murder your memory

Assis aux portes du temple, tu regardes le ciel doucement se griser. Tu plies tes derniers origamis, regarde ceux de Yori. T’as l’impression que ce lieu peut t’aider à trouver la rédemption, à exorciser tes démons. Tu retrouves un peu de calme, dans la tempête qu’est ton cœur, dans le tourment de tes sentiments. Tu pousses un soupire, murmures des prières, alors que l’ironie fait que tu es un mauvais croyant. Tu penses que les dieux t’ont abandonné, peut-être cherchais-tu à te faire pardonner.

Dernier bout de papier plié, tu laisses l’avion planer. Aucun mot n’y est inscrit, tu n’as pas de personne à qui réellement en envoyer, plus de mots à adresser. Quelque part, ça t’aidait, parce que tu n’avais plus personne à blessé, si tu restais éloigné. Ton avidité, n’aurait plus personne à dévorer. Tu ne serais plus en proie à l’amour, que tu recherches depuis toujours.

Pourtant, il ne suffisait pas de couper le cordon pour faire cesser une relation. L’ardoise, ne pouvait jamais redevenir aussi blanche, parce que les fautes y sont gravées au marqueur noir. La pluie commence à se faire avenante, quelques gouttes, de plus en plus grosses jusqu’à devenir battante.

Yori, il arrive avec la pluie. Tu le regardes te rejoindre, sans pour autant bouger de ta place. Assis sur le parquet de bois, protégé par les tuiles du toit, tu regardes le temps pleurer pour toi. Le ciel gonder la colère que Yori garde en soi. Et tu attends, une éclaircie, un espoir, tu t’en remets aux dieux, tu te mets à vouloir croire en eux.

« Assied-toi. »

Tu lèves le regard en sa direction, te détournant enfin de l’horizon, l’invite à prendre place dans ta contemplation. « Tu es toujours en colère ?  »

Tu n’aimes pas le voir troublé dans ses émotions,
parce que tu réalises qu’il est plus qu’un ainé pour toi,
il est ton reflet, tetsuya.

i'll be good

Ces derniers temps, tu étais une boule d’énergie négative, tu éprouvais de la colère, de la frustration, de la haine comme du ressentiment et ces sentiments ils étaient adressés à nul autre que toi-même. Ta pauvre et stupide personne. T’étais incapable de t’en prendre aux autres, d’exprimer ce qui se trimait, alors tu t’éloignais. C’était plus simple ainsi. T’as jamais été bon pour partager tes sentiments, tu ne sais que prendre de la distance. T’as aucune idée de si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Ce n’est certainement pas une solution, cependant. Au moins, ça t’aidait à apaiser la tempête de ton cœur. Aujourd’hui, tu semblais calme. La vérité, c’était que ton cœur s’était vidé. Il n’en restait rien. C’est pour ça, que la présence de Yori était ironique en un sens. Lui qui se fait à l’image de ton reflet, se voyait troublé à ta place.

Il s’installe à tes côtés tandis que tu n’as pas bougé. Il te répond. Variable, comme le temps qu’il faisait. Tu esquisses un sourire, tu ne sais pas pourquoi, mais cette réponse t’amuse. C’est derniers temps, vous comptiez énormément l’un sur l’autre, plus que par le passé, plus que vous ne le simulez.

Il évoque alors tout ce qui t’empêche de trouver le sommeil ces derniers temps, tout ce qui fait que tu ne cesses de t’éloigner, tout ce qui fait que tu passes ces horribles moments. Kiyoshi. Il savait. Il s’en doutait. Alors, qu’avais-tu encore réellement à cacher ? N’était-il pas plus simple de dire la vérité ? Si, mais il y a toujours un ‘’mais.’’

« Tu sais Yori , ta voix est douce et posée tu daignes enfin à te tourner pour regarder celui que tu considères à ce jour comme un grand-frère, je pense qu’on se ressemble beaucoup. Vous le saviez tous les deux. Trop similaire pour s’apprécier, trop similaire pour se détester. C’est pour ça que j’ai raison à ton sujet, et que tu as raison au mien. Tu fais alors référence à ce jour-là où vous vous balancer entre deux railleries des vérités déplaisantes dans les onsens. Ca concerne bien Kiyoshi. Tu vois, j’ai fait une erreur, et je fuis. Un peu comme tu as pu le faire toi aussi. Tu n’as jamais cessé d’observer Yori, t’as l’impression d’avoir sans le vouloir marcher dans ses pas.

