Enfant, tu as vécu ta plus grande peur à 9 ans. Rentrant chez toi, à Hikone, sur le bord du lac Biwa, tu avais failli tomber du pétrel-tempête géant qui te portait. C’en était suivi la peur de retourner à l’école avec ce moyen de locomotion et surtout la peur du vide. Ton père était sévère et ferme, il t’obligea à remonter sur l’oiseau et à retourner à l’école, tandis que ta mère avait essayé de t’apaiser avec des mots doux et de la tendresse.
Tu avais lu la déception dans le regard de ton père et tu avais voulu changer cela en travaillant dur à l’école. Tu fus ravi le jour de ta 5e année quand tu n’avais plus les voyages à faire. En revanche, ton enchantement redescendit bien vite avec les cours de vol. Les conseils étaient comme des miettes de pain gaspillées. Tu avais juste peur et ne pouvais pas le faire. Tu abandonnais alors l’idée d’être parfait. Le regard des autres te faisait mal au début, avant que tu n’en deviennes complètement indifférent. Ton père n’appréciait pas. Il voulait que tu sois excellent, pas médiocre. Au fil des années, la situation se tendait entre vous. Car tu avais besoin de liberté et tu les prenais. Car il restait pareil à lui-même : froid et distant, sévère et rigide, strict et intransigeant. La relation s’était également détériorée un peu plus quand tu as appris des vérités cachées au sein de la famille. Le frère aîné de ton père qui avait été déchu de son rôle d’héritier pour avoir aimé quelqu’un qui n’était pas de sang-pur. La mésaventure de ta tante qui avait été outragée et l’enfant abandonné. Tout cela t’avait mis hors de toi. Si la survie de la famille prévalait avant toute chose, pourquoi rejeter ceux qui suivaient leur coeur ? Pourquoi abandonner ceux qui ne pouvaient rien à leur sort ? Tout ça à cause d’une histoire de sang pur ?
Tu avais cherché à savoir, à comprendre. Tu t’en prenais à ton père avec qui tu te montrais dur. C’est ta mère qui a dû intervenir pour que tu essaies de comprendre ton père, tes ancêtres, tes origines. Mais ta mentalité ne correspondait pas à la leur.
Tu laissas ta mère te convaincre et acceptas de ne plus être aussi virulent.

Les tensions diminuèrent avec l’annonce de tes fiançailles quand tu fus en 10e année. Tu n’avais pas fait d’histoire. Tu avais accepté, car tu savais que ce jour arriverait. Ce ne fut pas forcément le cas pour Maiko et pourtant tu y avais cru, après cette fois-là au bord du lac Biwa et de ce baiser échangé. Tu lui avais fait entr'apercevoir la fragilité de ton être. Après tout, juste avant, tu avais perdu deux personnes : un cousin que tu aurais aimé connaître et ton meilleur ami qui avait disparu. Tu te sentais coupable à cause de tes mauvaises décisions. Et pourtant, c’était trop tard.

Si tu pensais que tu étais en train de tomber amoureux de Maiko, c’était une erreur. Tu l'as compris lors de ta 11e année. Était-ce une amitié forte ou vraiment l’amour qui te liait avec le jeune Ashe ? Tu n’en savais rien, mais tu te laissais porter sur le flot des sentiments. Tu testais et éprouvais l’amour. Tu cédais à la passion aussi. Ce ne fut pourtant pas une année douce pour autant. Juste avant l’été, une attaque de l’île te fit comprendre tes faiblesses, en plus de tes sentiments.
Dans la douceur de la saison chaude des vacances te fut profitable sur le plan émotionnel. Le jour de tes 18 ans, tu te mis en couple avec Ashe. Une folie de ta part. Votre relation devait rester discrète, voire même secrète, car tu étais fiancé. Tu ne savais pas vraiment comment gérer, alors… pourquoi gérer ? Autant vivre et voir ce qu’il adviendrait de l’avenir.

C’était comme si ta bonne étoile t’avait entendu. Environ un mois plus tard, Maiko rompit les fiançailles. Tu avais été surpris. Tu ne comprenais pas vraiment. Mais au moins, c’était une bonne chose pour toi et Ashe, même si l’amour entre deux hommes, au vu de la société dans laquelle vous viviez, ne pourrait être prospère sur le long terme. Tu profitais de ta jeunesse et tu faisais bien.

