Du bruit, du bruit et encore du bruit des bavardages de ses petites camarades qui s'en donnaient à coeur joie. Mais elle, elle n’y fait pas attention, trop concentrée par son inspiration. Pourtant, il est l’heure n’est-ce pas ? L’heure de se désaltérer, de se sustenter. Mais rien n’y fait, elle est bien trop concentrée par son inspiration, suivre les courbes de son crayon et de son imagination. Pourtant, c'est depuis ce matin qu'elle n'avait rien daigné avaler.
Devrait-elle penser à remplir son estomac ? Car l’heure du repas se finira bien à un moment. A cause du couvre-feu peut-être ? Qu’est-ce qu’elle en sait, c’est peut-être toi qui finiras par la faire revenir à elle.
Le temps passe, les minutes défilent et le bruit se faufilent pour laisser place à un silence si reposant, si inspirant. Heureusement que ça ne lui arrive pas si souvent qu’elle n’entre pas en carence. Mais vous avez, l’imagination peut s’envoler si facilement, si rapidement. Elle ne doit pas se retenir quand elle pointe le bout de son nez.
Est-ce l’odeur de la viande qui titille ce dernier qui te donne cette envie de créer ? Ce repas qui n’attend qu’elle pour être dévoré.
Maintenant seule, elle ne se retient pas pour fredonner dans cette grande salle qui s’est vidée. Amusée par ce léger résonnement, elle balança une de ses jambes sous la table en rythme de sa mélodie et en appuyant sa joue contre sa main.
Encore quelques coups de crayons et elle aura terminé. Ainsi elle pourra commencer à pouvoir régaler son estomac qui commence à réclamer. Tu n’auras plus longtemps à attendre petite assiette, elle sera là pour de dévorer jusqu’à la dernière miette.
Oh... It's dinner time ?
Oh, tu ne le crains pas particulièrement, préférant même le frais à la chaleur – les jours qui se raccourcissent et la nuit qui s’étend à perte d’heure, en revanche, un peu plus… Quoi qu’il en soit ; tout le monde sait, qu’à cette période de l’année, le corps doit faire des réserves. Stocker l’énergie nécessaire pour produire plus de chaleur, vraiment, c’est assez scientifique tout ça – et toi, la science, c’est pas un truc auquel tu comprends grand-chose ; de toute façon, la science, c’est quoi pour des sorciers, sérieusement ?
Mais ce genre de détail, étrangement, tu les retiens plutôt bien.
Et des excuses pour manger plus, si tu ne prends habituellement pas la peine de t’en donner, tu profites tout de même d’en avoir pour te justifier.
Ça peut toujours servir, vous savez. Genre, quand on réclame quelques victuailles aux cuisiniers, alors que ce n’est pas l’heure de manger.
Ce soir, tu as déjà pris ton repas. Dès que l’horaire a débutée, parce que tu étais affamé. Seulement, voilà : une heure s’est écoulé et ton estomac commence déjà à crier à nouveau famine – si tu te trouvais dans une de ces célèbres contes qu’on t’a raconté, enfant, malgré ta frivolité digne d’une cigale, tu peux jurer que tu ne te ferais pas avoir comme elle ; quitte à piller les réserves de ta voisine, la fourmi.
Vingt et une heure presque quinze. Arf, le diner va être fini, mais avec un peu de chance, il restera peut-être quelques mets sur les tables. Tu tentes ta chance et… déception ! Tables vides, salles quasiment vidées aussi – eh bien, le couvre-feu approche. Ne laissant que quelques élèves occupés à discuter. Mais ! Tu repères une tignasse blanche, occupé à dessiner.
Non, en réalité, tu repères l’assiette devant elle. Ce qui, honnêtement, est plus intéressant.
« A-yu-miiii. »
Bouche en cœur, regard attendrissant ; tu approches.
Tu n’étais plus certain de te rappeler son nom, mais tu sais, tu es capable de te souvenir de beaucoup de choses, quand ça t’arrange. Tout est question de motivation.
« Tu comptes manger ça ? »
Elle a l’air bien occupé à autre chose.
