Horrible mois d'août, dont la date funeste approchait. Les années avaient beau passé, le vide n'était pas comblé, même si mon oncle se voulait être une figure paternelle, même si mon frère était présent pour moi, même si ma mère essayait de me donner deux fois plus d'amour.
Et en ce jour de vacances, je n'avais pas pu dormir aussi longtemps que je le désirais, car déjà à mes dix-huit ans, j'étais  un être plus nocturne que diurne.

Une assemblée, une réunion familiale, pour une nouvelle venue. La pauvre enfant vêtue d'un kimono bien trop lourd elle ne semblait pas joyeuse. Mais qui le serait d'être au centre d'une attention non désirée. Mais je n'en avais cure. J'attendais, silencieux, que les anciens parlent, expliquent, complimentent et débattent. Et quand toutes leurs palabres se tournèrent vers des propos qui ne me concernaient plus, je me retrouvais une nouvelle fois à attendre, mais cette fois, dans une position moins stricte. J'étais las et fatigué. Sans oublié les plaintes de l'enfant bruyant qui me donnaient des maux de crâne pénible.

Mon regard se posa sur la demoiselle, objet de la réunion de ce jour. Elle avait nos cheveux, elle avait certain de nos traits. Elle était à demi-étrangère comme mon frère et moi, mais connaissait la douleur d'être arraché de là où elle venait. Que je n'aimerai pas qu'on m'enlève du  Japon pour vivre aux États-Unis. Ma mère l'avait bien compris et je pouvais rester ici. Toutefois, elle n'aurait sûrement pas pu le faire, le reste des Seizan y aurait certainement veillé.

Et lorsque j'en eu assez de rester assis à ne rien faire, dans la chaleur de l'été, je demandais la parole pour m’éclipser, mais pas seul. Toujours avec politesse, cette même politesse que je conserverai plus tard, je requérais l'attention pour sortir et montrer jardin à Sayuri, ainsi que permettre à Kanata de gambader et d'extérioriser son trop plein d'énergie. D'un coup d'oeil à Clyde, je demandais aussi son aide et son accompagnement. Et lorsque la requête fut acceptée, je me dirigeais vers la demoiselle pour l'inviter gentiment et avec des mots simples - j'avais en effet compris, comme il avait été expliqué (?) qu'elle apprenait le japonais qui n'était pas une langue native chez elle - à m'accompagner dehors.

-Sayuri ? Tu veux venir dehors avec nous ?

Je lui offrais l'air dont elle semblait manquer, du moins, l'espérais-je.
Son jeune frère, lui, n'attendit pas qu'on l'y invite. Dès qu'on m'avait accordé le droit de nous retirer, il s'était précipité dehors, pour le soulagement des anciens.

C'est sous le soleil rayonnant et dans la fraicheur de l'ombre des arbres, accompagnés par le chant des grillons, que nous fuyons les regards étouffants.

Mon frère avait pris les devant. Si la jeune fille avait hésité face à ma question pour sortir, elle n'eut guère le choix avec mon frère qui l'embarqua avec lui. Une fois dans le jardin, à l'abri des regards des adultes, je m'étirais un peu. Je respirais mieux aussi. Trop de tension, trop de monde, trop de choses étranges dans cette réunion de famille. Et surtout pauvre enfant qui se retrouvait dans un tel état. Je n'avais pas été aveugle en observant ses yeux levés vers moi quand je lui avais proposé de venir dehors. J'avais bien vu la tristesse et les larmes s'échapper.

Et soudain, il se passa quelque chose que je n'avais pas prévu. Sayuri, en larmes, dit quelque chose que je ne compris pas. Je clignais des yeux plusieurs fois avant de regarder Clyde. Elle venait de dire quoi ? Je parlais trois langues, mais le français n'en faisait pas partie. Le français ressemblait donc à ça ? C'était joli, mais.... Qu'est-ce que qu'elle disait ? On avait fait quelque chose de mal ? Et voilà que je commençais à paniquer.

