Une tempête humaine éclate au son d’un hurlement furieux et Xue impérieux s’élève en improbable orage : un ouragan si tant ravageur que ravagé, élancé en charge exaltée dont tous ne sont qu’otages. Sous son joug la brume se dissipe à l’instar d’un mauvais songe, bien que piégé dans ses volutes à jamais se meurt le souvenir de Tsukino en perdition, une baguette d’acacia en maigre relique perdue en mains étrangères.
Ses propres pas décollent à la suite de la rafale aux crins de cuivre tandis que l’appel écartèle impitoyablement ses mâchoires : Xue ! Ils sont partis, et engoncé entre ses gencives, plus bas qu’un susurre : Merde. Ils sont partis.  

Et ils tournent, virent, oscillent sur leurs pas en lentes valses par-delà la multitude étouffante de la forêt de bambous, seulement brisée par la réapparition d’êtres aux traits hantés au tandem de leur voix unique en discordant concerto. Sa main fermement enserrée sur sa baguette, Ieyasu trépigne dans la tourbière de sa propre nervosité, ses dents claquent et s’ouvrent pour en déverser litanie de complainte—
Mais la voix profonde d’Akshar claque comme un fouet dans le silence, lacère les chairs et n’en délaisse en lie de plaies purulentes que visions de violence. Le colosse d’ébène exhorté d’ardeur avec tant d’impétuosité au bord de ses lèvres vengeresses, se dresse et enserre la gorge de Takashi— à cette vue mille brasiers s’enflamment de son cœur à ses côtes, l’incendie terrasse ses bronches et le délaisse asphyxié à son propre souffle. Une sentence empreinte de Takashi—rauque sous le joug de l’émotion qui emprisonne sa gorge Ne ne parle pas ainsi de Takashi ! Mais son timbre ne s’élève guère plus haut qu’un murmure étouffé, noyé sous le tumulte incessant, alors que l’ultime tirade crève son cœur. Soumis à ce visage extirpé des bras de la mort sa résolution ploie et se brise en éclats : Ieyasu s’agrippe à lui-même en seul et misérable refuge, l’œil turgescent fixant le terrible spectacle de diffindo.
Et il ne veut pas voir ce carnage, un sang épais se déverser en rivières carminées, un derme fendu et exposé librement à toute contemplation, assister à nouveau à ce corps aimé devenir ruine dans ses bras inutiles. Si futile, si inutile, toutes ces connaissances et cette sagesse théorisée, que de mots planant sans jamais s’échoir en fondements. Ce n’est pas Takashi, pas le vrai aux sourires angéliques, à l’instar de ce garçon-renard assassiné, et Ieyasu connait cette vérité des méandres osseux de sa propre existence, pourtant la scène rappelle d’autres circonstances et le borgne préférerait arracher son dernier œil que d’être à nouveau témoin de cette agonie. Arrête !



ieyasu tourne en rond, veut régir face aux deux spectres mais n'en a pas le temps et assiste au carnage d'akshar, est énervé à la mémoire bafouée de takashi, et assiste inutile tout en étant à deux doigts du craquage mental.

Il n’y a guère plus d’autres choses en ce monde que cet amas de chairs aux traits estampillés de familiarité : ce visage ingénu connu depuis toujours mais pourtant si étranger en cette heure. Rien de plus ni rien de moins que ce défunt transcendant la mort et cette main salvatrice sur son épaule au rythme d’une litanie lointaine, car ce n’est pas lui et cela ne le sera jamais peu importe le nombre croissant de remords. Et cette peau fendue la pulpe égorgée pourpre de— feuilles.

A ce non-sens le temps semble désagrégé tandis que Ieyasu en dérive à cet enchevêtrement : à peine un supplice disparu que la terre se voit fléchie par des soubresauts en toute sa détresse tellurique, et le soleil si tant douloureusement soudain que magnifique —vif, incisif, la cornée percée de rayons depuis longtemps perdus dans un enfer humide. L’empyrée éclairé, l’océan déversé, et la venue d’une grâce terrestre : Yokai en son infinie majesté leur offre le calme incongru de tempêtes passées, un espoir annoncé. Les méchants, risible manichéisme car tous ne sont que le méchant d’un autre ; mais Ieyasu abasourdi n’en adresse nulle parole, non plus subjugué par l’eau au-delà de leurs têtes, mais toujours inlassablement noyé par son propre océan de consternation, sa propre détresse entre ses mains pécheresses. Prendre les morts et les blessés, il y a tant de cadavres à ramasser car combien sont-ils tombés au prix d’un eugénisme malsain, d’une suprématie sanguine : à en croire que les sorciers ne jurent que par l’hémoglobine et sa valeur.

Et Xue s’envole en quête d’âmes disparues déjà loin dans des cieux éclatants ; Akshar en vaillant égorgeur dont la main repose inconvenante sur son épaule, encore et toujours soutenu à tel point qu’il ne trouve cela que lassant.
Allons-y. Ne demeure plus que la douceur polie du bois de châtaignier dans sa main, inutile.



ieyasu nage encore en plein délire mais au moins il va suivre akshar.