>> Dinner time ! Or not ~
Un trait épais pour les éléments important et un plus fin pour la finesse des détails. Oui, Ayumi était bien plus concentrée par son dessin que son estomac qui la suppliait de lui donner quelques bouchées pour ne pas succomber à une faim jusqu’au lendemain. Pourtant, il devrait avoir l’habitude que la demoiselle saute quelques repas.
Pas le temps ? Pas faim ? Sûrement la tête à penser à d’autres choses, n’est-ce pas ? Mais alors qu’elle était en train de terminer son dessin, ta voix la fit relever la tête. On venait de l’appeler non ? Et ta voix, ses oreilles avaient déjà pu l’entendre quelques fois. Quand tu daignais lui parler.
« Bonsoir, Nael. »
Elle te répondit avec un léger sourire, mais surtout bien surprise que cette fois-ci, ça soit toi qui vient à elle. Normalement, tu l’ignorais, tu ne voulais pas lui parler… Est-ce que tu avais changé ta façon de penser ? Puis c’est quoi ce drôle de regard que tu lui lançais ? Arquant un sourcil, la jeune sorcière attendit la suite.
Comme elle l’avait pensé, tu étais venu dans un but bien précis pas simplement pour une conversation. Tu voulais son assiette ? Ah… C’était tentant, tellement tentant ! Ayumi ne put retenir un petit sourire en coin et posant sa joue contre sa main précédemment appuyée sur la table.
« Mh… Peut-être ! Pourquoi donc, elle t’intéresse ? »
En vérité, la demoiselle avait déjà sa réponse en voyant ton expression, mais c’était plus amusant de te le demander directement ! Tapotant un peu sa joue avec son doigt, elle réfléchissait déjà à comment elle allait pouvoir te taquiner. Pour une fois qu’elle pouvait te parler, elle comptait bien en profiter ! peut-être même qu’elle pourrait te faire dire quelques informations dont elle désire… ?
Même si secrètement, elle espère pouvoir se rapprocher ne serait-ce qu’un peu de toi. Après tout, vous faites parties de la même famille !
… Ne pensons pas à ce sujet pour le moment…
Bref. Bonsoir.
Elle sourit, mais son regard laisse transparaître sa surprise ; sauf que tu es un peu trop occupé à regarder son assiette pour prêter attention à ses réactions.
Peut-être : la réponse à ta question. Ça ne veut pas dire grand-chose, peut-être. Ni oui, ni non. Juste, l’un ou l’autre, on ne sait pas. C’est juste la suspension d’une question.
C’est nul, si ce n’est pas une réponse, mais juste de quoi te faire languir.
« Mmh… peut-être. »
Ahah, très ironique, Nael.
« Mais, si tu ne veux pas la manger, je veux bien le faire pour toi. Pour pas gâcher, tu sais. »
Tu tentes de te montrer détaché de la situation, malgré l’envie tiraillant ta faible résistance face aux tentations – simple technique : réclamer prestement à davantage tendance à braquer qu’à donner l’envie d’accéder à notre demande. Une désinvolture qui se trouva bien vite gâché par le grondement sonore de ton ventre, protestant face à l’appel de nourriture.
Le corps est un traître.
« En fait, j’ai loupé l’heure du repas et il reste plus rien donc je vais probablement mourir de faim… »
Tant pis pour le détachement, tu passes à la technique des yeux larmoyants.
>> Dinner time ! Or not ~
Nous voici dans une situation qui allait sûrement amuser notre demoiselle qui continuait de garder sa tête appuyée dans sa main en te regardant. Tu semblais vraiment intéressé par son assiette encore si bien remplie, si appétissante avec cette viande qui ne demandait qu’à être dévorée.
Une réponse similaire à la tienne ? Amusant, amusant. Mais attendons un peu pour voir si tu allais dire quelque chose en plus : Ça n’a pas loupé !
