j’ai une crampe mais je souris un peu plus fort. chaque année mes joues se déchirent un peu plus. je m’y habitue. dans mes dents éclatantes, le reflet des vautours. tout autour. ils m’entourent et je les mimique. est-ce que, moi aussi, vais-je finir avien ? hilarant. la peur de perdre mes plumes ne tournoie guère au-dessus de ma tête. dans l’horizon, j’attends que les silhouettes ailées carnivores se régalent de mon cadavre. la peur de mourir me manque.
vivre utilement, ce n’est que ma dette.
et tant pis — cette vie en cage.
encore une larme qui déborde de la coupe.
il n’a temps de se verser sur le sol que le liquide se renverse dans ma gorge. et me brûle délicatement. encore une, et s’en ira tout mon bon sens. encore une, et le contrôle va filer entre mes phalanges. dans des excuses, je recule et m’éclipse. une lointaine balade. s’aérer l’esprit. mettre un frein à l’ivresse qui monte monte monte. et si je souris, c’est que je suis un peu ivre. et si je ris, c’est de cette mascarade à laquelle j’apprécierais presque prendre part.
je préfère les rapaces.
parce qu'ils me font éviter les uns et les autres. des ombres cassées. les amitiés sont terminés. et par-dessus mes pas, le bruit des tiens. j'ai presque pas envie de tourner la tête. tu vois. j'aurais peur que tu sois quelqu'un d'autre. heureusement, c'est toi. Miyuki une bouffée d'air, pieds arrêtés. qu'est-ce qu'il y a ?
tu vois;
j'aurais préféré être seul.
Desperate youth
Tu te balades dans le domaine Fujiwara, extrêmement peu à l’aise. Ces lieux ont beau être chez-toi, tu n’as jamais été à l’aise. Plus qu’à l’école, tu as l’impression de devoir encore plus jouer un rôle, de devoir être irréprochable, aussi lisse que du papier, aussi immaculé, aussi. En fait, il est bien plus épuisant d’être chez-toi qu’à Mahokotoro. Mais tu n’as pas le choix, ce sont les vacances, et l’école est fermée, tu es donc forcé d’être au domaine. Tu salues tous ceux que tu croises avec le respect qu’ils méritent, te dépêchant de quitter leur sillage. Cela à beau être ta famille, tu n’es pas à l’aise. Il n’y a qu’avec Suiren que tu te sens bien, parce qu’elle ne juge pas, parce qu’elle s’est révoltée, parce qu’elle n’a peur de rien. Tu finis par bifurquer dans l’un des nombreux couloirs du domaine et tu t’arrêtes près de la chambre de Naomi. Il n’y a probablement qu’avec ceux de ton âge que tu es à l’aise, peut-être un peu plus avec ce dernier, même si cela risque de ne pas durer. Est-ce qu’il est dans sa chambre ? Est-ce que tu as envie de lui parler ?
Un peu. Les gens de ton âge sont peut-être un peu plus similaires à toi, eux aussi doivent faire avec la pression. Peut-être un peu moins aussi ? Eux, ils sont aimés de leurs parents, pas toi. Naomi, tu l’aimes bien, et il t’agace aussi. Au début, tu aimais passer du temps avec lui, mais le voir être aussi apprécié de Takamori sans rien avoir à faire t’agace, parce que plus jeune, tu n’arrêtais pas de tout faire pour avoir son attention… Et jamais son regard ne se tournait vers toi. Cette facilité pour Naomi, tu en étais jaloux et tu as toujours été curieux de connaître son secret. C’est peut-être aujourd’hui l’occasion. Tu frappes contre le bois, qui tend le papier et personne ne répond. Tu hésites un peu mais tu finis par tirer lentement la porte coulissante, tu découvres Naomi qui est assis et semble boire. Il a les joues rougies et tu demandes s’il n’est pas en train de boire du saké. Qui bois seul, caché de tous, si ce n’est pour pas noyer sa peine ? Quelle peine pourrait-il bien ressentir ? Il est aimé de Takamori. Lentement, tu refermes la porte derrière toi et tu t’approches.
-Naomi, je voulais te parler.
Tu dis en t’asseyant en tailleur près de lui et tu laisses ton regard courir sur la table, tu observes la coupe en plissant un peu les yeux avant de remonter tes pupilles sur Naomi.
-Tu bois seul ?
Tu demandes, libérant cette question qui caresse tes lèvres. Vous êtes seuls, tu peux t’autoriser des questions plus directes.
-Boire seul, c’est triste ? Tu es triste ?
Tu poursuis avant de souffler, presqu’à toi-même.
-Comme si tu avais le droit d’être triste.
Tu inspires, plongeant ton regard dans le sien.
-J’aurais presque pensé que tu boirais aux côtés de Takamori. Ce n’est pas lui qui aurait refusé.
