Mobilisé au bon vouloir d'un empereur, le démon ne portait aujourd'hui pas de masque. La nuit suffisait à un camouflage naturel, usé par de multiples prédateurs : cette nuit-là, les Tsukino n'étaient pas les seuls à agir. Pour l'occasion, Meruem avait renvoyé ses cheveux en arrière, laissant quelques mèches frisées encadrer son visage. Son regard de braise s'allouait les faveurs d'une terreur qui leur était attitrée, et qu'il ne laissait entrevoir qu'en ces rares occasions—Nora n'avait plus lieu d'être.

La nuit lui appartenait, désormais.

Aux soins d'un corps si bien entretenu par un exercice régulier, il avait enfilé cet haori ébène qu'il rêvait de pouvoir à nouveau porter. Les vêtements féminins n'offraient pas un tel confort, et l'euphorie d'une si rare sortie rendait son humeur presque mielleuse. Sans nul mot, car à sa loyauté, l'autorité de Rajan se suffisait, Meruem lui emboîta le pas jusqu'au sanctuaire des yôkai, non sans garder un œil sur son neveu.

Aussi déraillées que tiraillées par une dualité supposée fictive, ses pensées se troublaient à l'occasion, et d'un tel égarement, à n'en pas douter, un semblant d'affection était né. Sa famille représentait quelque chose de sensiblement différent d'une totale vacuité sentimentale—tant et si bien qu'il en appréciait la venue.

De pareils écarts, toutefois, ne le tiendraient jamais éloigné de ses projets, pas plus que d'éventuelles décisions, si cruelles qu'elles s'avèrent devenir. Pour aller à l'encontre de sa volonté, il fallait davantage que l'étincelle d'un cœur humain en marche. Lorsqu'il arriva sur les lieux infestés par une panique imbécile, ses lèvres frémirent d'agacement avant de retrouver le chemin de l'amusement—une silhouette familière était en vue.

Awataguchi-san. Quel plaisir de rencontrer quelqu'un comme vous.

Cette ironie doucereuse teintait le compliment d'un indéfectible doute, rendant ses intentions mystérieuses. Un maigre sourire peint sur un visage à moitié voilé par les ombres, Meruem profitait de l'instant, comme une liberté finalement acquise.

Confiné au silence, du fait de son respect envers Rajan, Meruem lui emboîtait le pas. En ces situations, où l'incertitude aurait dû peser son coût, l'ermite en était exempte : il avait pris l'habitude de suivre le jeu de son dirigeant dont la confiance en lui était presque flatteuse. De son utilité dont il n'effleurait pas encore les limites, sa propre sûreté était assurée, au bon regard de leur dernière discussion. Sans nulle crainte, Meruem se dévouait à sa cause, et se gardait de tout intérêt pour Seimei.
S'il y était officiellement affilié, il se refusait toute association envers cet arrogant hybride—préférant se cantonner aux autorités de son chef de clan. Toutefois, de telles pensées n'amenaient que la discorde et par principe, il se garda de les partager—faute de quoi, il appuya les affirmations de l'ancien professeur.

Vous aurez certainement compris les raisons de notre visite, Awataguchi-san. Vos talents nous intéressent. Je n'aurai pas l'audace de vous imposer nos opinions, mais à l'inverse du pouvoir impérial, nous refusons de rester inactif.

Un discours, si pertinent qu'il soit, donc seul Rajan pourrait percevoir l'ironie. Sans son intervention, Meruem serait certainement resté cloîtré, loin du monde, faute d'en éprouver moindre intérêt—et si l'inactivité avait une forme, elle serait certainement celle de ta naturelle allure.