Si elle n’en voulait pas le manger, tu voulais le faire pour elle ? Eh bien, désolé mais sur le moment Ayumi ne te trouvait pas très convainquant ! Il allait falloir que tu sortes de meilleurs arguments pour qu’elle daigne te donner sa nourriture. Peut-être est-ce en même temps une petite vengeance pour les fois où tu l’as simplement ignorée ?
« Mh, qu’est-ce que j’ai en échange si je te donne mon assiette ? » demanda-t-elle en se tapotant un peu la joue d’un doigt.
Eh oui mon grand ! Tu devrais bien savoir que rien n’était gratuit dans ce monde, n’est-ce pas ? Ayumi allait clairement en profiter si tu en avais autant envie, tu peux me croire !
Pour le moment, ses oreilles étaient grandes ouvertes à l’entente de ce ventre qui venait certainement de résonner dans toute la grande salle. Pas très discret et glamour ! Tu lui dis avoir raté l’heure du repas ? Tiens, tiens…
« Pourtant, je t’ai vu sortir de la grande salle il n’y a pas si longtemps. »
Tu sais quoi ? En fait, elle n’en sait absolument rien. C’est simplement un petit piège pour voir ce que tu allais répondre, mais tourner dans une taquinerie si elle se trompait. Mais c’était tellement, tellement tentant en voyant ton comportement ! Il ne fallait pas lui en vouloir.
Ayumi se mit à tourner une de ses mèches entre ses doigts en attendant que tu lui répondes.
« Mourir de faim en ratant un seul repas dis-tu ? C’est possible ça ? »
Bien sûr que non, elle le savait très bien vu le nombre de fois où elle avait sauté un repas. Mais prendre les mots dans leurs premier sens…
Ça promettait d’être amusant. ~~
Elle réclame quelque chose en échange.
Réclamer est un terme exagéré, car Ayumi ne réclame pas, elle sous-entend qu’elle souhaite quelque chose en retour. C’est une façon plus polie de le faire. De paraître moins intéressé – mais tu sais comment ça marche, tu as fait pareil, un peu plus tôt.
« Me faire plaisir ? Ma gratitude ? Ma présence ? »
L’enfant roi s’imagine réellement que ces arguments devraient suffire à lui donner tout ce qu’il désire. Il en faut bien moins à ta mère ou à Ange pour satisfaire tes désirs.
(Rends-toi donc utile, Ayumi.)
L’estomac gronde, mécontentement sonore face au supplice de Tantale – de la nourriture si proche et pourtant inaccessible ; y-a-t-il pire torture ?
Ah, bien sûr, il y a…. Clovis. Mais tu ne veux vraiment. Vraiment.
Vraiment.
Pas y penser.
Alors vient la remarque : Pourtant, je t’ai vu sortir de la grande salle il n’y a pas si longtemps. Zut. Il espérait qu’elle ne soit pas là depuis assez longtemps pour l’avoir remarqué. Naïf, tu ne doutes pas un instant qu’elle dise vrai. Tu ne lui prête pas assez attention pour pouvoir dire si elle se trouvait déjà dans la salle quand tu en es parti – et, égocentrique, tu trouves normal qu’elle, elle t’ai repéré dans la foule.
Tu paniques un peu.
« Oui, mais… j’avais oublié quelque chose. Et je suis reparti sans manger. C’est pour ça que j’arrive en retard… »
Ton mensonge s’explique si bien que tu t’en étonnes toi-même. Talent naturel, tu ne devrais même pas en douter.
« Et bien sûr que c’est possible. Moi, quand je loupe un repas, je me vide de mes forces jusqu’à m’écrouler. »
Le regard de chat Potté revient, prêt à lâcher les larmes de crocodile.
On ne lésine pas sur les moyens.
>> Dinner time ! Or not ~
Tu sais Nael, Ayumi n’est pas quelqu’un de bien méchant, mais elle n’était pas là pour se plier à toutes tes envies et tes réactions elle les connaissait : elle avait un petit frère qui l’embêtait par moment. Mais autant que toi, mais la Yata’ savait plutôt bien jouer avec les mots surtout quand il s’agissait t’embêter quelqu’un. Encore mieux quand cette personne réagissait aussi bien que toi.