Tu te recroqueville légèrement, pose ta tête contre tes genoux, ton visage est tourné vers celui de Yori, que tu n’as pas quitté des yeux, comme toujours. Ne me dis surtout pas que j’ai fait le mauvais choix, ahah. et de nouveau un doux rire qui se perd derrière le bruit de la pluie.

i'll be good

Tu parles si peu, tu te confies si peu et lui aussi, il est pareil. Des regards échangés dans le silence, des pupilles complices, parfois de joie, parfois de désarroi, d’euphorie, de tristesse. Trop peu honnête pour savoir les choses, pour en discuter, comme si prononcer la vérité aller l’amené à la réalité. Vous êtes des idiots, c’était déjà réel. C’est qu’après toutes ces années, que finalement tu laisses ta langue se délier, parce que tu peux l’affirmer sans aucun doute, si aujourd’hui tu devais te définir une famille : alors il s’agirait de Yori. Un ainé à la langue acéré, moqueur et trompeur, mais toujours bienveillant, toujours derrière toi à te supporter. Tes changements d’humeur ne lui ont jamais échappé, il avait seulement assez de respect pour te laisser souffler ; et aujourd’hui alors que ton navire et à la dérive, il brave l’océan et l’orage pour tenter de te remorquer ; même si cela risque de le faire lui aussi couler.

Je serais vraiment mal placé pour te faire la morale. Fautif en tout point, similaire jusqu’aux prières. Si l’un de vous pouvait être sauvé, peut-être y aurait-il de l’espoir pour l’autre. Tu l’espères. Tu ne veux pas de naufrage avec un seul échoué sur le sable doré. C’est comme ça que fonctionne la famille, n’est-ce pas ? Il n’est pas de celle que tu as hérité, il est de celle que tu as choisi, alors, vous ne risquiez pas de vous abandonner, si ?

Son regard croise le tien. Mais on sait tous les deux que c’est une erreur. Il ne te ment pas. Tu pouffes légèrement, Tu es cruel, Yori. Tu aurais aimé être réconforté par un doux mensonge, mais il faut savoir l’accepter. Cet aveu, c’est admettre que lui aussi, il regrette encore ses erreurs passées. C’est peut-être pour ça, qu’il te dit confie qu’il n’est peut-être pas trop tard en ce qu’il te concerne. Il est blessé, mais tu as peur d’approfondir la plaie, c’est bien ça ton problème, Tetsuya.

Tu te redresses légèrement, glisses sur le parquet pour venir te rapprocher de ton ainé. Une proximité inédite entre vos deux entités. Tu laisses ta tête glisser sur son épaule, tes paupières se refermer, le vent te caresser, l’humidité t’apaiser. Peut-être, mais j’ai besoin de temps. Tu en as conscience. Tu ne peux pas de lancer avec tant de doutes et si peu de certitudes. Tu regrettes encore ? Il avait l’air heureux à cette époque. Je veux dire, tu l’aimes encore ? Cette jolie fille répondant au nom de Nanami.

i'll be good

Si tu devais définir ce qu’étais devenu Yori au fil des années à tes yeux, tu répondrais certainement un grand frère. Un ainé avec lequel tu n’osais pas réellement parler, parce qu’il était bien plus simple de se voiler la face que s’avouer des vérités. Pourtant, tu pouvais définir l’instant présent comme contraire à l’éthique que vous vous étiez posé dans une mutisme n’appartenant qu’à vous. Cependant, ce dénouement était un passage obligatoire dans votre relation. Il serait que de se mentir de nier l’idée que vos liens n’étaient que grandissant. Il s’inquiétait silencieusement pour toi, tout comme à ta manière tu veillais secrètement sur lui. C’est ainsi, que s’est dessiné au fil des âges votre fraternité.

Tu le sens se crisper sous le poids de tes aveux. Ta questionna assassine. Tu aurais peut-être dû te taire, comme d’habitude tu aimes te retrouver au pied du mur et y mettre tous ceux qui t’approchent. Tu ne le fais pas forcément volontairement, tu es naturellement maladroit, bien plus que tu ne le laisses croire.

Les mots de ton ainé son faible, hésitant. Il est comme toi, peu fier de ses erreurs & comme toi, il essaie de les taire plutôt que de les affrontés. Pour toi, c’était peut-être trop tard, comme il aimait le désigner. Cependant, tu le voyais bien que ça n’avait pas fini de le ronger. Il se ferme à toi, évoquant son irréfutable envie d’éviter la discussion à ce sujet. Difficile de s’ouvrir, lorsque l’autre vous ferme son cœur. Tu te détaches, rendant à Yori Hayashi sa liberté, rendant à vos entités leurs distances respectives ; mais ce n’est pas pour autant que tu abandonnes. Tu n’as qu’un seul frère, et c’est lui.

Tu sais, yori. Je pense que tu as beaucoup plus d’amour à donner que tu veuilles le croire. Non, tu en es persuadé.  Ce n’est pas forcément celui auquel tu penses, ce n’est pas forcément romantique. Après tout, tu es là. Une certitude t’abritait à ce sujet. Le préfet des Tsuchigumo ne jouait pas uniquement le rôle qui lui était attribué en venant à ta rencontre. C’est parce qu’il tenait assez à toi et tu n’es pas assez stupide pour l’ignorer. Le jour où tu voudras en parler, je serais là, moi aussi. Parce qu’aujourd’hui, il était là pour toi. Tu es quelqu’un de bien, agaçant et vicieux, mais fondamentalement bien.