L’amertume s’entend dans ta voix, tu n’as pas cherché à le dissimuler.
couleur : ressentiment
des discussions. des conversations. à foison. à l'image de ma coupe qui se remplit contre ma volonté ; elles viennent à moi malgré toute tentative de fuite. confortablement allongé, j'ai mes aises. et bien, parle. viens en vite aux faits. que tout se termine plus vite. pourquoi de pareilles questions. tu t'installes. ah, ce sera long. la fatigue sociale m'écrase. est-ce la raison de ta présence ? discuter de ma boisson ? quel ennui. quand tu grandiras, tu comprendras. le doux échappatoire qu'elle procure. la force qu'elle t'insuffle lorsque face à toi se présentent des indésirables. à quelle point elle les rend plus agréables.
comme si tu avais le droit d'être triste et mon rire éclate. hilare aux notes sinistres. contre les tatamis, contre les shōji, il ricoche, mordant. je prétendrai n'avoir jamais eu vent de ce commentaire. vois, miyuki : j'ai été triste. si triste que dorénavant, en moi, siège le néant. j'ai ressenti. j'ai dépassé la limite. et j'ai dilapidé toutes mes émotions. n'aies-je pas toutes les vacances pour trinquer à ses côtés ? pourquoi me cloîtrerais-je uniquement dans ses sillages ? takamori est mon chef, mais il n'est pas le centre de ma vie. je ne suis pas né fujiwara. je n'ai ni appris à l'idolâtrer ni à le craindre dès mon premier cri. ici siège tout mon charme. du respect et de la gratitude justement dosé — pourtant assez étranger pour agir et réfléchir différemment du reste. de quoi veux-tu discuter, miyuki. es-tu venu alimenter ta jalousie ? n'aurais-tu pas meilleur temps de profiter de mon absence et aller te tenir aux côtés de notre chef bien-aimé ? la langue aiguisée. les vérités coupent. mais que veux-tu, miyuki, je ne fais que soulever les réalités que tes paroles ont laissé s'échapper.
Desperate youth
Tu installes aux côtés de Naomi sans même lui demander la permission. Peut-être qu’il voulait être seul, mais tu estimes qu’il a été assez seul. Boire de cette façon, c’est triste, et presque pitoyable. Tu es loin de penser que cela t’arrivera un jour, naïf que tu es à croire que tu es bien dans ton corps. Tu aimes te voiler la face constamment. Tu observes le saké qui trône sur la petite table, alors que tu craches ton venin sur ton cousin qui n’a rien demandé et qui t’as simplement fait l’affront d’avoir l’attention de Takamori, contrairement à toi.
La jalousie et la haine te dévorent, deux sentiments que tu connais très bien parce que tu le lis constamment dans les yeux de tes parents, lorsque ta mère accepte enfin de te regarder… Une chose qui a toujours été difficile. Peut-être est-ce une raison de boire ? Tu chasses ce sentiment qui t’envahit parfois dans ton lit, le refourguant au plus profond de ton être, au même titre que ta véritable nature et tu te concentres sur Naomi qui rétorque de manière cinglante. Tu ne pouvais pas t’attendre à autre chose, de toute manière. Tu es juste déçu qu’il ne soit pas assez ivre pour que tu puisses profiter de cet état.
-On aurait pu croire qu’il était le centre de ta vie, tant tu le suivais partout, il y a un temps.
Comme toi, toujours collé à ses basques lorsqu’il y avait les réunions de famille, sans jamais obtenir un seul regard de sa part. L’ignorance t’as toujours beaucoup blessé. Encore une raison de boire, non ? Tu inspires et continue d’agresser verbalement Naomi, comme s’il était fautif de tes doutes et de tes peines.
-Et je ne veux parler de rien… Je trouve ça simplement pitoyable que tu boives seul, comme ça. Tu ne vas pas me dire que toi, tu as des raisons de boire comme ça.
Contrairement à toi qui, si tu en avais l’âge, tu te jetterais corps et âme dans l’alcool, non Tu te mens à toi-même, pensant que tu n’as aucune raison de te perdre dans le saké. Tu te crispe aux dernières paroles de ton cousin et serre le poing sous la table, fronçant les sourcils.
-Jaloux ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu es déjà ivre ?
Tu t’offusque, sans penser que cela ne fait que confirmer les suppositions de Naomi. Tu essayes de te reprendre.
-Je me fiche pas mal de Takamori, il n’est que mon chef, je ne vois pas de quoi est-ce que je pourrais être jaloux ! C’est idiot de ta part de supposer une chose pareille.