Oui, Ayumi te demandait quelque chose en retour… C’est bien normal vu que tu pouvais la priver d’un délicieux repas qui dégageait une odeur si alléchante !
« Mh, on va dire que si j’accepte, tu me seras redevable, d’accord ? »
Et bien sûr, si tu acceptais : cela prendra effet immédiatement. Ne la sous-estime pas, elle est bourrée d’idée. Peut-être que si tu avais été plus gentil avec elle, le plat te serait revenu sans aucune hésitation. Mais ce n’était pas le cas et heureusement pour toi : Ayumi ne savait pas encore tout. N’est-ce pas ?
Tu continues de d’inventer des excuses, elle le comprend bien. Tu ne parlerais pas de cette manière sinon et tu ne serais jamais reparti sans avoir mangé ton repas. Se mettant à faire semblant de réfléchir, Ayumi se tapota un peu la joue avant de pencher la tête sur le côté.
« Et tu as laissé un si bon repas de côté ? Pourtant, vu comment mon assiette sent si bon, tu as raté quelque chose de dé-li-cieux. Qu’avais-tu oublié de si important pour que ça passe avant un si bon repas ? »
Oui, quel objet avais-tu oublié ? Elle t’écoutait, oreille tendue et n’en ratera pas une miette. Qu’est-ce qu’elle était cruelle cette Ayumi de bien souligner à quel point ce repas était délicieux… Peut-être pour te torturer d’une douce manière comparer à celle que tu lui faisais subir en ne voulant lui parler.
C’était quoi ce regard que tu venais de lui lancer ? On dirait un enfant qui venait de perdre sa sucette. En temps normal, ce genre d’expression aurait pu faire craquer Ayumi, mais en vu de tes mensonges… Cela n’allait pas marcher aussi facilement.
« Tu n’es pas revenu ici en rampant, pourtant. Tu tiens encore sur tes deux jambes, non ? Tu te sous-estime mon cher Nael ! »
Tu allais sûrement le prendre comme un compliment, mais ce n’est pas grave. Ayumi ne cherchait pas à être blessante, juste à s’amuser un peu avec toi… Et pour le moment, ça marchait parfaitement. 
Alors, tu la regarde, avec méfiance, essayant de jauger ce qu’elle peut vouloir, exactement. Dans le pire des cas, tu peux promettre, sans aucune intention de tenir cette promesse. Après tout, c’est si simple de faire comme si on avait oublié.
« Ça dépend ce que tu veux. »
Tu préfères jouer la prudence, quand même, guère rassuré par la tournure de la discussion – Ayumi prend un peu trop confiance, ça ne t’arrange pas.
Elle tente de voir clair dans tes mensonges et tu es prêt à les affirmer, sans la moindre hésitation, mais sa question te force à réfléchir : qu’est-ce que tu pourrais oublier d’assez important pour louper un repas. La vérité, c’est : rien. Rien ne peut être assez important pour ça. Clovis l’était. Et Clovis n’est plus.
….Serait-ce ta solution ?
« J’ai pas vraiment oublié quelque chose, en fait. »
Tu donnes l’air de passer aux aveux, mais ton regard se fait plus bas, tes yeux plus brillants et tes lèvres plus tremblantes – les larmes de crocodile ont toujours été un de tes plus grands talents et, sur ce sujet-là, tu n’as même pas besoin de te forcer.
« C’est le repas… ça m’a rappelé quand j’allais manger, avec Clovis. Et ça m’a rendu triste. J’avais plus vraiment d’appétit. »
Ça pourrait être vrai. Ça pourrait être si vrai et, si tu avais un peu plus de morale, tu te sentirais mal d’utiliser la mort de ton petit-ami comme excuse – en particulier pour un but aussi futile. D’ailleurs, tu te sens mal. Mais parce que tu l’as évoqué, lui. Et que c’est encore sensible. Et que c’est maintenant que tu vas te couper l’appétit, si tu ne changes pas vite de sujet.
