Tes élèves sont rentrés la gueule pétée, cassée, anéantie, partie en fumée ; y a les inquiétudes qui ont remplacé les sourires, la peur qui s’est insinué sous les os, la méfiance qui doucement se met à transpirer.
y a une tempête qui arrive, pas sûre d’être prête à l’affronter, mais, que tu fasses face ou que tu prennes la fuite, t’es vouée à te la prendre dans la gueule.
dans un maintenant ou dans un plus tard,
qu’est-ce que ça change ?

Depuis, tu suffoques.
L’air paraît lourd depuis que les rumeurs ont rejoint tes tympans, dites à voix basse, encore susurrées jusqu’à que crachées sans gêne, la faute aux moldus. mais la communauté est bête, pas besoin de cinq secondes pour que commencent les amalgames. Qu’importe qui tu sois ; te revoilà case-départ, née-moldue.
L’histoire, sans y avoir assister, se passe et se repasse dans tes cogitations. Les événements, les lieux, les positions, les personnes, les attaques, alors tes correspondances avec ton ancien emploi prennent un rythme frénétique ; à demander un avis, à supplier une opinion, à espérer un retour que tu ne promets pas. Les lignes creusent le papier d’encre ; les cernes, le contour inférieur de tes yeux.

Les cigarettes, tu les enchaînes.
Les marches, t’en abuses ; engloutit dans tes pensées, les cent pas hasardeux t’amènent ici et ailleurs—ah ! bientôt, t’auras fait toute l’île—et un souffle se lève et emporte ta chevelure vers l’est, les fins fils se collent contre la structure de ton visage, une main se glisse afin d’empêcher le contact. Les jambes en motion sont accélérées par le vent, t’as l’impression qu’il te pousse quelque part, qu’il t’amène vers la clef de ces dédaléennes réflexions—ah ! et quoi encore.

Le bout de ces cent pas a une forme ; celui d’un dos dont tu reconnais les contours, d’une tenue et d’une nuque que l’œil croise au quotidien. L’aura maussade, des risettes feintes et éteintes, la flamme qu’on croit ne jamais se dissiper s’est rapetissée et t’as peur d’en oublier la mélodie du rire.
Il te devance la parole ; t’acquiesces à sa constatation temporelle. Les jours s’évanouissent sans qu’aucun professeur ne se voit réellement, tous se voilent la face, se confortent d’un masque de crainte de craquer devant l’assemblée d’enfants comptant sur eux. Est-ce un hasard si on se croise ici ? et tu le contemples un instant, mais t’as l’impression que ton regard se perd, faille à fixer ce qu’il faut.
Une nouvelle cigarette, à peine le bruit de l’ignition s’évanouit et que tes lèvres recrachent la première bouffée Ça dépend de ce que tu décides de croire.

On est deux, Azrael. tout paraît mensonge et tout paraît réel, sans arriver à savoir si tes origines rejettent l’idée même que vous, les discriminés, puissiez commettre d’actes aussi odieux. Ou est-ce ton ego, Kaede, incapable d’imaginer qu’un né-moldu autre que toi s’adonne autant à la magie.
Il choisit la destinée, tu ne saurais dire s’il était réellement question de destin ; mais le vent t’a poussée vers cette rencontre alors il en relève presque d’une confrontation inévitable, quelque chose qui devait arriver tôt ou tard. Un cul-de-sac émotionnel auquel vous ne pouvez vous en soustraire, parce que les raisons de ce mal-être remettent en cause vos natures intrinsèques. Il est père, Azrael, et tu n’oses imaginer combien de fois la scène s’est repassée dans sa tête, mais ses enfants en victime cette fois-ci. La fibre maternelle ne t’a jamais envahi, pourtant avoir envie de protéger, de sauver, c’est ton véritable métier ; alors parent ou auror, les enjeux paraissent pareils.

Il s’inquiète de ton état et t’aimerais en rire avec amertume, mais tu te contentes d’une bouffée de cigarette et de planter tes iris dans les siens Pas plus que toi, j’ai l’impression. est-ce vraiment une question d’aller mieux ou non que d’admettre avoir failli à ses responsabilités et d’en subir les représailles. Il n’y a pas de raison de s’en vouloir, personne n’en est faute, personne ne pouvait savoir, tous ont fait de leur mieux. ça ira mieux quand ils auront foutu les criminels derrière les barreaux. avoir touché à tes collègues, avoir touché à tes élèves, avoir juste osé les attaquer provoque une colère inexplicable. T'aimerais les traiter de tous les noms possibles, t'aimerais les déshumaniser, t'aimerais les transformer en monstres irréconciliable avec l'humanité ; mais les souvenirs du job te remémorent ces pères de familles, ces femmes ordinaires, ces personnes dont l'existence banale ne renvoyait pas l'image qu'on se veut d'un méchant.
Tu ne sais contre qui diriger cette colère et ça te bouffe, Kaede.

