment signifiait volontairement. Et même si mes actions et mes erreurs avaient pu couter la vie d'une personne, acte dont je n'avais parler à personne, moment de ma vie qui me rongeait et où j'avais donné d'autres excuses pour mon changement d'orientation d'étude, jamais je n'avais voulu la mort des autres. Je serrais tes mains et rouvris les yeux.
-Si j'ai voulu devenir médicomage, si je suis maintenant herboriste, ce n'est aucunement pour vouloir la mort d'autrui. Que ce soit maintenant ou au futur. Alors, je te le promets.
Jamais on ne me forcerai à tuer quelqu'un. Je préférais m'ôter la vie moi-même plutôt que de revivre avec du sang sur les mains.
-Est-ce qu'il y a quelque chose que tu veux que je fasse, pour sceller cette promesse ?
Je souhaitais te montrer ma bonne volonté, mes bons sentiments, et surtout je refusais que tu penses que je ne donnais que des mots. Je ne voulais plus paraître aussi lâche que ce que je t'avais montré avec ce coup si bas en prenant une enfant en otage.
Le miel avait perdu de sa brillance et l’onyx avait suivi dans sa course folle pour remonter la pente, il s’était éraflé, confronté à la douleur qu’il avait ignorée, submergé par la sienne. En rien sa propre souffrance ne devait être excuse à amoindrir celle de ses semblables. Une fois sortie de ses ténèbres, il s’était confronté à ceux des autres, absorbant pour diluer une partie des siens, acceptant la noirceur de ses proches comme il l’avait toujours fait, car lui-même n’étant pas un être immaculé. Ses mains sur les siennes finirent enveloppées par l’étreinte doucereuse de l’herboriste, dépeignant cette promesse avec autant de caresses qu’il en était sensible. Il y avait une part de mystère dans ces choix de carrières foncièrement différents, mais qui était-il pour juger et encore moins que cela, il ne se permettrait d’intimer ses interrogations, considérant que Reiichi se confierait s’il en ressentait le besoin.
Vint alors le tranchant des mots, le poids de leurs actes retranscrits en cette méfiance qu’avait senti l’ancien kitsune de la part du cuisinier. Un battement plus fort se perdit en son esprit avant qu’il ne réponde, laissant le temps faire son œuvre et ses pensées s’ordonner. « Non, ce n’est pas mon genre, ta parole me suffit, la trahir… et bien je pense que tu sais déjà ce que ça signifierait » mais il voulait croire en lui et dans cette même foi qu’il avait plus en ses amis qu’en leurs divinités tombées du ciel si soudainement, il lui cédait aveuglément son assurance. « Te connaissant, tu aurais bien plus à perdre qu’un simple cuisinier et si je me permets de l’exprimer c’est que je fonctionne de la même façon. Sans prétention aucune, je préfère être riche de mes amis et menacé de les voir disparaitre, qu’être avare de concret et constater l’absence de toute chaleur en cela lorsqu’il serait trop tard » un bien beau discours, un pardon accordé dans ce mieux qu’il ressentait.
La perte, il la connaissait depuis si longtemps, amie fidèle accompagnée de colère réprimée, ses coups dirigés sur les meubles à de très rares occasions accueillaient également cette tristesse discrète, pourtant immense qui l’empêchait de respirer et il ne la souhaitait à personne. Elle arborait un visage différent à chaque rencontre, si bien qu’Akihiro se demandait celle qu’elle avait aux côtés de Reiichi. « Et toi, que veux-tu en échange ? Promettons nous d’être sans cesse à l’écoute, ainsi, tu ne prendras aucune vie sciemment et je tiendrais à mon tour parole selon ta condition » ce monde était fait de pièges et la mort était aussi fourbe que les hommes l’ayant illustré, il était toujours temps de la changer elle également ou de lui faire face avec bonne volonté.
-Hm.... je ne sais pas.
La voix était hésitante, c'était si soudain.