Et tu lui souris, parce que, t’as pas envie qu’il son navire dérive avec le tien.

i'll be good

Il y a en Yori, un reflet de tes propres part d’ombre. De tes propres doutes et peurs. Il y a en Yori le reflet d’un ainé égaré que tu aimerais pouvoir sauver. Cependant, tu sais que tu n’en a pas les moyens. Tu es dépourvu de toutes armes, parce que toi aussi, tu es à sauver Tetsuya. Alors, lorsque deux esprits égarés valsent ensemble, où peut bien mener la danse ? Tu ne le sais pas, mais tu tentes de faire le pas. Il était venu à toi, alors, tu ne le laisserais pas s’en aller.

Il te demande d’arrêter, parce que tes mots ont dépassé cette limite imaginaire que vous vous étiez instauré. Ni étrangers, ni intime, voilà tout ce qui définissait ta relation avec le préfet des Tsuchigumo, avec ce camarade de chambre qui malgré les apparences a toujours été là pour toi. Ses remarques grisantes, ses moqueries, ses accolades, ses conseils. Yori Hayashi n’arrivait pas à l’accepter, mais vous aviez depuis longtemps franchi la barrière.

Non. Tu refuses net de lui accorder cette demande. Tu refuses de t’écraser. Tu refuses de le laisser tomber. Tu te relèves de ta place, te dresses sur tes deux jambes. Un pas après l’autre tu te mets face à lui et le surplombe. Non, parce que tu es assez bête pour te laisser couler. Voilà que tu joues ironiquement les ainés alors que c’était toi, qui te laissais aller à la dérive. Cependant, tu ne veux emporter personne dans ton naufrage.

Ca te ressemble encore moins d’être aussi nul, Yori. C’est vrai, t’es pas forcément quelqu’un de bien. Tes paroles ne sont pas là pour être blessante. A vrai dire, tu le penses. Yori a toujours été aux yeux de l’enfant que tu étais un ainé assez fier pour ne jamais se laisser écraser, un ainé où sa fierté valait le prix de malheur des autres. T’es sarcastique, t’as un ego surdimensionné, et t'es carrément égoïste. Ses défauts, ce sont aussi les qualités que tu as su lui apprécier. Mais tu sais quoi, c’est ça aussi qui fait que t’es là pour moi. Tu te penches légèrement en avant, les mains sur les hanches. T’as l’impression d’engueuler un gamin. Le monde n’a jamais tourné vraiment rond de toute façon.

Et c’est ce que j’aime chez toi. Alors, oui. Tu as le droit d’être aimé et le droit d’aimer. C’était étrange de parler d’amour sans qu’il ne soit amoureux. C’était étrange de connaitre un amour fraternel pour toi qui n’a jamais eu de famille. Mais t’as pas le droit, de penser que tu es misérable.

Parce que pour toi, c’est un peu ton héros.

i'll be good

Debout face à ce miroir désolant ; tu ne peux pas te résigner à l’abandonner ; parce que yori est ton ami ; parce qu’il est comme ton frère et c’est par cette relation si particulière que tu pouvais définir tout ce que tu ressentais à son égard, cette haine, cette hargne, cette affection, cet amour ; rien n’était vraiment blanc, ni vraiment noir ; c’était une nuance de gris que tu parfois apprécias et d’autres arborais. C’est sûrement pour ça que tu te permettait de dépasser les limites établies avec autrui ; parce que c’était lui.

Il répond et ça te fait presque sourire ; parce quand il répondait, c’est qu’il se retrouvait, c’est qu’il devenait qui il était, qui il a toujours été. C’est comme ça que tu le détestes, c’est comme ça que tu le préfères, par-dessus tout. Il ne te le permet pas, mais c’était trop tard ; parce que tu sais que c’est comme ça qu’il était revenu à lui. Tu ris en douceur, trop heureux de cette réponse mordante.

Il vient à ta rencontre et ses gestes viennent eux aussi répondre à cette provocation aux allures de déclaration. L’orage était passé, il s’était dissipé.

Je me sentirais toujours mieux que toi. Tu tires la langue, parce que t’es qu’un gamin bien trop réjoui d’avoir retrouvé son frère ainé, comme si pendant tout ce temps il s’en était allé. Puis, ce n’est pas moi qui me fait engueuler par un cadet pour retrouver du répondant. Moqueur, à peine. Ce n’était pas aussi agressif que ça aurait pu l’être par le passé ; parce s’il a bien quelqu’un à qui tu ne pourras jamais vraiment en vouloir, c’était bien Yori Hayashi. Ça fait quoi, préfet , tu glisses à ton tour un doigt sur le torse de ainé pour y tapoter, imitant sa gestuel comme un miroir. D’être réconforté par un ami ? Parce que c’est ce que vous étiez, ami.