Avec un peu de chance, elle va s’attendrir et ne pas te faire plus attendre.
« Et je me sous-estime pas, justement, ça prouve à quel point je suis fort d’esprit, pour tenir encore sur mes jambes ! »
La classe, disons-le.
>> Dinner time ! Or not ~
Oh eh bien, c’était rare qu’Ayumi arrive à autant attirer ton attention, mon cher Nael. Est-ce que ce repas te donnait autant envie que ça ? La demoiselle ne connaissait pas ton amour si important envers la nourriture, elle était en train de petit à petit le découvrir et Ô que c’était amusant de te faire tourner en rond sans savoir si tu allais y avoir le droit ou pas.
« Qu’est-ce que je veux ? Mh…. » Elle fit mine de réfléchir, ses yeux posés sur ce plafond qui était si haut…
Tiens, pourquoi ne pas mélanger l’utile au comique ? Jouant un peu avec le crayon entre ses doigts, son sourire ne quittait pas son doux visage… Un sourire légèrement plus taquin qu’elle se retenait d’afficher.
« Pourquoi pas des réponses à des questions. Simplement. ~ » Elle arrêta son crayon pour le pointer en ta direction. « Et des questions où tu devras être honnête, bien sûr. » Elle t’adressa un léger clin d’œil.
Cependant ses yeux se mirent à cligner un petit peu plus en entendant le sujet que tu venais d’évoquer. Ayumi avait entendu parler de la mort de ce jeune élève, mais elle ne l’avait jamais côtoyé et elle ne connaissait pas ta relation avec lui. Néanmoins, la mort était encore un sujet sensible chez la demoiselle depuis que sa mère n’était plus là et d’un autre ami. Mais tu venais de l’intriguer, la toucher… Alors, elle allait continuer de te parler.
« Quelle relation avais-tu avec lui ? »
Son crayon avait été posé, ses yeux fixés sur toi et cherchant ton regard. Aller, qu’allais-tu lui apprendre Nael ? Ayumi avait toujours une soiffe de connaissance et maintenant, c’est toi qu’elle avait envie de découvrir… Toi un membre de sa famille.
Pourquoi pas des réponses à des questions. Simplement. Ah. Si ce n’est que ça, finalement, c’est dans tes cordes – à moins qu’elle ne te pose des questions sur tes cours ; mais ça, ce serait vraiment cruel. Et des questions où tu devras être honnête, bien sûr. Ah.
Ça c’est déjà moins évident.
« D’accord. Qu’est-ce que tu veux savoir ? »
Le bluff est à peine de mise ; à peine, parce que tu ne t’inquiètes pas tant de ses interrogations, mais tu doutes davantage de ne pas manier tes réponses de manière à t’arranger – c’est à peine des mensonges, à ce niveau-là, vraiment.
Contre toute attente, au vu du niveau initial de l’altercation, la discussion prend un tournant plus sérieux – et tu en portes toute la responsabilité, bien que tu sois le premier à le regretter. Clovis n’était décidemment pas un sujet à aborder, mais Ayumi le poursuit, te question sur la relation que vous entretenez – égoïstement, tu t’imaginais que tout le monde devait être au courant, mais la vérité est que tout le monde ne s’intéresse pas aux couples d’adolescents de quatorze ans.
« On était ensemble, tu réponds simplement. »
Les mots te paraissent bien faibles, seulement tu n’as plus la force d’exprimer tout l’amour que tu lui portais, maintenant que la douleur remplaçait le bonheur qu’il t’avait apporté.
>> Dinner time ! Or not ~
Peut-être qu’elle ne le laissait pas paraitre, mais Ayumi était loin d’être quelqu’un d’idiote ou qui ne savait pas réfléchir. Au contraire, elle emmagasinait les informations petit à petit jusqu’à pouvoir les utiliser et comprendre comment son interlocuteur réagissait. A force qu’on ne la laisse pas vivre comme elle le voudrait, elle dut s’adapter à plusieurs situations dont ce genre de questionnement qui pouvait paraitre si innocent.