Tu as l’impression de creuser ta tombe. Tu aurais dû attendre encore un peu, il est encore trop sobre.
couleur : ressentiment
un nouvel éclat de rire amer un temps, quel temps ? je ne lui ai jamais couru après, miyuki. ma main s'appuie, mon torse de hisse. je n'ai jamais attendu son retour. je n'ai jamais espéré qu'il me regarde. je ne suis pas un fujiwara aimerais-je prononcé. mais je ne suis plus un nishimura. juste un rescapé. un naufragé. une pièce récupérée. et quelle ironie du sort. que la vie soit meilleure ici. mais ce n'est qu'enfer déguisé en paradis.
et tu m'amuses. parce toutes tes insultes sont chétives. inoffensives. et n'effleurent pas le moindre de mes nerfs. ainsi mes remarques sont cruelles. réelles. elles t'hérissent. elles te piquent. trouve-moi pitoyable, alors, ça m'est égal. une nouvelle gorgée souligne mes mots. tu me rappelles ryuu. mais le point où tu te fourvoies, miyuki, est de croire que tu le seul ! l'unique ! pauvre pauvre enfant de tout l'immense et démesuré clan fujiwara. j'ai perdu mon cousin. j'ai perdu ma cousine. j'ai perdu mon nom. j'ai perdu mon amour. et pauvre jie lian. et pauvre suiren. et pauvre ryuu. et même pauvre eirin !
et n'essaie de te défendre. tes émotions s'écrivent sur tes traits. tu crois le cacher. mais tout est si simple à déceler. c'est si évident que même le plus saoul des sots le constaterait. et je me moque takamori-ci, takamori-ça. et t'offre un sourire grinçant cesse tes enfantillages. grandis voir. ne remarques-tu pas que les temps sont graves ? à vrai dire. même moi je me moque de ce monde qui s'effondre. qu'il se fracture. qu'il se fêle. qu'il s'anéantisse de lui-même ; tout ça m'indiffère.
Tu es terriblement jaloux de ça, envieux de tout ce qui arrive de positif aux Fujiwara lorsque toi, tu ne subis que le désintérêt de tes parents, le déshonneur d’être né homme. Pourquoi tu échoues encore et encore, alors que tu fais des efforts considérables depuis ta naissance. Tu as toujours travaillé avec un terrible acharnement pour valoir le nom de Fujiwara, pour espérer obtenir la fierté de ton père et de ta mère. Et tout ça n’a jamais payé, ça n’a jamais été assez.
Alors, tu travailles encore plus, tu fais plus, encore plus en espérant que cette fois sera la bonne. Et ce n’est jamais la bonne. Tu te dis Fujiwara, mais tu ne t’es jamais senti comme tel. Tu t’es toujours sentit comme un inconnu dans ta propre famille, lutant pour obtenir leur regard et n’obtenant que du mépris parce que tu n’es pas assez bien. Tu aurais presque préféré naître moldu.
Peut-être que tu n’aurais pas eu à subir toutes ces obligations, peut-être qu’au moins, tu aurais été aimé, et que tu n’aurais pas eu à constamment rechercher l’amour de quiconque. Et c’est là tout le problème… Tu ne trouves même pas Naomi pitoyable, tu l’admires, en vérité. Tu l’envies d’être si loin de tout ça, de ne rien attendre en retour, de simplement exister en se fichant du reste. Tu aurais presque envie de lui demander…
-Comment est-ce que tu fais ?
Tu te raidis. Les mots ont passé la barrière de tes lèvres sans que tu ne t’y attendes. Tu voulais garder ça pour toi. Tu te mords la langue, comme pour te fustiger de ne pas réfléchir avant de parler. Ou de trop réfléchir au point que les mots préfèrent sortir sans ta permission.
-Epargne-moi tes sarcasmes.
Tu lâches en serrant le poing, lui jetant un regard. Tu pourrais aussi lui casser la jarre de saké sur la tête, si seulement tu avais un peu plus d’assurance.
-C’est pour toi, que les temps sont graves. De quoi est-ce que tu as à te plaindre, toi ? Tu as tout ce que tu veux. Tu bois pour je ne sais quoi, parce que tu es dépressif ? Et toi alors, tu n’es pas capable de te relever tout seul ?
Tu craches, la méchanceté dans les mots et la rancœur dans le cœur.
tu es hilarant miyuki. tu agites ta bouche tu agites tes méninges et plus tu continues, plus tu t'éloignes. devrais-je répondre chaud ou froid à chacune de tes réponses ? et ça m'amuse. cette débâcle. ce fujiwara qui se tue à remplir les critères. ah j'ai été ainsi. un jour. quand nishimura était mon nom. qu'est-ce que tu fais je bois amer cynisme dans la voix ponctuée par un rictus narquois. de qui je me moque. lui ou moi.
ta tirade sonne dans mes oreilles. tu tries tes injustices.
essaies-tu d'en faire un concours ? pauvre petit.
de cette situation, j'en rirais aux larmes. même sobre. je n'ai pas envie de me relever. j'aime le fond du gouffre. j'aime la déchéance. j'aime ce monde où rien ne m'est demandé outre obéissance. plus je me tiens tranquille. plus on me laisse tranquille. et viendra peut-être un jour où mon sauveur viendra. mais en attendant. incapable face au colosse du destin. je reste au sol en compagnie de mes ricanes à propos du monde. je noie ma tristesse dans le rare plaisir que la vie à offrir. les sourcils haussés, encore une gorgée. un très bon remède pour les maux de têtes que tous me font subir ce soir. y compris toi. trouves-tu ta situation pire que la mienne, miyuki ? tu as toujours ton nom, toi.