La fin de soirée se rapprochait petit à petit, les dernier élèves avaient quitté la grande salle pour regagner leurs chambres. De mon côté, la vaisselle était maintenant terminée et ce fut dans un signe de la main que je quittais mon collègue -et ami- avant de décider de prendre un peu l’air et observer le soleil en train de s’enfuir derrière cette eau qui pouvait m’engloutir à nouveau quand elle le désirait.

Nous étions bientôt en juin et plus j’y pense, plus je suis surpris de pouvoir atteindre ma prochaine année… Bien que je sois conscient que je mourrais très certainement à mes vingt-six ans. Mon état se dégradait d’année en année et depuis ce changement magique, je sentais que quelque chose n’allait pas à l’intérieur de moi.
Rare était les nuits paisibles où je ne souffrais pas… Où je pouvais avoir la chance de me reposer. Je multipliais les coups d’un soir pour ne pas ressentir ces maux et je perdais de plus en plus la tête…

Je refuse toujours qu’on m’aide même si mes mains tremblent de plus en plus, que je commence à ne plus pouvoir faire certaines choses seul.
Si un jour, je ne peux plus me mouvoir, ma décision était prise et je sais que tu tiendras parole. (Je préfère mourir que de finir telle une larve qu’on peut écraser)

Alors que j’étais perdu dans mes pensées et que je ne regardais pas où mes p¬as me m’emmenait, je suis rentré dans quelqu’un et alors que je me frottais le nez, je reprenais mon petit air de d’habitude.

« Ah ! Pardon, je ne regardais pas où j’all- » Ou pas.

Quand mes yeux reconnurent cette chevelure ardente, je pus sentir mon cœur se serrer, un coup de stresse me submerger et dans un faux sourire maladroit, j’ai levé un doigt.

« Je ne te dérange pas plus, bonne soirée ! » Ai-je à peine soufflé avant de me retourner et commencer à me diriger à l’opposer de notre logement car je ne voulais pas que nous obliger à faire route ensemble.

… Pourquoi est-ce que je devais croiser ta route maintenant… ?
Toi qui me harcelais d’origami, tu m’empêchais d’oublier…

Peut-être est-ce le signe que le moment était venu ? Le moment où je devais disparaître de vos vies car j’y prenais trop de place… Ce moment où je devais m’enfuir pour ne plus vous blesser…

J’étais naïf de penser que j’allais pouvoir m’enfuir aussi facilement, hein ?
Ce ne put faire que quelques pas avant d’entendre ta voix m’appeler – je ne me suis pas retourné- et sentir ta main agripper mon poignet -toujours pas-.

Pourquoi ne peux-tu pas simplement me laisser m’en aller ? Partir aussi loin que mes jambes me le permettaient. Je ne veux plus te voir, Lyam. Je ne dois plus me le permettre…
Et pourtant, c’étaient des questions auquel tu m’acculais et je devais trouver les réponses qui feront que tu me détesteras à nouveau de toute ton âme.
Mes lèvres avaient de la peine à correspondre à mes envies, mon cerveau recommençait à ne plus m’obéir car les émotions s’entrechoquaient en moi.

« Tu as pourtant eu la réponse toi-même dans tes origamis, non ? Ne suis-je pas quelqu’un de cruel, Lyam ? » Même si je te faisais toujours à moitié dos, tu pouvais certainement y voir un sourire en mesquin.  – Ma façade ne cédera pas.-  ( Et pourtant tes mots m’avaient fait si mal..)

Cependant, je ne m’attendais pas à cette réponse. Que je ne pouvais pas en donner ? Un frisson me prit avant qu’un rire incontrôlé ne sorte à nouveau d’entre mes lippes.

Si c’était aussi simple.

Bien sûr que je sais ce que je ressens, Lyam. Je suis loin de m’aveugler, je peux te l’assurer. Il y a une différence entre savoir et pouvoir.

Alors que j’allais te répondre, tu repris la parole et cette fois-ci, mon corps y répondit par des frissons.

Oublie-moi.
Ca fait mal…

Ne pense plus à moi.
Tes origamis m’empêchaient de penser à quelque chose d’autres que toi.

Tu devais être celui qui allait me buter !
Mais maintenant, je ne peux plus…

Et je ne sais pas ce qui me pris, je crois que je ne contrôle plus rien.
Je ne supporte pas de te voir ainsi…

Mes lèvres vinrent s’emparer des tiennes pour quelques secondes seulement d’une passion qui se voulait plus ou moins ardente.

« Voilà, t'es content maintenant ??? » Pourquoi est-ce que je viens de dire ça…?

Je ne dois pas rester ici, je dois encore m’enfuir. Je ne veux pas jouer avec tes sentiments, loin de là.
Si je reste encore à tes côtés, je ne vais plus contenir ce que je ressens, ce que je veux cacher.

Ça devenait de plus en plus dur ces derniers jours avec ceux m’entourant et le vase était sur le point d’exploser.

J’ai profité d’un moment de surprise pour me libérer de ton emprise.