L’information importante qu’elle avait notée sur toi, Nael… Était le fait que tu semblais être d’accord de faire n’importe quoi pour de la nourriture… Elle ne pouvait imaginer ce qu’elle pouvait faire de toi si tu étais à un moment réellement affamé et cette petite pensée ne put lui faire retenir un discret sourire en coin que tu ne pus surement pas remarquer ou du moins comprendre la véritable raison.
« Bien ! Alors, je suis d’accord de te donner mon assiette après que tu aies répondu ! » Siffla-t-elle entre ses lèvres avant d’à nouveau poser sa joue dans le creux de sa main.
Et pour le moment, tu répondais Nael. Ayumi avait fait exprès de poser une question aussi simple que ta relation avec le jeune défunt. Pour être honnête, elle ne s’attendait pas à ce que tu lui sortes que vous étiez ensemble… Quelqu’un voulait donc bien de toi en dehors de ton nom ? Cette pensée était peut-être un peu méchante, mais quand on connaissait ton caractère…
« Oh, c’est triste… Tes parents étaient au courant ? » Tu sais que ce genre de couple est délicat selon les familles… Elle voulait savoir si les Hayashi acceptait l’amour entre même sexe ou pas.
Encore une simple question qui pouvait lui en apprendre plus, mais en même temps qui allait doucement lancer celles qui lui piquait le plus les lèvres. Tu ne savais pas si Nael savait quelque chose ou pas, mais au moins avoir sa façon de penser pouvait te donner des indices sur la réalité.
« En dehors de venir quémander mon assiette, pourquoi est-ce que tu me fuis autant, mh ? Est-ce simplement à cause de mon sang ou quelqu’un t’a dit de nous éviter avec mon frère ? » Elle avait besoin de le savoir, elle voulait comprendre.
Elle voulait comprendre pourquoi, en dehors de Kazuki, elle n’avait jamais eu le droit à une véritable famille…
« Est-ce parce qu’on vous fait honte ? »
Autant ne pas mâcher ses mots et aller directement au but, n’est-ce pas ?
Vient alors une première demande, dont tu ignores si le sujet est réellement en rapport avec ce qu’Ayumi souhaite savoir de toi : si tes parents savaient pour Clovis et toi ? L’utilisation du pluriel pour désigner tes géniteurs te semble déjà étrange, toi qui as grandi sans père.
« Ma mère savait. »
Dès le premier jour, tu lui avais envoyé un origami, dans lequel tu lui expliquais avoir rencontré un élève en erasmus, avec lequel tu pouvais parler français. Les mois suivants, elle avait reçu toute sorte de missives contenant tes joies d’adolescent amoureux et parmi lesquels tu faisais part de ton désir de retourner en France à chaque vacances – voir, peut-être, changer d’école pour partir étudier à Beauxbatons ; ce qu’elle t’avait toujours refusé, mais que tu ne cesserais d’espérer.
Au bout du compte, Clovis s’en était allé ; sans toi. Ni même pour retourner dans ce pays que tu idéalises tant.
Et toi, tu étais rentré pour les vacances, l’âme en peine et inconsolable.
Ta mère n’a pas posé de question. Pas plus qu’elle n’a insisté pour te faire subir sa présence inquisitrice qu’elle abordait habituellement quand elle craignait que tu n’ailles mal.
Surement était-elle déjà au courant – après tout, l’affaire avait fait la une des journaux ; un mort à Mahoutokoro, ce n’est pas rien ! A cette époque, du moins, ça ne l’était pas. Peut-être avait-elle aussi compris qu’il te fallait de la tranquillité.
En réalité, Yori, bien plus prévenant envers toi que tu ne le serais jamais envers lui, s’était donné la peine de la prévenir de la nouvelle. Mais ce détail, tu ne l’apprendras probablement jamais.
« En quoi ça t’intéresse, exactement ? »
Pas que ça ne te dérange particulièrement ; bien que de repenser à cela ne te soit pas agréable – mais tu ne pourrais t’en prendre qu’à toi, puisque tu as initié le sujet. Néanmoins, tu te demandes d’où lui vient cette curiosité.
