THE TRUTH IS RARELY PURE AND NEVER SIMPLE

Vérité.
Mot de six lettres, féminin, dont la définition est aussi simple que devrait l’être sa signification – souvent utilisé, volontairement à tort, par les menteurs – : connaissance conforme à la réalité. Une parmi tant d’autres, mais que je trouve plutôt adaptée à la situation.

La vérité peut varier, d’une personne à l’autre, selon ce qu’elles savent des faits réels.
C’est ainsi que, lorsque Nael affirme qu’Ayumi et que Kazuki ne font partis de notre famille, il dit la vérité – parce qu’à ses yeux, ça l’est. Et c’est ainsi que, pourtant, à force de question et de recherches, j’ai fini par découvrir que nous étions bel et bien liés par le sang – la réalité des faits.
On ne peut pas mentir quand on ignore ce qui est vrai.

J’avais des doutes, depuis un long moment déjà. Et j’avais finalement obtenu les preuves qu’il me fallait, au cours de l’été.
J’avais échappé aux questions insistantes de Kazuki un trop long moment, déjà. Je ne pouvais l’esquiver éternellement – ou plutôt, je pourrais : il ne me restait que quelques mois avant la fin de ma scolarité, après tout. Mais en avais-je envie ? Pour être honnête, je pense qu’ils sont en droit de connaître la vérité.

J’ai griffonné quelques origamis ; une demande de réunion officielle. La salle de cours commun, dès que possible – peut-être un peu trop formel, à l’image de mes parents.
Alors je les attends, assis sur le bureau, les bras croisés.

THE TRUTH IS RARELY PURE AND NEVER SIMPLE

Les réactions sont toutes aussi différentes que les personnes composant le groupe. S’il n’y avait les ressemblances physiques, les liens du sang seraient sujets au doute – oh, mais ils le sont déjà ; c’est justement le sujet du jour.

Ayumi prend la situation avec calme. Kazuki, avec un enjouement bien trop empressé. Kazami, avec plus d’hésitation. Nael, avec dédain – le seul à me faire penser au reste de la famille ; ce qui n’est en rien une qualité.

Je hoche la tête à la remarque de la première arrivée, un demi sourire aux lèvres, avant de lever la main devant son frère, pour lui faire signe de se calmer. Mon regard s’attarde sur ma sœur, avec une amertume qui ne lui est pas destiné – notre relation se risque à se fragiliser, maintenant que je me destine à reprendre mon rôle d’héritier. J’accorde à peine une œillade au dernier ; cette affaire le concerne moins que d’autres.

« Oui, je vais tout vous dire, cette fois. Ça ne devrait pas être à moi de le faire, mais – Une pause, courte. Personne, parmi cette famille, ne prendra la peine de le faire à ma place. »

Je m’assois contre le bureau, jaugeant les quatre adolescents me faisant face.

« A vrai dire, ils essaient de le cacher. »

Les secrets. Si toutes les familles en ont, ceux des Hayashi sont bien plus sombres que ce que d’autres pourraient considérer comme honteux – adultères, guerre d’héritage ; toutes ne peuvent se vanter d’avoir des squelettes dans leurs placards.
Et je suis persuadé qu’il en est de même pour chaque clan de sang-pur.

« D’après ce que j’ai pu comprendre, vous appartenez à une branche de la famille, dont votre père a été renié. Il n’apparait plus sur les arbres généalogiques d’aujourd’hui, mais en fouillant dans des archives, j’ai retrouvé son nom, sur un fairepart de naissance. »

J’avais déjà entendu ce prénom, en surprenant une conversation hâtive entre ma mère et une de mes lointaines tantes – sa sœur. "Ça ne peut être pire que ___" avait-elle dit, avant que ma génitrice ne la coupe, avec autorité : "Nous ne parlons plus de lui."
La véhémence de sa réponse m’avait surpris, mais mon regard interrogateur n’avait eu que pour seule réponse un air mauvais de ma mère, me dissuadant de poser toute question – je ne cherchais déjà plus à discuter avec eux, à l’époque, de toute façon.

« Ce que les Hayashi ont en horreur, plus que n’importe quel espèce, ce sont les cracmols. Il semblerait que votre père en soit un, ce qui explique qu’ils aient préféré le renier, plutôt que d’assumer ce qu’ils considèrent comme une erreur, parmi leur sang. »

Jugé sur un élément aussi arbitraire et pour lequel il n’était pas responsable… Tss, certaines valeurs restaient aussi idiotes que mauvaises.

THE TRUTH IS RARELY PURE AND NEVER SIMPLE

Comme je m’y attendais, les révélations ne pouvaient être bien acceptées par tous. La vérité n’était pas toujours simple à digérer, ni même à accepter. Elle permettrait à Ayumi et Kazuki, au moins, à comprendre et alors, seulement, ils pourraient avancer.

La claque envoyé à Nael, aussi inattendue que méritée, me laisse attentif de la réaction à venir du concerné – je le devine bouillir, sous l’attente d’une occasion pour rendre la pareille.

C’est le plus jeune qui occupe mon attention, à son départ. Kazuki est probablement celui qui aura le plus de mal à avaler cette injustice – il est encore jeune, aspirant à une certaine forme d’innocence, que cette famille réduit en miette, par le biais de mes aveux.

Mon cousin s’emporte. Prévisible. Avec un soupir, je réponds à sa question (sachant parfaitement qu’il s’en fichera) :

« Ils sont en droit de savoir. »

Une explication qui n’a pas besoin de davantage de justification et qu’il ignore, trop occupé à déverser sa rage. Mais alors que je le vois approcher ma sœur, j’interviens cette fois, agrippant son poignée avant qu’il ne puisse l’abattre. Je le repousse sans ménagement, jusqu’au mur le plus proche, le regard lourd de sous-entendu.

Il fini par me repousser, brusque, mais moins offensif. Je sais qu’il n’en fera pas davantage – seulement qu’il ne s’avouera jamais vaincu.
Il quitte la pièce.

J’inspire profondément et lisse mes vêtements, avant de me retourner vers les filles. D’un air désolé, je m’adresse à Ayumi :

« Je crains que la réponse que t’ait donné Nael ne soit la bonne. En effaçant votre père de l’arbre généalogique, ils ont aussi nié l’existence d’une quelconque descendance. »

Seul un intérêt particulier pourrait les faire s’intéresser à ces adolescents portant encore leur nom. Autrement, les Hayashi sauve l’honneur jusqu’au bout.
Nael a bien assimilé leur manière de penser – et, malheureusement, de l’adopter.