Un pas en arrière, puis un deuxième alors que mon ciel se perdait dans ton volcan et me voilà en train de courir.

Ne me rattrape pas, laisse-moi tranquille ! Oublie-moi. Trouve quelqu’un qui te mérite, pas le déchet que je suis.
Laisse-moi respecter mes conditions, mes résolutions. (Mon cœur bat si rapidement pendant ma course… Pourquoi je ne vois plus où je vais ?)

J’étais contraint de prendre la fuite, m’éloigner le plus possible avant que je ne perdre le peu de contrôle que je pouvais encore avoir.
Mon cœur n’avait jamais été aussi rapide, j’en étais à en perdre haleine et mon souffle se coupait sous la vitesse que je ne pouvais gérer. Mes yeux s’embuaient d’un sentiment incontrôlable qui était enfermé en moi.

A t’entendre m’appeler, je compris vite que tu me rattraperais sans grande peine…
Ta main m’agrippant, je n’eus pas le temps d’assimiler la situation que je me suis retrouvé attirer contre ton torse, te poussant au passage pour finalement me retrouver à nouveau en dessous de toi.

Je ne peux décrire correctement les émotions qui m’ont pris en cet instant. J’avais ce côté excitant de me sentir ainsi entourer, mais mon cœur battait pour une autre raison… La peur que tu comprennes ce qui se passait réellement.
Mes yeux étaient humides, cela se voyait aisément.

Rien ne doit changer… , Je dois garder mes résolutions. Je m’y suis fait, je ne les briserai pas. Je mourrai seul.

Et pourtant, tu continues de me courir après, Lyam. De me poser des questions, d’essayer de me priver de ce peu de liberté que j’avais.

« Fous moi la paix ! » J’ai commencé à aboyer
« Oui, je faisais ça que pour t’aguicher ! Et alors ??? Je ne veux aucune attache, les coups d’un soir me vont très bien ! » Et je continuais alors que mon corps tremblait de plus en plus.
« Tu n’es qu’un parmi les autres, Lyam ! » Si tu savais…

J’étais bloqué à t’écouter, ne pouvant m’enfuir. Je savais que si je bougeais, tes mains viendraient m’encercler. – C’était excitant à imaginer-

…Quoi… ? Comment ça tu avais compris que c’était réciproque ? Moi qui voulais seulement te prouver que je pouvais simplement jouer avec les autres, que j’embrassais facilement. Qu’est-ce que tu avais compris ?
La surprise me fit ouvrir grand les yeux.

« Tais-toi… » J’avais commencé à souffler, ma tête s’était rabaissée.
« Tu n’as rien compris… »

Ahaha, qui voudrait être en ma compagnie ? Celle d’un déchet bon à être bientôt jeté, sans chance d’être recyclé.

« Laisse-moi partir… »

Laisse-moi crever !

Cette douceur parcourant ma joue, ces paroles que tu m’accordais et ses lèvres qui se rapprochaient à nouveau, mes yeux qui se fermèrent par un venimeux désir qu’elles m’emprisonnent.
Ô que j’en avais envie, terriblement envie…
Est-ce que je peux me permettre d’une fois b-

Non.

Reprenant conscience, ma main vint rapidement te pousser au niveau du torse avant qu’il n’y ait eu le temps d’un nouveau contact.
Me redressant légèrement, je ne réussis qu’à reculer de quelques centimètres avant qu’un arbre ne m’arrête.

« Lyam, je t’en supplie… Arrête… Arrête ! » j’ai commencé à crier, les yeux fixant mes jambes.
« Trouve toi quelqu’un d’autre, quelqu’un qui te mérite et qui pourra vivre à tes côtés… » Ma voix se brisait au fil des mots.
« Ne t’accroche pas à un déchet tel que moi, laisse-moi pourrir en paix ! » Ma main vint tenir un des côté de ma tête.

Je ne me contrôlai plus.

« Je vais crever, Lyam ! Alors, arrête de t’attacher à moi ! » Je venais de lâcher un nouveau cri, mon regard s’étant enfin redressé et sans que je ne le remarque vraiment, une ou deux larmes venaient de s’échapper.

Je ne savais plus comment te faire reculer, toi qui ne comprenais pas que je voulais m’éloigner. Les vents ne semblaient pas te suffire… Alors, ma situation allait te faire fuir.

S’il te plait, n’insiste pas.
Ne me fais pas changer, je me suis promis de plus croire en l’espoir.

… Je ne veux pas regretter les décisions que j’ai prise…

Après tout, il est déjà trop tard…

Et toi, pourquoi est-ce que tu me posais ce genre de question ? Moi qui pensais que mon comportement allait te faire fuir, te repousser et que tu veuilles fuir mes côtés. Alors… Pourquoi est-ce que l’effet inverse étai en train de se produire ?
Je viens de te dire que j’allais crever et te voilà en train de sécher cette larme de manière si tendre que je repoussais à nouveau ta main en me frottant vivement les yeux pour que plus rien ne s’échappe.

