C'était peut-être dans un silence martial qu'il avait observé les feux de couleurs éclore dans la nuit comme des fleurs. Il avait apprécié les moments d'accalmie et d'hilarité qui n'avaient peut-être pas encore leur place, il avait écouté les rires timides des élèves qui auraient dû redevenir petit à petit l'usage, la mélodie habituelle des couloirs.

Ce moment transitoire il en avait savouré chaque instant, sans en faire partie, comme un personnage insignifiant dessiné sur le fond d'une toile.

Et puis soudain les cris et l'effroi retombèrent comme un déluge glacé. Plus haut, un kitsune pris au piège dans les bras d'un yōkai, son visage lacéré de griffures déjà écarlates. Tout allait trop vite et tout semblait lui échapper. Ren sentit son visage prendre des couleurs violentes et le sang affluer jusque dans le bout de ses doigts ; quelque chose de corrosif crépitait dans le fond de son ventre.

Le grincement métallique de son fourreau raisonna dans la nuit, pourtant il se ravisa lorsqu'il entendit Hayashi prononcer un sort vers le yōkai emprisonnant Taichi. Il souffla entre ses dents. Trop d'élèves à la fois concentrés en un point et à la fois éparpillés : trop de dommages collatéraux.

Il troqua finalement sa lame pour sa baguette dissimulée sous les étoffes et courut vers l'otage, visant la créature à cornes. Dans ces effusions, l'enchaînement des sorts lui semblait impératif.

— Lashlabask.

C'était un tourbillon d'eau, un serpent de mer fait de vagues qui rugissaient de l'autre côté de l'océan, emportant avec lui les yōkais et bien plus efficace que tous les sorts qu'il aurait osé jeter. Une bourrasque qui les traversait et revenait aux écumes, guidé par le directeur. Ren avait gardé les yeux sur la foule et s'était dressé comme un bouclier devant Hayashi, le laissant dépêtrer son camarade de sa prison de sable.

D'abord ses lèvres se contorsionnèrent face aux ordres de Hidenori ; il essayait de taire le souvenir des réponses ambiguës que le directeur avait apportées quelques jours auparavant, d'étouffer le doute qui l'animait dès qu'il déposait son regard sur la silhouette de cet homme qui incontestablement faisait bien mieux que lui. Ren souffla puis tourna sur lui-même, amplifiant d'abord ses mots d'un Sonorus. En porte-voix, il appela à lui les élèves qui ne s'étaient pas encore attroupés autour des professeurs et les accompagnait vers le point de rassemblement.

Il ignorait si quiconque s'était égaré, ses bras faisaient des signaux et attrapaient par l'épaule ceux qui déviaient la marche, et lorsqu’ils furent encerclés par les feuillages, Ren revint chercher le visage griffé de Taichi. Il sortit un mouchoir de tissu qu'il gardait sur lui pour les larmes des élèves et le pressa contre les éclaboussures rouges du visage du kitsune.

— Pour l'instant, nous allons devoir suivre le mouvement. Sa voix avait de nouveau pris ses tessitures silencieuses. Ne vous écartez pas.

Les chaumes les surplombaient et semblaient vouloir les garder prisonniers, et Ren ignorait ce qu'il pouvait faire de plus tandis qu'ils étaient tous compressés entre les tiges de bambous.