L’espérance fuit des esprits d’Azrael comme l’eau d’un tonneau rompu, par malheur il n’est certainement pas un cas isolé ; si des milliers perdent foi dans les forces qui s’acharnent jour et nuit à éloigner les désastres, l’ordre devient amer et abandonne à son tour son devoir : à quoi bon protéger si tous doutent en votre capacité. C’est comme une épine dans le cœur, cette confession. Une sensation jumelle vous prend lorsque vous remettez en question vos qualités pour exercer votre profession. Jamais Nakagawa ne t’a paru si aigre, si déboussolé lui qui préfère les visions joviales aux funestes. Les criminels sont comme une mauvaise herbe, Azrael, aussitôt une enlevée qu’une autre apparaît. des crimes, t’en as annihilé, vu les milles facettes des cœurs ayant chaviré, assisté aux desseins sombres que rend possible la magie, affronté les pires horreurs et pulvérisé leurs auteurs. L’insigne de l’ordre te place auprès des bons, mais n’étais-tu pas criminelle à ton tour lorsque périssaient de tes sorts des hommes.
Les moldus utilisent des armes, vous de la magie ; mais votre nature humaine se rejoint lorsque vous procédez à défendre le bien de ce que vous avez appelé le mal. La vérité est que vous n’êtes qu’une espèce contradictoire, partagée entre le grégaire et l’exemplaire.

Le sujet de tes fonctions est mis à table, lui-aussi était inévitable, mais il bénéficie des convictions immuables qui t’habitent. Oui et non le regard dans le sien, l’importance des dires se doit d’être convoyée dans le cas où il s’avère bel et bien qu’une faction extrême de nés-moldu soient à l’origine des attaques, être utilisée par le ministère comme exemple du gentil né-moldu, ça m’écœure. une opinion dont tu ne t’es jamais cachée, des pensées qui ont empêché de céder à la tentation des privilèges à condition d'abandonner qui tu es Je refuse de servir quand ça les arrange ceux qui me discriminent quotidiennement si rien ne m’y oblige que tu prononces entre deux bouffées de cigarettes, sans violence mêlée à tes propos tout comme je refuse d’utiliser cette discrimination pour me placer en martyr de la société. Je bénéficie plus à ma cause en étant ici qu’ailleurs. t’es l’atlas qui la porte, t’es le sisyphe qui s’acharne à la rouler vers le haut qu’importe combien de fois elle dégringole, tu paves le chemin pour les prochains, pour une société où il n’y a plus à mentir sur son sang pour atteindre les hauts-rangs. Tu réclames justice, Kaede, mais pas vendetta ; tes collègues t’ont démontré que le sang noble n’a rien d’accommodant, qu’au final personne n’est vainqueur de ce système sénile, qu’il faut se plonger dans une haine sans fondement pour s’en convaincre de sa nécessité.
Tu as mené des milliers de combat, Uehara—mais Kaede n’a pris part qu’à celui qui importe vraiment, la dignité que mérite tout humain.

Il a des airs amers suivis de mots lourds, de paroles qui résonnent dans ce corps abattu par les événements. L'île vous avait bercée d'illusions de sûreté, vous vous croyiez responsables et capables—mais la vie vient de vous apprendre ce qu'elle pouvait ravager sous vos yeux—que les discussions d'origines supposées enterrées refont surface pour vous asphyxier encore et encore et encore. Le débat inlassable de vos origines, leurs paradoxes et leurs obstacles, tandis que le mot se passe si rapidement de qui vient d'où que personne n'est en sûreté des regards inquiets.
Tu ne sais que rajouter, tu ne sais quoi dire—chacun mérite ses moments d'incertitude, chacun a le droit de parfois ne rien entrevoir que les ténèbres suite à ce voyage. Vous êtes des professeurs, des sorciers supposés puissants, mais vous êtes humains et fragiles avant tout. Au final, à part déposer une momentanée pression de ta paume sur son épaule, tu n'oses déranger le flot de ses propos.

Il rebondit sur les éthiques du ministère—tu les considérais presque inexistantes. Le centre du pouvoir se veut porter le peuple magique, mais il ne se dépoussière jamais. Peu surprenant lorsque l'on sait quelles familles se le partagent, comme une éternelle partie de chaise musicale que seuls les sangs-purs se disputent. Que ce soit un homme ou une femme à sa tête—ça ne change pas grand chose, le milieu dont ils sont issus reste le même. Un rire jaune aux derniers mots d'Azrael s'échappe. Les inégalités sont flagrantes au sein du ministère. une bouffée de cigarette Il suffit d'y travailler pour comprendre pourquoi rien ne se fait quant au vivre-ensemble.

Hilarant, hier tu leur vouais fidélité et aujourd'hui te voilà à sortir les vilains secrets du ministère. Cependant tous le savent, dès qu'ils franchissent les portes du gouvernement pour comprendre qui a le droit de parole et qui celui du silence. Seuls les aveugles et les malhonnêtes contesteraient l'abominable hiérarchie y régnant—mais impossible de changer quoi que ce soit à ce que l'on ne peut vocaliser. Le visage affligé d'avouer que ton précédent employeur s'avère souvent incapable, que les espoirs qu'on lui place soient vain.