« Oui Lyam, je vais crever tel le déchet que je suis ! Mes jours sont comptés, il ne me reste pas une année. Peut-être quelques mois si je suis chanceux, peut-être quelques semaines. » J’avais ce sourire tordu en coin de bouche, le même que j’avais émis lors de notre combat.
« Pourquoi s’attacher à moi alors que dans si peu de temps, je rejoindrai la poussière ? Trouve toi quelqu’un qui te mérite et qui ne te laissera pas tomber en si peu de temps. » J’ai craché en détournant le regard.

Pourtant, il y avait ces observations que je n’avais moi-même pas remarquer. Je ne t’avais jamais dit que je ne t’aimais pas ? Il est vrai. Sais-tu que ces remarques sur tes cheveux étaient toujours là car je les trouvais sublimes ? Tu me faisais penser à mon connard de père, Lyam… alors je voulais que tu me détestes de toute ton âme pour mieux me tuer… Mais tu as changé et c’est pourquoi j’ai aussi commencé à m’attacher à toi.
Mais je n’ai jamais voulu que mes sentiments deviennent réciproques…

« On m’a condamné depuis mon plus jeune âge, je me suis fait à cette raison et je ne la briserai jamais, ma résolution est faite, j’ai accepté que je n’attendrai jamais les trente ans, alors c’est seul que j’ai décidé de m’éteindre. Donner de faux espoir, ce n’est pas dans mes habitudes. » J’ai continué de te lancer.

Alors que mes mains se plantaient dans la terre…
Que mon corps se mettait à trembler, mes sentiments étaient ébranlés, mais ma résolution devait rester stable.

« Alors, tu l’as compris, Lyam. Tire toi ! Ne gâche pas ton temps pour moi, il t’est précieux. »

Et pourtant…

Ne me fais pas briser cette résolution, je t’en supplie.
Si je commence à céder, les regrets vont me submerger.

Car cette résolution je l’ai prise quand j’étais seul.
Ma situation a changé, maintenant je suis si bien entouré. On veut même que je devienne tonton, quelle blague !

Parfois, je me dis que la vie aurait pu être belle, mais je m’arrête rapidement de penser, je ne veux pas flancher…

Et si je flanche, il sera là pour m’exécuter.

« Alors, s’il te plait… Laisse-moi… » Mes yeux plongés dans les tiens, mon expression avait radicalement changé. J’avais cette sensation de désespoir qui m’envahissait.

J’étais complètement perdu, ma maladie m’empêche de penser correctement, de savoir ce que je dois faire maintenant.

Ma tête me heurte, mon cœur explose… Mais je ne suis pas sûr que tout soit liés.

Qu’est-ce que tu refusais ? Avais-tu le droit de choisir pour moi ? absolument pas, Lyam. Tu n’avais aucun droit sur ma vie, je ne pouvais même pas la contrôler moi-même… Je ne pus retenir un petit rire en hoquet sans pour autant te répondre.

Et tu continuais de parler, de déballer tout ce que tu avais sur le cœur… Tant de questions qui avaient si simple réponse. Peut-être que tu étais égoïste… Qu’est-ce que j’étais au juste ?

« Des espoirs d’avenir, des rêves qui n’auront jamais lieux, des promesses brisées. Je sais que tout ça sera brisé par ma mort et je ne veux pas que cela soit le cas. » ai-je commencé sans quitter tes yeux, preuves de mon sérieux.
« Je préfère être seul pour disparaitre sans vous briser, simple m’effacer de vos vies ! De cette manière, vous ne souffrirez pas. Alors oui, je mourais seul sans personne à mes côtés… »

C’était devenu bien plus dur au travers des années… Je m’étais fait des attaches plus grandes que prévues, j’avais merdé de ce côté… Mais les humains sont faits pour se côtoyer, n’est-ce pas… ?

Et tu continuais avec tes questions, encore et encore…

Tu tiens tant que ça à disparaitre tout seul ?
« Oui. »
Tu tiens tant que ça à ta résolution ?
« Oui. »
C'est incurable ?
« C’est certainement trop tard, mon corps se fait ronger depuis des années sans qu’on ne m’ait donné la possibilité de me soigner. Je sens mon corps se dégrader... Cette nouvelle magie me bouffer. Je sais que mes jours sont comptés… Et je refuse que ma mère perde de l’argent pour des soins inutiles. »

J’en avais si peu parlé, mais il fallait croire que j’avais besoin d’être entièrement honnête avec tooi…

Mon souffle se coupait, mon corps se mettait à trembler tel une feuille d’automne que le vent transportait.
Pourquoi étais-tu aussi insistant ? Pourquoi ne me laisses-tu pas seul… ? Veux-tu à ce point briser mes résolutions ? Me faire perdre la tête encore plus que tu ne le fais déjà, Lyam… ?

« Lyam, laisse-moi tranquille… Laisse-moi seul… Accepte que je vais mourir, que je ne suis qu’un déchet que va redevenir poussière. Tout ce que je te demanderai, c’est de prendre soin de Mochi… »

Et pourtant, je ne savais pas que dans les mots que je venais de prononcer, je t’avais donné accès à une chaine sur le point de se briser…