La question suivante te sorti finalement de tes sombres pensées, te faisant hausser les sourcils.
« Je ne te fuis pas , tu lances comme si c’était évident. C’est ton frère et toi qui ne cessez de me coller. Sauf que moi, j’ai pas envie de perdre mon temps avec vous. »
La formulation peut être blessante, mais elle dégouline de sincérité qu’il ne cherche même pas à cacher – si son honnêteté est un tel défaut, c’est bien parce qu’il éprouve tant de dédain pour les autres.
Est-ce parce qu’on vous fait honte, demande Ayumi et, cette fois, tu t’emportes en pensant comprendre où elle veut en venir : ta famille, encore !
« Tu vois, c’est exactement pour ça que je ne veux pas traîner avec vous : vous vous êtes persuadés que, sous prétexte qu’on porte le même nom, on fait partie de la même famille. Et, j’admets, j’ai douté à une époque ; j’ai fini par en parler avec ma mère et, tu vois, elle m’a confirmé que vous apparaissiez pas sur l’arbre généalogique. C’est simple : on a pas de lien de parenté. »
Ce que tu tais, c’est que ça t’arrange bien d’y croire. Tu as déjà bien assez de cousins et cousines dérangeants – et dérangés – pour ne pas t’en ajouter d’autres qui, de plus, semblent tellement vouloir en savoir plus sur leur famille.
Les Hayashi sont généralement assez solitaires, même entre eux. Et ça te convient parfaitement.
>> Dinner time ! Or not ~
Ayumi savait que toutes les informations qu’elle pouvait obtenir étaient la bienvenue et que tu étais sûrement celui où il était le plus simple à en soutirer… Et vous savez quoi ? Ayumi n’était pas déçue d’avoir trouver un point faible chez toi.
Elle commençait à bien savoir se glisser là où il fallait en commençant par des points qui semblaient naturels comme celle qu’Ayumi venait de poser sur ta relation. Ta mère était donc au courant ? Tu sembles en parler si facilement qu’il était facile de deviner qu’elle ne semblait pas forcément contre votre union. Du moins, qu’elle n’avait pas essayé de vous séparer, non ? L’ainé n’était sûr de rien, ce n’était que des suppositions qui pouvaient aider à mieux vous comprendre.
« Simplement pour savoir si les Hayashi étaient coincés sur ce sujet ou pas. Les relations homosexuelles sont très vite jugées, tu sais ? » Sûrement que tu le savais, mais peut-être que tu allais ajouter un détail qui pouvait l’intéresser. Alors, pourquoi devrait-elle mentir ?
Et finalement, ce fut le sujet le plus intéressant qui fut lancer et Ayumi n’avait rien à perdre à le lancer sans aucune retenue. Honnêtement, elle n’avait plus faim depuis un moment et elle te donnerait son assiette sans hésiter à la fin de votre discussion. Enfin, sauf si tu commençais à trop l’énerver et qu’elle la jette tout simplement, mais… Mauvaise idée si elle voulait encore t’appâter dans le futur.
Tu ne fuyais pas, c’est eux qui te collaient ? Toi, si tu ne savais pas d’où tu venais et cette haine qu’on a envers vous, tu ne voudrais pas le savoir ? Ayumi savait que Kazuki était plus insistant qu’elle, mais quand elle avait une opportunité comme celle-ci, elle ne la laisserait pas glisser entre ses doigts.
Et vous savez quoi ? Elle a bien fait de tester, notre petite. Car des informations importantes venaient d’être données. Vous n’étiez mêmes pas dans l’arbre de la famille. Si elle était naïve et bête, Ayumi penserait que c’était effectivement juste un nom pareil. Mais… Son père insistait trop, pourquoi vous avoir fait subir le même sort pour vos cheveux ?
La haine de son père était bien trop implantée pour une coïncidence et la question était maintenant : Pourquoi vous êtes vous fait effacer de l’arbre ? Elle en était persuadée : Il y a des choses qu’elle ne savait pas ou que son père te cachait et le savoir la fit serrer le poing sur la table.