Moi aussi. les rétines scrutent le paysage avant de revenir sur ton collègue je regrette que le conflit finisse par prendre une ampleur pareille. encore une bouffée de cigarette. qui que ce soit derrière ces attaques, elles ne sont là que pour nous diviser au final.

Un large cumulus vint faire barrage, le paysage s'assombrit—les esprits remplis d'orage—vos visages avaient une longueur d'avance. Vous cumulez l'averse dans vos cœurs, tentez de les dégorger par cet échange cohérent, sans réaliser que l'inverse s'exécute—accentue vos tumultes.
Chaque rétorque assomme plus qu'elle ne ranime ; neurasthéniques, l'âge vous a rendu amnésiques d'issue euphorique. Combien vous préfériez vous aveugler du positif, d'éventuels désastres apparaissent plus réels que fictifs.

Et le sourcil s'arque à la remarque, mais la bouche se rétracte. L'envie te passe de faire les comptes de ta carrière ; de ressortir chaque petites bêtes du ministère.
Alors tu écoutes.
Une dernière traînée de nicotine et c'en est fini de ta cigarette, chassant l'envie de t'en rallumer une nouvelle derrière—occupée de prêter oreille aux propos d'Azrael. Une fronce absorbée apparaît, le regard bas, en proie aux cogitations nourries de ses réflexions nées de spéculations.

Mais tu as beau tourmenté ton esprit à la recherche d'une solution, il y a encore trop d'inconnues dans l'équation. Le pouce se frotte contre l'arête nasale puis décide de remonter sur l'arcade avant de se caler derrière l'oreille pour soutenir ta tête. Ils devaient savoir. la main retombe, le regard remonte. Il ne leur suffisait que d'une information : le lieu de la sortie. N'importe qui peut ensuite déduire un endroit où, pour certain, vous vous retrouviez à Kyoto. L'auberge. et t'avance qu'un fait te paraissant évident, sans pour autant en trouver une raison à l'attaque A mon avis, ils vous observaient depuis le début, mais ils ont choisi d'attaquer l'auberge uniquement lorsque Eiji, Haruka, Kuro, Matsushime et toi vous y trouviez ? Pourquoi ne pas plutôt attaquer dans la nuit, lorsque vous dormiez tous ? Pour épargner de nés-moldus ? Si c'était le cas, pourquoi attaquer à l'aveugle des groupes, sans parler de l'incident devant la banque ? et la fronce se creuse un peu plus Rien n'a de sens dans ces attaques.

L'air se refroidit, le corps réagit, les bras se croisent et la paume frotte la manche. La température amassée en marche venait de s'épuiser. Mai aimait fluctué, s'ensoleiller puis s'obscurcir, libérer des bourrasques et des rayons, parsemer ses débuts de pluie.
L'affaire laissait une appréhension, incapable de la séparer de mauvais augures. Elle escaladerait—en quoi, tu ne sais pas—et une petite voix intuitive susurrait que l'école n'en serait pas exempte. Tu gardes ça pour toi, pour épargner la piteuse humeur d'Azrael.

Au final, on est voués aux déductions. sur de maigres indices, sur des routes incertaines, sur des motifs imaginaires. Je doute que d'autres informations soient divulguées au public. Vous êtes professeurs, sans aucun accès aux documents et résultats de l'enquête. Vous ne serez au courant de rien, si ce n'est ce que le ministère consent à dévoiler. Vous vous frustrez dans votre coin, sur une île coupée de tout, à craindre un sinistre avenir pour le pays, à redouter que l'école ne soit pas aussi hors d'atteinte que vous l'ayez cru.

Et un pincement au cœur te prend, en auscultant Azrael rongé par les doutes et les peurs. Les bonnes paroles, tu ne les as pas—rien qui puisse alléger son poids. Il n'y a que des faux-espoirs maladroits, de la franchise au nom de la justice. Tu serres gentiment son bras, un instant. C'est difficile, mais il faut rester droit. Si nos inquiétudes deviennent évidentes, les élèves ne seront pas en reste. Rester droit, coût que coût.

Le calme de la clairière menacé des intempéries, son charme s’égratigne. Le recueil interrompu à l'évidence qu'Azrael, lui aussi, répète. Séparés par de maigres années, deux expériences de l'humanité aux antipodes, peut-être la fermeté bouillante aurait-elle éclaté en toi si tu étais parent, si tu connaissais le monde autrement. Alors le cœur déborde de compassion pour cet homme rongé par les questions, en proie à ses sensations, aux meilleures intentions qu'importe la sensibilité de cette conversation.

Une nouvelle parole. Tu n'eus temps d’acquiescer à la perspective de rentrer qu'il te prit de court par la suite. Un air de confusion se dessine sur tes traits—hilare—et ton rire résonne. Je n'ose même pas imaginer la scène ! Par contre, ne la raconte pas quand Haruka est dans les parages, sinon tu vas encore perdre des points. et sur ces sourires, vous quittez la clairière.