-Si on se fait cette promesse d'être à l'écoute l'un de l'autre, alors... viens me rendre visite quand tu le peux. Cela me ferait le plus grand plaisir. Car je ne pense pas revenir sur Mahoutokoro tout de suite pour juste vous dire bonjour.
Parce que je ne me sentais pas le bienvenue sur l'île. Mes actes envers une seule élève m'interdisaient de revenir trop fréquemment.
-Je ne te demande que ça. ça et ta délicieuse cuisine, évidemment.
Que ferais-je sans toi, sinon ? J'aurais les doigts couverts de cicactrices de ne pas pouvoir tenir convenablement un couteau en main, ou alors je me ruinerait en nourriture toute préparée mais pas forcément très bonne au niveau gustatif ou même de la santé en général. Mais je ne te demandais pas cela uniquement pour pouvoir conserver un cuisinier personnel, mais bien parce que j'appréciais la personne que tu étais.
La fraicheur de la saison quittait peu à peu ses pensées, son cœur propageant une douce chaleur à chaque battement qui lui était permis d’émettre. Le cuisinier se sentait mieux, le venin qu’il avait laissé échapper ne mettait plus en péril ni vie ni amitié et le calme qui prenait possession des lieux n’avait plus cette aura faite de malaise et d’amertume. Si tenté qu’ils en aient nourri l’un pour l’autre sous laquelle se trouvait belle est bien une tristesse commune et non négligeable. Personne ne pouvait refaire le passé, en revanche l’avenir leur appartenait et les sentiments de Reiichi qu’ils soient pour lui ou pour ses propres fautes étaient assez forts pour être perçus et compris. Cette fois, d’ambiguïté il n’y avait que leur maladresse, nul effarement ne pouvait enchaîner leurs esprits.
Un serment verbal les unissait à présent comme la promesse de jours meilleurs pour renforcer les nœuds effilochés de ses liens. Akihiro apprivoisait encore son tempérament et ses peurs en décidant de faire confiance. Si son masque pouvait empêcher autrui de discerner ses expressions, il y en avait de ceux qui perçaient n’en avait besoin pour lire en lui. Il en allait de même concernant l’herboriste. « Je viendrais » son sourire tendre au-delà du tissu témoignait d’une compassion qu’il avait tout à l’égard de ce geste, punition méritée cependant de ne pouvoir arpenter l’enceinte de l’école sans quelques regards curieux, mais n’y seraient-ils pas tous soumis de toute façon ? « Il y a bien pire qui s’immiscent sans gêne dans les couloirs et ça n’est pas ta maladresse qui n’a coûté la vie de personne qui rivalisera avec leurs atrocités » d’une main contre sa propre nuque, il se distrait, soupirant. « Ne te sens pas moins légitime par culpabilité, car eux n’en ont sans doute aucune pour cent fois plus et d’ailleurs… cette école est et sera toujours un le lieu fétiche de tous les crimes ». Puisque jeunesse il y avait, à regret Akihiro savait que ses protégés seraient inévitablement pris en otage quelle que soit la manière. Toutefois il se considérait comme l’un des remparts prêts à accueillir ceux qui s’y tenteraient, en dépit de ses échecs précédents ayant brisé en lui quelques espoirs, la lumière demeurait.
« Ma cuisine, hm ? Évidemment » son sourire se redessine, serein, ses doigts se défirent, glissant lentement à la recherche des mains de son ami pour en observer les coupures et brûlures partielles. « Ne t’infliges pas ça, ne te morfonds pas, nous devons avancer et il revient à toi comme à moi de faire des choix qui nous satisferont à l’avenir, alors sois fort et si ce n’est pour toi…. Sois-le pour moi » de quelques murmures il voudrait le soigner, mais cette magie encore mystérieuse ne le lui permet pas. À défaut de panser les plaies visibles, avait-il su apaiser celles cachées ? « Puis, si je cuisine… tu n’auras pas cette excuse de mal te nourrir… devrions-nous commencer, Reiichi ? » dans un soupçon de malice, ses iris s’illuminent, calme et doucereux, il donne un léger coup de menton en direction des casseroles.