« Très bien, je vois. Merci pour ces informations. » Dit-elle en replaçant une mèche derrière son oreille et plongeant à nouveau ses yeux dans les tiens.
« Pour le moment je n’ai pas d’autres questions, j’ai eu ce que je voulais. » Des informations.
« Comme promis, je te laisse mon assiette. » Parce qu’elle te réutilisera sûrement plus tard.
« Mais sache que nous sommes bien de la même famille, Nael. Ne te voile pas la face. » Elle s’est levée en reprenant ses affaires.
« Déguste bien ton repas avant qu’il ne s’enfuie, mh ? » Un petit pic avant qu’elle ne fasse un signe de la main en partant un air bien sérieux sur le visage.
De nouvelles recherches allaient pouvoir commencer.
Un haussement d’épaule s’ajouta à la mimique, prouvant combien Nael se sentait concerné par ce fait. Il avait eu l’occasion de remarquer, en effet, que les relations homosexuelles étaient généralement réprouvées. Sa mère n’avait rien trouvé à redire, néanmoins, ce qui lui laissait croire qu’il n’était pas en tort – dans l’absolu, sa génitrice lui avait répété toute son enfance qu’il pouvait faire et obtenir ce qu’il souhaitait, sans prêter attention à ce que d’autres trouveraient à redire ; mais quand c’était elle qui lui déconseillait, cela signifiait généralement qu’il s’agissait de quelque chose d’important.
L’homophobie, en ce qui le concernait, n’était donc ni un problème, ni important.
(Nael vivait dans un monde simple ; bercé par les illusions de sa mère.)
L’adolescent ne s’intéressait pas suffisamment aux autres, pas même à sa famille, pour savoir que ces relations, bien qu’elles soient acceptées, étaient généralement cachées du public.
Les Hayashi acceptaient de nombreuses concessions, si la discrétion suffisait à ne pas entacher leur réputation et tant que les membres n’oubliaient pas de suivre les traditions familiales – en l’occurrence, ils n’attendaient que peu de choses d’un enfant sang-mêlé. L’enfant n’avait donc jamais connu ces contraintes.
« Je ne pense pas que mon oncle et ma tante aiment particulièrement ce sujet. Enfin, ils n’aiment pas grand-chose, de toute façon – lança-t-il avec la candeur de celui qui ne se rend pas compte que la critique pourrait valoir pour lui-même – mais je connais quelqu’un qui pourrait bientôt le regretter. »
Le sourire de joie étirant ses lèvres semblait si innocent qu’il pourrait en faire oublier le plaisir, pourtant sadique, qu’il éprouvait à l’idée que son cousin puisse payer pour ce que sa famille considèrerait comme un écart.
Merci pour ces informations. Ses traits se recouvrèrent d’indifférence, dont seul le léger haussement de ses sourcils trahi son intérêt.
Vraiment ? Ayumi n’en demandait pas davantage ? Pas qu’il ne souhaite répondre à plus de question – au contraire ! C’était déjà bien assez. Elle lui avait fait perdre un temps qu’il aurait jugé précieux, s’il avait eu mieux à faire.
Sans cacher sa satisfaction à la voir partir, il secoua la main dans sa direction, traduisant un "oust" silencieux.
« J’ai bien cru que t’allais la laisser refroidir. »
Mais sache que nous sommes bien de la même famille, Nael. Ne te voile pas la face. Il se renfrogna, effaçant le sourire réjoui préalablement gagné. Elle avait décidemment le don de gâcher sa bonne humeur – ce qui n’était, à vrai dire, pas si difficile, tant cette dernière était labile.
« C’est ça. Allez, zou. »
Avec un soupir agacé, il referma ses bras autour de l’assiette, la tenant contre lui comme le ferait un enfant avec une peluche qu’il craint de se faire voler.
Ce repas, il l’avait durement gagné. Et bien mérité.
Il était temps pour lui de goûter à la victoire – sans qu’il ne songe qu’il n’était pas le seul vainqueur, dans cette histoire.
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