-Clyde ? Tu as compris ce qu'elle a dit ?? Pourquoi elle pleure aussi ? On l'a fait pleurer ? Elle avait pas l'air bien ? Tu peux pas utiliser un sort pour qu'on la comprenne ?

Je m'agitais, ne comprenant pas la situation. J'avais voulu aider, alors... il se passait quoi là ? Clyde, s'il te plait, dit moi que tu connaissais un sort pour qu'on puisse comprendre ce qu'elle disait. ça devait bien exister ? Car si elle commençait à nous faire la conversation en français, jamais on n'allait pouvoir s'en sortir !

Face à ma panique, Clyde sembla me rassurer quelque peu. Mais c'est surtout son idée du dictionnaire qui soulagea la situation. J'avais vaguement répondu un "oui, oui" à Clyde quand il avait amené le dictionnaire, mais je l'avais gratifié d'un sourire où on lisait que j'étais content qu'il ait trouvé une solution. en effet, cela allait nous aider à nous comprendre, même si ce serait lent. Très lent. Je lisais les mots pointés et fis une moue. Si le japonais était compliqué, qu'est-ce qu'elle dirait du chinois ? Je me demandais aussi si le français était aussi dur que l'anglais avec tout les temps de conjugaison. Autant de personnes en guise de sujet, c'était quand même compliqué aussi !

Je ne savais pas trop quoi répondre à sa question. Pourquoi l'aider ? Parce que maintenant elle faisait partie de la famille ? Même si en soi, cela a toujours été le cas, bien qu'on ne la connaissait pas avant. Ou bien parce qu'elle semblait triste ?

Quand elle rend le livre, je fronçais les sourcils. Elles était obligée d'être aussi désagréable ? De changer d'humeur comme ça ? Je pris le livre en main et cherchais des mots.


Pourquoi, colère.

Et comme son regard portait ailleurs, lire les mots à haute voix te sembla une bonne idée.

-Pourquoi colère ?

Je les avais prononcé avec un accent anglais, me disant que le français devait ressembler à l'anglais pour se prononcer. Au pire des cas, j'avais l'air ridicule et elle rirait peut-être ?
Je me retournais vers Clyde en poussant un soupir.

-Ça va être compliqué de parler avec...

J'avais rarement eu affaire avec une barrière de langue si complexe et une fermeture au dialogue pareil. J'étais presque en train de culpabiliser d'avoir voulu l'aider, si c'était pour qu'elle boude.

Clyde semblait beaucoup plus doué que moi dans ce jeu là. Enfin, c'était ce que je pensais jusqu'à ce que je vois Sayuri recommencer à pleurer. Je me tournais vers mon frère et fronçais des sourcils.

-Tu l'as faite pleurer ! Bravo !

Ou peut-être est-ce nous deux. C'était plus facile pour moi de comprendre les animaux que les humains. Peut-être parce que nous étions habitué à pouvoir nous exprimer avec la parole, ce qui ici, nous faisait cruellement défaut.
Je lus les mots qu'elle montra du doigt dans le dictionnaire et j'en fus presque touché. Je ne savais pas comment j'aurai réagis si notre mère avait refait sa vie ailleurs. Heureusement, ce n'était pas le cas. Mais peut-être était malheureuse de rester ici et de ne pas retrouver de compagnon. Mais au moins, elle ne m'avait pas imposer de départ en Amérique ou autre. Sans doute savait-elle que le reste de la famille ne l'aurait peut-être pas permis.
Je sortis alors un mouchoir propre de ma poche et le tendis à la demoiselle. Cela serait plus élégant de sécher ses larmes de la sorte plutôt que avec ses mains. Je lui souris en le lui donnant. Je reculais ensuite, ayant une idée.

-Je te la laisse ! Je reviens dans un instant, je vais chercher Ponpon !!

Et avec un grand sourire, je disparus en courant.