Fin octobre 1997, tu assistais à un procès pour lequel tu avais été invité à y assister. Sombre spectacle. Révoltant même. Tu avais été choqué, révolté et écoeuré. Ta faiblesse te revenait à l’esprit. Tu trouvais tes dirigeants stupides. Le pire était que tu avais rejoint l’affiliation Shuusei et que tu en venais à douter de ton choix. Cependant, tout pouvait encore changer. Tu avais l’espoir. Ton père n’approuvait pas tes choix, mais qu’approuvait-il vraiment ? Tu avais compris qu’il soutenait Yutsu. L’idéologie du sang, c’était lui tout craché. Cependant, tu ne cherchais pas le conflit. Tu étais même heureux qu’il ne t’impose pas de t’affilier à eux. Tu supportais de moins en moins ce père qui était le tien. Tu avais la chance, comme tant d’autres, de ne pas avoir à le supporter tout le temps, seulement pendant les vacances et certains week-ends. Tu le trouvais hypocrite de soutenir ouvertement le Ministère, pour lequel il travaillait, mais d’épouser en réalité la cause Yutsu. Certes, au vu du procès, son comportement était compréhensible, surtout que nous n’étions pas une des grandes familles puissantes. Nous n’étions même pas un clan.

Puis tout vola en éclat. Le dernier jour de l’année, encore et toujours. À croire que ce jour était maudit. Les valises étaient faites et soudainement une prise d’otages se déclara. Hésitation entre se révolter ou patienter. Seulement les esprits des plus jeunes s’étaient échauffés, contrairement au comportement passif des professeurs qui étaient aussi victime de cette détention dans le dortoir des Yatagarasu. Encore une fois, tu n’avais pas su comment réagir. Tu te voyais être trahi par des amis à cause d’une idéologie. Tu voyais la personne que tu aimais se battre pour votre liberté. Ton soutien dans la lutte te sembla dérisoire. À la suite d’un tremblement de terre, ce ne fut plus des êtres faits de chair et de sang qui furent vos adversaires, mais des statues. L’incompréhension était totale et se prolongea quand tu te retrouva dans les airs, dans les bras d’un assistant Tsugikuni. La peur t’envahit et tu cédas à son étreindre lorsque tu fus totalement lâché dans le vide. La crise d’angoisse fut difficile à calmer, d’autant plus avec l’hostilité qui régnait toujours. Puis, dans un mouvement de fuite, tu avais suivi Ashe. Malheureusement pour vous, vous avez été rattrapé par la professeur Fujiwara qui blessa ton compagnon sous tes yeux, mettant fin à toute tentative d’évasion. Tu ignores comment, mais tu eus le réflexe de le soigner. Le message diffusé presque en même temps sonnait la fin des combats. Il y en avait donc eu d’autres ailleurs ? Les mots prononcés par Seimei te frappèrent. Tu ne savais comment réagir. Comme d’habitude. Tu acceptas la défaite, que pouvais-tu faire réellement ?

Après cela, tu rendis visite à Ashe tous les jours à l'hôpital, car il avait perdu connaissance. Tes parents ne comprenaient pas trop pourquoi tu tenais tant à un ami, mais ne dirent rien. Ton père était ravi du changement de régime. Il pouvait enfin lui, sans aucun doute. Et toi, tu étais abattu par ce changement. Même si tu reprenais les rênes de ta famille maintenant, tu ne pourrais pas en faire ce que tu voulais. Il fallait s’adapter, même si cela ne te plaisait pas.

S’en suivit alors une éclipse, le jour même où Ashe sortit de l’inconscience. Tu étais à son chevet à ce moment-là, car tu t’étais assoupi la veille au soir près de lui. Ce fut un triste bonheur de le retrouver mêlé à un désastre de ne pas pouvoir faire usage de la magie. Tu étais touché par la mort de l’empereur également. Bien plus que par celle de la femme à la tête du Ministère.

Quand tu pus retrouver l’usage de la magie en te liant à une divinité,  tu le fis presque immédiatement. Tu étais né avec. Elle faisait partie intégrante de toi. La sensation de manque que son absence procurait t’étais désagréable et tu te sentais mieux une fois que tu l’eus retrouvé.

Ainsi pouvait commencer ta dernière année à Mahoutokoro. Tu te doutais qu’elle ne serait pas simple, mais tu essayais de relativiser les choses.